Endar se sentait d'attaque après son séjour chez les géants de glace de Colomir'Thrù, sa nouvelle armure rutillante faite des glaces éternelles semblait des plus résistantes et à la fois souples, elle ne gênait aucunement ses mouvements et il sentait les ondes agréables de la magie parcourir son corps. D'ailleurs le chef avait dit que c'était un cadeau de la Reine des Glace, voulait-il entendre par là la déesse Yuia elle-même ? Le Shaakt ne pensa pas que la déesse des glaces et de la beauté veuille intervenir dans le conflit engendré par la géniture de Thimoros et encore moins pour aider un elfe noir. Il devait s'agir d'une de leur déité ou d'une mage particulièrement puissante de leur clan habitant au sommet des monts de Sansarth. C'était une question à approfondir et cela donnait une nouvelle raison pour y retourner et peut-être la rencontrer pour la remercier déjà pour ce magnifique présent.

Approchant Arthim'Olth, le cheval disparut, laissant Endar et Ter'rol, son fidèle loup à la merci de cette grande étendue de cendres et de rocs couleur obsidienne. Les nuages noirs accentuaient le côté désertique et ténébreux du lieu, il n'en attendait pas moins d'une région contrôlée par Oaxaca. Il se souvint de la colère de Valshabarath dans sa vision, sans doute la déesse sentait qu'il s'approchait de son but ultime: revenir conquérant à Khonfas pour exiler les prêtresses de son culte infâme.

Affronter Oaxaca et les Ynoriens était un plan totalement déjanté. Bloquer le fluide à Elscar'Olth semblait être une tâche réaliste si ledit passage spatial était dans une salle du même acabit que celui à Fan-Ming, convaincre un Garzok ou un Sekteg de se battre contre sa propre race était aussi possible, ils étaient bien trop stupides, seule la violence les faisait réagir mais Vallel, lui, posait problème. Vallel était un des treize lieutenants d'Oaxaca et son corps était déjà mort.

L'archer-mage se demanda surtout où une telle terreur pouvait se trouver sur Aliaénon. Il avait conquis Esseroth et l'avait occupé selon le Conseiller de Fan-Ming, cependant il doutait que Vallel attende bien sagement dans l'ancienne cité des mages libres. S'il commandait en personne les troupes pour l'assaut sur Andel'Ys, les aventuriers défendant la cité allaient devoir user de nombreux stratagèmes et avoir une bonne dose de chance. S'il se trouvait, comme il le craignait, à Elscar'Olth, il pouvait dire adieu à sa brillante stratégie pour bloquer les renforts de la demi-déesse ténébreuse et défendre Andel'Ys.

Regardant autour de lui, il remarqua les roches noires striées par ce qui était sans doute de la lave. Attrapant l'amas de filet et de toiles de jute, il les enleva de sa monture pour les poser contre un des pics les plus proéminents de la plaine obscure de manière bien visible lorsqu'il reviendrait et il ne prit que deux cordages avec lui avant de chevaucher son loup cherchant la trace de ladite cité. Deux hypothèses lui venaient à l'esprit: soit la cité avait été réduite en poussière par l'innombrable armée soit la cité était souterraine comme Khonfas et cette hypothèse se valida lorsque ses oreilles pointues captèrent des sons métalliques diffus parce que lointains.

Il entendait clairement de lourdes chaînes qui crissaient et des chocs répétés contre du minerai. Arthim'Olth était une fonderie selon les bruits qui lui parvenaient, cela voulait dire des armes et d'autres pièces d'armures intéressantes faite dans cet étrange minerai noir veiné de stries incandescentes. Endar se dirigea au son jusqu'à une immense fissure cachée par une couronne de pics rocheux révélant par là-même Arthim'Olth, une cité des plus impressionnantes avec plusieurs strates. Il scruta la fosse et plus particulièrement le sommet de quatre tours haute d'une trentaine de mètres entourant une cinquième colonne centrale qui plongeait dans les profondeurs de la cité et qui rougeoyait sans aucun doute du fait de la lave même si son acuité visuelle ne lui permettait pas de voir aussi loin. Il fallait bien descendre quarante ou cinquante mètres pour toucher le premier palier.

