Un IsolementUne Flamme
Après le départ du sergent, le groupe se trouva un peu bête. Jerko les rencarda sur ce qu'il y avait à savoir sur la ville et tint sa promesse. La gentillesse de ces gens ne limitait pas la frustration d'être bloqué aussi longtemps dans cette ville et c'était à peine si Elias ne devenait pas fou en clamant qu'après tant d'année en mer, il trouvait absolument indigne de se retrouver en petit marin d'eau douce, en vulgaire pêcheur de truite.
Le lendemain, ils partirent pourtant comme prévu à l'aube en direction du port et Mercurio et Iguru se retrouvaient à attendre le sergent dans l'auberge. A dix heures tapantes, comme prévu, le sergent fit son apparition et leur fit signe de le suivre. Durant leur marche, il leur énonça cependant quelques recommandations :
"Avant de vous laisser là-bas, il faut que je vous mette en garde. Ces fidèles de Meno nous sont bien utiles, mais ce sont de véritables fanatiques. Ils passent pratiquement toute leur vie entre eux, ne sortent jamais seuls et ne connaissant pratiquement rien d'autre que leur propre religion, ça leur met le cerveau en compote. Ils tenteront certainement de vous convertir. Le mieux à faire dans ce cas est de hocher de la tête et de dire oui-oui. Ce serait que de moi, je les ficherait tous à la porte de la ville. Chaque année leurs tournois et leurs entrainements stupidement dangereux cause la perte d'un d'entre eux. Quand c'est un adulte je dis pas, mais quand c'est des gosses ça me fout hors de moi. Mais bon, le vicaire, les archiprêtres et le capitaine de la Lance Ardente font parti de l'assemblée des sages alors on peut trop rien leur dire. Et puis il y a pas mal de mes collègues qui viennent de chez eux. Les plus abrutis, si vous voulez mon avis. Un ramassis de brute qui n'a d'autres sujets de conversation que Meno et qui n'est pas fichu de régler la moindre petite altercation sans frapper tout le monde. Même la Légion des Fenris est plus douce qu'eux, c'est pour dire !"Il les amena devant une grande bâtisse aux allures de monastère. Le sergent toqua à la porte, un homme ouvrit le juda et, reconnaissant le sergent, lui ouvrit. Le milicien demanda à parler au vicaire en lui montrant un parchemin signé par le tampon du général de la milice de la ville. Le soldat en armure pourpre lui ouvrit la porte et lui fit signe de le suivre.
A l'intérieur régnait une ambiance étrange. Tout d'abord, alors que l'extérieur était gelé, il régnait ici une chaleur presque étouffante. Des flambeaux étaient alignés sans discontinuer sur les murs et donnaient au granit une étrange teinte orangée. Ce qui devait être des prêtres passaient et repassaient, seuls ou en groupe, silencieux ou pas, un peu partout. Au centre de l'édifice, une cour intérieur donnait place à un haut autel sur lequel était reconnaissable l'image d'un phénix, au-dessous duquel était enflammé un grand brasier. Du feu, il y avait du feu partout.
Mercurio ne savait pas comment il réussissait à contenir sa phobie intérieurement. Toutes ces flammes... Si dangereuses...
Toujours était-il qu'ils arrivèrent, en prenant un escalier, au bureau du vicaire.
Le sergent brandit fièrement son parchemin et le colla sous le nez du religieux, qui le prit et le lit à voix haute :
"A l'attention de Votre Flamboyance, le Vicaire Vanapagan,
L'Autarcie pointe et l'hiver qui arrive est présagé rude mais, vous savez comme moi que ceci est une bonne nouvelle. Les bandits du Nord ne s'en feront que plus calmes et la Reine Noire ne se risquera certainement pas à perdre son armée dans le froid mordant. Cette trêve de quelques mois me semble toute indiquée pour resserrer les liens et mettre au point une meilleure organisation entre les trois structures défensives de notre territoire que sont La Milice Magique de Henehar, La Lance Ardente et La Légion des Fenris. Aussi ai-je discuté avec le Varg Kalevipoeg et nous avons eu les mêmes conclusions : Il faut plus de coopération et de transparence entre nos établissements.
Nous savons avoir déjà tout deux avoir dans nos rangs certains de vos anciens élèves qui vous rendent régulièrement comptes de leurs nouvelles situations, aussi nous demanderons-vous donc, à votre tour, d’accueillir certains de nos gens. Le Varg Kalevipoeg a émis le souhait de pouvoir intégrer Orglaf, un de ces forgerons, auprès des vôtres. Il espère que, dans votre grande sagesse et pour l'amélioration de la défense de Henehar, vous lui permettiez d'apprendre l'enchantement de magma qui est effectué sur toutes la majorité de vos armes. En ce qui me concerne, il s'agirait simplement d'intégrer dans votre structure de deux civils sous ma protection, qui devront me faire un rapport toutes les semaines et dont j'exige un bon traitement. Un cuisinier, comme vous disiez en manquer, et aussi un guérisseur que je souhaiterais aussi présent lors des tournois.
Cordialement, Général Ukko."Il soupira en achevant la lettre, visiblement contrarié, avant de répondre au sergent :
"Votre général est bien gonflé de m'envoyer une demande pareille ! Et ce fichu Kalevipoeg qui passe par lui pour me faire ses demandes... Pathétique. Ma milice et les phalanges ont donc réglés leurs vieilles histoires et maintenant se liguent contre mes fidèles ! C'est inacceptable ! On en entendra parler à la prochaine réunion de l'assemblée des sages, croyez-moi !"Le sergent ne broncha pas et, alors que le vicaire faisait silence, il finit par lancer, beaucoup plus calmement :
"Vous pouvez dire à Ukko que j'accepte d'intégrer vos civils. Pour ce qui est de ces maudits Fenris, j'irais parlé avec Kalevipoeg en face-à-face. S'il croit qu'on va lui céder le secret de nos enchantements comme ça, il se fourre le doigt dans l’œil jusqu'au coude !"Le sergent s'éclipsa aussitôt sans dire un au revoir et le vicaire fit appeler deux de ses hommes et leur exposa la situation.
