L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Cellule n°3 (âmes sensibles s'abstenir de toute lecture)
MessagePosté: Jeu 29 Sep 2011 16:40 
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[ [:attention:] Âmes sensibles s'abstenir. Et évitez de manger en lisant. Je vous aurai prévenu.]

Cellule n°3


    H-1

Alors que la princesse aldryde déclenchait l’ouverture de la porte en bondissant sur la poignée, elle put entendre un sombre bourdonnement apparaître, dans la cellule juste derrière. Comme si des milliers de mouches l’occupaient, et voletaient à l’intérieur avec frénésie.

Et la vérité n’était pas loin.

Il faisait sombre, obscur. Les nuages de mouches noirâtres masquaient la faible lumière provenant de la meurtrière, à l’opposé de cette cellule architecturalement semblable aux autres. Elles formaient un brouillard vivant et bourdonnant, tant elles étaient nombreuses. Pas suffisamment, cependant, pour masquer totalement la vue aux curieux de passage. Hélas. Car la présence de ces mouches était aisément expliquée par l’odeur âcre et nauséabonde qui se dégageait de la pièce. Mélange de chair pourrie, d’excréments et de maladie. Une odeur repoussante, à faire défaillir les plus résistants.

L’odeur aussi, en plus de la présence des mouches, était expliquée. Sur un tréteau de bois en forme de X, formé de deux grosses poutres en bois sombre et fixées au mur à l’aide de chaines et de clous, une silhouette était attachée. Clouée, plus exactement, à hauteur des poignets et des chevilles écartés. L’homme, car il s’agissait bien d’un homme, avait les chairs nécrosées et putrescentes. Des taches noirâtres parsemaient sa peau, faisant s’écouler un sang puant la maladie. Des ecchymoses violacées ou jaunes marquaient son corps, en divers endroits, signes de violences et de saignements intérieurs. Quelques coupures marquaient son poitrail, ses cuisses, ses bras. Suffisamment pour en faire dégouliner un fin ruban de sang, mais pas assez pour l’en vider. Une plus grosse balafre boursoufflée barrait son ventre, à hauteur de ses intestins.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride, d’où sortaient de noirs bataillons de larves, qui coulaient comme un épais liquide le long de ces vivants haillons.1

Vivants, oui. Car l’être l’était bel et bien. Son regard vert fixé vers la porte, empreint d’une panique omniprésente, mais lasse et fataliste. Nul rictus ne marquait ses traits, car ses lèvres, et tout le contour de sa bouche avaient été arrachés. Seules persistaient ses dents serrées, agrippées dans ses gencives infectées où se posaient nonchalamment les insectes volants, afin de pondre un peu plus leur infecte progéniture.

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L’homme avait plusieurs fois déféqué, et baignait littéralement dans ses excréments. Cela faisait longtemps qu’il était dans cet état. Et visiblement, il était maintenu vivant comme tel. Ultime torture d’une âme viciée, d’un esprit détraqué sans aucune compassion ou respect pour la vie…

1. extrait de "Une charogne", Baudelaire.

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 Sujet du message: Re: Cellule n°3 (âmes sensibles s'abstenir de toute lecture)
MessagePosté: Sam 1 Oct 2011 11:31 
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Mortel, pense quel est dessous la couverture
D'un charnier mortuaire un corps mangé de vers,
Décharné, dénervé, où les os découverts,
Dépoulpés, dénoués, délaissent leurs jointures ;

Ici l'une des mains tombe de pourriture,
Les yeux d'autre côté détournés à l'envers
Se distillent en glaire, et les muscles divers
Servent aux vers goulus d'ordinaire pâture ;

Le ventre déchiré cornant de puanteur
Infecte l'air voisin de mauvaise senteur,
Et le nez mi-rongé difforme le visage.


(...)



*


- Ah, bah ici au moins ça le fait !

Emeraudes.

Hier encore, c’était fraîche matinée qui nous éreintait de ses doux épanchements de rosée, de ses délicates fragrances, celles d’un printemps perdu au cœur d’une clairière percée des lueurs aurorales, de ses éclats célestes mêlés d’or et de vert – mille émeraudes serties mieux que nul autre joyau sur l’or divin de Gaïa. N’est-ce pas ici la vérité, que je chante, ô lecteurs qui fûtes de mienne compagnie depuis le jour qui me virent séparée d’Yscambielle la Grande ? Point n’oyez-vous donc, là que je narre ces glorieuses heures enchâssées dans pure beauté – point n’oyez-vous donc les rondeaux, les ballades, les panégyriques lais que faisaient alors les oiseaux dispersés dans l’altière canopée ? Et de ces frondaisons superbes qui nous étaient refuge, ne percevez donc plus guère les senteurs amènes de noble terre, enfantée de Yuimen, de l’écorce jeune, de la feuille éprise de brumes matinales ? N’avez-vous donc sur la peau, tout alors que je conte, cette brise légère qui effleure la joue mieux qu’une main aimante, ces tournoiements insolubles qu’elle générait naguère – nébuleuses éphémères et aériennes de poussière d’or, mêlée tout encore de papillons, de libellules, et de force présence : car Gaïa, pour sûre, en était habitante, et honorait de sa Lumière auguste cette noble clairière où jadis je me fis mener par le haut empire que Cétayales émit sur mon esprit.

Et désormais, le bruit assaillant, belliqueux et terrible empoigne mon ouïe, elle d’ineffable finesse, et témoignant d’une outrecuidance sans faille il assène à mon esprit affolantes algies desquelles je ne puis que fuir ! Où sont les clairières d’antan, qui laissaient l’âme en repos aussi longtemps qu’elle-même point n’en troublait les parages ? Où sont les impérieux équipages de lumière, qui font suite au soleil et à la lune, et qui point ne laissent ici les pions damnés du destin s’enorgueillir de leur…

...

- Oh ?

Emeraudes.

