Szartserium est une des plus vieilles cités de l'Artonlare, tenue par les Marlaks depuis toujours. Fondée sur des piliers couverts par des toits transparents en forme de bulles, la cité s'harmonise particulièrement avec les fonds marins dont elle fait désormais partie intégralement. Les algues et les coquillages viennent s'accrocher aux piliers originairement bleu turquoise.

Les lumières proviennent de la surface qui n'est jamais qu'à trente ou quarante mètres au-dessus du fond marin et, de nuit, ce sont des boules semblant de verre remplies de créatures luminescentes, des formes de méduses en réalité.

Pendant le trajet, je n’ai pas imaginé que notre transport pouvait être encore plus désagréable. Et bien voilà que j’ai la preuve indéniable que je me trompais largement : Non seulement notre arrivée dans les rues de la cité rend le voyage plus brusque et saccadé de nombreux virages déplaisants, mais en plus, l’animal freine bien vite, et nous nous retrouvons tous les deux catapultés dans la fourrure grasse de cette loutre de mer géante. D’un revers de la main, je tente de m’en débarrasser au plus vite en grimaçant et en plissant les yeux et en soufflant pour ne pas me prendre des mèches dégoutantes en bouche. Heureusement, ou presque, notre cocher nous détache de sa monture et nous entraine dans une petite venelle sombre et peu rassurante. La destination est presque évidente : ce sont les cachots qui nous attendent. Ma mine est sombre et ça se comprend… Aucun enfermement en plus d’un siècle sur Yuimen, et voilà qu’à peine je débarque dans un nouveau monde que je me fais jeter en prison. À tel point que je finis presque par me demander si je n’aurais pas mieux fait de rester au Temple des Plaisirs à profiter de la vie passivement comme un pacha plutôt que de m’embarquer dans des histoires aussi abracadabrantes.

La porte de la prison est toutefois assez fastueuse, semblant être faite dans quelque matériau bleuté finement ouvragé. Devant celle-ci, deux gardes surveillent notre approche. Ils sont vêtus d’une armure très élégante qui les protège certainement très efficacement jusqu’à mi-cuisse. Le reste de leur accoutrement est au diapason de cette armure : fin, élégant et efficace, à l’instar de ces jambières blanches qui, si elles n’étaient pas munies d’ailettes, me feraient presque penser à celles que je porte actuellement. Chacun d’entre eux possède une épée longue et certainement tranchante, dont je n’ai aucune envie de tâter la lame.

Ces imprudents annoncent aussitôt le nom de notre bourreau : Heamziak. Celui-ci nous révèle alors le nom de l’endroit où nous étions, ce qui complète petit à petit la base de données que je me fais sur ce monde. Je tique néanmoins lorsque l’un des garde semble impressionné de me voir pourvu de l’arme qu’il appelle ‘Croc’. Sans doute la maudite lame noire de cet empaffé de statue sur pattes…

« Nous ne rodions pas, nous sommes arrivés là sans même savoir où nous étions… D’ailleurs si j’ai cette lame, c’est uniquement parce que nous étions enfermés à l’intérieur de cette… vieille tombe. »

Je me tournai vers notre bourreau.

« Maître Heamziak, je vous le répète, vous comettez une grave erreur en nous considérant comme des ennemis. Nous sommes des émissaires de Kendra Kâr, de Yuimen, ce nom devrait vous évoquer quelque chose, tout de même… »

Gros coup de bluff de ma part… Sur ma planète d’origine, la Cité Blanche est connue et reconnue dans de nombreuses contrées, mais ici, rien n’est moins sûr… Je ne sais même pas à quelle distance nous nous trouvons réellement de mon monde, alors de là à mesurer la zone d’influence d’une ville…

Quand tu parles d'être venu de la vieille tombe, un regard de respect interloqué passe dans les yeux des trois Malaks, regards qui se changent en une gêne dans les yeux de votre geôlier et en surprise chez les deux autres quand tu prononces le nom de Yuimen.

