Pendant de longues minutes, le prêtre récita une prière à la gloire de Brytha sous le silence infiniment religieux des fidèles. Ce temps fut propice au tigré qui pu à son aise, et dans une totale discrétion, enfiler le reste de son équipement : ses épaulettes flamboyantes, ses jambières d'acier et pour après, son terrifiant casque de guerre. Ascalon ouvrirait le bal en faisant couler le sang du prêtre, Aztai cumulait de l'énergie depuis une bonne minute afin de parvenir à ses fins. Les yeux rivés sur la scène, il attendit le moment propice pour passer à l'action.
(Elle grossit)
Un craquement à peine perceptible se produisit, dans le dos du félin.
(Elle grossit) répéta Zénith. (Je sais!) S'énerva le félin (Je vais y arriver lorsque cette abruti cessera de faire les cent pas autours du métal en fusion)
Chaque demi-secondes comptaient, Aztai commença à relâcher peu à peu son ki, amplifiant la puissance de son bras droit. Ascalon semblait plus légère à présent, beaucoup plus légère... le félin prit une dernière inspiration, reculant accroupi de trois mètres environ, il se releva et s'élança. Contractant tous ses muscles, il balança énergie physique et kiique dans son bras. Ascalon quitta sa paume avec un sifflement inquiétant et parcouru la distance qui séparait le fauve du prêtre en moins d'une seconde. Alors que l'homme en toge d'argent relevait les yeux sur sa droite, la lance à la pointe sang du tigrée vint le harponner à pleine vitesse sous le bras, transperçant os, chair et poumons. Sous une fontaine d'hémoglobines, le corps meurtri du prêtre s'écroula dans l'herbe. Ascalon, quand à elle finie sa course plantée dans le sol, encore vibrante de la puissance du woran neige. La vague de joie emporta Aztai mais pas moins de neuf têtes se tournèrent vers lui. Seule la fille sembla pétrifiée devant un tel spectacle, les chevaliers se mirent en action telles des marionnettes quand à eux. De leur casque sans expression naquirent une peur et une angoisse qui voulurent s'emparer du félin, mais celui-ci saisi son casque et dégaina sa lame.
-Je ne répond plus de mes actes. (C'est maintenant où jamais, Xaï nous a donné là plus qu'il ne fallait je pense)
En effet, des craquements provenaient des bois, quelque chose qui prenait vie et forme. Le fauve se mit en course, repérant un chevalier se diriger vers l'armure. Tous les autres dégainèrent leurs épée, certains accoururent vers leurs chevaux pour varier leur technique de défense. Un premier tenta de barrer la route à l'assaillant poilu ; ce dernier, en pleine descente, se jeta en avant, esquivant l'épée bâtarde de son ennemi. Une roulade plus tard il était debout, mais malheureusement encerclé par pas moins de trois guerriers en armure. L'un d'eux tenait la relique dans ses mains, il n'en fallut pas plus au fauve pour orienter son choix. Fonçant pleine vitesse en sa direction, ce dernier lâcha son fardeau au dernier moment, encaissant un plaquage féroce de la part du félin. Repérant le trésor, Aztai fit volte-face pour dévier un coup de lame et roula sur le côté pour se relever en sécurité. Il prit un vif instant pour garder en vue l'orée de la forêt d'où il avait surgit.
(C'est bon ! C'est bon!) -Yahahaha !
Aztai jubilait. Une véritable force de la nature se dressait à la lisière du lieu de culte, un colosse, véritable gardien de la forêt. Tous, sauf Aztai, furent impressionnés et un vent de panique secoua les fidèles de Brytha. Le fauve profita de cette diversion pour attaquer le chevalier le plus près, portant un coup précis au niveau de l'omoplate. Dans un « clang », la lame ripa sur l'argent ne laissant qu'une pauvre éraflure à la surface.
-Merde !
Aztai aurait pu en rire tellement la scène avait été ridicule, une folie angoissé s'empara de lui et il ne fit plus que confiance en son instinct. Avant que son ennemi face demi-tour ne lui tranche la tête, le fauve plongea sur l'armure derrière lui. La serrant comme sa vie dans ses bras, il repéra le golem sylvestre et sprinta en sa direction. Il trébucha en évitant le coup de hache d'un chevalier de retour et aperçu du coin de l'oeil la femme qui s'était revêtu de son vêtement. Elle semblait jeter des éclairs avec ses yeux, visiblement prête elle aussi à défendre son culte. Alors qu'Aztai passait à ses côtés, elle leva un bras en sa direction, lâchant un mot rageur que le fauve ne put entendre. Un étau lui empara l'esprit, il perdit l'équilibre et s'écroula. Un tremblement inquiétant lui affirma que Xaï n'avait pas faillit à sa tâche. L'entité végétale avait du prendre pour cible l'un des courageux chevaliers-miroirs... Dans lutte intérieure contre les pouvoirs de la femme, Aztai eut le temps de se retourner sur le dos pour avoir en vue son assaillante. Hélas, la douleur et l'impuissance le rendait capable de rien. La femme, elle, tenait un sourire satisfait, indifférente au saccage que produisait le féroce allié du fauve... qui prit une solution étonnement intelligente : celle de défendre son invocateur. Ce dernier n'eut le temps de voir le coup arriver mais sa position le protégea totalement : un roc traversa le champ de vision d'Aztai et faucha de plein fouet l'humaine, réduisant le haut de son corps en une mare de sang et d'os, projetant le reste plus loin dans sa chute. Un geyser de sang aspergea le tigré qui reprit pleinement le contrôle de lui-même, ignorant tant bien que mal la violence du choc pierre-humaine... Avisant le champ d'action du golem, Aztai s'éloigna légèrement, repérant les ennemis les plus proches, et l'un d'eux venait justement d'apercevoir le fauve couvert de sang mais vivant. Empoignant correctement son épée en fulminaire, il accueillit l'assaut avec une parade et une riposte qui n'infligea guère à son adversaire. D'une charge sans appui il repoussa le chevalier qui projetait tant bien que mal son épée bâtarde en direction de son crâne..