C’est l’estocade sous les embrassades. Oyez, comme silence ici n’est point, et point non plus de cris féroces augurant funeste bataille – ici est le ronronnement éternel de la paix antédiluvienne, celle qui certes baignait les dieux lors de leurs hauts accomplissements de vie, celle qui jouait les notes primes d’un monde à naître, celle qui régnait, maîtresse, sur une terre qui point n’était encore et se faisait reine du cosmos dans son absolu infini. Et là, qui s’offre à ma noble vue ? L’univers en création qui se meut et s’abîme dans les bourrasques immanentes du néant – tout se voit ici confondu, en absconses nébuleuses qui ne dissocient ni la vie ni la mort, ni fini ni infini, ni bien ni mal, ni être ni néant… Ici sont les galaxies éclatantes, myriades d’étoiles syncopées un instant dans l’immense chaos d’une existence en marche, éclats de jais noirs car point encore épanouis dans l’aube des temps.

Et ces astres infantiles s’acheminent dans furieux bourdonnement, lui-même qui orchestre leur éclosion au sein de l’abîme béant, s’avançant ardemment vers moi. Certes me reconnaissent-ils comme seule reine ! Car quand bien même mon front se fait oublieux du diadème, quand bien même ma main aux grâces inénarrables ne souffre plus le port du sceptre victorieux, quand bien même mes yeux offerts en pâture à la vue indigente laissent entrevoir leurs blessures par trop nombreuses – eh bien, toujours suis-je élevée par le rang qui est mien et qui, toujours, se lit dans mes gestes.

Et alors, lecteurs qui savez être de moi les plus fidèles amours, contemplez comme ces orbes aux sombres irisations, mus par la flamme, et par d’hyalines ailes (que vois-je ?) fondent sur moi comme pour m’honorer ! Elles se posent en essaims toujours grossis, sur ma tête, sur mon ventre, sur mes membres flattés de leur considération, car ces étoiles désireuses de ma seule personne me désignent ainsi – reine parmi les reines, je suis celle d’un microcosme. Mais alors que leur passion devient à porter impossible (qu’est-ce que c’est lourd, une meute d’étoiles !) je m’exclame et aussitôt prennent-elles la fuite, soumises à ma volonté et sujettes de mes commandements.

...

- Oh.

Emeraudes.

Au diapason de leur envolée soudaine, ô lecteurs, voyez ainsi que moi au creux de cette explosion cosmique comment s’érige le dieu gouvernant cette nuée éparse – ses deux yeux étincellent plus que ne le feraient, assurément, les émeraudes rassemblées des pays les plus riches.

- Qui êtes-vous ?

Car s’il est dieu, lecteurs, croyez bien qu’en ces lieux de ténèbres carcérales, il ne peut être que Phaïtos lui-même. Et j’en conçois, assurément, haute et inexpugnable méfiance à son égard.





((Sonnet de Chassignet.))

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 Sujet du message: Re: Cellule n°3 (âmes sensibles s'abstenir de toute lecture)
MessagePosté: Sam 1 Oct 2011 12:22 
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Nulle réponse proférée par le prisonnier, hormis un râle fiévreux sortant de sa mâchoire désormais entrouverte. Un râle à peine perceptible dans tout ce brouhaha bourdonnant. Une haleine horrible, elle aussi à peine perceptible dans ce conglomérat de parfums viscéraux écœurants. L’homme continuait de darder son regard fiévreux sur la demoiselle ailée, seul spectacle réjouissant depuis longtemps, mis à part le continuel ballet de mouches infectieuses.

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 Sujet du message: Re: Cellule n°3 (âmes sensibles s'abstenir de toute lecture)
MessagePosté: Sam 1 Oct 2011 22:14 
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Le monde bascule dans un paysage bucolique – quelque fraîcheur dans les confins de l’horreur. Ce pourrait être la naissance du printemps, au sortir tout doux d’un hiver rigoureux : une rivière, peut-être, qui ruissellerait dans un chant éternel, et le bocage frémissant à peine dans le ténu frimas qui jouerait sur ses eaux languissantes ; le vert et l’eau mêlés dans des formes indistinctes, ce serait là trouver la parfaite nuance.

Car m’approchant à battements d’ailes mesurés, emprunts d’un allant d’étrange fascination tout autant que de funeste suspicion, je me noie dans ce regard qui seul me frappe la vue. Point ne sont à mes yeux tout d’abord ses rares cheveux, qui ne dissimulent que peu un visage émacié qui confond peau et sang et chair et os dans un imbroglio macabre teinté de mort et de force angoisse. Point ne sont à mes yeux les lacérations sanglantes de son flanc, point ne sont à mes yeux les stigmates purulents qui font de ses mains et de ses pieds les créatures sujettes de pointes acérées, point ne sont encore les ombres putrescentes qui, funèbres et fatales, rongent peu à peu les blessures ouvertes. Il y eût la croix fermement érigée, il y eût la fange amoncelée au fil des jours, des mois ou des années, il y eût cette haute et effroyable peur qui pût me saisir également – tout cela, j’eusse pu le percevoir, si je n’avais été happée entièrement par son œil qui seul sait me parler.

Mais de savoir qui il est ? Point, car nulle réponse ne sied à ma question, et en place de voix qui eût formé des mots, voilà un râle mortel qui hurle mille maux – ceux dont on le meurtrit, ou qu’il se fit lui-même du haut de sa toute-puissance divine. Car me reste dans l’âme la défiance avouée qu’il pût être mirage, avatar illusoire, du démon psychopompe – Phaïtos en personne, lui qui nous mit, nous tous mais moi plus que quiconque, dans ces geôles infâmes infestées de malheurs.

(Ce serait… un piège ?)

Mais je ne peux que demeurer immergée dans la pâle lagune que m’offre son regard – et l’aurais-je apprécié, n’aurais-je décelé qu’un fol espoir et qu’une triste alarme. Se pût-il que ce fût témoignage des mêmes craintes que je me fais de lui, mais à mon propre égard ?

- … ?

Une pirouette en arrière m’en éloigne d’un coup – je doute, et ne sais quelle voie emprunter. J’embrasse d’un regard la vaste pièce qui se fait geôle de cet inconnu comme moi retenu, en quête – que sais-je ? – d’une arme qui me garantît de tout mascarade impie, ou de quelque rempart que je pût devant moi élever. Les pensées en bourrasques accélèrent leur course, tandis que mon esprit bouillonne, ardent d’interrogations qui semblent insolubles.

Un battement de cils. Le temps s'égraine comme sans que j'y pusse prendre part.

...

- Dites-moi qui vous êtes, je saurai vous aider.

Et la Lumière de Gaïa, tout de suite, de bouillonner en mon coeur.

