Bien entendu, je savais déjà parfaitement ce qui se passait avant même de m’être mis à courir, mais ce n’était pas pour autant que je m’en étais abstenu : une explosion colossale alors qu’Aenigal était en plein dans ses expériences de haute volée laissait évidemment peu de place au doute, mais cette certitude avait beau m’avoir traversé l’esprit, je m’efforçais de ne pas y prêter attention à la manière d’un petit enfant qui se calfeutre sous ses couvertures pour ne pas voir les monstres que son imagination lui fait apercevoir dans chaque recoin de sa chambre. Je suis au courant, et l’étais d’ailleurs également à ce moment, que mon attitude était parfaitement irrationnelle et qu’étant donné la situation, j’aurais tout aussi bien pu regagner la maison au pas avec le même résultat, mais j’étais à ce point saisi d’angoisse que je n’écoutais que mes instincts les plus basiques qui me recommandaient de rappliquer de toute la force de mes petites jambes. Sans doute rien de plus pathétique à voir que le spectacle de ce jeune sindel courant à en perdre haleine, une main se balançant au rythme de sa foulée affolée, l’autre étreignant un coin de sa lourde robe pour la maintenir hors de portée de ses pieds, dévoilant une paire de guibolles grêles moulinant éperdument. Même lorsque l’odeur de la fumée parfumée d’effluves écoeurantes de produits chimiques et relevée de la senteur nauséeuse de chair calcinée me parvint aux narines, je ne cessai pas de trotter bêtement en ahanant. Qu’aurais-je pu faire d’autre ? J’avais été habitué aux déboires, aux moments difficiles et aux épreuves, mais même sans aucun effort intellectuel pour faire en sorte d’élucider la situation, j’aurais eu le pressentiment que quelque chose qui traumatiserait mon existence toute entière venait de se dérouler ; et, écrasé par ce sentiment de fatalité qui aurait bien fait marteler mon cœur contre ma poitrine si j’en avais encore eu un, je me précipitais par conséquent vers les lieux du sinistre sans faire attention à quoi que ce fût d’autre, bondissant et sautillant avec une énergie stupide et désespérée. Mon visage, d’ordinaire empreint d’une sérénité variable mais toujours présente, était déformé par l’effroi : ma bouche pendante inhalait bruyamment, mes larges yeux avaient été rendus encore plus grands que d’ordinaire par la terreur, et mes cheveux ainsi que mes oreilles s’agitaient dans tous les sens, comme pris également de folie.
Ce n’est qu’en arrivant aux abords de ce qui avait été ma maison et en m’apercevant de l’étendue des dégâts que j’ai fini par ralentir l’allure, autant sous l’effet du désespoir qu’à cause de l’essoufflement qui me brûlait la cage thoracique de pair avec les échappements gazeux empreints d’un carbone délétère, pour finir par tomber à genoux devant… les ruines, il n’y a pas d’autre mot pour décrire le tas informe de bois ardé en lequel consistait ma demeure. L’ampleur de l’explosion avait véritablement dû être inouïe, car le toit, les murs ainsi même qu’une partie des fondations avaient été arrachés par le souffle, et il n’en restait plus désormais que des fragments épars dispersés ça et là. Quant au mobilier, inutile de le préciser, il était bien entendu passé à la trappe dans la foulée, étant devenu soit complètement inutilisable, soit simplement méconnaissable quand il n’avait pas tout bonnement disparu : adieu table où nous prenions nos repas, adieu bibliothèque si riche en savoirs, adieu lit confortable et douillet… Des tas de pensées m’ont traversé l’esprit à ce moment, mais les plus importantes se focalisaient sur l’idée de savoir ce qui était advenu de mon oncle que je cherchais frénétiquement du regard sans même trop savoir pourquoi puisqu’il était évident que ses chances d’en réchapper étaient nulles ; et en rétrospective, peut-être eût-il mieux valu que je ne m’en souciât pas, car lorsque je le découvris, j’eus devant moi quelque chose qui offrait une scène particulièrement intéressante à reconstituer du point de vue balistique. En y réfléchissant à tête reposée, j’ai pu reconstituer les éléments suivants : Aenigal devait être en train de travailler sur son projet d’aniathy, et soit qu’il eût commis une fausse manœuvre, soit que quelque chose ne se fût pas passé comme il l’avait prévu, il déclencha alors la déflagration susmentionnée, la puissance de laquelle l’engloutit alors avant de le projeter contre un lourd coffre plat tout en métal adossé à la paroi du bâtiment. Bien entendu, le mur de bois avait été anéanti par le choc des flammes, mais le conteneur fort robuste avait résisté, stoppant le sindel littéralement réduit à l’état de poupée de chiffon dans son éjection, celui-ci ayant dû par conséquent mourir d’avoir la colonne vertébrale cassée plutôt que d’incinération ou de suffocation.