- Voyons à présent comment un être aussi chafouin que moi peut descendre jusque dans la fosse.

Il réfléchissait alors même que la solution se tenait non loin de lui. Il avait d'abord pensé à assembler le cordage pour n'en faire qu'une longue corde et descendre en rappel, c'était sans doute une bonne idée pour infiltrer la cité minière sans heurt avec la population locale, mais il ne pouvait faire passer sa monture de cette façon jusqu'en bas et il n'allait pas abandonner Ter'rol sur une plaine désertique.

Son regard rencontra le chemin de pierre sculpté à même les parois descendant vers le premier plateau de cette fosse. Avisant la taille de sa monture, il vit que son loup pouvait l'emprunter sans souci. Il prit une des cordes en sa disposition et l'enroula autour de sa taille et de celle de Ter'rol resserrant bien les nœuds.

( Avoir un loup comme compagnon de cordage, c'était une première ! )

Par la suite, il prit une des flèches de son carquois posée nonchalamment contre sa cuisse et y enroula une autre corde autour avant de la glisser dans son sac, puis il en fit une deuxième avec le dernier cordage, en laissant assez dans son carquois pour assurer sa survie dans la fosse. D'une main, il tint la corde le reliant à son loup et l'enjoint à le suivre. Doucement, il descendit dans la fosse en empruntant le chemin de pierre posant ses pieds avec précaution. Même si la roche ne semblait pas friable, il préférait être méfiant. Durant la descente, il réfléchissait sur le type d'habitants il allait trouver à Arthim'Olth. Etaient-ils encore d'ailleurs les habitants originaires ? Cela pouvait être des Sektegs, ils étaient assez intelligents pour forger des armes et armures résistantes bien qu'inesthétiques en règle générale. Cela pouvait être des prisonniers, cette cité avait tout l'air d'une prison de haute sécurité avec une seule voie ou une forge comme il le pensait à l'origine.

Comme il avait espéré avant la descente en enfer en direction du premier palier, l'escalier de pierre était très solide et entretenu ce qui signifiait la présence d'autochtone dans les parages. Lors de la traversée, il comprit que la cité était plutôt ancienne et bâtie comme Khonfas, les quatre tours devaient avoir plus d'un siècle d'existence selon lui tandis que les tréfonds étaient récents. La cinquième tour était donc la plus récente et un étrange pentacle lumineux brillait en contrebas, projetant une lueur bleutée en direction du plafond.

( De la magie en un lieu si abandonné ? Qu'est-ce qu'un cercle magique fait dans une mine et une fonderie si tant est que cela en était une. )

Comme il s'en doutait, il croisa un poste de gardes au premier pallier. Il était de toute manière difficile d'être discret dans une gigantesque fosse même en faisant du rappel contre la roche couleur obsidienne. Les quatre garzoks costauds étaient munis de Kikoups semblant particulièrement lourds et tranchants et leurs armures devaient avoir été faites de cet étrange minerai noir. Il ne voyait pas un tel monde être peuplé de Garzoks, mais peut-être se trompait-il.

Oaxaca était aussi maligne qu'un Shaakt de s'emparer de ressources fondamentales pour fournir son armée en armements, surtout si ledit minerai était aussi magique que les glaces éternelles dans lesquelles étaient faites son armure. L'un deux lui beugla dessus pour obtenir des renseignements sur son identité. Il ne répondit pas à sa réplique au prime abord s'occupant d'abord de défaire les nœuds qui le reliaient à son loup, puis s'approchant de la patrouille, il monta sur sa monture pour avoir une attitude plus dominatrice. Par la suite, il lui rétorqua d'un ton égal:

- Parle-moi sur un autre ton, crevette ! Ne vois-tu pas que je suis un Shaakt ?! Je suis Endar, commandant des troupes de Khonfas sur Yuimen, je viens m'assurer de l'approvisionnement de nos troupes sur ordre de la Reine Noire et des Treize ainsi que de prendre ce que vous proposez de meilleur à Arthim'Olth. Devrais-je l'informer de votre infâme accueil pour qu'elle vous donne en pâture aux araignées des prêtresses Shaakt ?!