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 Sujet du message: Re: Cellule n°3 (âmes sensibles s'abstenir de toute lecture)
MessagePosté: Dim 2 Oct 2011 15:22 
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Aucune réponse, cette fois. Pas même ce raclement de gorge rauque. Pas même un essai pour prendre vainement la parole. Ce prisonnier savait-il vraiment qui il était ? Qui il avait été ? Un doute, une ombre passa dans son regard intensément vert. La survie, voilà tout ce qui le nourrissait, depuis tant de temps. Plus rien d’autre ne comptait réellement. Pas même sa propre identité. Fugitive, peut-être s’était-elle égarée dans le battement d’ailes d’une mouche qui venait de pondre ses œufs infâmes dans la chair infectée du prisonnier inconnu.

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 Sujet du message: Re: Cellule n°3 (âmes sensibles s'abstenir de toute lecture)
MessagePosté: Mer 5 Oct 2011 20:43 
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Ô, lecteurs, quoiqu’en mes primes années j’eusse été dotée des mânes augustes de la prescience céleste, divin présent de Gaïa Notre Mère, je ne puis aujourd’hui percer les ténébreuses brumes qui se font vêture pour mon hôte cosmique. Rien ne s’épand de son si élevé regard, lui qui m’emporte vers de sémillantes contrées ponctuées de lagunes ou de bois enchantés ; rien ne s’épand de ce vert d’eau auquel l’aigue-marine elle-même ne se peut comparer ; rien ne s’épand, et l’ouïe point ne s’éveille de quelconque aimable parole, réponse dont toujours je me vois désireuse.

(Il ne connaît pas son nom ou quoi ?)

Douloureuses mes rémiges qui s’abîment dans le sang, tout encore pourprant de ses grenats atours les langes dont je fis salutaires attelles – douloureuses alors, et bien évidemment, mes vaines cabrioles qui ne trouvent guère de fondements. Car en effet, si l’hôte malheureux s’égare ainsi lui-même dans les limbes de son être, ne sachant reconnaître qui il est – et qui il fut, bien avant de se voir saisi de cette funeste cage – moi de même ne puis-je plus conjecturer, et n’avancer de sinistres présages.

Lecteurs, sachez mieux que cela trouver utilité dans ce conte que je fais ! Point n’avez-vous d’aiguisé conseil à rendre à cette reine altière qui vous porte en son cœur ? Point de méfiance ne s’augure donc à vous ? Point d’appétence inextinguible dans l’âme, qui vous mènerait au plus folles audaces ?

Car ici concevez que plus que jamais j’appelle par force cris le moindre tressaillement de l’esprit que vous pussiez avoir, pour vous faire adjuvants de mon encéphale sans cesse interrogé, noyé, brisé, et ainsi supporter à votre tour les auspices éternellement repris, les labyrinthiques venelles de sempiternelles interrogations, les croyances toujours d’un sinistre malheur qui s’abattrait sur vous, les…

...

(Hooo, c’est plus fort que moi !!)

Je me suis éloignée, aussitôt je reviens. Certes sont là les trémors vigoureux d’un intérêt croissant, qui s’ébroue et dandinant s’avance dans un frisson patent, et sur lui la férule intangible d’un destin bardé de fer, impérieux et despotique – un destin qui, assurément, prodigue mille morts.

Approchée, voilà une voluptueuse poésie qui envahit mes sens, et mon odorat charmé s’échine en périlleuses envolées pour saisir jusqu’aux détails moindres de ces envoûtants fumets : urée, peut-être, celle de la peau et celle des entrailles, haleine halitueuse aussi, de celui qui longtemps espère délivrance mais reste assujetti, pieds et poings liés sans liberté d’action, chairs rongées, certes, de putrescentes cohortes envenimées et purulentes – mais surtout, l’immondice suprême de ces monceaux de fanges, exhalant d’encore chaudes essences empreintes de maux infectieux.

Et pourtant, toujours entière à cet œil qui à moi se voit imposé comme seule vision, je vole un instant encore, plus avant, et bientôt je suis moi-même comme silhouette ombrée sous le pâle couvert de ses cils : voilà que je suis dans l’iris mourante d’un hère à l’agonie – homme qui, sous ma main guidée par les mots de Gaïa, pourrait tout aussi bien renaître, et reparaître ici comme un être vivant.

Aussi appliqué-je ma main, dotée de toutes les grâces qui sont apanage des reines Akrillas, là où sa peau encore m’en laisse le loisir – sur son front, qui luit encore, si c’est possible, des derniers allants de l’espoir.






((Souffle de Gaïa – lvl 7))

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 Sujet du message: Re: Cellule n°3 (âmes sensibles s'abstenir de toute lecture)
MessagePosté: Dim 9 Oct 2011 18:55 
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Aro : jet de magie curative : réussite.

La magie de lumière sembla imprégner la petite main de l’aldryde, l’espace d’un instant, et se transmit presque aussitôt au corps malmené du prisonnier blessé, torturé, laissé dans un état pitoyable par la cruauté de ses bourreaux. Et… le miracle sembla s’accomplir. Les plaies se refermèrent, laissant sur ce corps mille cicatrices disgracieuses. Mais au moins ne suppuraient-elles plus. Au moins ne se nécrosaient-elles plus non plus. Même les chairs arrachées de son visage et de ses lèvres semblèrent se reconstituer sous l’effort des soins de la princesse aux ailes de duvet blanc.

Et ces lèvres se muèrent presque aussitôt en un rictus d’horreur, en une grimace de douleur intense. Car s’il avait été soigné, il n’en était pas moins toujours cloué à vif sur sa croix. Et peut-être que cette douleur était devenue acceptable, avec les infections et les autres plaies rongées de mouches et de vers… Mais là, cette nouvelle vigueur réveilla surtout chez lui la douleur intense du début de sa lente agonie : les plaies de ses poignets et de ses chevilles se remirent à saigner, et au lieu de réponse, ce furent les cris, horribles, relatant toute la douleur et l’horreur de sa situation. Des cris à s’en décrocher la mâchoire, à déchirer cette peau nouvellement remise en place…

Enfin, presque.