(Leurs armures sont trop épaisse pour ton épée) (J'ai pas le temps d'aller chercher Ascalon!)
Il reparti à l'assaut en même tant que sa cible et les deux combattants échangèrent quelques coups sans conviction ; ce n'est que lorsque le félin vit un autre chevalier abandonner le combat contre l'élémentaire s'intéresser à lui qu'il prit une décision. Profitant d'un estoc beaucoup trop haut placé, il saisit le bras brandit du fidèle et cassa nettement le coude de ce dernier en le rabattant vivement sur son épaule. Les failles des armures étaient peu nombreuses mais elles demeuraient !
De son côté l'élémentaire, dans une lente danse végétal, faisait voler chaque adversaire sur son chemin. Projetés, les chevaliers-mirroirs revenaient vite au combat, protégé par leurs armures d'argent .
(Au moins j'ai le temps de les achever un par un) (Fais attention à lui!)
Repoussant son adversaire meurtri, Aztai se prépara à cueillir le deuxième sur commande. Cette fois-ci il était équipé d'une hache à double tranchant. Un pensée de Rudy, son père, lui revint en mémoire : il le voyait tenant lui aussi fermement une arme semblable... cette image lui redonna confiance en lui, libérant une vague de ki bienvenue. Prenant de l'avance sur son ennemi, le félin cibla le guerrier en argent et fonça en sa direction. Il se concentra sur la hache et lorsque celle-ci s'abattit sur lui, le fauve fit bouclier avec son épée, avant de s'emparer violemment du bras de l'adversaire. Surpris, ce dernier ne pu empêcher le woran neige de le délester de son arme, repoussé par la suite d'un violent coup de rein. Le tigré était en possession d'une lame plus acérée pour venir à bout de ces gardiens en acier. Dans un tour de main habile, il fendit l'air pour venir scier le métal de l'armure, et ainsi toucher le flanc du fidèles. Le sang coula de l'ouverture, le chevalier tomba à genoux, gémissant dans son casque. Retirant vivement la hache de la plaie, Aztai ne perdit pas une seconde pour décapiter d'un coup d'un seul le servant de Brytha. A ses pieds coula un sang qui le rapprocha un peu plus de son but.
(Il en reste)
Faisant volte-face, le fauve évalua la situation d'un œil rapide. Sur les huit chevaliers-miroirs, seuls trois étaient encore entièrement valides. Deux étaient occupés à prendre des baffes de la part d'un élémentaire fatigué et fortement entaillé. Un autre, qui devint la cible du fauve, rapportait l'armure auprès des chevaux dans le but certain de s'enfuir. Enfin, le précédent ennemi encore vivant du félin se tordait de douleur devant la pliure inquiétante de son bras. Le corps du prêtre était inanimé, la mare de sang à ses côtés témoignait de sa mort, et la fille, Féerane, hé bien elle gisait... ici et là...
(Le fuyard!) (Je le prend en chasse)
S'élançant avec courage, le fauve fut soudainement conscient de l'énergie utilisée jusque là. L'ignorant tant bien que mal il garda sa proie en vue, enjambant le bac d'argent en fusion, hache toujours en main. Le chevalier venait de sceller la grande sacoche qui contenait l'armure, au dos d'un animal. Le fauve chargea l'homme dans un rugissement terrifiant, provoquant la panique d'un des canassons. L'animal se rua et donna un violent coup de sabot à son maître, le déstabilisant pour riposter. Le fidèle ne pu que rouler sur le côté pour éviter le coup condamnatoire d'Aztai ; une deuxième esquive énerva fortement le fauve qui voulu en finir avec son piètre ennemi. Alors qu'il levait une troisième fois son instrument de guerre, le chevalier, dans un baroud très honorable, projeta son pied dans le bas ventre du fauve, ruinant pour une bonne minute tout son plan d'action. La douleur remonta dans ses entrailles, le faisant vaciller. Le courageux opposant prit de suite la fuite, retrouvant le milieu de la clairière. D'un regard flou, le félin vit l'élémentaire s'entêter à réduire la taille d'un des chevaliers, l'écrasant à pleine force dans ses énormes membres. Un bruit de tôle froissée résonna, dans une symphonie morbide, accompagnée des cris de la victime...