Le mépris se lisait sur son visage qui baignait en partie dans les ténèbres, une expression qu'il n'avait pas besoin de simuler puisqu'il détestait la stupidité des Garzoks et le côté pernicieux des Sektegs qui ne devenaient pas pulluler en ces lieux en raison de la présence des Orques. Tout le monde était au courant que sans la magie sombre d'Oaxaca et la présence de ses treize sbires, les Garzoks en auraient fait leur casse-croûte.

Il était allé un peu fort pour traiter un colosse comme lui de "crevette", néanmoins demander gentiment un droit de passage serait encore plus louche. Il avait parié sur le fait que c'était bien des troupes d'Oaxaca qui occupaient les lieux, cependant la question restait entière de la manière dont ils extrayaient la roche, dont ils la raffinaient et surtout de qui s'occupaient de tout cela. Le Shaakt voyait mal des Garzoks s'occuper de ce genre de basse-besogne, ce devait être des esclaves en toute logique.

( Des esclaves d'Aliéanon, de Cisley, le monde duquel les troupes d'Oaxaca passent ou de Yuimen ? Je vais voir cela, une rébellion serait bénéfique et capable de bloquer l'acheminement des minerais d'une part et de former une armée pour soutenir ma tentative de rendre inutilisable le fluide spatial d'autre part. )

Son grand noir loup grognait et il en profita pour sortir un bout de viande de sa sacoche pour le lui jeter. Si son discours ne suffisait pas, la simple vue d'un loup noir, monture préférée des troupes d'Oaxaca, en train de déchirer de la viande et de ronger l'os de la côtelette allait grandement faire réfléchir les Garzoks, si tant qu'ils en soient capables, sur la manière de traiter leur invité.

Les compagnons du garde ne semblaient pas être très intelligents alors si un combat s'annonçait, il aurait l'avantage vu la configuration des lieux. Les yeux bicolores de l'archer-mage fixèrent ceux du garde qui l'avait apostrophé en attendant que l'information circule dans son cerveau atrophié.

- Ah, et j'oubliais. Je veux voir le dirigeant d'Arthim'Olth, je ne peux révéler toute ma mission qu'à une personne qui a obtenu l'autorisation de Vallel.

Son discours n'avait pas totalement fait mouche, il se doutait que cela ne serait pas aussi facile, mais le Garzok ne semblait pas voir jusqu'où un tel comportement allait le conduire. Lorsqu'il lui rétorqua qu'elles pouvaient se faire dévorer par leurs propres araignées, Endar hésita entre garder un visage sérieux, presque militaire et lui rire en pleine face, visage qui était loin d'être magnifique et ce même selon l'archétype de la beauté Orque.

Il lui donna néanmoins son nom: Gurorth Gruburzh et c'était déjà une victoire pour sa part. Il ne s'attendait pas recevoir un accueil digne de celui reçu à Colomir-Thrù, l'essentiel était de vérifier l'armement des armées d'Oaxaca et d'ainsi fournir les troupes de Fan-Ming au détriment de la semi-déesse. Le Garzok au visage monstrueux et semble-t-il à la peau couleur beige, cracha près des pattes de devant de son grand loup noir qui se mit aussitôt à délaisser son os pour grogner férocement, de la bave coulant le long de ses crocs et de ses babines.

Les trois autres gardes étaient manifestement nerveux et étaient prêts à intervenir. La peur se lisait sur leur visage et cela lui fit plaisir, même s'ils n'étaient pas forcément effrayés par le Shaakt. Endar en conclut que le Garzok insolent devait être leur supérieur, peut-être un sergent ou un capitaine. Le ton brutal du capitaine le ramena rapidement sur terre et l'obligea à descendre de sa monture et de le laisser là s'il voulait qu'il le mène à Gorzol, sans doute le dirigeant d'Arthim'Olth.

Tapotant l'encolure de son loup, il lui chuchota quelques mots et il se calma rapidement, ce qui lui permit de descendre de sa monture.

- Ter'Rol, reste sagement ici en attendant ! Quant à toi Gurortg Gruburzh, ce n'est pas à toi de décider si tu dois m'obéir ou non, mais à ton supérieur, à Vallel et au plus haut niveau, à notre Reine noire. Je n'obéis qu'aux ordres de Vallel et surtout à ceux de notre Reine qui m'a demandé personnellement de vérifier les stocks d'armes et d'armures et d'élaborer les différentes stratégies militaires pour dominer Aliaénon.

