Je marchais le pas pressé, encore légèrement irrité par l'effronterie du dénommé Erfandir. Mais je laissais mon coeur bien loin de tout la colère qui m'animait, pour un temps. Utiliser ses mauvaises passions à mauvais escient n'était pas la solution. Ce n'était pas le moment de créer la discorde. Surtout pas quand on ne connaissais aucunement les forces en présence. Avant de se faire des alliés, il était de rigueur de savoir qui était l'ennemi et pour cela, j'espérais que Naral Shaam serait une bonne source d'information. C'etait donc de cette éternelle démarche princière que je suivis Naral Shaam, le regard fixé sur son dos et sa cape virevoltant tel les ailes d'un oiseau de mauvais augure.
Je me demandais toujours qu'elle était la raison de sa présence ici. Il semblait en savoir beaucoup plus que ce qu'il voulait bien révéler sous son masque. J'avais une carte dans ma manche, briser le masque d'un homme n'était pas si difficile quand on connaissait sa faiblesse. Oui, car j'avais vu Naral pleurer, offrant pour la seule fois du temps ou j'avais eu la chance de le côtoyer une image affaiblit de lui. Je ne le blesserait pas, je me contenterais juste de le rendre plus humain à ma manière. De toute façon, j'aurais été le dernier des sots si je tentais de m'attaquer à cet homme. Premièrement parce que je l'appréciais quelque peu et que la mort affrontée avait tracé une sorte de lien que je considérais comme indélébile entre nous. La deuxième raison était que je connaissais sa puissance. Bien qu'inférieur à Vlash, il restait tout de même un homme avec bien plus d’atouts que moi.
Arrivé à destination, au bout du couloir, Naral s'empressa d'ouvrir une porte qui menait visiblement à une cellule. Mais quelle cellule ! Car quand je mis le pied dans cette pièce, c'est une vision divine qui m'assaillit. Ce n'était pas le genre de lieu ou nous étions retenus contre notre gré. C'était en d’autres mots la représentation parfaite de la prison dorée. Bien plus vaste que ce lieu puant la mort ou j’avais été jeté, bien plus équipé également. Mes yeux émerveillés parcoururent la pièce de long en large, faisant un tour d’horizon, s’attardant sur chaque détails. C'était tout simplement astucieux et au delà de toute esthétique, j'apercevais bien des symboles, bien des manières de concevoir cet espace. Existant ou non, je pouvais voir ces chose très clairement. Tout était organisé pour la vie quotidienne mais pas seulement. Il y avait la de quoi faire passer des messages à quiconque étant un peu attentif !
La première partie de la cellule était composée d'un trône sombre, imposant de part son symbole. Siège suprême de tous les monarques. A proximité, se trouvait une petite table nappée sur laquelle trainait quelques apéritifs composés de fruits secs. Quelques fauteuils étaient disposées tout autour, faisant de cet espace un lieu de réception parfait pour le maitre des lieux.
" Faire impression et montrer d'entrer qui a le pouvoir…"
Le second espace était tout aussi fournit. Une table capable d'accueillir plusieurs convives était dressée avec toute son argenterie et ses chandeliers. De quoi recevoir en tout hôte qui se respecte ses invités. Il y avait également un buffet sombre, socle d'une carafe de cristal et de son contenu bordeaux. Du vin, très probablement. Il n'y avait pas moyen de tromper l'oeil d'un connaisseur tel que moi. Egalement visible, un monte plat qui ne manqua pas me laisser dubitatif. Ce Naral Shaam se faisait également servir ses repas ?