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 Sujet du message: Re: Cellule n°3 (âmes sensibles s'abstenir de toute lecture)
MessagePosté: Lun 17 Oct 2011 21:34 
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Ô, lecteurs, adorés que vous êtes et le savez mieux que quiconque, eussiez-vous un jour ouï funeste oraison proclamée dans des hurlements d’agonie, aujourd’hui eussiez-vous cru qu’il se fût agi d’un discret hululement. Car si grande est la souffrance qui s’entend dans la voix rugissante de mon hôte que tout, érigé en parallèle, s’amoindrit et se meurt avant que d’avoir su toucher l’oreille.

...

...

- HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !

(Hé, moi aussi je sais faire.)

Mais quelle stridence dans les vibratos des dernières heures sonnées ! Quelle douleur pour qui point n’est percé de pareilles blessures, mais qui voit ses sens à jamais meurtris par telles vociférantes circonvolutions habilement assassines ! C’est Phaïtos tout entier à sa proie attaché !

( Heu ? J’ai déjà entendu ça quelque part…)

Et pourtant peu importe, du qui, du quand et du comment, pourvu que ces lames aiguës toutes portées à l’atteinte de ma personne cessent céans leur crime ignominieusement rustre et barbare !

Voilà que mes mains douées de la plus haute grâce – cadeau ancien des reines Akrillas dont je suis fille et joyau parmi les joyaux, encore – tout de suite sur le seuil de mes oreilles viennent s’imprimer avec force vigueur ; mais point n’est là, encore, le salut escompté, car même étouffés parviennent les vagissements sans fin d’un hère fourvoyé dans la plus haute folie !

Avisant les pointes acérées qui labourent encore sa chair, tout alors que ses plaies béantes s’amenuisent sous les prodiges de Gaïa notre Mère, que se résorbent une à une les lacérations purulentes et que brunit la pourpre hématie sur une peau à peine parcourue d’estafilades – avisant, donc, ces pointes de fer qui tiennent l’hôte torturé, aussitôt je m’affaire. Prise dans les tourbillons incessant d’une folie que je sens poindre en mon cœur, cernée de tous côtés suis-je, ne fût-ce que par ces hurlements qui déraisonnent mon être.

Je m’affaire. Les mains sur les oreilles, je vole. Vibrations. Je tournoie. L’œil perçant. Un coin sombre, le plus loin possible de celui qui me conduit inéluctablement vers la démence la plus absolue. Du regard, déboussolée, je ne peux que partir en quête d’un adjuvant : outil, quel qu’il soit, qui pût pallier mes forces amoindries de Princesse Guérisseuse, un outil qui pût agir en levier, un outil qui pût mettre fin à ces atermoiements martelés de douleurs ineffables…

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 Sujet du message: Re: Cellule n°3 (âmes sensibles s'abstenir de toute lecture)
MessagePosté: Mer 19 Oct 2011 16:03 
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Dans ses recherches, le regard de la princesse aldryde fut attiré par une forme, un objet négligemment posé sur le sol crasseux de la cellule. Un marteau, que le bourreau de ce prisonnier décati avait sans doute balancé dans un coin, une fois sa besogne achevée. Pour un humanoïde de taille normale, c’était un simple marteau à utiliser à une main, mais pour la petite aldryde, c’était quelque chose de plutôt lourd. Soulevable, et maniable (non sans difficulté), mais à deux mains, uniquement.

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Le prisonnier ne cessait de crier sa douleur et sa peine. Ses cris, néanmoins, étaient moins forts, moins vifs que précédemment. Peut-être se lassait-il déjà de la douleur. Ou libérait-il des stock énormes d’endorphine, calmant la douleur… Ou était-il en train de mourir lentement, encore…

[HJ : Si tu le ramasses, dis-moi si tu gardes le marteau. Je le validerai sur ta fiche, le cas échéant.]

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 Sujet du message: Re: Cellule n°3 (âmes sensibles s'abstenir de toute lecture)
MessagePosté: Ven 28 Oct 2011 11:32 
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Et qu’est-ce donc là, ô lecteurs, sous nos yeux conjointement ébahis ? Quelle est là cette divine providence qui point au sol comme bourgeon de rose à peine florissant dans le frimas ténu d’un matin de printemps ? Quel est là ce souverain salut qui s’achemine à moi dans le halo rêvé de la fortune qui enfin m’entend ? Car auréolé d’or est celui qui saura, mieux que quiconque ou que quoi que ce fût, évanouir dans les limbes ces hurlements sinistres qui signent ma proche démence !

(Oooh ?)

Git là, sur le sol même et sans autre ornement, la réponse aux prières silencieuses qui furent miennes dans ces instants d’égarement. Sans grâce certes, sinon celle qui luit en toute chose dont le destin glorieux est de croiser regard mien, dénué de toute beauté que les reines Akrillas seules eussent pu lui allouer, toutefois allume-t-il en mon œil des myriades étincelantes : là, lecteurs, posez donc l’attention sur cette arme sanglante, et qui ce nonobstant servira les desseins élevés de la noble Gaïa ! Voici, donc, un marteau tout entier porté à son triomphe : large et lourd, de cela seulement je puis être certaine, il ne saura tenir entre une seule de mes mains – car c’est là arme de Géant des Terres Enormes, car en ces Terres mêmes sommes-nous présentement.

(Oh.)

Et voilà que grandit dans mon sein l’émerveillement, premiers rayons de l’aube sur une lande noyée de ténèbres, alors que déferlent frissons d’une joie non feinte et pourtant trop tôt éprouvée, peut-être – mais quoi de plus beau que la divine espérance, joyau mordoré que Gaïa notre Mère érigea au commencement de toute vie dans le cœur de ses enfants ? Et quoi de plus terrible, aussi, que cette fatale espérance lorsque de toutes parts chevauchent les noirs cavaliers des frères psychopompes, qui en connaissent la saveur, en jouent, et durant de longues heures par d’incessantes tortures savent la briser ?

Voilà comme avant que mon âme incline à se saisir des maigres chances qu’elle se voit offrir, mon esprit tout aussitôt la contient dans de sombres barricades de tragique frayeur : quelle serait cette chance, sinon la traîtrise extrême des ennemis de ma déesse ? Industrieux félons sont-ils, à se pouvoir investir tout entiers des us qui leurs sont pourtant étrangers, et ignominieux, ils savent se barder des promesses de l’aurore pour éteindre aux yeux mortels leur funeste vêtures d’ombres vespérales.