Il vérifia que Ter'Rol obéisse bien à ses instructions et il suivit sans discutailler Gurorth. Il profita de la marche pour parfaire sa nouvelle identité, car il ne doutait pas que Gorzol cherche à le percer à jour, les Garzoks étaient stupides, néanmoins il valait mieux s'en méfier lorsque l'on les rencontrait.

Petit à petit, il se constitua une identité valable, surtout si Vallel avait décidé de lui pourrir la vie en s'installant à Arthim'Olth quelques temps, mêlant adroitement vérité et mensonges. Son armement ne risquait pas de le trahir, il pourrait toujours expliquer pourquoi il portait une armure faite de cristaux de glace pure et son arc était de facture elfe noire. Passer pour l'espion et le stratège personnel d'Oaxaca devrait lui ouvrir les portes de la cité sans aucun problème.

La stratégie militaire a toujours été un des points forts de la culture Shaakt et il ne dérogeait pas au lot, bien au contraire, il avait déjà mis quelques unes de ses ruses dont il était fier en pratique. Au moins, espérait-il que Gorzol punisse Gurorth pour son insolence, parce que dans le cas inverse il serait le premier sur sa liste noire.

L'affreux lieutenant ou capitaine le guida à travers les profondeurs de la lugubre cité souterraine d'Arthim'Olth. Chaque pas résonnant à travers ce gouffre sans fond lui rappelait des souvenirs de sa belle cité, Khonfas, car après tout il avait également d'agréables souvenirs de sa cité natale et il avait quant même servi l'armée à de nombreuses occasions. Les quatre tours le fascinaient mais c'est surtout le cercle magique qui l'intriguait, seuls les nains ou les enchanteurs a priori utilisaient ce genre de techniques. Etait-ce pour le raffinage ou la création des armures des Garzoks ? Concernant ces derniers, le quatuor qui le cernait de toute part sans avoir pris ses armes néanmoins le firent passer par un étrange pont qui pouvait se lever grâce à de lourdes chaînes constituées du même minerai couleur obsidienne. Si Arthim'Olth était à l'origine une mine et une fonderie, ladite cité était à présent devenue une forteresse presque imprenable mais il s'en était douté lorsqu'il l'avait aperçu à la surface et même il comptait stationner les troupes qu'il comptait embaucher voire débaucher à cet endroit précis.

Au premier pallier de la tour Ouest, Guroth Gruburzh s'approcha d'une porte gardée par deux fonctionnaires tout aussi hideux que lui et équipés de cette étrange armure noire. Xël, le mage qu'il avait rencontré à Fan-Ming et qui avait survécu à la chute d'Esseroth ne lui avait pas dit que les troupes portaient ce genre de protections et le Shaakt doutait qu'il ait oublié d'y faire mention volontairement ou non. Par contre, le mage lui avait parlé de géants noirs et Endar songea que cet endroit était peut-être leur lieu de fabrication. L'orque tambourina à la porte avant de l'ouvrir sans attendre une quelconque approbation de l'autre côté. Les bonnes manières Garzok l'étonneront toujours à vrai dire.

Le Garzok à son bureau était avachi sur un grand siège de métal et rembourré de coussins qui n'allaient pas du tout avec le mobilier. Des formes ressemblant à des êtres tout droit sortis de l'enfer de Phaïtos étaient sculptés sur le bureau massif derrière lequel il se tenait. L'intendant Gorzol, un titre des plus narcissiques pour un simple abruti de Garzok. La finesse du mobilier laissait présager une conquête d'Arthim'Olth par les Orques. La véritable question était de savoir où était passé le peuple qui résidait en ces lieux. De nouveau, cette peau couleur beige qui aurait été sûrement belle si Endar décidait de rajouter sa tête à sa collection nouvellement créée de têtes empaillées de Garzoks.

Lorsque le Garzok borgne décida de le faire rentrer et en même sortir son abruti de second, il le questionna à propos de sa présence en ces lieux avec une lueur d'amusement qui ne plaisait pas du tout à l'archer-mage.

- Me traiter de rat, votre second a le sens de la courtoisie !

