Je ressentis de nouveau l'impression de bien-être, accompagnée de la vive sensation de brûlure le long de ma gorge. A force, ce n'était pas désagréable, mais je ne parvenais toujours pas à sentir le goût de la boisson... Au moins, ça l'emportait sur la viande avariée et c'était le principal !

Je sentis alors la pièce bouger, ou plutôt tourner... doucement certes, mais tourner quand même et mes crises de fou rire ne risquaient pas de finir, puisque le geôlier venait de faire apparaitre une sorte de champignon à pois sur son nez à la couleur insolite!

"Pff, ça arrache vraiment ton truc!! En tout cas, sympa le champignon sur la truffe !"

Mon esprit ne fit qu'un tour devant la boutade involontaire que je venais de faire (champignon=truffe), et je ne pus me retenir d'éclater de rire et même de choir de ma chaise en me tenant les côtes !

Il me fallu bien cinq minutes pour reprendre contenance et me redresser, la pièce tournant toujours lentement sur elle-même... Peut-être fallait-il que je ralentisse sur la boisson... mais peut-être fallait-il que mon camarade de beuverie continue à s'imbiber... Me réinstallant sur ma chaise, en prenant bien soin de ne pas fixer l'homme-ours en face, je pris donc mon gobelet et fit mine de le boire cul sec mais en gardant les lèvres juste entrouvertes pour limiter le flux, avant de reposer bruyamment le verre sur la table.

"Allez mon gars, r'mets-nous en une rasade !"

Le geôlier ne sembla pas comprendre le subtil jeu de mot de Tathar. Il n’était peut-être pas suffisamment intelligent, ou peut-être aussi en état d’ébriété trop avancé pour réellement y repenser. Quoi qu’il en fut, il se joignit au joyeux rire de l’elfe, et à sa demande, resservit aussitôt son godet. Il le tendit vers Tathar pour trinquer, mais ne l’attendit même pas finalement pour boire…

De son côté, Tathar ressentait de plus en plus les effets de l’alcool. Il était fort, très fort, et l’elfe était à jeun. La tourniole commençait à être omniprésente, et toujours plus forte. Le champignon sur la truffe tendit à se multiplier sur toute la tête du geôlier, qui en dénombra de nombreux, près d’une dizaine, de couleurs différentes. Rouges et bleus, violets, jaunes, verts et roses. Un arc en ciel mycosique plutôt incongru.

Le geôlier, riant toujours avec moi, ne se fit pas prier pour nous resservir et même boire avant que j'ai pu faire le moindre geste en direction de mon verre... (Il a la descente rapide le bougre... et moi, je vais pas bien du tout)

En effet, la pièce tournait de plus en plus vite sur elle-même, les champignons de mon acolytes se répandaient à peu près partout sur sa face, offrant toutes sortes de formes et de couleurs criardes. Les éclats de rire reprirent donc avec encore plus d’intensité même si cette fois-ci, je tentais désespérément de me tenir à la table pour ne pas me vautrer à nouveau ! Moi et l'alcool... On m'y reprendra pas à deux fois... Enfin maintenant que j'étais lancé autant continuer...

"Si j'avais su qu'on s’amuserait autant avec vous, je n'aurais pas fait tout ce grabuge! Après tout, il est pas si désagréable que ça cet endroit, faut juste trainer avec les bonnes personnes ! Dites-moi, votre bouteille en est où? Ça vous dirait pas d'aller voir Ricky pour voir ce qu'il peut nous proposer?

Le geôlier regarda le bouteille d’un œil hagard, et jaugea le niveau de celle-ci.

« Reste plus grand-chose… Ouais ouais, on va voir c’foutu Ricky. Ch’ai juste pas où y s’trouve, c’te tête de tirelire. »

Et il se leva, tanguant un peu, pour se rendre d’un pas hasardeux vers les escaliers menant à l’étage, dans l'ombre desquels il disparut, laissant Tathar seul dans son antre.

Jetant un regard à sa bouteille, mesurant plus ou moins la quantité de boisson restant, l'homme-ours finit par pencher dans ma direction, se levant tant bien que mal pour se diriger vers les escalier à la recherche du dénommé Rick. Le seul problème était que mon hôte ignorait complétement où celui-ci pouvait se trouver...

Je me retrouvais donc seul dans la cellule assis à la table, avec la tête bien entamée par l'alcool... La voie était théoriquement libre pour une petite fouille comprenant le coffre personnel du Geôlier, seulement ce dernier ne me voyait pas arriver, il aurait des doutes et tout ce que j'avais entrepris volontairement, ou presque, tomberait à l'eau. Il fallait que je suive la bête, qui allait plus ou moins être mon laissez-passer pour pouvoir me déplacer librement dans cette prison... Je me levais donc et allais vers les marches pour essayer de rejoindre la créature qui se déplaçait vite malgré tout ce qu'il avait bu !

"Hey, euh... Machin !! Attendez-moi !!"