...

(HAAA ! Mais je fais quoi, moi, maintenant ?!)

Car entre l’âme éprise de passions et l’esprit qui s’échine en raisons, je ne puis tout de suite voler sur ce qui me promet ou la délivrance, ou bien la mort. Quelques battements d’ailes seulement m’en ont approchée, et je le contemple, bercé qu’il est de cette froide lumière qui peut être celle des espoirs honorés par la Grande Mère ou celle des tortures promises par celui qui se joue des mortels. Mais voilà que signifie vaciller entre deux positions : fuir et ne rien encourir, mais ainsi laisser cet hôte-là qui pût être Phaïtos lui-même, un partisan, ou un ami qui pourrait m’être cher – et ceci voudrait dire rompre l’auguste vœu que je fis naguère à ma fière déesse – ou bien demeurer, quérir et risquer mille périls, et alors sanctifier les promesses qui me lient à la haute Lumière.

Et rien ne saurait hâter mon choix, tout alors que les effroyables plaintes dont cet hôte-là m’accueillit s’émoussent et estompent peu à peu les souffrances de mon ouïe : ses dithyrambes litaniques s’effacent en effet dans une nuit qui appelle la mort. Là, voyez comme mes mains lentement laissent libres mes oreilles qu’elles couvraient tout entières ! La folie qui me guettait pâlit jusqu’à s’éteindre tout-à-fait, et là seulement était le jeu qui me faisait quérir dans l’empressement de quoi nous sauver, lui de sa prison de pointes aiguës, moi de son tumultueux requiem.

- Un coup de main ne serait pas de refus, ô Gaïa.

Et voilà comme soudain s’étirent en mon esprit les circonvolutions doctes et ô combien saintes de prières qui me furent enseignées – Cérahe, ici je le perçois plus encore, me fût grand maître de magie. Dans l’attente du tourment ou bien de l’auguste gloire qui dût être apanage mien, je prie mille et mille fois, et implore ma déesse de loger dans mes gestes la haute fortune dont elle sait faire don ; espérant, encore et encore, que ces larges murailles qui nous sont une prison ne terrassent point ses divins traits.

Et alors, songeant que mon devoir impérieux n’est point assurément de fuir, je me saisis instamment de l’arme qui fut mise sur ma route. Mon regard croise celui de l’agonisant hère qui se noie en complaintes amères, et c’est un ardent brasier qui s’embrase immédiatement : cet être-là est fils de Gaïa, ou bien ma perte, mais peu importe. Mon corps tout entier est traversé d’une tension hardie, celle-là même qui me permet de souffrir le marteau et son poids, et sans laquelle j’eusse chu sous la force formidable du fer et du bois réun…

...

...

- WOHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!

Que dire, lecteurs, sinon que cette tension musculeuse qui fut mienne ne suffit point à tenir fermement cette arme qui est jouet pour les Géants, mais colossal ennemi pour la reine que je suis ! Et voilà que l’affront le plus fatal fut fait à mon hôte qui plus désormais ne laissera, j’en suis certaine, de rédemption gagner mon âme – et alors, s’il est dieu des morts, la punition me sera exemplaire ; et s’il s’eût pu allier à moi, point ne le fera-t-il maintenant que la disgrâce a fondu sur moi comme l’aigle sur sa proie ! Car la lourdeur de l’arme ne fut pas pour son salut, mais pour son malheur : elle alla, sans coup férir, s’abattre sur son crâne sans que j’eusse pu la retenir de quelque manière que ce fût !

...

(Ha, bah au moins il va arrêter de hurler comme ça !)

Et peut-être la douleur sera-t-elle éludée lorsque son corps branlant sur sa croix se détachera, au prix de mille efforts et de longues heures d’acharnement.






((Prière à Gaïa | Lâché involontaire de marteau sur le locataire | Prise de possession du marteau.))

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 Sujet du message: Re: Cellule n°3 (âmes sensibles s'abstenir de toute lecture)
MessagePosté: Dim 30 Oct 2011 16:00 
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Le marteau vola avec force puissance droit vers le prisonnier… mais sa tête fut de peu évitée. Un vif mouvement saccadé de douleur lancinante le fit renverser celle-ci en arrière, et le marteau atterrit sur son poitrail dénudé, formant un nouveau coup sur ce corps déjà par trop abîmé. Une ecchymose violacée ne tarderait pas à apparaître, sans aucun doute. Et le marteau tomba ensuite lourdement au sol, dans un bruit mat.

Mais la douleur de ce nouveau choc ne marqua guère longtemps le pauvre hère torturé. Car les prières de la demoiselle ailée trouvèrent réponse, dans une intervention de la divine Gaïa, qui avait renié, pourtant, un autre de ses serviteurs peu avant. Le cœur d’Aro s’emplit de courage, de bienveillance, et cette bonté déborda d’elle pour toucher le prisonnier… Il cessa aussitôt de hurler, comme si la douleur était soudainement moins forte, partie, disparue. Il regarda la petite créature volante de ses yeux verts pleins d’incompréhension, mais n’osa pas – pour l’instant – desserrer les dents…

Sa tête se tourna, dans un rictus surpris, vers ses avant-bras percés des lourds clous qui étreignaient sa chair. Ils étaient toujours là, mais il ne les sentait plus. Et il tourna vers l’aldryde un regard empli de perplexité.

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 Sujet du message: Re: Cellule n°3 (âmes sensibles s'abstenir de toute lecture)
MessagePosté: Jeu 3 Nov 2011 22:39 
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Ô dieux miséricordieux, voilà parmi vous la haute Miséricorde !

Lecteurs, vous qui ne savez voir qu’au travers de mes yeux aux charmes sans pareils, n’avez-vous donc pas su ouïr mon propos tout dirigé vers mon auguste Reine ? Elle, déesse de lumière, joyau qui point ne souffre dans la nuit que déclinât son éclat, astre de beauté dont les traits ardents touchent aux confins du monde – que dis-je, tout cela ? (Crème au beurre sur la tartine, oui !) N’avez-vous porté une attentive oreille, ou bien les deux, aux illustres circonvolutions qui franchirent une à une le seuil de mes lèvres pour courir en rameaux d’or entrelacés jusques aux marmoréens royaumes noyés dans l’Ether ? Point ne furent là, peut-être, les plus nobles adresses ; car celles-ci demeurèrent toutes cachées et discrètes, ombrageuses paroles qui ne se veulent connaître des indigentes peuplades aux us sans raffinement… Et ainsi point d’insigne honneur pour vous, hères fourvoyés dans une logorrhée sans fin !

