Sorakeen a écrit:
Lorsque je me sens reposée et prête à remonter en selle, j’adresse à Izzio quelques remerciements plutôt timides, encore tremblante et frileuse, ou terrifiée ? Epoussetant ma cape, je fredonne quelques airs d’une voix distraite pendant une bonne partie du voyage jusqu’à Tulorim, ce qui m’aide à surmonter l’angoisse étouffante, qui monte de plus en plus, tandis que je me remémore, avec un certain malaise, les tout récents événements.
Izzio se montre peu loquace, jetant de temps à autre vers moi des regards inquiets, comme si je risquais à tout moment de replonger dans un puit de sommeil, d’où il ne parviendrait pas à m’extraire, cette fois.
Je me fais des histoires, évidement. J’ai toujours accordé une grande importances aux signes en tout genre, et plus particulièrement ceux des rêves, qui sont selon moi comme les prémices de la météo, annonçant un terrible orage ou bien au contraire, un ciel radieux.
Je ne crois pas cependant que mon destin soit entre les mains de quelqu’un d’autre ; je suis la seule à pouvoir décider de mes choix, mais je suis assurée que sur notre route quotidienne, se trouves des indices subtils qui méritent toute notre attention.
Aujourd’hui, le chemin était long et tortueux. Il me faudra beaucoup de courage, de force et d’espoir pour les jours à venir. Je ne sais si cette épidémie est réellement celle que les rumeurs laissent à supposer, mais je sais qu’il ne faut guère mépriser la symbolique d’un rêve ou d’un cauchemar.
En repensant à ce démon, ou cet être venu des ombres, je ne parviens toujours pas à décoder ses motivations. Il s’est montré très allusif, et peu bienveillant envers moi. Je ne sais comment interpréter son dernier geste morbide. Est-ce une menace ? Que suis-je supposée y voir ?
Cette torture mentale m’épuise, comme si je ne l’étais pas déjà assez. D’ailleurs, je me demande si j’ai réellement dormi… où si cette transe n’était qu’une copie plus intense de la réalité, une sorte de coma artificiel pour l’esprit.
Pendant de longues heures, le paysage s’étale paisiblement, avec rien de plus que quelques fermes et des grands champs à perte de vue. L’herbe ondule plus intensément, à chaque nouveau grondement, suivit du vent qui l’accompagne. Est-ce qu’une tempête se prépare ? Il semble que oui, et pourtant, rien ne vient, et pendant un moment, le ciel semble suspendu, comme redoutant quelque chose de plus grand encore, avant de se déverser à flot.
Puis les nuages craquent et l’atmosphère se met à osciller dangereusement tandis que les premières gouttes tombent avec fureur. Je me sens du coup plus redevable encore envers Izzio, protégée par sa couverture et sa prévenance.
La route semble se dégager, et paraît soudain bien plus empruntée par les voyageurs et autres commerçants ambulants. Les pavés apparaissent de même que l’odeur si typique de la civilisation, mélange de suie, de métal froid et de fumées diverses. Je souri presque lorsque les remparts grisâtres apparaissent, sous le ciel sinistre qui le domine.