"Comment oses-tu traiter des envoyés de cette manière, Heamziak?"
Tu sens la colère qui pointe dans la voix du garde, venant renforcer la gêne de celui qui vous a emprisonné...
"Je ne savais pas..."
"Attends Astliak, rien ne nous dit qu'ils ne mentent pas!"
Le ton de sa voix est teinté de suspicions tandis qu'il vous dévisage...

Apparemment, mon petit discours fait impression, et un des deux gardes s’emporte un peu contre mon bourreau, que je n’hésite pas à gratifier d’un regard plein de reproches, mais aussi de défi. Un regard dont seule Sidë serait capable, normalement… J’espère au final qu’elle ne m’en voudra pas de lui avoir emprunté ses traits…

(Tu devras la tuer pour ne pas qu’elle parle…)

(Pardon ? mais ça va pas non ?)

(Ce pouvoir nouveau est désormais un secret inavouable… Si les puissants de ton monde l’apprennent, ils n’auront de cesse de te pourchasser. Tu serais bien trop dangereux…)

Perplexe, je préfère me concentrer sur la situation plutôt que d’accorder crédit aux paroles de Lysis, décidément de plus en plus catégorique sur mon avenir…

Ainsi, notre chevaucheur de loutre se trouve bien dépourvu, et j’aurais pu répliquer avec mépris si seulement l’autre empoté de garde ne mettait pas en doute mes paroles. Je pousse un soupir exaspéré.

« Il va de soi que nous nous sommes enfermés de notre propre gré dans cette satanée tombe. Et si cela ne suffit pas à vous convaincre, voyez ceci… »

Je leur montre alors mes protège-bras, don du Roi kendran en personne, et arborant les symboles honorifiques de la cité blanche.

« Nous sommes au service du Roi de Kendra Kâr, la ville blanche. Et voici la monnaie que nous utilisons sur notre monde… »

Je plonge ma main dans ma bourse - toujours bien au chaud, proche de mes parties génitales – et en ressors un yu, que je montre au trio de bleuets.

« Nous sommes en mission officielle contre la Sorcière Noire, et devons nous rendre au plus vite à Qastreziam. Nous vous serions donc gré de nous relâcher, ainsi que de nous offrir le plus de renseignements sur cet endroit… Il s’agit d’une affaire de la plus haute importance. »

Echec du jet de persuasion

Aucun des trois gardes ne semblent avoir entendu parler de Kendra Kâr la blanche et ils regardent ta pièce de monnaie avec une drôle de tête, n'ayant jamais vu un métal ressemblant à ça. Leur mine est de plus ne plus étranges, exprimant le doute, mais aussi la peur.

"Fou est le Marlaks qui veut aller à la Qastreziam. Enferme-le Heamziak, ça laissera le temps à ces êtres de retrouver leurs esprits. Peut-être leur parole seront plus sensé devant le conseil!"
Manifestement parler de la tour n'est pas conseillé auprès de ces gens.

Sans vous laissez le temps de répliquer, votre garde vous entraine dans le bâtiment et vous jette, sans ménagement dans deux prisons séparées, chacun d'un coté du même couloir.
Ta compagne te sors avec un regard farouche "S'ils croient que je vais rester enfermée longtemps!"
La prison n'est pas remplie d'eau, mais juste à moitié. Elle a une hauteur suffisante pour mettre un homme ou un marlak debout, mais pas un elfe gris (grand maximum 1m80). Elle fait environ 3 mètres sur 3. La porte est faite de métal brut avec juste une trappe d'à peine quelques centimètres de haut juste au-dessus du niveau de l'eau. Les murs sont de pierre et tu as une couchette dans une forme de bois attaché verticalement au mur, il suffit de la libérer de ses cordes pour avoir une planche de bois flottante pour dormir.