"Savoir être un hôte irréprochable en toutes circonstances. Autant avec ses amis qu'avec ses ennemis…"
Dans un troisième espace, plusieurs éléments attirèrent mon attention. Un lit majestueux au-dessus duquel trônait une améthyste. Mon regard s'y attarda alors que d'innombrables flash me revinrent en mémoire. Des bribes d'un passé troublant et remplit de mauvais passages. La source du pouvoir du dragon mauve. Etait-ce cette même pierre ? Quelle importance ? Au final, ce symbole m'inspirait bien plus que le trône d'ébène car pour moi, cela était bien plus qu’un signe. Au pied de ce lit, un coffre se tenait fermé. Aussi étrange que cela pouvait paraître, la clé se trouvait dessus, comme si son détenteur ne craignait pas que quelqu'un puisse y voir ce qui s'y trouvait.
"Toujours garder un dernier atout dans sa manche… De quoi garder le pouvoir en toutes circonstances."
Au final cette pièce m'émerveillait. J'y aurais bien vécu un temps. Etait-ce tout ce luxe affiché avec démesure ? Ces symboles qui faisaient de notre hôte un homme à respecté ? Ou bien encore, plus simplement, ces tons de mauves de la nappe aux flammes qui ne manquaient pas de me ravir la vue ? Je n'avais moi même pas les réponses. Le plus important dans tout ça était que ma flamme se réveilla encore une fois. Ce désir brulant qui ne faisait que me détruire de jour en jour: Avoir le pouvoir et maitriser mon destin. Ces priorités qui régissaient ma vie avec une intolérance de fer. Offrir à nouveau à ma famille ce que mon père avait perdu de part sa cupidité.
Cet homme nous avait mené si bas, si loin de tout ce que nous avions étés pour Kendra-Kâr. De noble, nous n'en avions plus que le nom. Car seule la richesse nous appartenait encore. Plus de titres, plus de pouvoir. Au point d'avoir été obliger de fuir le joyaux de Nirtim pour Oranan car la vie et le nom des D’Arkasse ne signifiait plus grand chose.
Tout cet amas de pouvoir ne faisait que faire monter en moi une sorte d'euphorie contrôlée. Comment j'avais pu viser si bas pendant tant d’années? Succéder à mon père, à ses affaires et à tous ce qu'il avait perdu. Des décennies d'héritages partis en fumée. Et moi, tel un imbécile je n’avais voulus régner que sur un tas de ruines autrefois majestueux ? Je venais de comprendre une chose qui allait chambouler une fois pour toute le reste de ma vie: Vandrak D'Arkasse n'était plus digne d'être le patriarche de la famille. Il avait perdu tout le sens de ce que nous étions à l'origine en faisant passer le profit avant le pouvoir. Je serais le prochain guide suprême de nos vies, et je le deviendrais de gré ou de force. Mais il était hors de question que notre influence ne s'étende que sur notre cité oublié. Je voyais bien plus loin, bien plus grand encore. Toutes les cités des hommes étaient un empire bien plus à ma mesure.
Devant ces pensées, je ne pus m'empêcher de sourire légèrement, tendrement, comme on le ferait avec une femme aimée. J’étais encore bien trop émerveillé par ma nouvelle détermination inspiré par Naral Shaam. Plus j’y repensais et plus cela me transportait. Au final, je ne pus m'empêcher de rire légèrement, secouant la tête lentement avant de tourné un regard animé de mon désir ultime de pouvoir vers l'ex-disciple de Vlash. Tous ce que Naral affichait était complètement fou.
"Naral… Tout cela est absolument merveilleux. Vous avez su obtenir le pouvoir dans un lieu aussi hostile ? Votre âme doit être complètement sombre pour avoir eu cette idée si saugrenue de vous y installer comme un roi. Et la mienne complètement avide et encore plus corrompue pour apprécier la vue de votre domaine. Mais vous êtes comme moi, vous acceptez ce que vous êtes, quitte à déranger. N'est-ce pas ?"
Alors que je parlais, j'entrepris de m'approcher de lui. Me glissant à sa droite, effleurant d'un doigt les formes de son trône, presque amoureusement. J'étais complètement transporté au point d'en oublier certaines priorités, certaines méfiances. Ici, je me sentais complètement en confiance, à la hauteur de ce que je devais être de par ma naissance, de par la nature de mon moi. Les mots de Tathar me revinrent alors. Descendre d'un étage… Quel ineptie, j'étais tout simplement pas encore assez haut.
