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Lorsque Kurgoth finit par remarquer que Krungr n'essayait plus de le retenir de son fouet depuis quelques tentatives, il s'approcha du vieux maître.
"
J'suppose que j'ai réussi... Maitre Krungr, vous pensez pouvoir encore m'apprendre quelque chose qui puisse m'être utile?"
"
Utile à quoi?"
"
Prendre ma revanche sur mon mentor Olur, c'pour ça que j'suis v'nu m'entraîner ici. J'sais qu'il est puissant et que c'combat singulier sera à mort. J'veux être prêt."
"
T'as de quoi payer?"
Le barbare se rappela que la formation n'était pas gratuite. Il soupesa alors sa bourse puis acquiesça. Le vieillard se mit alors à rire. Il siffla entre ses doigts pour attirer l'attention de deux combattants proches et leur fit signe, ainsi qu'à celui avec qui le prêtre de Thimoros s'entraînait, de s'approcher.
"
Combat singulier? Jamais vu en deux cents ans. Mais t'apprendras à te focaliser sur une seule cible dans la mêlée. Vous deux l'attaquerez au bâton pendant que toi, avec le bouclier, tu prendras les coups."
Les quatre élèves acquiescèrent et se mirent à part pour s'entraîner. A la première tentative, et sachant qu'il allait être attaqué dès sa première attaque sur le garzok au bouclier, il bouscula de ses épaules deux autres apprentis dès que sa kikoup atteignit le pavois de bois. Le fouet de Krungr s'enroula immédiatement autour de son coup et le projeta violemment en arrière, ce n'était de toute évidence pas ce qu'on attendait de lui.
"
Focalise toi sur le bouclier, imagine que c'est ton mentor."
Après que le fouet l'ait relâché, Kurgoth entreprit de se relever et d'assaillir de nouveau le garzok derrière le pavois. Après son premier coup cependant, il tenta, par réflexe, de parer les attaques s’apprêtant à déferler sur lui. Mais avant même qu'un des bâtons des assaillants ne percute ses armes, il fut à nouveau projeté en arrière par le fouet enroulé autour de son cou.
"
Trop attentif aux autres."
Cet entrainement semblait impossible au barbare. Comment pouvait-il arriver à ignorer des ennemis l'attaquant? Cela lui semblait être du suicide, mais il doutais fortement que Krungr le laisse quitter l'antre des exclus au milieu d'un entrainement ayant mobilisé d'autres apprentis sans se servir de lui comme cible pour un nouvel élève. Toute la journée durant, Kurgoth lutta contre son instinct pour ne pas parer les coups, mais il ne pouvait s'empêcher de relever ses bras pour se protéger la tête des coups de bâton. A chaque fois qu'il se protégeait ainsi, il finissait étendu au sol étranglé par le fouet du vieux maître. Lorsqu'il lui fut enfin accordé d'aller se reposer à l'étage, son dos et ses bras meurtris étaient recouverts de marques rouges laissées par les coups de bâton tandis que son cou lacéré par le fouet saignait de multiples coupures, qui restaient heureusement peu profondes.
Malgré les blessures, la nuit fut reposante pour le Prêtre de Thimoros et il put savourer son repas du lendemain. La viande qu'il reçut était d'ailleurs étonnamment tendre. Il s'agissait probablement d'un enfant, un coup de chance pour le garzok affamé. Mais il remarqua également que tous l'évitaient ou rigolaient en le regardant. Le sekteg impertinent de la veille ne sembla pas avoir été suffisamment impressionné lors du dernier échange, car il nargua Kurgoth une fois de plus en le voyant approcher.
"
Dommage qu'tu combattes pas aussi bien qu'tu manges vite, Olur n'aurait aucune chance. M'enfin on s'revoit demain, car i'parait que t'es vraiment nul, j'te donne pas une chance s'tu va l'affronter maintenant."
Le barbare fronça les sourcils, comment cette vermine pouvait en savoir autant sur lui? Se rappelant qu'il ne pouvait le tuer sans y laisser très probablement sa peau, il se contenta de lui lâcher le grand bol de bois sur le crâne avant de continuer son chemin en feignant l'indifférence. Lorsqu'il arriva à l'étage inférieur, les apprentis avec qui il s'entraînait étaient déjà prêts. Perdant. Faiblard. Mauviette. Incapable. Vermine. Lâche. Raté. Ces mots étaient écris en lettres de sang sur le grand pavois.