Bien entendu, tout cela, je le dis maintenant que j’ai pu repenser à ces évènements, mais sur le moment, tout ce que je pouvais voir, c’était l’être qui comptait le plus pour moi transformé en mannequin intégralement brûlé, le corps plié en deux à partir du coccyx selon une position improbable. Endommagé comme son corps l’était, il était méconnaissable, mais le doute n’était pas permis : en dépit de ses os qui transparaissaient là où la chair désormais grillée n’avait pas tenu, il ne pouvait s’agir que de mon tuteur, cela je pouvais m’en rendre compte même sans y réfléchir et même en opposant à cette découverte les dénis les plus acharnés, et cette découverte m’a mené à réaliser deux choses. La première est que, contrairement à ce que j’aurais pu croire les vingt-sept années précédentes pour n’en pas avoir eu l’usage, mes glandes lacrymales fonctionnaient encore malgré l’épreuve de ma Première Ironie, et fonctionnaient d’ailleurs très bien puisque je me suis mis à verser des torrents de larmes. Vous ne trouvez pas ça grandiloquent, suranné et stéréotypé comme expression, « verser des torrents de larmes » ? Moi aussi, jusqu’à ce jour, mais à ce moment, alors que des pleurs coulaient de mes yeux pour la première fois depuis bien longtemps, on peut dire que j’ai pleuré pour toutes les fois où je m’étais retenu de pleurer auparavant, et je peux vous assurer que j’ai bel et bien versé des torrents de larmes en me rendant compte qu’Aenigal, mon précepteur, mon plus proche parent, mon plus fidèle confident, la personne pour laquelle j’avais le plus d’estime au monde, avait subi cette épreuve à laquelle j’avais échappé jadis de peu et que l’on appelle la Mort. La seconde est que je n’étais pas d’une impassibilité aussi inébranlable qu’il me le semblait, car si, lorsque mon oncle me faisait des cours de biologie en s’aidant d’un poisson, d’une souris ou d’un lapin, je n’avais tout au plus éprouvé qu’une légère répugnance devant un étalage organique aussi cru, j’ai été beaucoup plus éprouvé à la vision de ce cadavre disloqué, déchiqueté et rongé par les flammes : avant même que j’eusse pu comprendre ce qui m’arrivait, ma gorge s’est crispée, mon abdomen a été pris de convulsion et le contenu de mon estomac a remonté le long de mon tube digestif pour venir se déverser par mon orifice buccal en un jet d’aliments à moitié digérés mêlés d’un liquide malodorant, me laissant un goût odieux dans l’ensemble de la bouche.
C’est ainsi que son décès a été célébré : par l’excrétion bruyante et désorganisée des deux éléments mentionnés plus avant alors que je me recroquevillais à terre, le visage baigné d’une eau au goût salin, la joue et les cheveux trempant dans mon vomi, et pour tout hymne funèbre, il y avait les crépitements du feu qui achevait de ronger tout ce qu’il pouvait ronger de la maison et mes gémissements entrecoupés de sanglots. En songeant à ma vie, il y a certaines choses dont j’ai honte pour une raison ou pour une autre, mais de m’être réduit à une loque pleurnicharde et impuissante n’en fait pas partie pour la simple et bonne raison que je m’estimerais plus indigne d’avoir accusé le coup d’un pareil désastre sans m’emporter que d’avoir eu une réaction aussi impulsive et pitoyable : s’il y a des choses en ce monde qui méritent que l’on fasse montre d’une telle affliction, alors Aenigal en faisait indubitablement partie. Ensuite, même en faisant en sorte de me rappeler ce qui s’est immédiatement ensuivi, mes souvenirs restent plutôt flous et diffus, mais ce dont je me souviens très bien, c’est d’avoir pendant de longues minutes éprouvé le désespoir le plus terrible que j’aie jamais ressenti, et j’ai sincèrement regretté sur le coup de ne pas être simplement comme certaines de ces créatures magiques qui périssent à la mort de leur créateur. Car c’est véritablement ainsi que je me sentais ; comme un familier sans maître pour lui dire ce qu’il doit faire, comme un élève sans instituteur pour lui montrer comment s’y prendre pour parvenir à devenir meilleur, et tout simplement comme un enfant sans parent pour le réconforter dans les moments durs. Lorsque je me demande pourquoi je ne me suis pas suicidé sur le coup tellement il me paraissait que j’avais perdu toute raison et même tout moyen de vivre, je crois bien que c’est la pensée que si j’avais rejoint mon oncle dans l’au-delà, il m’aurait sévèrement botté le cul pour avoir baissé les bras devant l’adversité. C’est alors que je sortis d’une des poches de mon ample tunique la petite sphère parfaitement ronde d’un gris délicatement perlé dont il m’avait fait don pour m’aider dans mes exercices magiques et que j’avais toujours gardée sur moi, la serrant contre mon cœur avec des sanglots toujours aussi déchirants mais peut-être moins désespérés et moins larmoyants… il faut croire qu’au bout d’un moment, je n’eus plus de larmes à verser ou qu’une partie rationnelle de mon être avait fini par décider qu’il fallait que je passe à autre chose plutôt que de rester étendu à terre à me morfondre jusqu’au dépérissement total.