Visiblement, aucun des trois lurons n’a entendu parler de la plus prestigieuse cité de Yuimen, même s’ils semblent effarés par l’idée de mal traiter un envoyé de ce monde. Et plus mon discours avance, plus leur tronche se décompose. Lorsque j’évoque ma destination forcée, l’un d’entre eux finit par s’exclamer que pour aller là-bas, il faut être complètement timbré. Tout ce petit conciliabule se finit par une décision univoque de nous enfermer tous les deux pour que nous retrouvions nos esprits, afin de déblatérer une fois de plus la raison de notre venue devant le soi-disant conseil qui nous attend.

Ils ne me laissent cette fois même plus le temps de répliquer et nous emmène ma compagne et moi dans ce sombre donjon. Je m’exclame tout de même :

« Bande de lâches ! Y’a intérêt à ce que votre conseil nous écoute rapidement ! »

Mais bien entendu, aucune réponse ne me parvient. Notre bourreau nous jette chacun dans une cellule, en face l’une de l’autre, et je ne peux que déplorer l’inconfort d’une telle situation. Moi, privé de liberté à cause d’une mission qui se voulait bienveillante envers Kendra Kâr… C’est la meilleure. J’enrage de m’être ainsi fait priver de ma précieuse liberté, et mes poings bleutés se crispent.

(Bienveillant envers Kendra Kâr ? Vraiment ?)

(Oui bon… C’est un peu intéressé aussi, ça va de soi.)

(N’oublie pas qui t’a demandé de venir ici…)

Et oui, c’est pour le Temple que je suis ici, sous le couvert d’une bonne action pour la capitale kendrane. Mais qu’à cela ne tienne, je n’ai pas à être enfermé, et je ne me laisserai pas faire.

Mon regard se pose alors sur ma compagne, Sidë, qui m’annonce farouchement qu’elle ne compte absolument pas rester cloîtrée ici.

« Pour l’instant, on va les laisser nous amener devant leur fameux conseil. Si on n’arrive pas à les convaincre, là on devra penser à l’évasion… »

Ainsi, je m’avance vers la couche de fortune qui nous a été octroyée et j’en détache les cordes en poussant un soupir las… Vivement que ces saletés d’aquatiques viennent nous chercher…

Sans un mot de plus, je m’allonge en grognant sur l’inconfortable planche de bois, histoire de retrouver un peu d’énergie pour l’heure du conseil…

Jet de persuasion sur Sidë : 69, réussite !

A midi le premier jours, vous entendez le gardien vous prévenir que le conseil se réunira la matin du quatrième jour et que, si ça se passait mal, vous devriez tenter de contacter le Marlak qui portera une tunique jaune avec la ceinture verte et le collier de pierres rouges.

Pendant 3 jours, vous attendez dans votre cellule, les journées sont longues et tu peux comprendre que la lumière semble émaner des murs même de ta cellule. Le bleu varie d'un clair turquoise à un bleu nuit en fonction des heures. Vous êtes bien nourri pour des prisonniers, trois fois par jour (du moins si le bleu foncé indique bien les nuits).

Les nimbes du sommeil pénètrent encore mes sens lorsque dans la pénombre de ma cellule, j’entends un murmure prononcer mon nom. J’ouvre un œil, expectatif, et entends à nouveau cet appel susurré aux barreaux de ma cellule. Je lève la tête, prudent, et aperçois le gardien de la prison, une main posée sur mes barreaux. Je le soupçonne de ne me vouloir que du mal, mais son insistance me convainc à aller répondre à ses mots.

« Qu’y-a-t-il ? »

Ma phrase est brève, mon ton est sec, quoi que courtois. Il sait qu’il n’est pas vu en allié, même si je suis derrière ses barreaux… Il répond néanmoins avec franchise, un peu nerveux, comme s’il ne devait pas être là.

« Le Conseil se réunira dans trois jours, au matin. D’ici là, tenez-vous à carreau, sinon les conséquences seraient désastreuses… tant pour vous que pour moi. »

Je reste estomaqué par l’énonciation du délai, n’accordant que peu de crédit à ses plaintes personnelles.

« Trois jours ? Vous vous moquez de moi ? Que font vos dirigeants pour avoir un emploi du temps si rempli ? »

Le marlak parait quelque peu gêné de ma réplique, mais consent à répondre tout de même.