Iguru fut envoyé au cuisine et Mercurio envoyé vers une petite salle qui devait être abandonné depuis bien longtemps dans lequel on le laissa sans la moindre instruction. Il se débrouilla alors pour organiser la pièce comme il le pouvait. Celle-ci devait aussi être sa chambre, où il ne pouvait dormir que sur un lit grinçant qui menaçait de s'effondrait à tout moment.
L'Humoran, victime des évènements depuis son arrivée sur Henehar peinait à comprendre ce qui lui arrivait et devait maintenant s'habituer à ce mode de vie, toujours près des flammes. La première semaine, il se sentait plus comme un prisonnier qu'autre chose. Une des lances était posté à sa porte, l'empêchait constamment de sortir de son cabinet et ne lui permettait que pour aller se restaurer ou vider son pot de chambre. Alors qu'il n'avait pas vu l'ombre d'un patient, ni même été convié à assister au moindre entrainement, durant les repas, lui et Iguru étaient volontairement isolés dans un coin de la salle. D'après ce qu'il lui racontait, son sort n'était pas plus enviable. Son rôle de cuisinier de limitait à l'épluchure des aliments et, quant il n'avaient plus besoin de lui, il l'enfermait dans une salle du même acabit jusqu'au lendemain.
Ce fut seulement à la fin de la semaine, à l'aube, qu'ils furent réveillé, presque expulsés de l'établissement pour faire leurs rapports au général Ukko. Ils en profitèrent pour trouver leurs camarades qui n'avaient eux non plus pas un sort très enviable selon leur dire. La baraque des pêcheurs serait un véritable taudis qui ne gardent en rien la chaleur où ils étaient les seuls à être hébergés, les autres ayant leurs propres maisons dans la ville. Le rez-de-chaussé servirait d’entrepôt pour les poissons dont ils auraient sans cesse les effluves. De plus, être pêcheur en plein hiver à Henehar n'avait rien à voir avec ailleurs. Le fleuve ayant gelé, c'était à pied sur la glace qu'ils se retrouvaient, armés de pioches et de pelles, à devoir creuser de grands trous dans la glace pour y placer des pièges. Le plus gros de la journée de consistait qu'à ça, le reste étant la récupération, le tri et le salage des poissons récoltés.
Pendant toutes les semaines suivantes, les conditions de vie d'Iguru et Mercurio s'améliorait à force de rapport. Au bout de deux semaines, l'Humoran commença à être sollicité pour de petites blessures et Iguru commençait peu à peu à pouvoir prendre de plus importantes responsabilités au niveau des cuisines. Au bout d'un mois, ils pouvaient se déplacer librement dans une partie de l'édifice et, au bout de deux, pouvaient se rejoindre durant la journée. Les personnages importants du temple ne leur accordaient aucune importance, mais certains s'étaient mis en tête de les mettre dans leurs poches en les convertissant à leur tour. Il va sans dire que Mercurio et Iguru n'ont pas franchement été réceptifs. Un grand entrainement sauvage eût lieu et il lui fut permis d'y assister. Le spectacle avait quelque chose d'effarant. Des jeunes entre quinze et vingt ans étaient séparés en cinq groupes de dix, tous menés par le plus vieux d'entre eux. En usant de pièges, de magie de feu et d'armes en métal émoussé, ils devaient soumettre les équipes adverses. Le résultat était d'une violence... Il leur était possible de faire quitter le combat à tout moment, mais leur apprentissage leur disait de ne jamais abandonner quoi qu'il arrive. En effet, ce genre d'évènement, privé d'un guérisseur, pouvait être une véritable hécatombe. A la fin de l'entrainement, seul moment où il fut autorisé à aller prodiguer ses soins, la moitié de ces apprentis-soldats étaient inconscients sur le sol, couverts d'hématomes et de brûlures en tout genre qui ne faisait qu'accroitre son angoisse du feu. Le feu d'ailleurs, il avait emporté avec lui la moitié de la forêt avoisinante. Pas étonnant que les civils de Henehar aient une si mauvaise image de l'académie...
Les mois passèrent dans la longueur et le malaise incessant de leurs conditions... A chacune des soirées où ils pouvaient se réunir ensemble, ils commencèrent à comploter, pensant à quitter le village. Des phrases commençaient à se répéter, comme quoi un pirate est libre et n'a pas à être traité comme un esclave. Mais des phrases dans le vent. Un pirate sans navire n'est que l'ombre d'un pirate.
Finalement, au bout du compte, six mois passèrent et, avec eux, s'accumulèrent des salaires qui commençaient à devenir un beau pactole. La garantie de pouvoir sortir de la ville, l'espoir qui les avaient fait tenir...
Une Fin
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Playlist de Mercurio
A propos, j'ai trouvé la morale de la fable que ton grand père racontait,
celle du petit oiseau que la vache avait recouvert de merde pour le tenir au chaud et que le coyote a sorti et croqué...
C'est la morale des temps nouveaux.
Ceux qui te mettent dans la merde, ne le font pas toujours pour ton malheur
et ceux qui t'en sortent ne le font pas toujours pour ton bonheur.
Mais surtout ceci, quand tu es dans la merde, tais-toi !
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Jack Beauregard (Henry Fonda), Mon nom est Personne, écrit par Sergio Leone, Fulvio Morsella et Ernesto Gastaldi