Comme je l’avais prédit, c’est l’hallali, et en une suite d’attaques plus violentes les une que les autres, le diseur d’énigmes, qui aurait décidément mieux fait de rester au lit plutôt que de venir attenter à la vie et au contrôle de soi de braves et honnêtes aventuriers, subit ce que l’on peut fort prosaïquement nommer un défonçage de gueule selon le schéma qui suit : tout d’abord, l’assaut d’une grande brutalité qui lui arrive en pleine poire sous forme d’un véritable déluge concentré en quelques mètres cubes d'eau qui percute la cible de l’aquamancien et l’envoie s’effondrer à flanc de montagne, sans doute avec trente-six chandelle dans le regard. Ensuite, comme pour lui rappeler mesquinement que je lance les couteaux mieux que ce gredin ne tire à l’arbalète, la projectile susnommé que je viens de lancer plonge dans les ténèbres de la capuche dont il est recouvert, l’obscurité de ce couvre-chef ne me permettant de constater un autre résultat de mon attaque que la crevaison de l’arrière du tissu. Ce n’est pas grand-chose, mais cela distrait peut-être suffisamment son attention pour qu’il ne remarque pas l’assaut bien plus brutal qui lui arrive dans la tronche, et ce serait tant mieux, car cela lui éviterait d’assister à la chevauchée de la rousse furie qui, l’épée dardée vers l’avant, est sur lui en moins de temps qu’il ne faut pour le dire et, clou du spectacle morbide de nos assauts répétés, le cloue justement puissamment contre les rochers en un empalement que je pourrais bien qualifier d’insupportable à voir si je n’avais pas assisté à des choses pires dans le genre coups et blessures. De toute façon, niveau vision, c’est loin d’être ce qu’il y a de mieux, car comme une célébration de ce coup fatal, ou comme un voile pudique sur cette scène d'une rare violence, un coup de tonnerre déchire soudain les cieux, venant s’ajouter au boucan général et illuminant l’espace d’un instant la scène qui prend des reflets de fantastique, s’estompant durant quelques secondes à mon regard du fait de l’aveuglement subi à cause de cette lumière trop vive. Ainsi, je n’ai pas pu voir ce qui s’est passé au détail près, mais toujours est-il qu’il s’agit sans conteste là d’un embrochage dans les règles de l’art de la mise à mort, et le fâcheux expire sous ce coup d’estoc asséné avec une ardeur sans nom, s’effondrant dans un râle d’agonie tandis que nous rejoignons la position de Glaya, laquelle retire sa lame de notre ex-menace avant de se détourner de sa victime, la vision du décès de l’homme lui ayant apparemment amplement suffi pour lui retirer l’envie de se préoccuper davantage de lui.
Tel n’est pas notre cas, et très vite, nous nous rassemblons autour du cadavre qui n’en est finalement pas un puisque le moribond crachote encore de l’air en une suite d’inspirations et d’expirations haletantes qui montrent que son espérance de vie se chiffre désormais en secondes. Rapidement, il s’avère que Krochar ne veut pas plus que la paladine s’intéresser à ce sordide trophée de chasse sanguinolent qui laisse apparemment au guerrier garzok un arrière-goût de déception de n’avoir pu participer plus que ça à la confrontation, le dépit se lisant sur la moue déconfite qu’il affiche puis dans les paroles désabusées sur lesquelles il nous laisse nous charger des derniers instants de l’humain, s’en allant approfondir les recherches auxquelles nous n’avons pour l’instant pu nous livrer que de manière lacunaire. En ce qui me concerne, je m’approche encore un peu du gaillard, impressionné, presque fasciné par l’air d’effarement mêlé de fierté des derniers instants qu’il arbore comme un baroud d’honneur, un pied de nez à notre victoire pourtant sans failles ou presque. C’est que vous savez, la plupart du temps, et même dans quasiment tous les cas, les personnes qui vont passer à Thimoros n’en mènent pas large, pleurant toutes les larmes de leur corps, criant désespérément à l’aide ou braillant des mots vengeurs à l’égard du monde entier ; aussi c’est une chose étonnante et même édifiante pour moi que de voir la dignité que ce tourmenteur pourtant insupportable affiche et qui mérite qu’il l’emporte dans la tombe au plus vite plutôt que d’agoniser longuement et stupidement.
« Désolé. Tu t’es bien battu. » Marmonné-je plus que je ne prononce en guise de formule d’adieu, n’étant décidément de loin pas le plus indiqué pour me charger des oraisons funèbres ou des trucs de ce genre.