"Le pouvoir… Comment vous l'avez obtenu, prisonnier que vous êtes, comme le montre votre cellule ? Et de qui ? Pourquoi ?"
Continuant de plus belle, mon regard se porta vers le coffre et je m'y dirigeai semblant de ne pas le voir. Mon âme me brulait, s'agitait. Quelque chose changeait, du moins, quelque chose revenait à son état initial. Je le sentais, je l'éprouvais si fort mais j’étais incapable de l'expliquer. J'avais une tache à accomplir, une promesse secrète, mais quelqu'un m'en empêchait. Et cette personne n'était autre que celui qui m'avait enfermé ici.
"Cette personne qui vous a accordé tant de privilèges me retient ici contre mon gré, m'empêchant d'agir comme je le dois. Pourtant, il nous laisse libre de nous aventurer comme nous le voulons et cherche à ce que j’accomplisse quelque chose. Il me faut sortir d’ici, mais comment ? Qu'attend t'il de moi ? Ou dois-je aller et que dois-je faire ?"
A proximité du coffre, dos à Naral je tombais sur ma propre image reflétée par le miroir ovale. Je plissais légèrement les yeux m'approchant de mon reflet. Quelque chose m’y attirait, un détail que je je me devais de vérifier. Sans savoir pourquoi, quelque chose me dérangeait dans mon regard. Ce gris, cette froideur et ce regard assassin hérité de ma mère semblait jurer avec tout le reste. C'était comme si ils avaient été ajoutés, comme si ils n'étaient pas à leurs place. Ce sentiment était étrange. Mais pourquoi toutes ces pensées m'affluaient ? J’avais l’impression de me redécouvrir. Cette chose en moi ne cessait de grandir, de crier en bouleversant mes entrailles. Elle voulait sortir, mais une nouvelle barrière semblait se dresser à nouveau entre la liberté et elle. Plongée dans mon propre regard, je me laissai aspirer alors que me voix montait à nouveau. J’étais, comme ailleurs, obnubilé par ce que je pouvais lire dans mon regard.
"Vous me trouvez changé Naral ? Depuis l'ile interdite, c'est comme si l'obscurité ne cesse de vouloir me happer. Mongoor Vlash n'était rien comparé à ce que je suis en train de devenir. Je le sais… Infiniment plus mauvais et pourtant infiniment plus bon. C'est…magnifique."
Oubliant un instant mon reflet je m'en retournais vers Naral. Toutes ces paroles étaient sortis comme si je m'adressais à lui et pourtant, j'avais l'impression qu'ils étaient seulement le résultat de mes pensées les plus profondes. D'un coup, j'en oubliai cet état de transport dans lequel je venais de me trouver, retrouvant cet allure si fière que j'affichais en permanence.
"Je suis prêt à tout Naral ! Quitte à laisser des traces de cadavres partout ou je passerais. Quitte à me corrompre encore plus. Rien ne peut arrêter quelqu'un comme moi. Mais d’abord, il me faut savoir qui sont mes ennemis avant de déchainer ma colère. Auriez vous de quoi m'aider à sortir d'ici ? Que je fasse enfin ce pourquoi je vie. Des armes, des conseils ou quoi que ce soit d’autres. Pour le reste, je saurais me débrouiller."
Puis mon regard tomba sur le coffre encore une fois. Ma curiosité me brulait et je voulais savoir ce qu’il y avait à l'intérieur ou au moins essayer. Si cette clé était la, c'était surement que le contenu ne devait pas être si secret..
«Je peux ?»
Hors jeu : Si Naral accepte, Ezak ouvrira le coffre.
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"L'objet de la guerre n'est pas de mourir pour son pays, mais de faire en sorte que le salaud d'en face meure pour le sien." - George Smith Patton
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