Après un moment silencieux, il reprit d'une voix presque militaire au superviseur de la mine d'Arthim'Olth.

- Comme je l'ai dit à votre second, je suis là sur requête de notre Reine, je m'assure que le matériel sera fourni dans les temps comme convenu. Mes ordres sont aussi de transmettre les informations nécessaires à Arthim'Olth à ceux qui ont obtenu l'aval de Vallel. J'ai entendu parler de la chute d'Esseroth, on ne peut pas appeler ça une bataille vu la facilité que vous avez eu à vaincre les aventuriers Yuiméniens venus en secours aux mages locaux mais on ne peut pas appeler cela pour autant une victoire puisque les troupes dépêchées n'ont pas été capables de tuer tous les mages...

Endar lui lança un sourire carnassier et sortit de son sac un gobelet et le vin qu'il avait pris à Fan-Ming, dernière acquisition de cette table pleine de victuailles. Restant toujours debout devant Gorzol, il se servit de cet épais breuvage et y trempa juste les lèvres avant d'en boire une gorgée.

- Je suis certain que ce petit air amusé signifie que vous avez quelques informations sur moi, je n'en attends pas moi des espions cachés sans nul doute à Fan-Ming et surtout à l'aide inestimable du Shaakt à l'entrée d'Oranan, parce qu'il est des nôtres, n'est-ce pas superviseur ?

Ses yeux bicolores observèrent celui qui était le maillon faible des troupes d'Oaxaca. Sans approvisionnement, l'armée d'Oaxaca serait affaiblie et si en plus il retournait cette avantage contre eux, le cours de la guerre s'en trouverait bouleversé.

- Pour reprendre les propos de Guroth, je ne fouine pas, j'organise des renforts contre Fan-Ming et Andel'Ys et j'ai besoin pour ça, sur ordre de la Reine noire, fille légitime de Thimoros, d'un des golems fabriqués à partir du minerai de cette cité car je me doute que le cercle magique est utilisé aussi pour leur création... Quant à mon identité, comme je l'ai déjà dit, vos espions ont déjà dû vous appendre non seulement que je suis commandant des troupes à Khonfas, que j'ai tué trois matriarches de Khonfas, puis une prêtresse après dix ans passés dans un cachot humide. Une identité parfaite, créée selon les ordres de la déesse pour ne pas éveiller les soupçons des Ynoriens.

Finissant son gobelet rempli de vin, il conclut:
- Ai-je ainsi répondu à votre question, superviseur Gorzol ?

Endar se sentit piégé telle une souris par un vilain chat lorsqu'il rota presque à sa figure que leurs deux peuples se haïssaient et qu'il conforma sa pensée selon laquelle le superviseur Gorzol l'avait démasqué. Se redressant de toute sa hauteur de son siège bien trop magnifique pour une sous-espèce de son genre, il semblait jubiler de lui faire remarquer toutes ses erreurs. Un Garzok qui se prenait pour un individu supérieur face à un Shaakt, quelle farce ! Cet abruti sans nom lui donnait toutes les informations qu'il lui fallait par la même occasion, même s'il le menaça de l'enterrer ou de le laisser croupir en cellule. Endar avait passé plus de dix années dans les pires geôles de Yuimen et ce n'était sans doute pas la faim qui tuait les prisonniers des Shaakts ni même leurs atroces châtiments. Le second de Gorzol avait eu tort de commettre la folie de sous-estimer sa race, les Orques étaient voués à disparaître sans Vallel, un des douze autres lieutenants maudits et surtout sans l'emprise mentale d'Oaxaca. Les Shaakts de Khonfas ne s'étaient pas soumis à la Reine noire, ils avaient voulu la servir en toute connaissance de cause, néanmoins les Garzoks et les Sektegs ne servaient qu'en première ligne, ils n'étaient pas indispensables pour la demi-déesse obscure.

Le laissant approcher et dégainer une épée qui était plus raffinée que l'être qui la détenait, le Shaakt écouta ses erreurs et enregistra en même temps les informations que lui transmettait le surveillant des mines d'Arthim'Olth. Gorzol lui apprit que seul Vallel était présent en Aliaénon et qu'il recevait ses ordres directement d'Oaxaca, il est le seul à commander ainsi aux deux troupes ou plus postés sur les terres de l'Aliaénon. Cette information lui apprit qu'il résidait soit à Esseroth avec la garnison, soit menait les troupes pour prendre d'assaut Andel'Ys. Peu après il lui informe qu'il y a un sergent du nom d'Elath stationné à Elscar'Olth dont la mission semblait de recevoir et d'envoyer les "serviteurs de l'ombre".