« Le temps qu’ils trouvent un temps commun pour se réunir, sans doute… Je ne sais pas grand-chose du monde de l’administration, vous savez… »

Qu’importent pour moi ses explications, je sais désormais qu’il ne me sert à rien de vouloir lui soutirer quoi que ce soit comme information autre que celles qu’il aura jugé bon de me faire connaitre. Non pas qu’il soit mystérieux, mais je sens une bonne dose d’ignorance chez cet elfe d’un autre monde. Sans que je ne réponde rien, il rajoute :

« Si… Si jamais ça se passait mal, ce jour là, prenez contact avec le Marlak qui arbore unn tunique jaune et une ceinture verte. Celui quia un collier de pierres rouges. »

Sans en dire davantage, ni même me laisser le temps de poser une question, il pose un plateau garni de victuailles diverses et s’en retourne à ses occupations, loin de ma geôle. Je le regarde partir, un peu maussade d’avoir appris le temps de mon emprisonnement, et ce dans la perspective d’un Conseil qui ne se passera peut-être pas aussi bien qu’escompté. Mon attention se reporte sur le plateau de nourriture qu’il m’a apporté. Ce ne sont pas là des mets raffinés du Temple des Plaisirs, ni un festin digne du Pied Levé de Tulorim, mais c’est également loin du pain rassis et de l’eau croupie servie habituellement aux prisonniers. Je me nourris donc de ce que je peux, sachant que dans trois jours, j’aurai besoin de toutes mes forces pour convaincre ce conseil de me libérer et de me laisser faire ce pourquoi je suis venu. Ces mets ont beau être riches en énergie, ils n’ont pour moi que le gout de l’eau dans laquelle je croupis lamentablement…

Je mange mécaniquement, puis, sans énergie ni volonté, je me laisse choir sur mon lit improvisé, me perdant dans mes pensées sur le but de ma quête, tant celle énoncée par Kendra Kâr que le service que je rends au Temple. Je pense à ma place de Gardien au sein de ce même temple, à cette elfe magnifique qui semble en connaître plus sur moi que je n’en sais moi-même…

Les heures passent et se ressemblent, les seuls changements efficients étant la couleur changeante des murs bleutés de ma cellule, qui se font plus sombres lors des heures nocturnes, ainsi que les repas qui me sont apportés par le geôlier. À chacune de ses visites, j’espère qu’il m’apprenne une nouvelle arrangeante, mais il n’énonce jamais que des banalités d’usage. Et je replonge dans le monde de mes pensées l’instant d’après, réfléchissant sur moi-même, sur ma famille inconnue : mon père déchu, ma mère disparue, ma sœur… ma terrible sœur. Et puis je pense à moi-même, mes actes de ces dernières années, mes progrès sociaux, dans la maîtrise de l’art des armes. Instinctivement, mes doigts glissent le long des gardes de mes lames, comme s’ils avaient appris à faire corps avec.

Silencieux, passif, pensif, voilà ce que je suis pendant trois jours. Trois jours trop longs, trop étirés. Comme si chaque seconde était une éternité. Pas une fois je n’adresse la parole à Sidë, elle aussi seule dans sa cellule. Et jamais non plus elle ne me parle. Je n’ai pas envie de m’étendre sur son être pour l’instant… J’en sais suffisamment sur elle pour le temps qui me reste à vivre avec. Et à chaque pensée que j’ai pour elle, je sens poindre dans mon esprit une flamme annonçant sa mort proche, de ma main. Subtile emprise de Lysis sur mon être, ma conscience démoniaque sur qui je n’ai pas le dessus…

Quand enfin arrive le matin du quatrième jour, je me décide à être plus réactif et agissant. Je me prépare, me pouponne afin de présenter le mieux possible, revêtant une fois de plus l’apparence de ma consœur bleutée pour ne pas mal paraître devant l’assemblée qui m’attend. Je vérifie le tranchant de mes armes, les sangles de mes armures, la broche de ma cape, et le bijou étrange qui pousse lentement en moi… Et j’attends, j’attends que l’on vienne me chercher pour pouvoir défendre ma cause devant un tribunal qui ne mérite pas de me juger. J’attends…