Toujours transfiguré par le chagrin, je me laissai toutefois aller à un sourire rempli de douloureuse mélancolie à l’idée de tout ce que cette simple petite babiole magique représentait pour moi : pour n’importe qui, ce n’aurait sans doute été qu’un simple outil pour lanceur de sorts de faible puissance et de faible valeur, mais pour moi, c’était tout simplement tout ce qui me restait désormais que j’avais perdu tout ce à quoi se rattachait mon existence, nouveauté terrible à laquelle j’avais encore du mal à me faire tant elle me donnait une fois de plus envie de finir mes jours à l’endroit même où je m’étais effondré. Je n’avais pas de cœur, certes, mais c’était tout comme, car chaque pulsation qui agitait la source d’énergie qui m’entretenait me paraissait m’envoyer de douloureux tiraillements dans tout le corps, comme si la mort me cernait à un tel point que le simple fait de vivre encore me dégoûtait en comparaison… et pourtant, il fallait bien que je continuasse, je devais le faire pour Aenigal ! Bizarrement, repenser à lui, me replonger dans mes souvenirs alors que je me perdais littéralement dans la contemplation de mon orbe argenté m’apportait à la fois douleur et réconfort : à revoir mentalement cet homme généreux et brave entre tous jouer avec moi, me nourrir et m’éduquer de son mieux puisque ma mère n’avait pas été là pour le faire, je me rappelais combien il comptait pour moi, ce que je lui devais et la bravoure dont j’allais devoir faire preuve si je voulais honorer sa mémoire… et en même temps, l’idée qu’il était parti pour toujours s’entérinait plus que jamais dans mon esprit, cet étrange mélange me faisant osciller entre désespoir et courage pour finir par se stabiliser en une sombre résolution fragile. Faisant de mon mieux pour ne pas céder sous mon propre poids en dépit de mes jambes tremblantes, je me redressai alors, aussi lent et malhabile qu’un nourrisson, l’absence de mon tuteur m’ayant comme ramené au stade de ma vie le plus infantile, pleurant, bavant et trébuchant.
Jusqu’alors, tout se passait bien, même si je sentais qu’il aurait suffi d’une pichenette pour me mettre à terre, mais lorsque je voulus m’efforcer de prendre une grande inspiration d’air pour me ragaillardir, les miasmes écoeurants qui empoisonnaient l’atmosphère me saturèrent les sens, me courbant en deux avec une grimace, manquant de me faire à nouveau décharger mon estomac désormais vidé. Je ne serais arrivé à rien dans l’état où j’étais, c’était on ne peut plus évident ; aussi, sans me tourner vers mon oncle dont la vision renouvelée m’aurait certainement achevé, je serrai ma seule possession entre mes mains à la manière d’une boule de cristal qui aurait pu receler tous les secrets de l’univers, et me mis à balbutier maladroitement sur un ton piteux qui ne me ressemblait pas, véritablement transfiguré par l’affreux désastre :
« Je… je vais prendre l’air Aenigal. Je reviens tout de suite… promis ! » Terminai-je comme s’il avait pu m’entendre, n’étant pas encore tout à fait capable de me faire pleinement à l’idée que j’étais à partir de maintenant seul, abandonné aux aléas d’un monde dont je n’avais qu’une connaissance livresque et qui n’accueillerait probablement pas à bras ouverts une bizarrerie comme moi.
Ainsi, je fis quelques petits pas en direction d’un bosquet proche dont je me servais quelquefois pour des exercices de méditation et qui ferait peut-être l’affaire pour me ressourcer et me laisser le temps de récupérer d’un tel choc afin de pouvoir repartir avec l’estomac mieux accroché. Je me déplaçai d’abord timidement, avec peut-être au cœur l’espoir fou que d’un moment à un autre, j’entendisse cette voix si familière me héler pour me dire « Hé bien, graine de sorcier, où est-ce que tu vas comme ça ? », puis, ravalant de pareils fantasmes avec un ricanement cruellement caustique à mon égard, je me mis à courir éperdument tout en criant, étreignant convulsivement mon orbe, et je criais encore quand je parvins à mon abri spirituel au milieu duquel je m’accroupis, cessai un instant de brailler afin de reprendre mon souffle et de me calmer… puis me remis à hurler de plus belle, proférant des malédictions inarticulées à l’égard de la création toute entière pour ce qu’elle venait de nous faire subir à moi et à mon oncle, m’épuisant sans réserve à cette activité parfaitement futile. Autour de moi, la végétation qui d’ordinaire m’était toujours apparue comme d’une bienveillance et d’une placidité presque complices me semblait par rapport à mon affliction distante et froide, impression qui ne faisait que renforcer ma hargne et l’intensité de mes aboiements désespérés. Je continuai ainsi tant que j’en eus la force ; puis, lorsque ma voix ne fut plus qu’une espèce de vagissement rendu rauque par l’usure, qu’une irritation douloureuse se fut emparée de tout mon appareil respiratoire, et que je sentis que ma tête commençait à tourner, je m’avachis contre le sol herbeux, l’air désormais parfaitement serein, ou plutôt complètement vide, car vide je me sentis alors, depuis mes poumons épuisés jusqu’à mes yeux vitreux en passant par mes pensées tournées vers un néant sordide et cotonneux. Même mon corps me paraissait vide, comme si plus aucune étincelle de cette magie qu’Aenigal m’avait aidé à cultiver en moi n’avait subsisté, chacun de mes membres me paraissant d’une légèreté telle que j’aurais presque pu m’attendre à me mettre à flotter pour aller dériver vers un infini d’oubli. J’avais successivement perdu toute envie de vivre par la destruction de mon foyer et de ma famille, puis toute envie de mourir par l’extrusion tapageuse de mon suprême désarroi, et maintenant, une seule interrogation, certes dénuée de sens, mais qui me taraudait cruellement, me hantait, laquelle je formulai du bout des lèvres :