"
C'quoi ça?"
"
C'qu'Olur pensera après t'avoir tué en un coup... Et vu comment tu galères à apprendre une technique aussi simple, c'est c'qu'on pense tous. T'as un problème avec ça, gros nul?"
Tous éclatèrent de rire suite à la réponse du garzok à la peau noire. C'est eux qui se jouaient de lui, Kurgoth allait leur montrer ce dont il était capable. Se jetant dans la mêlée, il attaqua les trois compères avant de se faire, comme si souvent ces derniers jours, projeter en arrière avec un fouet autour du cou.
"
Vengeance ou pas, obéis-moi. C'est lui qui a organisé ça."
Se relevant le regard mauvais, le barbare identifia le garzok portant le pavois comme celui désigné par Krungr d'un signe de tête et il fonça une nouvelle fois en direction du groupe en hurlant. Porté par son envie de réduire en charpie son adversaire pour l'avoir ainsi fait passer pour un minable, il s'acharna sur lui et sa protection en ignorant les coups de bâtons. Il tourna cependant la tête en sentant le fouet du vieux garzok claquer sur son dos. L'instant suivant, il était de nouveau au sol étranglé.
"
Pourquoi? Fouet ou bâton, quelle différence?"
Le vieillard semblait plus déçu qu'il ne l'avait jamais été en le rappelant à l'ordre et le crachat qu'il envoya au visage de Kurgoth en fut la preuve.
(
C'est donc ça qu'il veut l'vieux fou, qu'je m’acharne sur quelqu'un en oubliant le reste... Il va voir!)
Alors qu'il se jetait sur le maître, ce dernier utilisa son fouet pour le faire tomber au sol en relâchant un soupir de déception.
"
Si près du but... Dernière chance... Échoues et tu meurs pour avoir voulu m'attaquer"
La voix caverneuse du garzok bicentenaire était aussi calme que glaciale. Il savait qu'il était en totale sécurité dans la différence de puissance était large entre eux, et le barbare lu dans ses yeux que la menace était bien réelle. Bien déterminer à leur faire payer cette mascarade, le prêtre de Thimoros se releva et s'approcha de sa cible avant de fermer les yeux. Il entreprit alors de rassembler en lui toute cette colère qu'il éprouvait à leur égard, mais aussi toute la haine qu'il ressentait, non seulement envers Olur, mais également envers Kharn et Kharg qui l'avaient aidé ainsi que tout être lui ayant une seule fois fait du tort.
Lorsque ses yeux rouges sang s'ouvrirent, les trois garzoks qui lui faisaient face esquissèrent un geste de recul. Son regard, tout autant que la grimace hideuse figée sur son visage, n'exprimaient qu'une sanguinaire soif de violence mue par un déferlement de haine et de colère. Les coups de kikoup et de kitranche commencèrent, eux aussi, à déferler sur le pavois de bois sans tenir compte des coups de fouet et de bâton qui s'abattaient avec toujours plus de force et toujours plus rapprochés sur le corps du barbare. Mais celui-ci n'en avait que faire à présent, il voulait du sang, le sang de celui qui se cachait derrière ces épaisses planches de bois solidement clouées les unes aux autres, et il allait l'obtenir sous peu.
Le dos de Kurgoth n'était plus qu'une plaie sanguinolente de chair à vif, mais il continuait à frapper frénétiquement le pavois, il sentait les planches commencer à craquer sous ses coups. Lorsque sa kitranche traversa le pavois, le fouet de Krungr se resserra autour de son cou pour le tirer en arrière. Le barbare tenta se retenir grâce à son arme, mais elle lui glissa des mains. Alors qu'il se faisait trainer au sol, les apprentis baissèrent leur garde et le prêtre en profita pour lancer sa kikoup vers sa cible. Avant de perdre connaissance, Krungr lui ayant donné un grand coup derrière la tête, le barbare esquissa un sourire satisfait en voyant sa cible figée devant le spectacle de la kikoup lui traversant la poitrine.
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