Deux gardes, vêtus de la même manière que celle qui vous ont "accueilli" à l'entrée de la prison, viennent vous chercher. Juste après avoir ouvert la porte, ils brisent deux cristaux d'où sortent des lanières magiques qui viennent vous attacher les mains derrière le dos. Ils vous mènent à travers les couloirs de la prison sans que jamais vous ne sortiez du bâtiment.
Vous atteignez enfin une haute porte d'où sortent les voix nombreuses d'une assemblée réunie autour d'une décision houleuse. L'un de vos gardes vous ôtent les liens magiques avant d'ouvrir la porte et de vous faire entrer dans la salle du conseil.
La salle est ronde composée de trois étages, vous êtes au rez-de chaussée. En face de vous, quinze sièges, 7 à votre droite, 7 à votre gauche et un central, au milieu d'un puit de lumière. Il y a une porte en face de vous, séparant les deux rangées de sièges, derrière le siège central. Le siège central est manifestement plus riche que les quatorze autres.
Au-dessus de vous, deux rangées circulaires font le tour complet de la salle, ces allées sont bondées de monde et les voix que vous entendiez viennent manifestement de là.

En face de vous, quinze marlaks sont assis sur les sièges, quatorze portent des tenues semblables entre elle, des longues toges blanches bordées de fils d'or. Seul la couleur de l'écharpe change. Au centre de la salle, sous le puit de lumière, le quinzième Marlak. Il porte une riche tunique rouge brodées de fils semblant d'or et d'argent s'entremêlant en de curieuses arabesques. Il est le seul à porter des bijoux, tous sont de pierres. Enfin, un bandeau de métal orne son front. Vous remarquez aussi que, parmi les gens assis, il est le seul à porter une arme sur ses genoux : une magnifique épée noire extrêmement semblable à celle que porte Cromax.

Et mon attente est assez courte, puisque bientôt, deux gardiens se pointent pour venir nous chercher et nous emmener vers la destinée à laquelle ils nous ont conviés. Inutilement, ils gaspillent deux de leurs étranges liens magiques aux cristaux brisés pour nous mener vers la sortie. Silencieux, je les laisse faire, totalement conscient de l’inutilité de leur expliquer que ces liens sont parfaitement inutiles puisque je ne compte en rien m’enfuir, n’y trouvant aucun intérêt. Parfaitement docile, je les suis dans les sombres couloirs de cette prison dont je ne vois pas la sortie. Et je suis presque surpris de constater que le lieu du ‘jugement’ dont je suis l’accusé et la victime se fera à l’intérieur même de ces murs sinistres qui me retiennent prisonnier depuis déjà trop longtemps à mon goût. Le tout pour une bête méprise qu’ils n’ont pas été capable d’élucider jusqu’ici.

Sidë et moi sommes libérés avant de pénétrer dans une pièce circulaire où s’y amassent plusieurs membres de ce peuple aquatique, proches du plafond, rassemblés sur une estrade comme s’ils allaient assister à un spectacle de cirque. Je ne peux m’empêcher de les comparer aux momies immobiles et desséchées qui avaient formé les spectateurs du combat final contre le champion de Phaïtos, aux Enfers. Et ce champion en question se manifeste cette fois sous la forme de dignitaires assis tout autour de la pièce, quinze pantins haut-placés qui vont être les juges de cette mascarade. Et ils ont revêtu pour l’occasion leurs plus beaux apparats, se drapant de blanc relevé d’or finement cousu sur leurs draperies vestimentaires. Leurs écharpes colorées changent de ton, certainement en fonction de leur grade, de leur emploi ou peut-être même de la région de ce monde d’où ils proviennent.

