UN. TRAIT DE FEU
Minuit.Granites gravés, croix ancestrales, temps arrêté. Dans l'air froid d'un hiver aux blancheurs oubliées sous une voute voilée reste figée une prière ensorcelée, chant grandissant d'ages révolus, psaume envoutant de quelques élus.
L'idéal... Ici bas la hauteur règne en maîtresse sournoise, en éternité rieuse... Elle grave sa joie dans l'immortalité des morts; et son doux cri aux sonorités traîtres n'est que la prière d'endormis rongés de vers. Qui sont-ils? Nommez-les traitres vicieux, viles créatures. Nommez-les rêveurs – délaissés rêveurs. Nommez-les par leur nom :
éternels déçus.Un trait de feu soudain dans la voute envoutée, dans l'immédiat glacé. Une comète d'un age rouge, une étoiles filante : mon cœur...
Lames de glaces, fils du temps, brisez-le!Les tombes surgissent telles des rapaces aux ailes ouvertes, plumes de granites noirâtres, de marbres innocents – les croix des morts, dans l'obscurité brûlée par l'ardeur de ma flamme rageuse...
La grande alchimie du cycle solaire enfin peut commencer, s'éveiller une fois de plus, rugir de son cri aux milles facettes, aux milles semblants, espoirs centenaires, volontés brisées sans cesse répétées...
Je suis l'idéaliste sombre, le triste esprit avorté. Je suis l'agenouillé des espoirs désespérés, implorant la pitié des hommes et des grandeurs. Mon manoir est fait de sables rageurs – mon antre est basse, et chemine vers les cimes. Mais, ô tombes, je ne vise pas les nuages de vos idéaux emportés en enfer, je ne lève la tête que pour le glacier resplendissant de mon sommet – pas pour vos étoiles rieuses.
Ah! Hauteur ricanant : tu es l'idéal inaccessible, tu es le monde des airs, l'univers d'ailleurs.
Ces nuages aux éclairs trompeurs sont vos rêves à vous, immortels décédés!
Mon phénix de pierre, mon cœur brûlant – brûlé de vos images, de vos idéaux – sera l'acteur d'un jour : de l'unique jour de sa vie. Le trait de feu dans la nuit sans lune, la nuit gelée d'un hiver immortel, est le nouvel astre dominant. Il est
ma vie...
Les éléments sont là, la formule à prononcer, le pentacle à tracer comme une déchirure sur le sol de l'espoir et du désespoir – sa lame est de diamant. Pour créer, il me faut quatre essences : le chant de l'idéal, les éternels déçus, l'avertissement de la terre, ma sensibilité déchirée.
Écoutez : voici venir le râle du changement, le cri de guerre de ma volonté –
Je suis le porte-parole de l'amour de la terre, le tueur des mondes fuyant!Puis les tombes sont ravalées par l'obscurité de la neige reniée.
Voici mon cœur accomplissant le cycle solaire...Diverses explications clés & commentaires :
- L'idéaliste est un éternel déçu selon Nietzsche (à ma sauce). L'idéal (principalement la notion d'outre-monde, dont le Christianisme est selon lui la plus grande démonstration), participe au reniement de ce monde ci-bas concret en projetant l'esprit dans le labyrinthe de la perfection; ce pour échapper aux contraintes, et à la souffrance.
- Le départage risque d'être dur : on a visiblement pas du tout les mêmes appréciations du thème idéal, à défaut d'un concours pur style...