Ah le saligaud, tenter une pareille attaque en traître envers moi, lui qui paraît encore et toujours se prendre pour un parangon de vertu : rien que de penser à la nature de l’olibrius que je tiens sous la menace de ce poignard nouvellement acquis, j’ai comme des nausées qui me viennent. C’est que je connais bien ce genre de paladin d’opérette qui, trop heureux d’avoir quelque chose contre lequel déchaîner sa hargne stupide et myope, ne se préoccupe même pas de savoir si ce qu’il fait est fondamentalement bon ou mauvais, se contentant de tuer mécaniquement à tour de bras toute créature « maléfique » qu’il rencontre, le crâne si bourré de sornettes qu’il n’y reste même plus de place pour la moindre réflexion. Ah, bien sûr, quand il s’agit de me faire la peau pour un petit vol de rien du tout qui ne peut d’ailleurs même pas être certifié (je le rappelle une énième fois), voilà que ça se bouscule au portillon, mais pour l’aide que je leur ai apportée jusqu’ici à de nombreuses reprises, pas le moindre mot ou geste de remerciement ! Grr, dire qu’avec la trop grande puissance pour son petit ciboulot que ce cinglé a à sa disposition, il aurait sans doute pu me déchiqueter d’un seul de ses sortilèges dont on a pu voir l’effet sur le désormais défunt ! A y songer, je suis tout tremblant de rage, mais aussi de crainte d’avoir une fois de plus manqué de peu de passer l’arme à gauche, et il ne tient qu’à ma bonne conscience ainsi qu’aux douces harangues de Minil’emnil que je n’éviscère pas sans autre forme de procès ce taré ! Et le pire est que le bougre paraît réellement avoir disjoncté puisque, loin de faire preuve d’un minimum de prudence face à celui qui le tient sous la menace de sa lame, le voilà qui se met à fanfaronner, ânonnant sottise après sottise en un délire qui le pousse à m’adresser la parole comme si on avait gardé les cochons ensemble.
Quel imbécile… ça oui, la colère, je connais ça, bien plus qu’il ne pourra jamais s’en douter : raillé, blessé, tourmenté par une tribu toute entière durant toute sa vie, qui n’aurait pas accumulé une colère telle qu’il n’aurait qu’une envie, déchaîner sa hargne sur la première cible venue ? Ce crétin au crâne trop étroit ne s’en rend peut-être pas compte, mais décéder n’est pas quelque chose de très agréable, et pourtant, c’est quelque chose qui pourrait bien être sur le point de lui arriver avec le paquet de nerfs dont l’énervement est à vif collé tout contre lui, et dont l’arme est à deux doigts de lui offrir un aller simple pour les enfers. Et le pire, c’est que ce nigaud de la pire espèce m’y incite, indiquant ainsi qu’il doit définitivement avoir perdu la boule pour se croire ainsi en plein dans un conte de fées où le gentil ne peut bien évidemment pas mourir, et surtout pas de la main d’un vilain méchant pas beau de bas étage. Trop heureux de lui offrir ce qu’il demande, je m’apprête à lui cisailler le bas-ventre d’une bonne torsion du poignet bien comme il faut, mais avant que j’aie pu pousser mon entreprise de mise à mort plus loin, une grosse voix retentit soudain, son timbre grave identifiant sans doute possible son possesseur comme étant Krochar qui, toujours aussi soucieux de bien faire, fait irruption au beau milieu de cette scène avec la ferme intention manifeste de mettre fin aux hostilités, manu militari si nécessaire, comme l’indique sa mine résolue et réprobatrice aux traits redoutables à l’intensité accrue par la chape de ténèbres qui l’entoure. Et comme si ça ne suffisait pas, voilà qu’un autre intervenant se ramène, Glaya, celle-ci hurlant de toute la force de sa voix pour nous ramener à la raison, la rouquine paraissant une fois de plus à deux doigts de perdre la boule devant de pareilles tensions.
Et taleskwi… d’abord Kerkan qui cherche à me massacrer, et maintenant, les autres qui rappliquent et qui, n’ayant probablement rien aperçu de ce qui a précédé la situation présente, ne voient désormais rien d’autre qu’un sekteg sur le point d’ouvrir le bide d’un humain, situation pour le moins compromettante et dont je risquerais bien de ne pas me sortir à bon compte si jamais je ne prends pas un minimum garde à ce que je fais et dis, contrairement à ce sot d’aquamancien puéril et destructeur.
(Même si on a ferré un beau poisson, quand la pèche est interdite, il faut le relâcher !)
Ah oui, c’est sûr que là, c’est tout ce qu’il y a de plus tentant que de le faire passer de vie à trépas comme lui-même m’y incite d’ailleurs, mais une telle éventualité est réduite à l’état de chimère avec de pareils spectateurs juste à côté de moi… et il y a aussi que zut, il ne sera quand même pas dit que Jakadi n’a pas un minimum de moralité ! Ainsi, dommage pour ma colère qui devra une fois de plus ne pas être satisfaite, mais il semble bien que je vais devoir épargner cet ignoble individu, autant pour ne pas me faire matraquer par les autres que parce que je suis tout de même au-dessus d’une vengeance aveugle, par opposition à un certain gars tout en bleu, et, avec un soupir sifflant de dépit rageur, je relâche l’étreinte que je maintenais sur lui, rangeant ma dague nouvellement acquise aux côtés de celles que je possède déjà, reprenant ensuite ce qu’il avait interrompu, retournant me charger du dépouillement du cadavre de notre agresseur. D’ailleurs, au passage, je peux m’apercevoir que le bougre est soudainement beaucoup moins pourvu, la faute en revenant sans l’ombre d’un doute à celui qui pourrait partager avec Kerkan le titre du plus infâme personnage du coin, Lindeniel en personne qui, du haut de son insupportable pédanterie, paraît tout de même avoir de sacrées velléités de charognard pour se jeter sur les premiers équipements qui lui tombent sous la main avant de s'éclipser aussitôt son forfait accompli. C’est que le faquin n’y est pas allé de main morte, car voilà déjà le diseur d’énigme dépouillé de l’intégralité de sa grande cape ainsi que de quelques lames de jet qu’il portait sur lui… et il est même allé jusqu’à me chouraver le couteau de jet qui s’était enfoncé dans la cuisse du larron ! Hé bien, heureusement que j’ai pris ce poignard plus tôt, sinon, il en aurait certainement fait également sa propriété ! De toute façon, je m’en fiche, je n’ai pas envie de me donner la peine de courir après ce crétin de première classe étant donné que ce sot accompli n’entendrait jamais raison quand bien même il ne pourrait pas être plus en tort, et l’arme que je détiens désormais compense de toute façon avantageusement cette perte de par son tranchant dangereusement effilé.
