Opaque nuit dont la moire n’est plus que mortelle lueur. Farouche – ô combien farouche – cette nuit sans étoiles qui s’agit et se presse et s’enfuit loin encore, au rythme interminable et sans cesse repris d’un lancinant requiem aux échos d’infortune ! Pût-on par un jour malheureux connaître telle scène, volutes accusées de détours innombrables, où l’ombre plus létale que l’abyme elle-même se voulut apparaître aux délicieux mortels ? Froids sont la mort, et le temps, et les jours ; froids les tombeaux et froides les aubes quand les astres ont péri – chtoniens, sans soleil, ils se rendent à Phaïtos. Cosmos sans cesse répétant son éternel ballet, mais sans plus de rayon pour lui rendre la vie, voilà que les astres du plus noir onyx étouffent maintenant ceux que jadis ils gardaient…
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- ARRIÈRE, DÉMONNNS !!!
(Vous ne passerez pas ! VOUS-NE-PASSEREZ-PAAAS !)
Car voici la plus grande épreuve que jamais je connus, ô lecteurs qui vous savez être adorés de moi, et me suivez dans l’ardente quête d’un salut qui s’étiole et qui meurt ! Voici, plus que de raison, les maîtres terribles qui m’accablent et me troublent : grande armée, certes, de noires guerrières cuirassées et armées, et qui pourtant point ne souffrent de ce poids énorme qui est sur leurs épaules – véloces, en toute célérité se meuvent-elles dans une agilité qui n’est pas sans rappeler les volutes acrobates de mes aimées lucioles. Je leur prête des mots, et j'y réponds moi-même :
(Comment ça je ne passerai pas ?! Ce serait mal me connaître !)
Et suivez du regard ces bras animés par mes dernières forces, qui enchaînent les passes habiles et les bottes souveraines pour frayer un chemin parmi ces étrangères à cette auguste reine qui s’annonce déjà comme grande déesse – apothéose enfin, si j’avais au front la couronne immortelle de mes nobles aïeules ! Mais point ! Point avant que d’avoir accompli missions et devoirs, les uns après les autres remplis comme se doit – car la valeur d’une reine ne se mesure-t-elle pas à l'aune de son courage ?
Leur poids se fait terrible quand elles m’assiègent entière ; leur rumeur plus que tout est un effroi sans mesure, quand tout près de l’oreille s’approchent leurs ailes aux accents meurtriers – pour ainsi mieux vrombir et aussi menacer. Elles s’assurent de me suivre dans mes fuites incessantes, s’enquérant toujours plus des plaies qu’elles veulent voir ouvertes pour mieux s’en repaître.
- BARBARES !
A mes yeux s’offre enfin l’espoir de liberté, et la relique sacrée que je venais chercher : oyez, lecteurs, le cri perçant que peut lancer le métal luisant ! Comparable est celui des ombres bleutées qui s’épanchent sur la neige, comparable celui de la lame au sortir du fourreau, comparable le cri de l’étoile qui naît première dans les foudres ardentes d’un crépuscule sanguin… Et celui de cette juste poignée qui m’appelle de ses notes aiguës et par trop sinistres, apportant avec elles ces événements passés et que j’eusse pu éviter.
- Je suis PASSÉE !
Et d’avoir pu parler, en conscience et sans m’en offusquer, à ces mouches amères de n’avoir résisté, me laisse entendre qu’ici sont des nuages funestes – et funestes fumerolles, pour sûr, gangrènent l’encéphale ! (Non mais quoi ?! Je parle à des MOUCHES !)
- Alors vivez, ou mourrez à présent. Je ne puis plus rien faire, sinon vous délivrer de ces stigmates brûlants qui sont à vos poignets.
Alors tout aussitôt voilà mon cœur, dans une inclination divinement porté par l’ordre Gaïa, qui s’épand à nouveau en doux flots de lumière.
- Puissiez-vous trouver la mort qui vous est tant alliée si vous le désirez, mais auparavant veuillez considérer : au-dehors est un monde, certes oublié de vous, mais pourtant qui regorge encore de possibilités. Point ne faîtes ci étioler les branches d’un destin qu’encore vous contrôlez ! Sortez de ces vapeurs funestes, et enhardissez-vous ! Ne désirez donc plus ni la mort, ni le reste, et plus qu’une autre chose, désirez donc la vie. Nous sommes peu de chose, et la douleur est forte en ces lieux de malheurs, et elle pleut comme froids alluvions qui nous percent les membres et jusque dans le cœur ! Mais battez-vous : vous affronterez le mal, et je suis sûre que vous le vaincrez…
Sur le seuil, enflammée d’un brasier nouveau qui s’alluma au contact de ces cruelles belligérantes, j’ai un dernier espoir de ne point voir ici s’achever une vie que je peux conserver.
- Et si vous ne voulez, emportez dans les limbes le nom d’une Akrilla : Aro, c’est ainsi qu’on m’appelle. Et le vôtre pareillement je voudrais conserver, car bien des fois demandé, jamais je ne l’appris. Faîtes-le-moi connaître, avant que je partisse, ou même qu’à l’aventure vous vous joignissiez à moi.
J’eusse pu prier, lecteurs, que cette haute déesse qui est entière lumière me vînt en aide et fît s’incliner la pensée de mon hôte – et pourtant non, car grand est le pouvoir des divines imprécations ; et sur le cœur d’un homme, fût-il un Géant, point ne se peut appuyer autre ordonnance que la sienne propre.
((Souffle de Gaïa - lvl4))
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CAHIDRICE ARO. PRINCESSE ALDRYDE, ACTUELLEMENT DANS LA MERDE.
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