L’un d’entre eux, cependant, se distingue des autres. Non seulement il est assis face à moi, mais en plus il fait étalage de richesses dont les autres sont dépourvus : bagues et bijoux ornés de joyaux, fine couronne d’argent. Et à ces privilèges, il s’accorde également celui d’être armé d’une lame au moins aussi impressionnante que celle qui pend à ma ceinture… Serait-ce le symbole de la royauté dans ce monde aqueux ? Serait-ce mon crime, avoir violé sans le savoir la sépulture d’un de leur souverain ?

Dans le doute, je m’abstiens de tout commentaire hâtif à ce propos, préférant laisser ces endimanchés prendre la parole en premier pour m’expliquer les raisons de tout ce cirque… Silencieux, fier, regard fixe et droit porté sur le possesseur du bandeau, j’attends, encore…

Sans l'ombre d'une introduction à ce qui vous est reproché, le marlak armé vous pose une question simple en apparence:

"Qui êtes-vous, étrangers à cette ville, à ce peuple et à ce monde?"

Sans introduction ni même présentation, c’est le grand ponte de ces gens qui prend la parole pour nous poser une question qui se veut anodine, mais dans laquelle je ne peux m’empêcher de déceler quelque piège. Il va falloir que je sois clair, sans l’être trop, afin de ne pas me trahir… C’est donc en prêchant la vérité que je compte m’en sortir…

« Nous sommes des émissaires de Kendra Kâr la Blanche, capitale d’un pays sur le monde de Yuimen qui combat activement la Démone Noire Oaxaca. Vous devez connaître Oaxaca, n’est-ce pas ? C’est pour ce combat que nous sommes là aujourd’hui, dans votre monde, afin d’accomplir une mission qui nous a été confiée par le Roi de cette cité : récupérer une des Larmes de Phaïtos. Il nous a été renseigné que cette dite Larme se situait dans un endroit nommé Qastreziam, et dont nous ignorons tout. »

Je sais que ce nom a un effet particulièrement bluffant sur ce peuple, et j’ai presque hâte de voir la réaction de l’assemblée à mes propos. Je poursuis néanmoins mon discours…

« Et vous, peuple accueillant et hospitalier qui traite des voyageurs venus en alliés combattre le mal qui vous accable en les jetant en prison, qui êtes-vous ? »

Mon ton est provocateur, et les âmes présentes peuvent sentir la hargne et la rancœur de cet enfermement forcé resurgir par mes lèvres.

« Vous ne faites que servir les desseins de la Sorcière Noire en nous ralentissant dans notre tâche… Car si elle récupère avant nous ce que nous cherchons, votre monde et le notre plongeront tous les deux dans une ère de souffrance et de torture, de guerre rude et de chaos… Est-ce là ce que vous voulez, peuple de cette cité ? »

Je ne m’adresse non plus seulement au marlak couronné, mais aussi à tous les émissaires, les quatorze autres, ainsi qu’au peuple des gradins supérieurs…

Jet de persuasion : échec

Tu remarques une étincelle dans les yeux du Marlak lorsque tu parles de Yuimen, mais elle s'éteint aussitôt quand tu parles d'Oaxaca. Il gonfle alors ses joues. Il répète alors la même mimique quand tu parles de la larme de Phaïtos. Comme tu t'en doutais, le mot "Qastreziam" fait grande impression à la population qui se met en chuchoter en soufflant. Les conseillers ne disent rien, mais échangent des regards éloquents d'inquiétude. Seul un Marlak en haut, vêtu de rouge, ne semble pas réagir; en bas, le marlak armé se mord la lèvre inférieur.

A ta hargne, le marlak répond à nouveau en gonflant ses joues, mais il stoppe les gardes d'un simple coup de ses bracelets sur son épée.

"Vous n'avez pas à poser de questions en ces lieux et vos accusations mettent notre politesse à rude épreuve. Mais nous passerons ça sur le fait que vous êtes étrangers. Ainsi vous voudriez aller à Qastreziam pour chercher la larme d'un certain Phaïtos? Qui est-il? Et qui est cette Oaxaca dont vous parlez? Tous ces noms sont étrangers pour nous. De votre monde, seul Gaïa, Yuimen et Thimoros nous sont connus."