« Pourquoi ? »
Hé oui, pourquoi ? Pourquoi avait-il fallu, bougre d’imbécile d’inventeur stupide, que tu te lançasses dans des expériences si dangereuses qu’elles t’avaient coûté la vie ainsi que l’entièreté de ta maison ? Pourquoi avait-il fallu, ô Zewen tout puissant, que tu fisses tourner la roue du destin d’une telle manière qu’il en résultât l’application d’une empreinte mortuaire sur la personne à laquelle je tenais le plus au monde ? Pourquoi avait-il fallu que je fusse de sortie pile à ce moment précis alors que si j’étais resté aux côtés de mon oncle, j’aurais peut-être pu m’apercevoir de ce qui avait conduit à la catastrophe et le dissuader d’en arriver au point qui a déclenché l’explosion et ainsi empêcher qu’un pareil cataclysme ne survînt ? « C’est la faute à Pas-de-chance. » avait coutume de dire mon tuteur lorsqu’un déboire survenait sans raison apparente, mais en l’occurrence, j’aurais presque voulu qu’il y eût un autre responsable que le symbolique Pas-de-chance rien que pour me trouver une raison de vivre avec la vengeance. Au-dessus de ma tête, les nuages d’ordinaire d’une épaisseur réconfortante avaient l’air de planer loin de moi à une allure dédaigneusement indifférente : pareils à des badauds moroses venus observer le spectacle de ma déchéance, ils se retranchaient dans leurs quartiers céruléens puisque la représentation était terminée, le bout de pas grand-chose que j’étais ayant apparemment perdu tout intérêt aux yeux impavides de ces prélats des cieux emplis de morgue qui partaient pour me laisser plus seul que jamais. Mais bon, le temps des absurdités et de l’irrationalité à tous crins était passé, et je voyais bien désormais que tôt ou tard, je devrais me faire une raison et accepter mon sort ou me laisser dépérir, aussi je finis par refermer ma bouche laissée jusqu’ici entrouverte, par passer une main le long de ma face hagarde ainsi que dans mes cheveux toujours entachés de vomi froid, puis par me redresser à gestes mécaniques, aussi silencieux que la nature environnante qui me parut alors aussi endeuillée que moi, calquant le murmure dont les arbres étaient envahis sur ma respiration devenue plus tranquille. Tentant à nouveau de me remplir les poumons d’un air pur pour me redonner de l’allant, et réussissant cette fois-ci à ne pas suffoquer, je clignai des yeux, ne remarquant qu’alors que le soleil avait commencé à se coucher, la lumière commençant à diminuer graduellement, ne faisant qu’ajouter à l’angoisse qui me prenait toujours aux tripes. Ainsi, je me dépêchai de regagner mon ex-logis afin d’y faire ce que je devais y faire : j’avais beau me sentir trembler à l’idée de ce que je savais y trouver, j’étais tout aussi conscient que je ne pouvais plus faire marche arrière.
Maintenant que j’avais vidé mon sac, je me sentais certes toujours aussi éprouvé et amer, mais au moins, je pouvais faire bonne figure face à l’adversité, et retourner affronter les pertes que j’avais subies en ayant un peu moins l’air d’une âme en peine famélique et folle. Rebrousser chemin ne fut pas difficile, non seulement parce que j’aurais pu faire le trajet les yeux fermés, mais en plus parce que les restes brasillants de la maison constituaient une véritable torche visible à des dizaines de mètres à la ronde et qui aurait certainement attiré bien vite toute une foule si elle n’avait pas été si reculée. Cependant, alors que je m’approchais de ma demeure mise à mal, je pus remarquer des mouvements devant elle, plus précisément devant la dépouille d’Aenigal, et aussitôt, je retins mon souffle, autant sous l’effet d’une crainte soudaine d’avoir affaire à des détrousseurs de cadavres que d’une indignation furieuse d’assister à une telle profanation. Serrant contre moi la seule chose qui aurait pu de loin faire à peu près office d’arme, et ravalant mes peurs, je redoublai d’allure en direction des formes qui gesticulaient, rappelant à ma mémoire le seul sort que je connaissais qui était également mon seul espoir de pouvoir être un tant soit peu considéré comme une menace. Mais, au fur et à mesure que je me rapprochai au pas de course, je pus très vite me rendre compte que les silhouettes virevoltantes étaient beaucoup trop infimes pour être celles de quoi que ce fût qui aurait pu s’apparenter à un humanoïde. De fait, un croassement sonore, guttural et désagréable ne tarda pas à me renseigner sur l’identité des fâcheux à l’encontre desquels je ne me fis pas un cas de conscience de déchaîner mon ire :
« Saletés de corbeaux ! Tirez vous ! » Clamai-je en agitant les bras tout en martelant la terre de mes grands pieds chaussés pour les effrayer.
