Ziresh avait bien fait d'ouvrir la porte calmement plutôt que de la défoncer pour s'engager dans un éventuel assaut. Car s'il avait eu, d'une part, l'occasion de se rendre compte de l'état déplorable de la cale, il pouvait aussi voir à quel point cet endroit était dangereux. Chacun de ses pas lui donnait l'impression qu'il allait risquer sa vie. Et il n'en avait fait que trois, afin de constater un peu mieux ce qui pouvait se trouver dans cette salle.
Rien de vraiment particulier, en somme. Des tonneaux brisés, ce qui ne l'étonna pas vraiment plus que cela. Et aussi des restes de cordes, si anciennes qu'elles étaient dans un état filandreux qu'il n'avait encore jamais vu auparavant. Une telle vieillesse, il n'en avait vu qu'à travers certains arbres, et encore. Ces seules broutilles, en tout cas, avaient de quoi le surprendre à chaque fois un peu plus. En explorant un peu mieux l'antre du regard, il ne put cependant pas passer à côté d'une vision des plus surprenantes, pour ne pas dire "macabre". A vrai dire, cela était sans doute étrange pour beaucoup de gens, mais il fallait admettre qu'un "cadavre", un "corps", un "macchabée" était toujours bien différent d'une "squelette". Après tout, un squelette, ce n'est que du calcium, des os, quelque chose qui n'a du reste de sa vie que des vêtements, parfois. La chair, aussi putréfiée qu'elle soit, est plus dérangeante, car elle rappelle toujours l'être qu'était auparavant la dite carcasse. Il y a des cicatrices, des yeux, des cheveux. Là, ce squelette n'avait rien de plus que ses os. Sans doute sa tenue s'était elle dissoute avec le temps.
Toutefois, un détail rappelait cependant Ziresh à l'ordre: sa position. En effet, ce squelette était assis. Manifestement, ce navire avait sombré, le temps seul n'avait pas été responsable de cet état, sans aucun doute. Le pont avait été détruit, le mat aussi, et sans aucun doute la coque du bateau. Pourtant, ce squelette était assis, là, empoignant un petit coffret. Mourir en empoignant un objet est une chose, maintenir une position assise en est une autre, non? Pas vraiment sûr d'être en sécurité, le jeune liykor considéra malgré tout que le contenu du coffre pouvait être utile. Si ce n'était pas un piège, un homme ne se serait jamais démené pour enlacer une telle chose. Et si c'était un piège, on ne se serait pas donné autant de mal pour placer un coffre entre les mains d'un possible squelette enchanté au beau milieu d'un navire en ruines...
(C'est dingue ce qu'un aventurier ferait par profit, sans même savoir s'il fait bien...)
Non sans honte, Ziresh fit abstraction totale de l'homme qu'avait été le squelette, tant l'aspect "humain" de la chose ne l'avait même pas percuté. Il laissa son paquetage à l'entrée de la cale, lâchant une demande à l'intention de Depheline, dont il était censé être responsable.
"Chargez-vous bien de surveiller mes affaires. Il y a des choses auxquelles je tiens, là dedans." fit-il en signant une main sur le cœur (symbole universel de confiance), puis dénonçant son sac de l'index. Il pensait notamment à la rune que son clan lui avait offerte pour son départ.
Désormais allégé, armé uniquement de sa lance, de son semblant d'armure et de ses bonnes intentions, il s'approcha à pas de chat (ou de loup?) du coffre, la lame de la lance le plus proche possible de sa main afin d'enchaîner avec un possible combat au corps à corps. Dès qu'il fut à portée, il posa la main sur le coffre noir, détachant petit à petit les doigts osseux de marin décédé, et dès qu'il en eut l'occasion, il le prit sous le bras. Son intention était de l'amener directement à l'entrée de la cale pour ne pas risquer de perdre trop de temps à l'ouvrir et à voir le plafond s'écrouler sur lui...
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