...

(… Je disais quoi, déjà ?)

Panégyrique à la gloire de Gaïa, la très miséricordieuse, qui sut ouïr mes prières dirigées vers elle dans les dernières trémulations d’un espoir presque mort ! Dithyrambes, par pitié, pour chanter sa mansuétude immense et au-delà de toute imagination mortelle ! Pâquerettes, surtout, sur l’autel de celle qui rendit la vie à qui se voyait dans les plus sombres tourments des dernières heures sonnées !

Me laisserez-vous conter ? Vraiment ? Saurez-vous retenir votre cœur à tout rompre battant alors que s’épancheront de ma bouche, ourlée et gourmande, les tremblantes sentences qui retraceront les hauts faits de Gaïa ? Car voici comment les chants rattrapèrent (… enfin, presque) la sombre ignominie que je me vis commettre : alors que flanchaient les muscles, frémissants dorsaux abattant mes ailes en d’élégants mouvements, tout aussi bien que trapèzes retenant dans un frisson d’angoisse l’arme puissante que naguère laissèrent les Géants – alors, donc, que pâlissait cet élan souverain qui m’avait traversée, le marteau étranger s’abîma de ma main et vint asséner foudroyante algie sur le cœur de mon hôte. Tout de suite m’auriez-vous vue alors imprimer mes mains sur mes fragiles oreilles, et ainsi les épargner du funeste hurlement que tous nous augurions d’une commune idée ? Point, pourtant, car point non plus de cri : voilà le non retour, auguste instant s’il en est, lui qui rebaptise votre conteuse et lui figure nouveaux traits – nouveaux traits pour nouveau mythe.

Car me voilà, ébaubie, à n'être en mesure que de contempler ce jeu de forces inconnues qui s’ébranlent au seul nom de Gaïa : je priai, et tout de suite, je pris dans le cœur un regain d’allant. Voyez comme somptueux sont les rais célestes qui ouvrent mon corps, comme divine est cette sourde lumière qui s’épanche de moi comme l’eût fait une étoile. Qu’elle s’éteigne aussitôt, point n’aurais-je de vague à l’âme, car aujourd’hui je conçois ma voix comme pouvant, par-delà les ténèbres et les malheurs d’une destinée par trop funeste, être trait au cœur de mon aimée déesse.

- Ne souffrez-vous donc plus ?

Les mots seuls et sans ordre de ma propre volonté raisonnent dans l’obscur cachot, tandis que mon œil à nouveau se trouve noyé dans la fraîche iris de mon hôte. Bocage, à nouveau, et non plus frondaison enflammée de trop âpres douleurs.

- Voici le fait de Gaïa, soyez-en assuré. Et pourtant ne croyais-je pas que sa très haute lumière pût percer les murailles épaisses de notre geôle.

Et me voilà parlant, lecteurs, à qui ne laisse de faire balancer mon âme : toujours lui prêté-je noble vertu ou bien calvaire en devenir – pour moi, et pour qui passerai sous sa main que je libérerais. Et pourtant ce souffle divin, lui qui soulève encore ma poitrine sous effet de magie, peut mieux que nulle autre chose qui me fut donnée de voir me contraindre à magnanime action. Parlera-t-il donc ? Et saurai-je un jour qui de la peur ou de la grandeur eût dû emporter la victoire pour le bien de tous ?

...

- Il me faut agir vite, car point ne sais-je dès alors si le charme durera, ou s’il s’évanouira sans coup férir.

Et dès lors de m’affairer, car la hardiesse amène qui consume mes membres s’adjoint de folles idées qui n’étaient jusqu’alors apparues à mon encéphale, pourtant animé de toutes les ruses. Et de chercher ci-près large corde ou épaisse chaîne qui ne fût par deux bouts arrimée à un mur. Mon œil, rapide, s’élance sur le sol là où naguère n’étaient qu’opaques ombres : les alentours tangents à la funèbre croix sont en proie à la fange parfumée, et aux essaims belliqueux qui m’accueillirent lors de mon arrivée ; n’aurai-je qu’à étendre le bras pour les écarter tous ? Point, car furieux sont-ils, mais pourtant mon dessein m’encourage à poursuivre ma quête. Une froide étincelle qui perce les nuées bourdonnantes m’offre un tendre espoir…

… trop tôt éteint, car c’est là le métal sans apprêts du marteau qui jaillit des hauts monceaux de chaudes excrétions où il se trouva jeté. (Miam.)

Rien n’est ici qui pût servir : point de chaînes, elles, toutes enracinées profondément dans les roches froidement polies par les ans, les maux et la mort ; point de cordes, fragiles idées d’êtres policés et qui ne peuvent, assurément, prendre place en telles contrées de sourdes souffrances…

(Nom d’un Oudio en culotte courte, c’est bien ma veine.)

Ma poitrine se déchire, lecteurs, à l’idée que s’évanouissassent les espoirs conçus dans le sein de mon aimée déesse, ceux-là mêmes qui comme douce vêture de reine s’étaient posées sur mes souveraines épaules – et à bâtons rompus s’ébattent les cavalcades immenses de mon cœur : comment jouir des forces éphémères qui nous tiennent tous deux, lui de la fin d’abominables afflictions, et moi de cette volonté inouïe qui m’étreint tout entière.

- Rien ici pour vous sauver, je le crains…

Je dis, et ce faisant voilà à nouveau ma noire prunelle pâmée dans les abîmes tournoyantes de son œil. Un Géant. Et quel Géant ! De quelles forces Zewen croit-il que mes mains sont animées pour me confronter ainsi à titanesque héros ? Voyez, ô lecteurs qui savez être de moi les plus fidèles amours, cette large mâchoire qui pût m’être un abri ; voyez cette gorge épaisse et rude, et ce joyau qui roule sous la peau au rythme de son souffle ; voyez cette main colossale qui, insensiblement, du moindre de ses gestes, se pût transformer à mon encontre en cage aux roides défenses ; et plus loin voyez le bras puissant qui me fît salutaire repos – s’il eût été livré à sa propre liberté. Sa peau nue et échauffée de par trop fréquents sévices s’étire, pâle, couturée, sur un corps malingre et torturé ; seules ses longues jambes se perdent à la vue sous l’étoffe sévère et rêche, tant et tant d’étoffe, lecteurs, qu’elle m’est à la vue comme l’abysse plon...