Hélas, comme on aura pu facilement s’en douter, quand on fait pas beaucoup plus d’un mètre et qu’on est épais comme un arbuste, on peut difficilement prétendre au rôle d’épouvantail, et c’est donc conformément à toute attente que les gros volatiles ne réagirent pas à mes manœuvres, se contentant de me jeter un coup d’œil empli de malveillance, de superbe et de dédain avant de retourner à leur occupation qui n’était autre que de se repaître des restes de mon oncle ! Bouillonnant de colère à l’idée d’une occupation aussi répugnante, particulièrement à l’égard de MON oncle, je me saisis de ce qui parut au toucher être une pierre mais qui aurait pu à vrai dire tout aussi bien être un bibelot ayant jadis fait partie du mobilier de la maison ; et, rageusement, je jetai de toutes mes petites forces l’objet non identifié en direction d’un de ces oiseaux de malheur avec un « Prenez ça ! » vengeur. Ce ne fut alors pas faute d’avoir essayé ni d’y avoir mis du cœur, mais ce fut un échec lamentable, le projectile allant se perdre dans la pénombre ambiante avec un *Toc* déprimant qui ne fit que me rendre encore plus furieux, l’apitoiement et la peine cédant de plus en plus la place à la colère. Pris d’une fièvre destructrice à l’encontre de ces affreux nécrophages, je rassemblai donc quelques munitions supplémentaires que j’envoyai avec la même hargne sur mes ennemis en un spectacle probablement aussi émouvant que ridicule, les bombardant avec un acharnement revanchard. Bien entendu, ce qui devait arriver arriva, et à force de tirer à foison, je finis par toucher l’un d’entre eux qui, sous le choc, dodelina un instant de la tête sans pour autant tomber alors que ses camarades me fixaient des onyx qui leur tenaient lieu de globes oculaires, cessant toute autre activité pour me foudroyer du regard d’une manière qui mit un frein à mes ardeurs et me fit froid dans les dos.
Après quelques secondes de suspens durant lesquelles je me dis que j’aurais vraiment pu mieux choisir l’une des rares fois où j’agissais avant de réfléchir, l’agressé se mit à pousser un croassement vindicatif, signal auquel le groupe de charognards prit soudainement son envol pour se précipiter droit vers moi en formation serrée, trio d’emplumés voraces avec en tête des intentions qui n’étaient pas difficiles à deviner. Pétrifié par cette situation de combat qui s’annonçait et à laquelle je n’avais absolument aucune aptitude, je les regardai fondre sur moi comme au ralenti, finissant par décider d’avoir recours à ma magie puisqu’ils s’étaient détournés de leur cible première… sauf que contrairement à mes intentions, ils n’avaient pas l’intention de faire place nette ! Malheureusement, entre la fatigue aussi bien mentale que physique des évènements récents, et la panique suscitée par l’idée d’avoir à me battre, je ne parvins pas à me concentrer comme je l’aurais dû, et ne réussis à provoquer dans le fluide qui coulait en moi que des fluctuations désordonnées et parfaitement inefficaces. Mais ce fut alors que les animaux de Phaïtos progressaient sur moi comme au ralenti par l’effet de l’adrénaline que j’eus une illumination sous la forme d’un flot soudain de souvenirs dont la réminiscence opportune parut former une parenthèse dans le cours des secondes, parenthèse qui s’étira longuement le temps pour moi de m’y replonger pleinement.
