Coup de folie ? Coup de sang peut-être ? Allez savoir, en tout cas, la rage qui s’empara de moi fut incontrôlable. Et je dis ça après coup, je n’ai plus qu’une vague idée de ce qui venait de se passer alors que je baignais dans l’eau salée peinte par le sang et les débris de chairs nageant au gré des courants du fond océanique. Je me rendais compte de l’horreur que je venais de créer. Et quelle horreur ! Moi ! J’avais craqué, ne supportant plus toutes les infâmes contraintes que nous imposait cette satanée aventure. Sans raison réelle, j’avais donné la mort sans pitié ni répit pour mon adversaire déjà pris au piège… Nous aurions pu faire des prisonniers…. Réfléchir à la possibilité d’une intelligence à l’intérieur de ces petites créatures. J’aurais pu maîtriser mes pulsions et garder mon calme face à cette agression plus qu’inexplicable… Encore une machination sans doute ! Mais que pouvions nous désormais faire face à la toile mortelle que le nécromant avait tissée autour de notre sort, funeste à n’en point douter, à tous.
J’étais devenu pendant quelques secondes l’image même du monstre cruel que je voulais combattre, et je découvrais désormais, dépité, l’ampleur du désastre. Il fallait que je me ressaisisse pour redevenir le jeune guérisseur talentueux, ambitieux et tolérant que j’étais. Il fallait cependant mettre mes émotions de côté et tourner la page avec toutes les déceptions et pertes que j’avais essuyé en seulement une petite journée… Une putain de journée, à n’en point douter ! Qui aurait rêvé une telle situation, un fou peut-être ? Enfin bon, il ne fallait pas désespérer mais au contraire essayer de se reprendre et d’avancer. Comment faire alors pour ne pas se morfondre ? Appliquer cette philosophie positiviste et croquer dans la vie pour se sustenter du besoin humain et naturel qu’est la recherche du bonheur… J’en avais tant besoin en ces heures sombres. Il fallait maintenant être simplement lucide et retrouver son bon sens ainsi que son calme pour mettre rapidement fin à ce jeu âpre et cruel. Dur chemin que la vie, fleuve aux remous inattendus !
(Pauvre Darek, quel pauvre image tu dois avoir de moi ! Je n’ai pas été franchement à la hauteur de tous les rêves que j’ai prétendu réaliser… Oulah !)
En parlant d’inattendu, voilà autre chose, le bateau venait presque de me mettre par terre alors qu’il se remettait tout bonnement à bouger. Par quelle prodigieuse magie quelqu’un pouvait à sa guise nous faire avancer et nous stopper. Mais plus inquiétant encore, notre arrêt voulait dire que l’attaque avait été commandité, et donc que nous rentrions sans difficulté dans le piège du nécromant plutôt que de tenter de le contourner. Nous étions dans son jeu et nous n’avions guère de possibilités pour en sortir. Comment faire pour survivre dans cet univers malsain dans lequel nous évoluions ? Je n’en comprenais que difficilement les tenants et les aboutissants et une grande partie restait mystérieuse alors que faire si je ne savais pas. J’aimais détenir la connaissance pour pouvoir être simplement dans l’assurance du vrai. Être sur le droit chemin avait toujours été quelqu’un chose qui me tenait à cœur, je ne pouvais renier mon appartenance à la déesse des Justes et du Bien.
Autour de moi, sur le pont du navire englouti, mes compagnons s’attardaient sur les derniers moments de calme du voyage, nous allions bientôt accoster, c’était une certitude. Nous pouvions alors profiter de la vue idyllique de cette splendeur de cité sous-marine. Elle me terrifiait et me fascinait à la fois, c’était tellement improbable, formidable et inquiétant à la fois que j’en avais la chair de poule… En parlant de peau, je commençais à franchement m’inquiéter pour l’état de mes doigts sous l’eau que je voyais se flétrir au fur et à mesure du contact permanent avec l’eau. Mais bon, il fallait savoir souffrir pour avancer, je venais de l’apprendre à mes dépens.
(Pauvre de nous, rien ne justifiait tant de malheur…)
Alors que dans un dernier regard triste, j’effaçais un tant soit peu les cadavres de mes amis, marins et aventuriers laissés derrière nous, le bateau se posa avec douceur sur un banc de sable fin. Presque un petit paradis sous-marin si j’avais été ici durant des vagabondages d’adolescent. Antariasi posa une question dont la réponse m’était inconnue mais la désignation du lieu convenait parfaitement à l’idée que je m’en faisais. C’était splendide ! Mais il ne fallait pas se laisser amadouer par ces images d’une grande beauté, la mort nous attendait surement à l’intérieur de ces murs.
Tandis que j’admirais encore émerveillé les contours de ce lieu unique, d’autres eux, scrutaient les proches abords du navire. Et ce fut Logan en premier qui désigna un endroit qui lui paraissait être une entrée. Me détournant de ma contemplation béate, je fixais enfin mon esprit à l’instant présent et à la nécessité pratique à notre survie. C’était en effet une porte, mais une porte condamné malheureusement. La chance ne nous avait pas sourie cette fois car ce passage avait du être usité bien des années auparavant mais désormais, il était impraticable.
Pourtant, Antariasi avec sa remarque ramena mon attention au mur proche de ce bloc infranchissable. Il y avait là quelque chose d’intéressant, en effet. Et en effet, comme le disait mon ami sombre, si cela ressemblait à ce que nous croyions être, il faudrait passer par les égouts, lieu de haut prestige et d’une dignité infinie. Il supposait avec humour que cette alternative enchanterait sans doute Angharad et Aalys. Il m’arracha un maigre sourire même si je pensais ces deux jeunes femmes bien au dessus de ces considérations purement hygiéniques.
(On cherche ailleurs ou on rentre par là ? … Avec la chance que l’on a, à tous les coups, c’est la seule entrée, ça m’étonnerait pas du nécromant ! On va donc devoir se coltiner les ordures… Enfin bon, allez, Motivés !)
Et dans un soupir tout plein de bulles marines, je levais les yeux vers la surface de l’océan tout en me décidant à lâcher avec dépit un petit commentaire désabusé :
« Je crois que tout le monde a compris ! Il faut entrer par là, c’est peut-être sale mais au moins c’est discret ! Et j’ai bien maintenant l’intention d’aller au bout de cette aventure morbide ! Allez, dans la joie et la bonne humeur, qui m’aime me suive ! »
Et d’un bond, je m’élançais à la nage vers cette entrée sombre et verdâtre. Bien que mes facultés fussent occultées, j’imaginais déjà le calvaire nasal que nous pourrions subir. Une fois arrivé à la hauteur du mur, j’hésitais une dernière fois avant de m’élancer avec crainte dans ce tunnel obscur.
_________________
Terminator des cours d'écoles ! Théurgiste en formation, prêt au combat ! Près de mourir !
Dernière édition par Erfandir le Lun 31 Aoû 2009 22:33, édité 1 fois.
|