...

...

(Heu ?)

Se pût-il qu’idée si saugrenue soit survenue à mon esprit pourtant si adroitement incliné à la raison ? Point de chaîne, certes, qui se prêta à l’usage, point de corde non plus – non toute faite, mais qui pourrait surgir de la main habile qui s'y fût entraînée. Mes doigts, sans que nulle volition mienne ne les y eût menés, courent le long des liens qui tiennent avec rigueur la géante fiole qui pend à mon dos – voilà œuvre d’esprit industrieux, apanage ô combien glorieux des reines Akrillas, et qui se peut ici reproduire ! Et à plus vaste échelle, encore…

(Je ne vais pas lui tailler des braies, quand même ?)

- Euh, pardonnez-moi. Nous… remédierons à cela si ma pensée s’avère fructueuse.

Et me voilà d’une pirouette aérienne à hauteur des genoux de mon hôte, que jamais je n’eusse cru voir de si près, à la recherche de détail, de défaut, qui se prêtat à plus large accroc. Fines sont ces mains qui se font miennes chaque jour et dont j’use, délicats ces doigts – mais rude est la bure dont ils nous ont vêtus (qui qu’ils soient), et forte doit alors se faire ma poigne qui s’attache à défaire de larges coutures initiées pour des Géants.

Et à nouveau, les hurlements d’agonie…

(Mais non ! Tas d’expectorations d’anacoluthes invertébrées et phosphorescentes !)

Ô lecteurs, point ne soyez outragés de telle sorte de véhémence, et point surtout ne tenez pour vrais telles paroles qui ne s’adressent nullement à aucun d’entre vous – qui m’êtes les plus chers, et le savez dûment. Guère ici de voix qui brame mille tourments et autant d’affliction – car nulle gorge prise des vibrations divines qui ourdissent les sons. Ce n’est là, à vrai dire, que l’oraison cruelle des étoffes qui cèdent et qui s’ouvrent sous la pression de mes mains : et me voici dès lors, voyez, avec les sénescentes dépouilles du pantalon qui appartint naguère à un hôte muet. La faible lueur qui s’épand, aussi rare qu’une pâle rosée au matin, offre à l’œil averti et à la conscience habile les armes d’une délivrance par trop espérée. Voilà, lecteurs, dans les ombres mouvantes d’un clair-obscur chtonien, la promesse de vie accordée par Gaïa. Car de ces lambeaux arrachés un à un céans me voici faire cordes, qui je l’espère s’avèreront d’une longueur honnête.

Tout alors que je m’affaire à aussi dure tâche ne s’offrent qu’à ma vue les jambes dénudées du Géant que j’essaie de sauver – car désormais sont-elles données en pâture à ce mortel froid aux morsures glacées qui pût s’abattre en traître, et sans qu’on s’en aperçût. Mais ils sont d’autres corps, en ces lieux infestés de marasmes et de mort, qui présentent vêtures amènes, et dont il se pourra envelopper – car il sera en vie.

...

(SI CES TRUCS SORTIS DES FESSES D’UN TROLL VEULENT BIEN M’OBEIIIR !!)

Des deux larges étoffes en voici faites mille, en égales bandes déchirées pour mieux les réunir : c’est alors une chaîne de nœuds qui patiente dans mes mains et qui, sitôt achevée, tout de suite s’approche par mon fait du corps qu’elle doit tenir : car elle maintiendra mon hôte à sa croix attaché, pour qu’ainsi je pusse l’en arracher sans qu’il chût au sol comme feuille embrasée dans l’automne. L’inconnu par mes soins se voit ligaturé, et du mieux que je peux, avec les ultimes forces dont je me crois encore saisie, vigoureusement je serre l’ultime attache à l’arrière de la croix. Et je contemple, bondissant devant lui, mon œuvre achevée : les liens s’arriment sous ses bras, semblant âprement détenir ses épaules dans un jeu de croisement, et glissent insidieusement entre les faîteaux d’une croix que sans plus attendre je veux voir ci tomber.

Lentement, j’avance mon visage de celui de mon hôte, pour encore une fois lui faire cette question :

- Qui êtes-vous ?

Mais déjà je rejoins sa main gauche, et espère mes dents suffisamment hardie pour défaire l’emprise de cette pointe aiguë qui transperce sa chair. Le froid. Et puis un goût de fer. Et me voilà tirant.

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 Sujet du message: Re: Cellule n°3 (âmes sensibles s'abstenir de toute lecture)
MessagePosté: Mer 9 Nov 2011 17:43 
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Les doigts pleins de la merdaille, pisse, sang et autres fluides corporels pourrissants accumulés sur les braies répugnantes du prisonnier torturé, la princesse de lumière puait presque autant que la victime d’inconnus bourreaux qui avaient fourré (c’est une façon de parler !) cet inconnu aux yeux verts dans cette cellule. Néanmoins, elle avait fort bien réussi à ligoter ce dernier avec la corde qu’elle avait construite à l’aide de pans de lin noués les uns aux autres. Le montage semblait assez bien maintenir l’inconnu à la croix, même si sa position n’était pas plus confortable : bien au contraire. Sa circulation sanguine était ralentie, par effet de garrot. Et ses membres s’engourdissaient, sans qu’il parvienne à le révéler oralement.

Quant à l’entreprise d’ôter les lourds clous avec les dents… Ce fut étonnamment une réussite. Certes, l’aldryde s’en tirait avec quelques douleurs aux gencives, et un amer goût de métal rouillé en bouche, mais son sourire étincelant n’avait pas souffert de cette intervention. Mieux : le prisonnier était maintenant libéré de ses quatre clous, et pendait maintenant mollement grâce au tissu tendu par Aro pour le maintenir. Par contre, il commençait à pâlir de plus en plus, et fut pris d’une quinte de toux, comme s’il était en train de s’étrangler. Les plaies de ses poignets et chevilles nouvellement libérés saignaient de plus belle. Mais ses blessures les plus vives étaient sans doute mentales…

Sans tarder, il se remua vivement. Si vivement qu’il semblait avoir totalement perdu la raison. Et lorsque le déchirement caractéristique du tissu se fit entendre, il s’écrasa de tout son long dans la fange qui maculait le sol, éclaboussant tout autour (excepté Aro, ayant eu beaucoup de chance pour le cou).