Parfaitement sphérique, le globe fait d’énergie incandescente pure se forma lentement, méthodiquement, dans la paume du sindel aguerri au maniement des fluides, ne faisant tout d’abord que la taille d’une bille pour peu à peu acquérir celle d’un pamplemousse, volume auquel il finit par se stabiliser, même si j’étais certain, étant donné le visage parfaitement serein d’Aenigal ainsi que la puissance dont je l’avais déjà vu faire montre, qu’il aurait pu continuer jusqu’à ce qu’il acquît celui d’un melon, et même de son torse s’il l’avait voulu. Impassible devant sa propre expertise, le magicien laissa le sortilège en suspens avec l’expression à la fois méditative et un brin complice d’un fauconnier, puis, sans même ciller devant l’aura dégagée par le sort offensif, il retira d’un coup le chaperon qui maintenait son attaque magique en berne. Celle-ci jaillit alors avec une vélocité inimitable dans un simple sifflement grésillant d’allure presque innocente, puis ce léger chuintement fut remplacé par un violent fracas éruptif quand la boule de feu s’écrasa contre la grosse pierre qui faisait office de cible, la transformant en parcelles de roche de tailles diverses. Après quelques secondes de latence silencieuses, je pus alors sentir le regard de mon oncle se porter sur moi… « sentir » seulement, car contempler une manifestation pyromantique d’une telle ampleur m’avait étreint le cœur d’une peur panique irrationnelle et pourtant irrésistible à la pensée qu’il s’agissait là du même pouvoir destructeur qui m’avait défiguré il y avait de cela deux décennies ; et au moment où le projectile incendiaire était parti, je n’avais pas pu m’empêcher de fermer les yeux et de me ramasser sur moi en un véritable réflexe d’autruche. Je me sentais parfaitement stupide, et je savais que je l’étais de me laisser aller à une phobie aussi déraisonnable puisqu’il s’agissait d’un cours dont je devais tirer une familiarité et non une crainte envers l’élément qui imprégnait mon corps et me permettait de le maintenir en activité ; mais le fait était qu’il m’avait été sur le coup aussi insupportable de contempler le déchaînement proprement dit de l’invocation que d’assister à ma propre dissection.
D’un côté, je m’en voulais terriblement de ne pas avoir porté à la démonstration de mon professeur particulier l’attention qu’elle méritait, mais de l’autre, je sentais en moi des frémissements d’horreur indicible à la simple pensée que j’aurais pu à nouveau faire jaillir ces mêmes flammes qui avaient amené la Première Ironie et qui m’avaient donné pendant longtemps des cauchemars dont je me réveillais en hurlant et en gesticulant d’une telle manière qu’Aenigal, en pleine alerte, accourait aussitôt à toutes jambes. J’avais peur que, si je faisais à nouveau en sorte d’aller franchement dans le sens des fluides qui coulaient en moi, le même résultat allait survenir, et, tétanisé par l’éventualité d’être encore une fois dévoré par mon propre sort si celui-ci venait à se retourner contre moi, j’osais à peine faire n’eusse été que mettre en œuvre les prémices de son lancement. Je me reprochais amèrement ma couardise sans pour autant parvenir à me décider à l’affronter, et en restais donc à un statu quo qui frisait le ridicule et l’absurde, semblable à celui d’un explorateur ramassé sur lui-même en plein environnement polaire : il sait bien que s’il veut avoir le moindre espoir de gagner un logis plus clément et ainsi avoir une chance de survie, il doit se mettre en route, mais le froid environnant le martyrise à un tel point qu’il préfère conserver son immobilité afin de ne pas redoubler ses souffrances en se mettant en mouvement. Lorsque l’on entend parler d’une situation aussi grotesque, c’est limite si l’on en rit pas tellement cela paraît puéril et lâche, et pourtant, si par malheur on en vient à y être confronté, voilà que tout la belle assurance dont on avait pu faire montre s’envole comme par enchantement pour être remplacée par une indécision et une appréhension glaçantes.
Bien évidemment, mon instructeur ne dut avoir aucune peine à remarquer mon trouble aisément visible à la manière dont je m’étais recroquevillé comme si je m’étais attendu à voir le ciel me tomber sur la tête, car il ne tarda guère à poser une main familière, réconfortante et compatissante sur mon épaule, puis, voyant que je n’avais toujours pas l’air de pouvoir me remettre de mes émotions, il me prit entre ses bras et me souleva de terre pour me recueillir contre lui. S’il y avait eu quiconque d’autre, je me serais résolument refusé à me montrer dans une position de faiblesse aussi infantile, et cela, Aenigal le savait, aussi respecta-t-il mon silence pudique et réservé tandis que je me collais contre son torse, me laissant envelopper par cette présence forte et rassurante qui calmait mes sens. Là, l’oreille collée contre la poitrine de ce véritable archimage, je me sentais comme au centre d’un nexus d’ordre et de tranquillité parfaits : non seulement, les paupières toujours closes, je pouvais entendre parfaitement les battements sourds et réguliers de son cœur qui charriait paisiblement le sang, mais je captais aussi avec une netteté étourdissante les fluides qui fluctuaient à l’intérieur de son corps. De l’extérieur, Aenigal pouvait paraître maigre, dégingandé et chétif, mais il ne s’agissait là que d’une enveloppe certainement indigne à la manne de puissance qu’il renfermait, et contrairement à l’eau bouillante ou au torrent tumultueux, cette puissance n’avait rien de désordonné ou d’incontrôlé : tout en lui n’était que parfaite maîtrise, et cette sensation d’organisation parfaite et redoutable était pour moi une véritable source d’inspiration à laquelle je venais m’abreuver, la gorge sèche et assoiffée de connaissances, pour ressortir d’une pareille communion auréolé d’un peu de cette assurance calme et modeste.
