Ca matin, je ne pesterai pas contre les sondages dont nous abreuvent les informations (faute de radio dans la voiture qui m'a convoyé), ni contre le rapport que semblent avoir un certain nombre d'usagers de divers véhicules au code de la route - pourtant l'envie ne manque pas, pas plus que les exemples d'ailleurs !

Mais ce trajet a ravivé dans ma mémoire une conviction déjà ancienne : le brouillard est pour moi un élément de décor majeur du récit fantastique. Cette place, il se la partage avec la grande pluie, et la visibilité qu'elle brouille, et tous deux supplantent la nuit. Parce que l'obscurité est trop évidente, tout comme le grand jour d'ailleurs, je les vois volontiers intervenir dans les récits merveilleux. Au sein des ténèbres les plus profonds, allumer une lumière suffit à dissiper tout doute, tout malentendu, à trancher. Pas toujours, assez cependant. Tandis que le brouillard... Voir le camion devant soi, malgré ses feux bien allumés, disparaître dans la nappe opaque et pourtant baignée par le soleil matinal est une expérience curieuse. En face, ce sont d'autres véhicules, des phares anti-brouillard qui tranchent la purée de poix, sans vraiment parvenir à dissiper le mystère. Ah ! ils se signalent, et fort heureusement. Seulement, le faisceau a beau aller bien droit devant, et porter loin, il ne dissipe pas le brouillard comme la lumière éclaire dans la nuit. Le brouillard continue d'envelopper, de cacher ce qui est dans le talus, pas comme l'ombre, à sa manière propre. Les arbres ne tendent pas des branches menaçantes, ils sont drapés dans ce gris si peu matériel. Ca et là émergent des bosquets dans la campagne, la boucle d'un cours d'eau, un maison, puis plus rien. Ma part conducteur a horreur du brouillard : trop dangereux. La part rêveuse aime traverser la campagne dans le brouillard du petit matin.