Mais il ne s’arrêta pas là : sitôt libéré de son entrave, et allongé par terre, il se releva sans un mot, et se mit à courir en titubant sous la douleur vers la sortie de la cellule… Mais avant d’en atteindre la porte, il chut à nouveau de tout son long. Ses pieds et jambes n’étaient plus habitués à le porter… Et cette fois, il resta au sol, geignant de plus belle…

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 Sujet du message: Re: Cellule n°3 (âmes sensibles s'abstenir de toute lecture)
MessagePosté: Sam 12 Nov 2011 00:28 
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Force maux tout de suite s’abattent sur mes épaules, elles, douces pièces d’albâtre parmi toutes les mieux polies et les plus noblement sculptées. Fragiles sont-elles, ô lecteurs, et les voilà ployant sous l’algie dont souffre mon âme : car non plus de véhémence n’ai-je au cœur, mais lourde affliction ! En effet, voyez comme sont accueillis les tourments que j’endurai alors que s’égrainaient lentes et turbulentes minutes, voyez comme s’échine le Destin à toujours jouer de ses pions les mieux dévoués à l’honnête marche des choses, voyez l’ombre néfaste prendre toute entière de sa mante de nuit sans étoile cette reine qui s’agit sous vos yeux !

Désormais nulle force en mon corps ne se trouve, toute entière commue en funeste harassement. Et je déchois, sans un mot, au creux de d’un nuage obscur d’épaisses ténèbres : un angle de cette geôle – cellule mortelle qui a seule, et sans qu’un être habité de malheur ne s’en fût emparé, mis en péril chacune de mes heures – m’est un salutaire abri, plus doux que…

(Hey ! Faut pas exagérer ! C’est loin d’être confortable.)

Taillé dans de larges pierres qui s’éclosent au-dessus de moi sur des longueurs immenses qui ne laissent de m’étourdir sitôt que j’y jette un regard, ce refuge sans commune mesure, ainsi que ses brumes amènes qui me sont un masque dont je me veux plus départir, me verra ici conter les jeux qui se firent sous ses yeux. Car en effet, insidieusement s’insinua le désespoir sous les traits de Phaïtos : libéré, tout de suite mon hôte s’enquit d’une fuite qui devait m’affliger plus que je ne l’eusse imaginé. Jamais (JA-MAIS !) pareils efforts rassemblés pour le seul bonheur d’un être n’ont été, de mémoire d’Aldryde, estimés de si peu de considérations.

Veule créature que l’engeance géante. Il défit par lui-même les liens qui n’étaient que son propre bien et immédiatement trouva dans ses jambes les seules traitresses qui se trouvassent dans l’endroit – en sus de moi, bien sûr, croit-il encore sans doute. Elles ployèrent sous son poids, dénuées de vigueur : désormais le voici, gisant, pâle, froid – statue pétrée dont les veines sont de quartz brillant et ne se voient nullement rompues d’aucun mouvement du cœur. Car c’est n’en avoir pas que d’ainsi répondre à d’augustes obligeances.

- Vous voilà demeurant, seigneur. Vous me voyez comme vous bien fatiguée, et de quoi ? Des sollicitudes trop promptes que je voulus vous porter. Voilà encore des blessures, stigmates dans le creux de vos paumes : j’en aurais oint les plaies d’une noble lumière, mais que voulez-vous ? Vous enfuir, ainsi, devant celle qui porta la lumière dans ce cloaque morbide qui vous tenait en chaînes ? Auriez-vous témoigné le désir de sortir, point n’aurais opposé quelconque barrage, car le seul mandat qui me fit vous secourir était le service apporté à une âme vivante – enfant de Gaïa dont je suis l’officiante. Farouche bête hors de sa cage, partez si le désir vous en prend.

Et ce disant, je m’aperçois soudain de l’inanité du sentiment que j’éprouve : la rancœur, vraiment, dans le sain d’une servante de Gaïa ? Cérahe en eût conçu puissante ire.

(Hé-ho, Aro, mais qu’est-ce qui te prend ?)

Car point de bête dans ce lieu, mais simple proie des convergences tragiques d’une fortune sévère : il dut plus que moi, ou quiconque ici bas, souffrir les desseins d’une cruelle volonté dont j’ignore toujours le nom – qui se révélera, j’en fais le serment, et certainement s’offrira comme un venin par trop létal. Alors, sitôt passée le seuil de mes lèvres, voici ma voix s’adoucissant :

- Ne formez contre moi, je vous en conjure, aucune frayeur. Vous vous êtes déjà éprouvé au don que l’on m’a fait. Souffrez encore que j’en use pour vous : voici un corps qui ne vous porte plus. Jugez, mais ne soyez pas trop prompt à dispenser le mal chez ceux que vous croisez : cette peur qui vous anime n’est guère que l’ombre d’un passé que vous vous devez d’oublier. Je vous soignerai, si vous y consentez, et dès lors que vos jambes seront à même de vous porter, nous pourrons au premier vœu que vous formulerez rompre notre rencontre et suivre des chemins séparés.

Mais je doute, lecteurs, qu’il sût même me répondre.

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 Sujet du message: Re: Cellule n°3 (âmes sensibles s'abstenir de toute lecture)
MessagePosté: Dim 13 Nov 2011 19:28 
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Le prisonnier meurtris et faible se retourna vers l’aldryde, et la regarda de ses yeux verts importants. Il ouvrit la bouche, puis la referma plusieurs fois d’affilée, comme s’il hésitait à parler. Et puis, sa voix se fit enfin entendre dans la cellule, terriblement éraillée, comme si elle n’avait pas servi pendant un temps immensément long, malgré ses cris de détresse.

« La liberté. Seule compte la liberté. Ni la mort, ni la souffrance ne comptent, ici. »

Et il s’affala, impuissant, contre le mur sombre de sa cellule, tout en répétant.

« Ni la mort, ni la souffrance. »

Et encore une fois, dans un souffle malsain :

« Ni la mort, ni la souffrance. »

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