Ensuite, l'Orque lui apprit que le shaakt à Oranan n'était pas un de leur espion, peut-être ne l'était-il pas du tout à vrai dire et plus primordial comme information, les forces d'Oaxaca ne possédaient aucun espion à Fan-Ming et il ne voyait pas pourquoi il lui mentirait en cette instant où l'excitation malsaine qui s'emparait de son être atteignit son optimum. Par ailleurs, Vallel avait utilisé tous les géants d'argent noir pour la bataille d'Esseroth, cela voulait dire que les défenseurs d'Andel'Ys avait peut-être de meilleures chances de victoire.

Le plus amusant dans les propos du Garzok était sans aucun doute la tentative de savoir pour qui il travaillait. Il le soupçonnait d'être l'espion d'un des Treize, un rival de Vallel, ce qui signifiait qu'il n'y avait aucune alliance entre les lieutenants d'Oaxaca, une très bonne chose pour lui. Evidemment, il pensa aussi qu'il travaillait pour les matriarches de Khonfas, or il en avait tué plusieurs et ne songeait nullement les servir, au contraire... Quant à la République d'Ynorie, l'archer-mage détestait les humains au plus au point.

Il se savait pris aux pièges dans cette pièce fermée et creusée en partie dans les minéraux d'Arthim'Olth. Il n'y avait également aucune fenêtre pour s'échapper. Utiliser la magie était une bonne option, cependant même si sa magie atteignait assez sérieusement le surveillant, rien ne lui garantissait de réussir de se défaire de toute la garnison de la cité et de pouvoir emprunter sans risque les ponts élévateurs. Il laissa un énigmatique sourire flotter le long de ses lèvres et ses yeux luisaient d'une lueur sauvage. Un autre plan germait dans son esprit tortueux, il pouvait toujours saisir sa chance.

Il applaudit bruyamment à la fin du discours de l'affreux.

- Quel discours, bravo ! Il y a cependant une légère faille dans votre plan, si vous aviez voulu me tuer, vous l'auriez fait même avant que je ne franchisse le seuil de votre porte ou alors votre lieutenant s'en serait chargé avec un plaisir certain. Je ne suis pas un vulgaire rat fouineur, c'est ce que vous oubliez bien vite, surveillant Gorzol. Tuez-moi et Vallel n'aura pas la moindre once de pitié pour tout vous retirer. Je suis un espion, c'est un fait mais vous ne savez pas qui est mon employeur et franchement si vous pensez que la prison ou la torture me fera parler, vous connaissez bien mal mon peuple...

S'approchant légèrement de la lame dressée dans sa direction, ses yeux fixèrent l'œil unique du surveillant.

- Vous m'avez gentiment fourni toutes les informations que je désirais et cela vous plaît de penser que vous pouvez enfin remettre à sa place un elfe noir, vous oubliez juste que ma cité est alliée à Oaxaca et que j'en suis le commandant des armées. Je peux ainsi fournir beaucoup plus que des informations à votre maître. Vallel a beaucoup à gagner avec ce que je sais, sans moi vos armées ne franchiront même pas le seuil des murailles de Fan-Ming... claironnât-il.

- Voilà le marché Gorzol, je négocie avec votre maître qui vous récompensera ainsi généreusement ou vous gâchez cette chance et vous me tuez. Une fois mort, j'irais boire avec Phaïtos un bon verre de liqueur de veuve noire en rigolant avec lui des châtiments que Vallel ainsi qu'Oaxaca vous infligera pour une telle erreur d'appréciation. Vous avez à présent les cartes en main Gorzol !

Il doutait fortement que Gorzol soit assez intelligent pour accepter l'offre qu'il lui a été faîte mais il valait mieux tenter le tout pour le tout, Vallel pouvait toujours sauver son cas. Les Dieux eux-mêmes apprécieront l'ironie de la situation.

