Naturellement, pour minimiser leurs efforts et les risques de se faire attraper par un prédateur, les rats à queue touffue, lorsqu'ils sont hors de leur nid, ne récoltent leurs branchages qu'à quelques mètres du nid. Au bout de quelques dizaines d'années, la progéniture du rat abandonne le dépotoir et s'en va construire un nouveau nid. Mais l'urine cristallisée empêche les matériaux dont est constitué le dépotoir de pourrir. En identifiant les vestiges des dizaines d'espèces de plantes fossilisées dans l'urine et présentes dans un dépotoir, les paléontologues peuvent reconstituer une image de la végétation qui poussait à proximité du dépotoir et les zoologues reconstituer une partie de la faune à partir des restes d'insectes et de vertébrés qu'il contient. En fait, un dépotoir de néotome est un rêve pour un paléontologue : c'est une parcelle de temps qui a pu préserver un échantillon de la végétation locale ramassée dans un rayon de quelques mètres au cours d'une période de quelques décennies, à une date que l'on peut déterminer en radiodatant le dépotoir. [... anecdote sur le paléo-écologiste Julio Bétancourt en 1975...] Aujourd'hui, nous savons que les dépotoirs pourrissent extrêmement lentement dans le climat sec du Sud-Ouest [des Etats-Unis d'Amérique]. S'ils sont protégés par un surplomb ou dans une grotte, ils peuvent perdurer jusqu'à quarante mille ans, bien plus longtemps que quiconque n'aurait osé le penser.
Jared Diamond, Effrondrement, à propos des techniques archéologiques permettant d'acquérir des connaissances sur l'habitat des populations amérindiennes du Sud-Ouest des Etats-Unis