Lothindil a écrit:
Après deux heures de sommeil aussi réparatrice que reposante, je me lève. La brume au nord n'a pas faibli, ni la pluie fine, chaude et douce. Mon regard se porte vers le ciel nuageux où malgré la pluie, règne le calme. Je reste ainsi, veillant le sommeil de mes compagnons, les oreilles tendues vers le campement orque, les muscles prêts à agir. Mais rien ne vient, le bruit est toujours là, omniprésent, inquiétant et pourtant d'une certaine manière reposant à mes oreilles.
Ce bruit, celui de pas de géant, de tambours de guerre ou encore de tout autre chose. Je le connais et il me semble l'avoir déjà entendu dans des circonstances étranges, hantant voilà de longs mois mon sommeil... Mais aussi il y a bien longtemps encore dans les forêts naoriennes. Ce bruit si étrange, qu'est-il réellement? Il m'obsède, m'attire et me repousse à la fois. Je reste là à l'entendre guettant une attaque, une présence ou autre chose. La présence est là, je peux la sentir, la palper...
Enfin arrive l'aube et la fin de la pluie, le soleil se lève rayonnant tandis que la lumière inonde la plaine. Nous sommes visiblement seuls du moins dans mon champ de vision. Petit à petit les autres se réveillent, animant notre campement d'un bruit fort différent du grondement, grondement qui n'a cessé.
Après un rapide déjeuner, nous nous entrons dans la magistrale et ancestrale forêt qui se dresse face à nous. Ma main gauche tient tant bien que mal mon bâton de ses doigts encore faibles, tandis que ma main droite ne traine pas loin de la poignée de mon épée. Cependant, un calme s'empare peu à peu de moi, je me sens bien dans ce labyrinthe sylvestre, je me sens en partie chez moi, ou du moins dans mon élément.
Nul sentier ne semble avoir été tracé et je me surprends à souhaiter que nul n'ait jamais foulé avant nous ce sanctuaire végétal. Moins d'une heure après notre entrée, je suis calme, comme transcendée, ma main droite touche la nature, sentant la vie de ces arbres plusieurs fois centenaires pour certains. Je respire à grande goulée d'air les multiples senteurs inconnues de ce lieu immense et paradisiaque à mon goût.
Tel un loup des bois, je vagabonde dans ce lieu intact. Je vais de racines en tapis d'herbes ou de feuilles sans me soucier de la difficulté du terrain. La marche me semble simple et m'est reposante comme si cette nature me donnait sa force et son calme. Je suis chez moi en ces lieux.
(Lothi, attention...)
(Que se passe-t-il?)
(Cette forêt tu devras la quitter, malgré sa beauté.)
(Pourquoi ai-je l'impression de connaître ce lieu depuis toujours?)
(Tous les bois sauvages te paraîtront ainsi désormais. Tu es de leur peuple en tant que gardienne druide. Les arbres sont tes frères de coeur, mais n'oublie pas que tu es elfe.)
Les couleurs m'émerveillent, du vert profond à l'or brillant, en passant par le rouge et le jaune. Même les mousses brillent ainsi, ayant emprisonné la pluie de la nuit pour nous la donner en milliers de perles scintillantes sous le soleil. Des animaux se mêlent à cette féerie enchanteresse pour mes yeux et mes oreilles, les oiseaux chantant des airs inconnus, rythmé par les bruits sourds, toujours omniprésent.
Soudain, le souvenir de ce bruit me revient. C'est à l'ermitage que je l'ai déjà entendu. L'ermite m'ayant guidé vers le temple de la Terre à Dehant en parlait aussi. Les gardiens de la forêt seraient-ils ici? Seraient-ce donc des Oudios, peuple béni par Yuimen que nous entendons?
Profitant d'une pause, j'en parle au groupe:
"Je pense que les bruits sourds qui nous parviennent sont des Oudios. Ces êtres de légendes, j'en ai déjà rencontré, ils ressemblent à des arbres, mais peuvent bouger et penser. N'ayez crainte, ils sont les gardiens des forêts, placés là par Yuimen pour protéger la nature. Si nous ne blessons ni ce territoire, ni ses habitants, animaux ou végétaux, nous ne risquons rien normalement. Fizold, faites très attention à vos flammes, en aucun cas je ne veux en voir en ces lieux; les Oudios prendraient la moindre flamme pour une agression. Pour les autres: ne couper aucune branche, liane, n'arracher pas de fleurs ou de mousse."
Des nuées d'oiseaux s'envolent autour de nous tandis que nous reprenons notre marche. Les chants ont cessé, mais les bruits semblent avoir augmenté, venant de partout.
Enfin nous finissons par arriver à une rivière fraîche et agréable. Boire voilà une chose merveilleuse pour l'esprit et tel l'arbre affamée, je m'abreuve, me régénérant complètement. J'en profite pour remplir mes gourdes d'eau.