Le rire gras et malsain du surveillant des mines d'Artim'Olth fit monter la colère en lui. Le traiter de vermine et insulter son peuple en les qualifiant de lâches n'aidait pas non à l'apaiser. Ce Garzok se pensait si important que cela en devenait risible, personne ne surpasserait les elfes noirs, ils étaient les seuls à pouvoir se qualifier d'êtres supérieurs. Une lueur sauvage s'agitait dans ses yeux bicolores alors qu'il reculait en direction du bureau dont l'architecture était digne de Phaïtos.

(Phaïtos, peut-être devras-tu accueillir mon âme prochainement, mais ce ne sera pas pour aujourd'hui !)

Il planta son regard dans celui du borgne et il ne cacha pas sa haine envers un être si inférieur. Oaxaca et Vallel paieront un jour pour cet affront mais au moins les paroles de Gorzol avait réveillé la flamme en lui. N'avait-il pas toujours lutter contre les forces d'Oaxaca alors pourquoi devrait-il s'y soumettre maintenant ? Oui, les Shaakts étaient impérieux, se prenaient légèrement pour les maîtres du monde, néanmoins jamais ils ne plieraient devant l'ennemi, en tout cas pas lui.

En effet, il n'a jamais été le commandant de la garnison de la cité souterraine de Khonfas puisque cette place avait été accordée à sa sœur cadette qui ne comprenait rien à la stratégie et à l'idée de se battre avec les hommes en premier rang. L'archer-mage rappelait toujours à ses frères de sang qu'il n'était pas sa sœur et qu'il continuerait de se battre en première ligne avec eux. Selon lui, un général devait toujours être auprès de ses hommes pour les inspirer et leur montrer qu'ils peuvent dépasser leurs limites ensemble.

- Votre jactance m'étonnera toujours Gorzol, soit je me rends...

La sentence était tombée, du moins le borgne pouvait-il le penser, n'y avait-il pas plus grande erreur de penser son adversaire défait. Lentement, il enleva son arc mis en bandoulière et le posa contre la face plane du bureau mais sa main tint bon son arc, il ne le lâchait pas pour autant. Il baissa la tête légèrement et ferma les yeux, faisant le vide autour de lui, calmant progressivement les battements de son cœur tandis que la magie imprégnait ses veines. Il sentait l'air autour de lui s'alourdir, les particules de la magie sauvage d'Aliaénon se coller contre les pores de sa peau couleur olive. Il rentrerait en héros à Khonfas ou il ne rentrerait pas du tout !

Sa magie commença à se manifester mais il la retint pour la concentrer à son maximum, au moins mourrait-il en mage. Dans son esprit, une image d'un immense raz-de-marée lui apparut, il voyait l'océan gronder et se briser contre la roche s'effritant siècles après siècles jusqu'à ne rien laisser. Voilà la toute puissance de l'océan, une force brute qui lui correspondait à merveille. Telle la mer, sa magie grondait dans ses veines, affluait et refluait à l'intérieur de son corps. Pour toujours, il ne ferait qu'un avec la magie. Un autre sort lui venait en mémoire, celui de la projection aquatique qu'il maîtrisait, il se souvenait de l'entraînement contre l'écorce des arbres et les bandits. Ce n'était pas un simple jet d'eau cependant qu'il essayait de créer mais le déferlement des océans. Il canalisa sa magie, la domptant pour que l'imaginaire devint réel, car telle était la bénédiction de ceux nés mages. Le calme résonnait dans son être lorsqu'il releva la tête et rouvrit les yeux pour faire face à son ennemi.

- Gorzol...

Néanmoins après le calme venait la tempête.

- Elgg mina jal Ter'rol (Tue les tous), hurla-t-il à l'intention de son loup avant de lever sa main gauche en direction du surveillant borgne, Natha vlos qu'mados zhah ussta belbol whol l'ciiholtryui Moura (Une mer de sang est mon cadeau pour la déesse Moura).

Il laissa la fureur s'abattre, déclenchant son sort en espérant que Moura le soutienne dans cette dure épreuve.