-Quel courage, fulmina Aztai en reprenant son adversaire pour cible.
Il reprit ses esprits et marcha en sa direction, bifurquant légèrement pour s'emparer d'Ascalon et ainsi laisser tomber la hache. Le fidèle attendait son ennemi, lame au clair, insensible au massacre qu'avait provoqué le fauve. Avec la portée de sa lance, ce dernier pu aisément tenir son ennemi à distance.
(La magie n'opère plus) remarqua Zénith. (Quoi ? Ne parle pas pendant que je me bats!) (L'élémentaire ! La magie n'opère plus, il redevient peu à peu un arbre, un vrai, enfin ce qu'il en reste!) (Raaa!)
Dans un moulinet habile, le fauve détourna la lame un instant et planta le fer d'Ascalon en haut de la cuisse, dans la pliure, faiblesse de l'armure. Le blessé battit en retraite un instant mais ignora vite la plaie ensanglantée qui tâchait l'argent. Trop touché, le chevalier ne fit pas le poids plus de quelques minutes, victime d'un coup de hampe il laissa tomber son arme. Dans un demi tour, Aztai profita de la portée d'Ascalon pour atteindre la gorge non couverte du chevalier-mirroir. Une envolée de sang plus tard, la victime tombait à terre dans un rampement désespéré...
Reprenant sa respiration, Aztai observa l'infirme et le dernier survivant de ses ennemis. Sans pitié, il s'approcha du guerrier d'argent qu'il venait préalablement de blesser. Ce dernier saisit une masse d'arme de sa main valide, et le fauve s'aperçut vite que son ennemi n'était pas habile de la main gauche. Il en eut vite fait d'en finir avec lui, le désarmant de sa masse, et de sa vie... Aztai était prêt à en découdre avec le dernier, brandissant sa lance dans sa direction. A sa grande surprise, le chevalier venait de poser arme à terre, se dressant en direction d'Aztai.
(Avons-nous un prisonnier?) (Il n'y aura pas de prisonnier)
Le fauve s'approcha d'un pas assuré, pointant sa lance en avant. Comme le fidèle restait de marbre, il put aisément poser le fer rouge sang d'Ascalon au niveau de sa gorge.
-J'ai ta vie entre mes main, dis-moi ce que je dois en faire ? Fulmina le félin.
Aucune réponse ne sortit de la fente. Seule cette expression tellement neutre persistait à tenir tête au woran neige.
(Que dois-je faire?) Demanda alors le félin, légèrement perdu d'en être arrivé là vivant. (Certains choix te reviennent à toi et uniquement à toi) (Hum... il n'y aura pas de prisonnier!)
Visant la gorge, Aztai prit son élan prêt à en découdre. Contre tout attente, la statue qu'était devenue le chevalier s'anima et plaqua son bourreau à terre. Complètement étonné de s'être ainsi fait surprendre, le tigré saisit le casque de son assaillant. Celui-ci venait de refermer ses mains aux doigts métalliques autours de sa gorge, emprisonnant peu à peu ses poumons. De si près, Aztai percevait les yeux du chevalier, il voyait dans le bleu de son iris une rage qui représentait tout le fanatisme que l'armure enfermait. Cette couleur rappelait à Aztai la mer, il lui rappelait que sur terre, c'était les éléments qui faisaient tourner le monde, la vie et les dieux. Brytha et ses chiens voulaient éradiquer ce bien universel et nécessaire à tous, un choix bien douloureux à faire que le chevalier allait payer. Ressortant ses griffes, le félin prit le casque à pleine main et visa la fente unique qui permettait à l'homme de voir. Ses deux pouces vinrent chacun crever un globe oculaire, déclenchant une crise de hurlements et tortillement de la part du survivant. Dégagé de son oppresseur, le fauve reprit sa respiration. Son regard se posa sur sa victime aveugle, puis sur les restes de l'élémentaire. Quelle puissance tout de même !
Ignorant le survivant du carnage, le fauve se releva péniblement, épuisé et endolori. Il se dirigea, désarmé, en direction des chevaux toujours présents. Aztai repéra celui à la sacoche remplie et posa une patte triomphante sur la boucle en argent. Lorsqu'il posa ses yeux sur la relique ternie, une vague de soulagement vint l'étreindre. Les larmes humidifièrent sa fourrure, à présent plus rien ne le retardait pour son retour sur Nirtim. Zénith respecta les émotions de son maître et ami, ce n'est qu'après de longues minutes qu'il s'exclama :
(Ce que tu viens d'accomplir est une prouesse en matière d'escrime et de force. Je vois là une nouvelle face de ton potentiel, car en plus d'avoir un grand cœur, Aztai fidèle de Meno, ta maîtrise promet de grandes choses) (Ma confiance me fait moins défaut, et je m'étonne d'être encore en vie pour dire cela...)
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