D’ailleurs, le pire était que je savais très bien comment je devais m’y prendre ! Toute cette énergie que je sentais en lui, je la comprenais et savais y trouver une cohérence aussi aisément que je l’aurais fait d’un alphabet ; j’étais capable de voir clair dans chacune de ces parcelles de magie que je percevais et de dire « Ceci est cela, et peut servir à telle chose. ». De la même manière, en ce qui concernait le sort dont il venait de me faire la démonstration, j’aurais pu en décrire sans hésitation les tenants et les aboutissants, les élucider et les expliquer avec une clarté que n’aurait certainement pas reniée un maître en la matière, j’en étais absolument certain sans même qu’il fût question de vanité mal placée ou de dépit ! Mais voilà, lorsqu’il s’agissait de mettre ces connaissances en application, de passer du théorique au pratique, toutes mes certitudes avaient l’air de s’effilocher au fur et à mesure que je tissais la toile du sortilège que j’étais censé lancer et dont j’essayais alors éperdument de rattraper les pans au vol, ne faisant ainsi qu’hâter leur évaporation par une précipitation aussi malhabile. Je sentais, j’appréhendais, je voyais, et devoir ainsi m’arrêter si près du but me mettait dans une rage qui me semblait par moments contenir la clé de mon succès sans que j’osasse pour autant la déchaîner de peur de parvenir à des résultats qui m’auraient dépassé : le savoir qui m’échappait était contenu dans une cloche en verre indélogeable, et je n’osais pas la briser pour y accéder de crainte de m’entailler les doigts. Comme d’habitude, Aenigal sut capter les soucis qui m’obsédaient, et, se doutant qu’il n’aurait servi à rien de pousser le boucher plus loin, me proposa de passer à autre chose afin d’essayer d’aborder le problème de mon inaptitude d’allure phobique sous un angle plus accommodant, prenant la parole de sa voix bien tempérée d’où me paraissait transpirer la sagesse même :
« Si on essayait un sort défensif plutôt qu’offensif ? »
Pour toute réponse, et après quelques secondes de réflexion qui me laissèrent aussi le temps s’apprécier les vibrations sereines qu’avaient imprimé les mots du sindel à sa cage thoracique, je le laissai me déposer à terre et acquiesçai, l’air ferme et résolu, manifestement bien plus naturel qu’auparavant puisqu’il fit écho à mon geste en le ponctuant d’un de ses étranges sourires qui donnaient l’impression que ses lèvres minces creusaient la chair de son faciès pour laisser paraître ses dents étonnamment blanches. Cette expression faciale ne s’éternisa pas sur le visage de cet homme en tout et pour tout sobre, et il eut vite fait de la troquer pour l’air matois qui lui convenait si bien alors qu’il se positionnait devant moi pour commencer sa seconde démonstration, l’air à la fois alerte et détendu, les pieds fermement ancrés dans le sol, les bras de part et d’autre du corps, paumes ouvertes dans ma direction. Au début, lorsque ses fluides entrèrent en activité et que je sentis l’énergie commencer à irradier de lui, je fus à nouveau pris d’une angoissante appréhension, mais très rapidement, cette crainte s’évanouit, fondit comme neige au soleil ; et cet aphorisme était fort adéquat car je pus sentir avant que de voir mon oncle se transformer en véritable corps céleste ardent : plus que jamais serviteurs, ou plutôt compagnons de longue date diligents et prévenants, ses pouvoirs se mirent à sourdre doucement de sa peau pour se mettre à se rassembler autour de lui en une chape de puissance presque tangible. Le niveau de ce sort n’avait rien à envier à celui de la Boule de feu, et pourtant, contrairement à la fois précédente, je ne sentis pas la moindre peur naître en moi : assurément, la magie déployée aurait suffi à me réduire en cendres sur place, mais malgré cela, je me sentais parfaitement relaxé. Une aura de protection, de bienveillance, se dégageait de ce sortilège pourtant purement pyromantique qui, je le ressentais par le moindre des pores de ma peau, n’aurait pas fait de mal à une mouche, et aurait pourtant eu la résilience suffisante arrêter la charge d’un taureau. Rien qu’à en sentir l’influence de là où je me trouvais, je me sentais profondément rassuré et en même temps un brin intimidé : en ce moment, Aenigal était d’une telle majesté empreinte de sérénité qu’on l’aurait véritablement dit comme couronné de flammes éthérées, sous l’égide de Meno lui-même.
« Surveille bien l’évolution ! » Me prévint-il alors avec fermeté, me sortant de ma torpeur non dénuée de quelque chose de béat.
