Pressé de découvrir ce que le tombeau pouvait m’offrir comme secret, je posai mes mains sur le couvercle avant de le pousser de toutes mes forces. Fort heureusement, les dalles couvrant ces sarcophages n’étaient pas réellement lourdes et c’est sans problème que j’arrivais les faire glisser en un grincement sinistre de pierre frottant contre la pierre. Dans un bruit sourd, la dalle alla s’échouer sur le sol, envoyant dans l’espace un nuage de poussières qui me happa avec une violence inouïe.
Pestant contre cette attaque de la nature, je frottai d’une main mes paupières qui commençaient à s’irriter avant de les rouvrir sur le contenu du sombre sarcophage. Ma vision d’abord trouble, éclairci sur le corps sans vie d’un Sinari. Ses vêtements ne laissaient pas le doute sur son ancienne situation financière. Les broderies soigneusement cousu sur la soie épousant son corps semblaient de très bonne factures. Et les dieux eux-mêmes savaient qu’il était impossible de tromper un regard tel le mien. Une grande faux était posée sur son ventre. Elle avait l’air redoutable, et elle ne manqua pas de me rappeler mes aventures passée sur l’ile interdite en compagnie de Shaam et de Tathar. Manier une telle arme n’était pas aisée et offrait des possibilités différentes que le maniement d’une épée. Enfin, encore fallait-il manier n’importe quelle arme à la perfection, comme moi.
Je ne pus m’empêcher de passer un doigt sur la lame de la faux qui devait être redoutable avant de me tourner vers ma créature qui devait avoir ouvert l’autre sarcophage à cette heure. Mais il n’en était rien. Appuyée dans un coin de la pièce, elle semblait souffrir terriblement, comme traumatisée par un évènement passé. Elle faisait peine à voir, recroquevillée sur elle-même, sifflant sous l’impulsion de maux que je ne comprenais pas. Je ne pus m’empêcher de faire la moue, terriblement ennuyé par cette vision. A l’heure qu’il était, Karz et Ashaar devait être en train d’augmenter les mètres qui nous séparaient et j’avais besoin de régler nos différents une fois pour toutes. Je devais reformer mon équipe ou remplacer ses membres expressément. Je me devais de réconforter ma bête. C’était à moi, en tant que chef autoproclamé de gérer ce genre de situations. C’était un bon test, que de savoir si je pouvais aussi ménager mes hommes, après avoir réclamé leurs vies dans une valse macabre. Je pris mon inspiration, avant de me mettre en marche d’un pas détendu vers la créature. Je ne voulais pas la brusquer. Arrivé à sa hauteur, je glissai ma main viable sur son crane filamenteux caressant chaque imperfection de cette erreur que la nature avait engendrée. Etrangement, il semblait que le moindre contact avec cette chose ne m’arrachait plus le moindre frisson. A cet instant, je la connaissais et je l’estimais. A mes yeux ce n’était devenu rien d’autre qu’un membre de mon équipe, un peu caractériel certes, mais réellement efficace.
Caressant toujours son crane, je m’abaissais à sa hauteur glissant mon regard dans le sien. Je laissais le regard dur, empli d’une haine froide à peine contrôlable se glisser ailleurs pour laisser place un temps à de la compassion.
« Chuuut ! Laisse-moi porter toutes tes peurs. Ne craint pas le trépas car aujourd’hui même, je te fais enfant sous la bannière des D’Arkasse. Comme le premier avant moi, Ezakiel, le fit avec ses braves. Tu as prouvé ta valeur au combat et ton dévouement à ce blason qui aujourd’hui et jusqu'à ta mort t’honora. N’ai aucune crainte mon beau. J’ai bien assez d’épaules pour porter les peurs de tout un peuple s’il le fallait. »
Je finis ma phrase, dévoilant mes dents dans un sourire qui se voulait réconfortant puis, mon regard alla se perdre vers le corps de ce gamin, nu comme un vers. Mon sourire ne pus que disparaitre quand je me remémorai notre premier contact. Le regard replongé dans son tourbillon de haine, je me relevai pour m’approcher du corps, glissant deux doigts sous sa carotide. Les yeux fermés, j’écoutais le doux son de la vie qui me provoqua quelques frissons sous sa musique entrainante. Les pulsations régulières tapotant contre l’épiderme de mes doigts ne laissaient aucun doute sur la vie qui coulait encore dans ses veines.
« Boum…Boum…Boum. Quelle magnifique musique n’est-ce pas ? »
Sans même ouvrir les yeux, je sortis Mongoor de sa prison de cuir, glissant ma lame sous sa carotide, la caressant d’un geste presque sensuel.
« La musique de la vie que nous les hommes pouvons stopper à tout moment. Dans la folie de nos actes, pour le devoir, ou tous simplement pour la protection d’être qui nous sommes chères. Cela nous rend encore plus puissants que les dieux car nous connaissons vraiment la valeur d’une vie. Ce qu’est être mortel. »
Sous l’impulsion de ma phrase, je glissais ma lame cette fois de manière un peu plus forte, mais pas assez le tuer. Juste pour sentir le sang perler, tel une rivière rouge pressé de quitter son lit. Je n’étais pas un assassin, je n’avais aucun raison de le tuer, moi. Car peut-être que certains à cet instant avaient d’autres raison de le faire.
Agrippant le jeune homme sans ménagement par ses cheveux, je l’envoyai au pied de ma créature.
«Bois, vide le de son sang si il le faut, mais après rejoins moi. Je te laisse l’honneur de choisir quel sera le destin de cet homme sans valeur, aucune. J’ai déjà celui de bien trop de personnes entre mes mains. Prends ça comme un cadeau de bienvenue sous ma bannière.»
Puis, sans un mot, sans un regard de plus, je me dirigeai vers les tombeaux les observant un à un me demandant lequel allait bientôt suivre. Et puis d’un coup alors que mon regard se planta sur chacun des symboles qui se présentaient à moi, j’eus un flash. Une voix inconnue se manifestant alors que mon regard commençait à s’embrumer quelques minutes auparavant.
« Les héros des grandes cités… »
Et alors tout devint clair. Tel un fou pris de vision je fis les cent pas dans la crypte, passant mes doigts avides sur chaque tombeau qui se présentaient à moi, détaillant les symboles un peu plus longuement qu’auparavant. Les yeux exorbités dans la furie de ma découverte je murmurais des mots qui coulaient de sens. Des mots que tous sur ce continent connaissait. Les grandes villes de Nirtim. D’un coup, je m’arrêtais entre deux tombeaux aux symboles que je connaissais fort bien. Celui représentant un soleil n’était autre que le blason de Kendra-Kâr. Quand au blason représentant un arbre en son centre, c’était le symbole d’Oranan. Deux villes où j’avais grandis jadis, deux cités majestueuses dont le sang pur coulait dans mes veines. L’union parfaite de deux grandes familles.
Sans même jeter un regard à ma créature qui portait aujourd’hui le nom de D’Arkasse, je lui fis signe d’ouvrir expressément le tombeau de Kendra-Kâr. Tandis que je me destinais à ouvrir celui d’Oranan.
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"L'objet de la guerre n'est pas de mourir pour son pays, mais de faire en sorte que le salaud d'en face meure pour le sien." - George Smith Patton
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