[Tentative d'apprentissage et d'utilisation du sort évolutif d'eau:
Raz-de-Marée : Une vague haute, forte et très rapide surgit de nul part à toute vitesse. Elle emporte [lvl/5] personnes plus loin, alliés comme ennemi, à [lvl/2]m arrondis à l'inférieur, en risquant de les noyer (mag+0,5/lvl). Puis la vague s'évapore comme elle est apparue. Ils mettent [lvl/4]tours, minimum 1, arrondis à l'inférieur, à revenir à leur position initiale s'ils le désirent. L'environnement autour peut en être abimé ou altéré selon la puissance du sort.]

Endar sentit ses fluides se diffuser dans la pièce et une vague d'eau saline surgit tout d'un coup pour emporter le surveillant d'Arthim'Olth comme un vulgaire fétu de paille contre le bureau dont il devait être si fier de posséder. Accomplissant un salto des plus éblouissants, le Garzok ne put retenir le flot rugissant et son corps se brisa contre le mur composé des minerais si étranges de la cité souterraine. Le Shaakt vit avec soulagement que son sort s'évapora, il avait craint que la magie toute puissance d'Aliaénon ne le noie dans cet espace contiguë et sans fenêtres ou pire, que sa substance vitale soit totalement vidée. Cependant, la situation s'avérait meilleure qu'elle ne l'était il y a quelques minutes. Gorzol n'était pas mort puisqu'il entendit ses râles entre deux quintes de douleur. Il allait mourir sous peu de toute manière s'il ne recevait pas des soins appropriés et il doutait fortement que les Garzoks soient des guérisseurs ou manient des fluides de lumière. Il s'accroupit près du Garzok borgne.

- Ne sous-estime jamais la fourberie des Shaakts, lui susurra-t-il avant de se relever.

Il ajusta sa prise sur l'arc et banda la corde, pinçant le bout de la flèche. Néanmoins, avant qu'il ne put relâcher la pression exercée sur la corde, la porte claqua, s'ouvrant devant un personnage des plus connus.

- Guroth...

Celui-ci avait une mine encore plus hargneuse que d'habitude, l'archer-mage avait toujours pensé que cela ne pouvait être possible et pourtant il en avait la preuve formelle. Furieusement, il se rua dans sa direction, toute lame sortie. La fameuse épée des Orques nommée kikoup passa largement à côté de sa cible mais l'elfe noir subit de plein fouet sa charge, sa lourde carrure le renversa et ils roulèrent sur le sol comme deux amants en plein ébat sauf qu'ici la récompense était la mort pour l'un des deux. La formation militaire de Guroth lui permettait de se relever plus rapidement pour ramasser son arme, ce que son adversaire ne savait pas c'était qu'il avait également reçu un entrainement des plus rigoureux dès son enfance. Il se releva pour ramasser son arc et tira une flèche de son carquois, bandant avec aisance son arme de facture Shaakt. Il fallait éliminer son ennemi rapidement et la proximité lui était favorable pour toucher sa cible.

Son cœur battait la chamade mais son esprit était calme et résolu. Une puissante énergie s'empara de son corps, ce n'était pas ses fluides qui affluaient dans ses veines mais une énergie différente qui entourait ses nerfs et renforçait ses muscles. Si la vision des elfes était légendaire, elle connut un accroissement du fait de cette nouvelle énergie et ses yeux purent apercevoir même les fines parcelles de sa peau et le grain de son armure faite d'argent noir. L'énergie intérieure enveloppa son arc et sa flèche ainsi que ses doigts fins. Il se souvenait de son entrainement au champ de tir de Khonfas et des nombreuses escouades d'Eniod que ses flèches avaient achevées. Il ajusta son tir alors que Guruth avait son épée bien en main. Il libéra sa flèche en visant précisément sa tête hideuse, entre les deux yeux en espérant l'achever d'un coup sans qu'il ne puisse riposter. Le lieutenant et le chef exterminés, il ne restait plus que quatre autres Garzoks qui trembleraient de peur si le mage leur dévoilait leurs deux têtes.

[Apprentissage et utilisation au lvl 7 de la CC AJ Tir critique : L'attaquant vise les points sensibles de l'ennemi, augmentant les chances de lui causer une blessure fatale. (L'intervalle des coups critiques aux dés passe de 95-100, à [95-lvl] - 100, minimum 50. For+1/lvl) ]