Il suffira d'un cygne - Chapitre VIIIIl suffira d'un cygne
Chapitre IX
Le marin confirma ses craintes, l'Alphaeron s'était contenté de les suivre.
Face à cette méprise, l'humoran baissa la tête, se frappa trois fois légèrement le front, lassé de sa propre stupidité. Heartless bafouilla au marin de reprendre sa tâche, puis, visiblement contrarié, pris brusquement le bras de Mercurio dans sa main et l'emmena jusqu'aux cuisines. Il se laissa faire ; ils avaient maintenant à se décider sur la suite des évènements et l'humoran n'avait pas le quart d'une idée à ce sujet.
"Mais pourquoi tu m'as rien dit, toi ?! On va faire quoi maintenant ?!""Hé, j'en savais que dalle, j'croyais aussi qu'on le suivait, leur rafiot !"S'en suivit une dispute que l'on aurait pu croire être celle d'un vieux couple, Mercurio se cherchant des excuses pour sa bêtise et Heartless, frustré de s'être montré faillible devant un équipage, dramatisant le problème de manière ridiculement exagéré et s'emportant dans le vent. L'humoran avait heureusement le don naturel de se foutre totalement qu'on puisse l'engueuler comme du poisson pourri. Il le laissa râler, acquiesçant les réflexions de Heartless lorsqu'il l'interpellait. Il se posa assis-debout contre une table et attendait tout bêtement qu'il se calme.
Le pirate arrêta soudain son discours, ayant craché tout ce qu'il avait à dire à ce sujet. Vint ensuite un petit silence et Heartless ne cessa de marcher de part et d'autres de la pièce pour enfin se poser sur une chaise en face de lui et ramener lourdement sa jambe sur la table.
"Bon, va falloir faire quelque chose. Tu peux faire quoi avant qu'on descende ? Apaiser la douleur au moins, ça s'rait bien, parce que je sens que j'vais très vite avoir besoin d'mes jambes... S'il te plait."A cette demande, Mercurio se fit soudain plus vif. Il se dressa d'un bond et un grand sourire se dessina sur son visage.
C'était une déformation de son activité de guérisseur : Il ne pouvait supporter de voir une blessure sans vouloir agir spontanément. Celles-ci, depuis qu'il les avait remarqué, le faisaient tiquer du coin de l’œil. Que le pirate lui permette enfin de s'en charger était donc un soulagement et, en plus, ça lui permettait de démontrer ses talents.
"Par Jeri, enfin tu m'le demandes ! Tu va voir, tu seras comme neuf en moins de deux !", dit-il avec un grand geste des mains, avec un air de paon qui se pavane.
Alors qu'il se rapprochait du borgne, il se surprit à espérer que sa blessure soit grave. Que les morsures étaient venimeuses, que les bidouilleurs de l'Alphaeron aient mal fait le bandage et que le tout se soit infecté, ou d'autres trucs dans le genre.
Il s'agissait là d'un problème récurrent chez les soigneurs passionnés. Aimer faire des soins, ça sous-entendait forcément espérer que des personnes se blessent. Et, de préférence, que ce soit quelque chose de difficile à guérir, qui donne du challenge. Bref, plus la saloperie était inattendue, exotique, sérieuse et potentiellement mortelle, plus ils s'amusaient comme des petits fous et, accessoirement, plus la note était salée.
Il s'assit à côté des jambes et examina déjà les bandages. Fait à l'arrache avec des torchons de cuisines pas du tout adaptés, le tout serré comme un rôti, il n'en fallut pas plus pour qu'il débute une médisance largement espérée qu'il avalait tout cru avec la plus grande condescendance et la plus parfaite délectation. Après tout, c'était le seul domaine au monde dans lequel il pouvait se permettre de réagir de la sorte, alors il n'allait pas se priver de ce petit plaisir.
"Ah ! Regarde-moi ce travail de garzok ! Ils t'ont fait ça avec des torchons, j'y crois pas ! Des torchons ! Ils auraient pu te faire ça avec leurs slips, ça aurait été aussi propre ! Non mais j'te jure...", dit-il enlevant l'un d'eux.
Il vit alors une des morsures. Les marques des dents étaient bien visibles, des morceaux de chairs étaient manquants mais la plaie était saine. L'effet bactériostatique du sel dans l'eau avait empêché l'infection, mais ce n'était pas suffisant.
"Bon, alors... T'as de la chance encore, c'est pas trop moche. Z'ont pas été foutu de te faire de points par contre... Heureusement que l'Mercu passe par là hein, sinon tu te serais retrouvé avec des trous dans la peau pour le restant de ta vie !", dit-il, se surprenant en train de parler comme feu Alkrim.
Il fit de même pour toutes les morsures. Elles étaient sensiblement identiques et, comme pour résumer ces pensées, il déclara :
"Bon alors, morsures multiples et superficielles : régénération locale des chairs et de l'épiderme. Rien de bien méchant. Allez, quelques coups de flashouillis magiques et on n'en parle plus."Il réajusta son siège, se frotta les mains et, lorsqu'il les sépara, une lueur de lumière émanait de sa paume. Il la passa au-dessus de ses plaies, se concentra brièvement -C'était le genre de soin qu'il avait fait des milliers de fois auparavant- et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à soigner.
(((Utilisation de "Souffle de Gaïa" sur Heartless)))Il suffira d'un cygne - Chapitre X
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Playlist de Mercurio
A propos, j'ai trouvé la morale de la fable que ton grand père racontait,
celle du petit oiseau que la vache avait recouvert de merde pour le tenir au chaud et que le coyote a sorti et croqué...
C'est la morale des temps nouveaux.
Ceux qui te mettent dans la merde, ne le font pas toujours pour ton malheur
et ceux qui t'en sortent ne le font pas toujours pour ton bonheur.
Mais surtout ceci, quand tu es dans la merde, tais-toi !
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Jack Beauregard (Henry Fonda), Mon nom est Personne, écrit par Sergio Leone, Fulvio Morsella et Ernesto Gastaldi