Quoi qu’il en soit, achever quelqu’un, ça, je sais le faire très bien, et je le prouve en abattant la main qui tient le dernier de mes trois poignards sur la poitrine de l’individu, à l’endroit du cœur, l’acier noir s’enfonçant dans le tissu puis dans la chair jusqu’à la garde sans vraiment rencontrer de résistance, perçant son organe vital de plein fouet et le faisant ainsi quitter le monde des vivants dans un râle de mourant qui pourrait presque s’apparenter à un soupir de soulagement. Penaud, ayant bien sûr déjà eu à accomplir un office aussi peu ragoûtant bien des fois, mais presque jamais de sang froid, j’observe la tête de ce qui n’est déjà plus qu’un amas de chair, de sang et d’os en phase de se décomposer s’affaisser sur le côté et retire machinalement ma dague toute couverte de fluide rouge de la blessure mortuaire qui laisse échapper de tristes giclures de sang.
(C’était un sale boulot, mais il fallait bien que quelqu’un le fasse. - Ouais… ça sent pas la viande grillée ?)
Tournant la tête dans la direction du méchoui tout proche que je viens de remarquer, je réalise avec stupeur que le méchoui en question n’est autre que Lindeniel, découverte des plus laidement réjouissante face à laquelle je n’empêche pas un rictus sadiquement réjoui de se former sur mes lèvres alors que je retiens à grand peine des ricanements de sortir de ma gorge, me retournant précipitamment en direction du tireur embusqué pour ne pas laisser voir mon hilarité qui n’est que renforcée par les propos grandiloquents que l’hiniön couine à l’égard des cieux. Ah, bon sang, je ne vénérais pas Valyus jusqu’ici, le considérant plutôt comme le dieu des torkin, mais bon sang de bonsoir, rien que pour cette intervention divine qui tient véritablement du miracle, je me promets de lui adresser de ferventes prières chaque fois qu’un enquiquineur de première sera dans les parages, et en vérité, si le seigneur de la foudre veut bien frapper l’insupportable faquin blanc une seconde fois, je me fais sur le champ prêtre dévoué de son dogme ! Enfin bon, trêve de plaisanterie, et en réalité, je n’ai pas envie de traîner ici, aussi, dès que nous aurons fini d’enterrer ce larron qui a tout de même droit aux derniers honneurs en dépit de la fourberie dont il a fait montre, je crois que tout le monde sera d’accord pour plier bagage et faire route vers d’autres horizons moins chargés de relents morbides. Mais avant même de penser à lui faire une sépulture décente, il va falloir observer l’usage non seulement sekteg mais en réalité carrément universel qui consiste à débarrasser un combattant décédé de ses possessions afin de les faire siennes. Oui, je sais, c’est glauque, pas glorieux et même carrément bas, mais je vous assure que si les vainqueurs ne récupèrent pas de l’équipement sur le cadavre de leurs ennemis défaits, ils ne sont pas vainqueurs très longtemps, alors que l’on me taxe –une fois de plus- d’abjecte petite vermine si l’on veut, mais personne ne pourra contester le bon sens dont je fais preuve en remplissant cet office !
« Si quelque chose vous intéresse, prenez-le. » Annoncé-je d'un ton posément sombre tout en positionnant les bras du bonhomme de façon à pouvoir lui retirer plus commodément sa tunique après l’avoir délesté de sa sacoche et de sa ceinture, préférant me charger de le défaire de ce beau –et surtout solide- vêtement avant qu’il ne soit complètement trempé de sang.
_________________ J'ai décidé d'être heureux, parce que c'est bon pour la santé! _____________________________________________ Jakadi, voleur gobelin niveau 4 so unique en son genre vous salue bien. Bilan de la quête 18 : Buffet maritime gratuit , une tenue très tendance (merci beaucoup GM17 ), 1er contact avec les indigènes, découverte des spécialités culinaires locales , rééquilibrage de la balance des possessions Shaakts/Sektegs, tatanage de torkin (c'est une CC messieurs-dames!), un ventousage d'urgence , une obtention de balalaïka , une razzia sur des restes de bataille, du matraquage d'araignées géantes , la perte d'une bonne partie du groupe , un affrontement avec un esprit des ténèbres , un fort agaçant diseur d'énigmes , un combat contre une troupe entière de garzoks, de l'apprentissage de CCs par zigouillage d'araignée .
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