Keynth a écrit:
Keynthara écouta avec attention les nombreuses mises en garde que leur avaient données les dirigeants de l’expédition juste avant le départ. Toutes ces allusions aux dangers environnants lui faisaient froid dans le dos et elle comprenait à présent pourquoi le roi avait commandé des aventuriers expérimentés… Qu’allait-elle donc devenir, elle qui n’avait jamais vraiment affronté de périls. Elle allait devoir rester dépendante de la protection des autres durant toute la mission.
La petite troupe se mit rapidement en marche, suivant le capitaine et ses subordonnés qui se dirigeaient vers l’Est, avançant sur des petits sentiers improvisés entre les broussailles… Cette marche lui rappela celle qu’elle avait eue lorsqu’elle s’était rendue pour la toute première fois à Kendra Kâr,il y a presque une semaine…
La jeune demoiselle s’était trouvée une petite place juste au milieu de la file et essayait de suivre la cadence donnée par Andelys et Bogast, en tête de file…
( Ils doivent tous se croire en promenade, vu l’allure à laquelle ils marchent… Mais moi je suis obligée de faire trois pas pour un des leur… Je sais pas si j’arriverais à tenir ce rythme-là pendant trois heures. Au pire, je suis toute légère et pas vraiment encombrante, on pourra donc me porter sur le dos… Quoi que, faudrait trouver quelqu’un qui accepte…)
La Petite gardait le silence pour économiser ses forces et préférait admirer le paysage qui s’étendait à l’horizon, laissant seulement apparaître au loin la grande forêt qu’ils allaient devoir traverser en fin d’après midi…
La pause arriva bien trop tard au goût de la petite Aniathy. Elle avait vraiment mal aux jambes et ses pieds étaient tout échauffés par ces trois longues heures de marches… pourtant, ils n’étaient même pas encore arrivés dans la forêt, bien qu’ils s’en fussent grandement rapprochés.
Pendant que tout le monde prenait la collation de midi, Keynthara s’assit sur un petit rocher au ras du sol, puis ôta ses chausses usées. Cela faisait des mois et des mois qu’elle les portait, et bien qu’elles se soient parfaitement adaptées à ses pieds menus, la pauvre n’était pas du tout accoutumée à parcourir une telle distance si rapidement… Elle décida alors de continuer à avancer pieds nus, lorsque le moment de reprendre la route fut annoncé.
L’air se faisait étrangement plus étouffant à mesure que l’expédition se rapprochait de la forêt, et la jeune Aniathy s’était finalement trouvée une petite place sur les épaules du cartographe Seldell. Elle avait quelques remords en voyant les autres se fatiguer, mais elle s’en serait voulue encore plus de retarder l’avancée dans la plaine…
Arrivée à la lisière de la forêt, la petite troupe se resserra encore un peu plus, car c’était dans les bois que le danger allait se faire le plus menaçant, avec ses animaux sauvages dont ils ignoraient tout, et le terrain qui leur était totalement inconnu. Keynthara dut alors descendre de son perchoir qui lui avait jusqu’alors offert une très large vue sur les environs. De toute façon, il était bien plus sûr pour elle de se retrouver à terre, plutôt que de se cogner à une branche en hauteur, ou de tomber parce que son porteur trébuchait sur une racine. En effet, la forêt était relativement dense et se frayer un passage entre les grands arbres exotiques n’était pas une mince affaire.
Non sans surprise, Keynthara constata qu’aucun problème majeur n’était survenu au cours de leur exploration, et la seconde pause venait tout juste d’être annoncée. Cette fois-ci, les gens discutaient un peu moins, sans doute affaiblis par cette demi-journée de marche éreintante, et la pause dura un peu plus longtemps. La Petite se demandait comment le chef allait pouvoir déterminer le moment où il serait bon de s’arrêter pour monter le camp : le ciel restait bien trop souvent masqué par la végétation touffue de cette forêt au climat humide et tropicale.
Pour la dernière fois alors, Keynthara remit ses petites chaussures d’enfant, puis regagna sa place au milieu des autres, maudissant le jour où la Fortune l’avait pressée dans cette cachette sur le bateau…
La nuit s’annonçait doucement à mesure qu’ils pénétraient un peu plus profondément encore dans la forêt. Le chant mélodieux des oiseaux se faisait plus discret et laissait place au bruissement inquiétant du vent dans les feuilles. Seule la grande druide paraissait confiante.
(Elle connaît par cœur la nature, et sans doute est-elle capable de nous prévenir, si danger il doit y avoir…), pensa la jeune Keynthara qui se conforta dans son choix de se tenir bien gentiment derrière Lothindil, de temps en temps.
Enfin, ils arrivèrent à un endroit un peu moins boisé qu’à l’accoutumer, et Bogast estima, inspectant attentivement le ciel à travers le feuillage, qu’il était temps d’établir le campement pour la nuit. Lothindil et Fizold furent désignés pour monter la garde durant la nuit, et un feu central fut allumé, entouré par quatre autres, plus petits, qui délimiteraient le campement. Il fallait avant tout veiller à ce que les flammes ne se propagent pas sur le tapis de végétation dense, et ils seraient donc placés sous la responsabilité des veilleurs pour cette nuit…
Tout le monde s’était frugalement restauré, à l’exception bien sûr de la petite Aniathy, et après quelques discussions au coin du feu, la plupart des membres de l’expédition s’allongèrent bien tranquillement dans leur couchette improvisée pour s’abandonner aux rêves, et peut-être aussi à l’exploration imaginaire de cette île mystérieuse…