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Fiori s'était éloigné et déjà, n'était plus à portée de voix. Hrist le voyait disparaître au loin. Il lui était impossible de le rejoindre et la tueuse serrait contre elle sa cape et le petit sac de cuir qui contenait quelques provisions et ses affaires. A sa ceinture, le vent qui s'engouffrait entre les versants de la montagne faisait claquer la plume de Xenair accrochée à son arme et de peur de la perdre, emportée par le souffle glacé des hauteurs, Hrist emmitoufla presque totalement sous sa cape et entama la longue marche le long de ce sentier glacé.
Autour d'elle, la nature sauvage à l'état brut. Loin de la main de l'homme et épargnée de son emprise néfaste. Ici, les seules sculptures étaient de glace et de neige, le pinceau du vent lissait la pierre elle même et la glace qui soutenait les neiges éternelles pouvait pénétrer le cœur même des pierres. Lorsqu'elle s'aventurait sous un arche de pierre que le souffle du temps avait creusé dans le ventre de la montagne, Hrist s'inquiétait plus des dangereux pics de glace suspendus au dessus de sa tête que le vent pouvait renverser que des prédateurs qui auraient pu élire domicile en ces lieux à la fois paisibles et effrayants.
A mesure que la femme avançait, le sentier était de moins en moins facile à arpenter, la neige lui montait aux genoux et chacun de ses pas se faisait de moins en moins aisé. Peu à peu, le froid la gagnait et la poudreuse qui s'infiltrait dans ses bottes fondait au contact de sa peau et lui trempait les pieds et la robe. Hrist protégeait son visage car le vent de face lui brûlait les joues et lui faisait pleurer les yeux. Sans une vue correcte, la femme craignait avant tout de chuter dans une crevasse ou se briser une jambe en butant contre une pierre ensevelie sous la neige.
La femme le savait, s'il lui arrivait quoique ce soit, Fiori ne serait pas de retour avant de longues heures et le hurlement incessant du vent couvrirait ses cris et ses appels à l'aide jusqu'à ce que la neige ne recouvre totalement son corps peu à peu transit de froid et qu'elle n'y périsse. La tueuse ne se voyait pas mourir sur un versant de montagne mais la femme n'avait aucune idée de ce que Fiori avait préparé pour elle. Aveuglée par une confiance étrange, elle n'avait pas posé plus de questions et presque naïvement, s'était montrée tranquille jusqu'à ce que l'idée d'un complot ne vienne germer dans sa tête.
" Il n'y a pas comme un bruit ? " Demanda Cèles en apparaissant devant sa maîtresse sous la forme d'une petite femme dégoulinante de fluides noirs aux reflets ardents.
Hrist serrait les dents, ses lèvres gercées craqueraient si elle ouvrait la bouche par ce froid. Au bout de quelques longs instants à braver le froid, la femme fit une halte à l'abri du souffle, derrière une grosse pierre luisante de givre sous un soleil blafard.
Elle croqua et mâcha longuement un morceau de viande séchée tout en fixant ses traces de pas dans la neige qui disparaissaient en un rien de temps. " Si ça se trouve... C'était un piège. Fiori aurait pu toucher une belle prime si il parvenait à me tuer. " Hrist fronça les sourcils et réfléchi quelques instants, Cèles sur son épaule pour toute conseillère.
" Je ne crois pas... Fiori est un homme presque intelligent, il aurait mieux valu te livrer à la garde, directement à Kendra Kâr plutôt que de te perdre ici sachant qu'il serait difficile de retrouver ton corps. " " Sauf s'il voulait brouiller mes soupçons. " Ponctua la femme avant de croquer de nouveau dans un bout de viande. " Et puis à mon avis... Katalina a déjà de grosses garanties que ta sécurité est préservée, à mon avis, tout ce que Fiori a de cher à son coeur est maintenant au fond de la cave des Thermes, juste pour être sûr qu'il revienne bien et de préférence, avec toi vivante. " " Y'a pas comme un bruit ?" " Si. "
Hrist entendit sous le vent le son d'un martellement répétitif comme si l'on frappait sur un objet dur et que le bruit résonnait dans les environs. Hrist quitta son abri et affronta de nouveau les éléments hurlants et la neige qui lui glaçait les os.
Elle arriva trempée de sueur et frigorifiée, serrant sous sa cape ses petits doigts blancs transits de froid jusqu'à une maisonnée devant laquelle une forge de pierre avait été dressée. C'était de là que venait le bruit. Devant elle, une Shaakt avait cessé de battre le fer pour lever les yeux sur la femme vêtue de noir dans la neige blanche et lui adressait un regard étrange, comme si elle voyait là un oiseau de mauvaise augure.
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