Obéissant à son injonction, je concentrai mes capacités perceptives et cognitives sur les fluctuations qu’il imprimait à ses fluides, en observant la progression et l’activité comme un architecte aurait surveillé celles d’une équipe d’ouvriers au travail, et ne tardai guère à décrypter le fonctionnement du sort que je trouvai en réalité d’une remarquable simplicité et aisé à reproduire tout bien considéré… mais il me vint alors à l’esprit que c’était aussi le cas pour la Boule de feu, comparaison qui me fit perdre de ma superbe. Mon oncle dut se rendre de tout cela, car, avec la même maestria dont il avait fait montre pour former son Bouclier de chaleur, il en dissipa la trame, mettant ainsi un terme à l’étalage de ses talents pour me laisser prouver les miens, passation de responsabilité qu’il me transmit d’un simple regard devant lequel je me sentis aussitôt mal à l’aise. Non pas que l’expression de ce sindel de la meilleure espèce qui fût eût quoi que ce fût de menaçant ou même d’impérieux, mais que j’eusse à faire appel à mes pouvoirs, surtout pour quelque chose que je n’avais jamais eu l’occasion d’essayer auparavant, me rendait nerveux. Enfin bon, à la guerre comme à la guerre, il fallait bien essayer, et ce n’était pas en me répandant en atermoiement, ce qu’Aenigal proscrivait de toute façon fermement, que j’allais progresser, aussi me mis-je dans la même posture que lui et fermai les yeux pour me détendre et faire appel à mes fluides que je n’eus comme d’habitude aucun mal à sentir du fait de leur omniprésence toute particulière en moi. Cette partie de l’incantation était la plus facile, et constituait l’obstacle le plus basique à franchir pour les magiciens, aussi, moi qui, en dépit des peurs qui étaient inhérentes à un tel exercice, m’étais autant consacré à maîtriser mes capacités, parvins à le surmonter sans problème, faisant remonter l’énergie depuis les tréfonds de mon corps jusqu’à mes artères.
Toutefois, c’était à ce stade que les choses se compliquaient toujours, et comme trop de fois, bien que je fisse de mon mieux pour chasser l’inquiétude qui menaçait de troubler ma concentration, je ne pus faire autrement que de respirer un peu plus fort qu’avant afin de compenser le début de malaise induit par mes doutes et mes peurs qui revenaient me tarauder insidieusement et m’empêchaient de me plonger dans cette plénitude méditative qui m’était nécessaire à la formation de la trame d’un sortilège. Pour autant, la bonne marche du lancement se poursuivit sans désordre, et, comme j’avais vu mon exemple le faire l’instant d’avant, je laissai une sorte de pellicule de ma force pyromantique refluer contre mon épiderme tout le long de mon enveloppe charnelle, puis je me mis à l’alimenter en puissance, puisant hardiment dans mes précieuses réserves pour lui donner la consistance nécessaire à la finalisation de l’enchantement défensif en lui-même. Et c’est alors que les choses se gâtèrent véritablement : à faire enfler la couche de fluide de feu dont je m’étais recouvert, je ressemblais à la fois à un souffleur de verre qui devait prendre garde à faire prendre une forme lisse et harmonieuse à son travail afin de qu’il n’en résultât pas quelque chose de monstrueusement difforme ; et à un faiseur de bulles qui devait surveiller l’ampleur de ses expirations de manière à ce que le corps aérien et savonneux qu’il formait n’éclatât pas. Or, je me mis brutalement à manquer à ces deux obligations, car maintenir le Bouclier sous une forme à la fois stable, solide et durable, nécessitait plus de rigueur que je ne l’aurais cru au premier abord, et lorsque je voulus corriger le tir, tout se mit à aller de mal en pis. La couche de chaleur solide n’éclata pas comme une bulle, non, ça aurait été trop simple : rendue tumultueuse et pour ainsi dire vacillante par l’afflux d’énergie incorrectement administré, elle se mit à se gondoler de manière incontrôlable, et les modifications d’afflux que je tentai de lui apporter en catastrophe n’arrangèrent rien, ne faisant au contraire qu’augmenter la gravité du problème tout en m’épuisant de plus en plus.
Puis, tandis que je me mettais à pousser des cris de panique devant un tel désastre à la pensée que ma Première Ironie aurait pu se renouveler, il y eut comme un soudain courant d’air qui dissipa tout mon capharnaüm magique en un rien de temps, et, étourdi par un tel remue-ménage, je tombai à la renverse pour être recueilli par mon éternel protecteur que je pus découvrir peiné en levant la tête, ce qui m’affligea sincèrement. Il n’y avait nulle colère, nulle réprobation, et même nulle déception dans son regard ou dans son attitude, mais je savais que j’étais loin, ô combien loin de ce qu’il aurait pu espérer de moi, et je crois qu’on peut bien dire que je fus alors déçu pour deux tellement je me reprochai une fois encore mon inaptitude.
« Allez, rentrons. Ne t’inquiète pas, tu y arriveras plus tard, c’est tout. » Me dit-il alors sans rancune avec une tape réconfortante dans le dos.
_________________ Tuia, sindel mâtiné d'aniathy, né, brisé, refaçonné, puis brisé à nouveau.
Dernière édition par Tuia le Ven 25 Sep 2009 20:34, édité 1 fois.
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