Le marlak aquatique couronné ne semble pas très impressionné par mon discours, et semble plutôt s’en offusquer, jouant le rôle d’un grand seigneur compréhensif et généreux alors qu’il nous a cloitré, Sidë et moi, pendant trois jours, et ce sans chef d’accusation valable, sur une simple intuition, sans nous avoir laissé la moindre présomption d’innocence. Mon regard se durcit alors qu’il met en doute ma politesse alors que le seul offenseur, c’est lui.

Les murmures naissent de toutes parts, dans les gradins, à l’évocation du nom visiblement maudit du Qastreziam. Je ne peux m’empêcher de remarquer, dans tout ce brouhaha murmuré, un être vêtu de rouge que cette nouvelle ne semble pas émouvoir. Un grand absent semble pourtant se faire remarquer : le marlak au collier de pierres rouges, à la toge jaune et à l’écharpe verte… Le couronné étant le seul à arborer des bijoux, il est plutôt difficile de retrouver mon ‘contact’ dans toute cette foule…

Cette fois, c’est Sidë qui prend la parole d’un ton revêche, pour corriger mes dires erronés. La pression du moment m’a fait dire n’importe quoi, l’instant d’avant, et je salue silencieusement son intervention salvatrice.

« Il ne s’agit pas d’une larme de Phaïtos, mais bien d’une larme de Thimoros. Nous ne savons pas ce qu’est le Qastreziam. Tout ce que nous savons, c’est que ce que nous cherchons se trouve dans cet endroit, et que nous devons nous y rendre pour le bien de tous, par Yuimen et par Gaïa, pour Kendra Kâr, la capitale Blanche de notre monde. »

Un peu moins grandiloquent qu’avant, je précise son discours en faisant bien attention à ce que je dis, cette fois…

« Phaïtos est le Dieu des morts, Gardien des Enfers de notre monde. Il est considéré comme le frère de Thimoros. Oaxaca, elle, c’est la fille que Thimoros, le Dieu du Chaos et de la guerre, a eue avec une humaine de notre monde. Elle est vile et cruelle, et sa soif de pouvoir héritée de son père est dévastatrice pour de nombreux mondes… Si nous ne récupérons pas cet artefact avant l’un de ses sbires, ça sera catastrophique pour notre monde… Sans parler des dégâts qu’elle risque d’occasionner dans ce monde-ci, si elle venait à en connaître l’existence… »

Le marlak couronné réagit à vos paroles en mordant sa lèvre inférieure. Autour de vous, les autres marlaks réagissent en clignant des yeux avec un air qui parait stupide au plus haut point.

Il déclare d'un ton grave, en vous regardant droit dans les yeux :
"Par la divine lumière, votre place n'est pas ici."

Il prend son épée et la tourne pointe vers le bas avant de frapper le sol avec. Les conseillers se regardent surpris tandis que le couronné vous fait signe de le suivre par la porte arrière. Petit à petit la salle se vide en sens contraire à votre marche.

Vous traversez alors des couloirs et montez plusieurs escaliers étroits et coulissants jusqu'à une salle au sommet de ce qui s'avère être une tour. Autour de vous les vitres bleutées évoquent les profondeurs sous-marines, mais il n'en est rien. En effet, si votre vue ne vous trompent pas tout à fait, la surface lisse de l'océan se trouve au niveau du sol et le bulbe est bien dans l'air.

Autour de vous, la salle ressemble à un petit salon avec fauteuil confortable, bibliothèque avec livre relié à la peau de requin ou autre poisson à ce qu'il semble, tapis et boissons alcoolisées que vos faeras reconnaissent comme étant de la liqueur d'algue, parfaitement comestible pour vous.

Le Marlak se sert un verre dans un contenant qui ressemble à du corail, mais d'un turquoise éclatant.

"Installez-vous, nous devons parler. Vous voulez un verre?"

Mentalement Lysis te prévient que ça serait une immense offense au Marlak que de refuser son offre.