« Tu es fou Kerkan. » L’accusé-je d’une voix rendue atone par la lassitude grondante d’énervement que j’éprouve alors que j’empoche machinalement une petite bourse qui avait échappé à la rapacité de l’hiniön, bien résolu à ramasser tout ce que je pourrai avant de reprendre la route sans tarder, en ayant par-dessus la tête de tout ce qui se passe. « Tu es aveuglé par un sens de la justice simplet qui t’empêche de discerner le bien du mal. » Enchaîné-je tout en raflant au passage l’arbalète, puis, alors que je me lève pour me remettre en route, je termine par un : « Si tu ne fais plus partie de notre groupe, va-t-en, ça m’ôtera l’angoisse de me faire attaquer dans le dos par toi. »
Puis, la tête basse, autant pour éviter de déraper sur les rochers escarpés que pour ne pas voir le visage de l’aquamancien et ainsi éviter de déchaîner en moi de nouveaux élans de colère, je me dirige vers les grandes portes où nous attendent la suite de nos aventures dont j’ai de plus en plus hâte de voir arriver la fin histoire que des turbulences telles que celles que nous n’avons pas cessé de vivre puissent enfin arriver à terme. Méprisé par Lindeniel (même si, au moins, ça, je n’ai pas à le prendre personnellement), battu par mon gatch bratty bien que ce fût sous le coup d’une possession, mortellement pris en grippe par ce maudit adolescent… qu’est-ce qui va m’arriver ensuite ? Glaya va-t-elle me prendre pour un émissaire d’Oaxace et vouloir m’estoquer de la même manière qu’elle a abattu férocement l’autre tireur ? J’en ai marre d’être sans arrêt pris pour cible de la hargne des autres, et si je n’étais pas tout à fait conscient qu’il faut bien avancer malgré l’adversité, je balancerais bien tout ça, enverrais au feu cette Dame des Rêves et ses problèmes pour partir seul dans les montagnes avec pour unique compagnie celle de ma faera. Toutefois, en chemin, après avoir ramassé mon couteau de jet précédemment envoyé, je suis rappelé à des détails plus matériellement prosaïques en m’apercevant que l’arme de tir que j’ai prise avec moi est d’un gabarit bien trop considérable pour que je puisse m’en servir correctement, faire fonctionner la machinerie de cet engin nécessitant une force trop supérieure à la mienne. Aussi, alors que je passe devant Krochar, je lui mets entre les mains l’arbalète d’un geste déterminé afin de lui montrer qu’elle lui revient de toute façon par défaut : Glaya ne voudra pas toucher aux affaires du défunt, Lindeniel en a déjà une et est de toute façon loin désormais, je ne peux pas l’utiliser convenablement, et il est hors de question que Kerkan touche sa part du butin puisqu’il s’est volontairement exclu de notre équipée.
« Tiens… et ne discute pas, tu l’as méritée ! » Lui assuré-je avant de me tourner vers Glaya, m’adressant à eux deux à la fois. « Venez, nous devons y aller maintenant. Je vous expliquerai en chemin si vous voulez, mais pour le moment, ne traînons pas ici. »
Avec toute la pluie qui tombe, ma mine sombre et la séparation d’un membre de notre groupe, la scène revêt une allure bien sinistre, mais bon, il faut bien aller de l’avant, quelles que soient les circonstances et les déconvenues que nous aurons à affronter. Maintenant, il ne reste plus que nous trois ; le sekteg, le garzok et l’humaine, l’hiniön ayant apparemment l’intention de faire cavalier seul, et maintenant que les effectifs sont si drastiquement réduits, il ne reste plus qu’à espérer que nous n’aurons pas à souffrir d’autres désistements, sinon notre quête qui va déjà cahin-caha ne pourra décidément jamais arriver à terme !
_________________ J'ai décidé d'être heureux, parce que c'est bon pour la santé! _____________________________________________ Jakadi, voleur gobelin niveau 4 so unique en son genre vous salue bien. Bilan de la quête 18 : Buffet maritime gratuit , une tenue très tendance (merci beaucoup GM17 ), 1er contact avec les indigènes, découverte des spécialités culinaires locales , rééquilibrage de la balance des possessions Shaakts/Sektegs, tatanage de torkin (c'est une CC messieurs-dames!), un ventousage d'urgence , une obtention de balalaïka , une razzia sur des restes de bataille, du matraquage d'araignées géantes , la perte d'une bonne partie du groupe , un affrontement avec un esprit des ténèbres , un fort agaçant diseur d'énigmes , un combat contre une troupe entière de garzoks, de l'apprentissage de CCs par zigouillage d'araignée .
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