Alors, lecteurs qui savez être de moi adorés, voyez que, telle l’ombre fugace qui ne naît que d’une lueur éclatante et qui pourtant s’en défie, moi, reine Akrilla et Guérisseuse de surcroît, j’évince les chances qu’un assaut me fût donné.
L’œil attentif avant que de n’avoir penché le chef au-dehors, je glisse mon attention par l’embrasure qui m’apparaît comme faisceau braqué sur mon être aux grâces sans pareilles. Mais point ! Nulle présence dans les opaques ténèbres du couloir si redouté… Mais gare ! Car qui sait ce que les méandres de la nuit réservent aux fidèles de la Reine de Lumière ? Las ! inhérent à nos corps, l’or céleste chatoie et révèle mieux que tout autre chose ces cœurs qui lui sont offerts, et tout de suite l’Ennemi saurait sans grand peine mettre la main sur ces créatures qui ne sont pas siennes.
(Il peut toujours courir !!)Lecteurs, savez-vous donc en quelles sortes de brumes éphémères s’évaporèrent ces êtres qui se tenaient là, sous l’embrasement vespéral et sous la chaleur feinte des torches ? Car voilà ! Oncques vivant qui ne fût point asservi aux dieux noirs n’eût pu de telle sorte disparaître ! Assurément sont-ce là les duplicités des frères psychopompes… Aussi allons avec tempérance et modération, pour que nul ne soit interpellé par notre pérégrination.
(Et pour aller où, d’abord ?!)Certes, voilà ce que j’entends précocement de votre propre bouche avant que vous ne l’eussiez laissé échapper. Mais quelle énigme en mon cœur également ! Fuir pour fuir, voilà ce qu’est la vérité toute nue : trouvons ensemble la porte de cet infernal cachot, et ce sans que plus grand mal encore ne sévît !
Alors, c’est avec la mansuétude au cœur que me voilà cheminant : encline à sauver toutes les chances de mon ancien hôte
(et les miennes, si possible…) je clos derrière moi la porte tandis que les voiles de la nuit m’enveloppent entière – ainsi, peut-être, son bourreau ne s’apercevra-t-il point que les fers ne le tenaillent plus.
Mais tout de suite il faut que je m’envole ! Dans les hauteurs, me dit-il naguère, sera le seul espoir de salut. Aussi au-dessus des plus hautes lueurs volé-je avec parcimonie, l’œil aux aguets, dans la fureur d’un cœur qui frappe comme tambour de crainte d’être objet de poursuites – ou objet des observations malsaines d’une suprême instance…
Le couloir l’élance, infini, et se perd dans des brouillards épais. Je suis sa ligne, les doigts légers toujours à suivre les aspérités des parois pour ne point perdre le fil tandis que mes yeux s’égarent de gauche, de droite, et en arrière bien souvent. Un coude ! Point ne le suivré-je sans avoir auparavant scruté… Mais, rien ne se peut voir dans telles ardentes ténèbres ! Sans plus de vitesse qu’auparavant, et toujours dans les plus hauts frissons d’effroi – qui me ferait périr dans l’instant, je le sais, si la surprise s'y surajoutait – je m’enfonce plus avant dans une quête qui paraît sans fondement.
Une porte, Aro ? Crois-tu vraiment que cela soit si simple ?
...
...
(AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!!)Par Gaïa notre Mère ! Je me loue que d’avoir retenu en ma bouche ce cri qui m’eût été mortel ! Voilà que m’apparaît celui qui fut dans ma cellule. Pouvez-vous croire cela, ô lecteurs traînes-savates dont la raison ne peut qu’être pervertie par l’absence d’ailes ? Mais savoir encore si c’est là le serviteur de Phaïtos ou celui de Gaïa… ? Dans le doute et la crainte, plus que jamais envahie du besoin de prudence, je m’engouffre aussitôt dans les ombres les plus proches : une porte est ouverte, elle me fera office de rempart cependant que je l’observerai.
Pusillanime créature…
((Entrée dans la Grotte du Charnier))