Inscription: Mer 27 Oct 2010 20:28 Messages: 6658 Localisation: :DDD
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L'élémentaire sembla réfléchir un instant, puis étala sa pensée :
- Même sans y penser, tu réinvente le monde en permanence. Après tout, c'est lé définition de cet endroit : tu as inventé sans y penser un univers et le Cœur l'a matérialisé. Je te demande juste de faire mieux, à l'aide d'un effort conscient. Sinon, en effet, tu deviendras fou. C'est le sort de la plupart de ceux qui jouent avec le pouvoir véhiculé par les aurores, et ce depuis l'aube des temps. Détrompe toi. Le propre de l'immortalité, c'est qu'elle n'existe pas. L'éternité est trop longue, tout fini toujours par arriver, y compris la mort des immortels. Les mortels savent que tout finira un jour. Les immortels vivent dans la crainte du jour où surviendra l'évènement qui causera leur mort. Cela prendra un an ou un million d'années mais ça n'en reste pas moins inéluctable. Si les dieux vous ont donné cet horizon borné, ce n'est pas pour rien. Face à l'inéluctabilité de la mort, ils vous ont au moins donné le pouvoir de savoir qu'elle arriverait. Crois-moi, j'aimerais avoir cette connaissance, plutôt que de vivre perpétuellement dans la peur du lendemain. Tu as peur de la mort parce que tu vois ce qu'elle te prend. C'est compréhensible, mais pense à ce qu'elle te donne, aussi faible que cela soit. Tu connais sûrement quantité d'histoires d'aventuriers, de héros... quel est leur point commun ? Ils sont tous morts. Mais les admirerais-tu autant s'ils étaient des êtres tout-puissants et immortels ? Est-ce que leur mortalité n'est pas justement ce qui donne sa valeur à leurs exploits ?
Ayant formulé sa réponse pleine de sagesse millénaire, le génie d'eau se mura dans le silence, attendant Heartless. Le pirate tourna les talons et commença à marcher dans le vide. Puis il prit de la vitesse, encore et encore, jusqu'à courir aussi vite que ses jambes pouvaient le porter.
La vérité était une chose étrange. Une fois qu'on l'a entendue, c'est comme si elle avait toujours été là, et qu'au lieu d'apprendre ce que l'on ignorait, on est remis en face de ce qu'on tentait d'éviter. C'est pour cela qu'Heartless n'avait nulle réponse à apporter à l'élémentaire. Bien qu'il avait du mal à admettre que la mort soit inévitable, il le savait au fond de lui, et il était confronté au fait que l'objet de sa peur ne disparaîtrait jamais. La vérité, il la connaissait, mais Sirius Heartless la bloquait, lui faisait barrage de ses pensées. Courant à pleine haleine, il maudissait sa faiblesse.
- Merde, merde, merde, merde !
Il trébucha, sa chute amoindrie par les forces qui opéraient dans sa prison. Il regardait ses mains qui lui semblaient aussi frêles que celles d'un vieillard. Au fond de lui, il avait l'impression de n'être qu'un lâche, un enfant apeuré incapable de se faire face, de confronter ses peurs et ses instincts basiques. Quand il y pensait, toute sa vie pouvait être comparée à une fuite sans fin. Quelle autre raison pouvait-il y avoir pour poursuivre ainsi des mirages, des rêves sans conviction, des ambitions sans fondement ? Il allait de conquête fictive en conquête fictive pour rassasier son égo et oublier à quel point tout son être était défini par le déni et la peur. Le génie avait raison : les héros gagnaient leur superbe à leur mort. Qu'avaient-ils qui manquait à Heartless, celui qui avait perdu jusqu'à ses compagnons ? Qui avait abandonné jusqu'à son nom ? Il se souvint du visage de sa mère juste avant sa mort. De ce visage si beau dévasté par la maladie, sa maigreur effrayante, son aspect squelettique. Il l'avait regardée dans les yeux alors que la vie la quittait. Peut-être cette seule image de sa mère, incapable d'esquisser même un sourire, l'avait hantée jusqu'à ce jour.
Non. Un passé comme le sien était certes tragique, mais les côtes de l'Imiftil connaissaient leur part de misère. Il y en avait de bien nombreux parmi les héros qui l'avaient inspiré durant son enfance qui avaient connu la plus extrême des misères avant de devenir des parangons de force d'esprit. Même parmi les gens ordinaires, certains en avaient plus bavé que lui et ils menaient pourtant une vie respectable avec une force de volonté exemplaire. Comme toujours, Heartless avait agi comme un enfant en cherchant l'évasion dans une folle poursuite de l'aventure, sans but, sans finalité.
Et d'un certain point de vue, la prison éternelle qui le retenait était parfaite pour lui. Elle était la cristallisation de toutes ses faiblesses, de toutes ses tares.
- Espèce de moins que rien ! Moins que rien !! hurla-t-il en frappant le sol.
Une larme perla de sa joue. Il resta ainsi à se morfondre pendant deux bonnes minutes, avant de se relever, un air sombre sur son visage. Il se retourna et il se vit. Il se vit car il s'était imaginé quel genre d'homme il deviendrait si il atteignait l'immortalité.
Cet homme était richement vêtu, probablement l'homme le plus riche du monde. Son visage semblait plus jeune que jamais et il n'y avait aucun défaut dans son apparence. Ses habits étaient un condensé unique de la première mode sur plusieurs continents et il se tenait avec une grâce dont il ne s'était jamais cru capable. Son sourire arrogant, oui, il suintait d'un sentiment d'invincibilité. Rien ne pouvait lui faire de mal, rien ne pouvait le briser. Il était immortel, intemporel, il échappait à tous les dangers, à toutes les limites. Son regard disait qu'il avait vu tout ce que Yuimen et les autres mondes avaient à offrir et qu'il contenait plus de savoir que toutes les bibliothèques du monde. Et pourtant, dans cet homme, Heartless ne voyait toujours qu'un enfant. Son regard avait l'air perçant, mais le fond de sa pupille était vide. Il savait que son âme était profondément vaine. Il n'y avait rien à retenir de lui. Ses expériences n'étaient pas importantes, car il ne comprenait plus la vie. Sa force était inutile, car il l'ambition l'avait quitté. Son sourire n'était qu'une façade, car son espoir était mort.
Heartless serra son poing jusqu'à ce que du sang perle de sa paume. Vient un temps dans la vie de chaque personne, où cette dernière sera confrontée à son véritable ennemi. Heartless venait de voir le sien, et sa vue seule provoquait en lui une rage telle qu'il n'en avait jamais ressentie. Derrière cette silhouette insolente, il voyait celle de Gallion Thunderhead, de Von Klaash... de Hrist. C'était étrange à quel point ceux qu'il considérait comme ses ennemis méritaient bien davantage son respect que ce qu'il pouvait accorder à sa propre personne. Hrist en particulier. Il la connaissait très peu et ils n'avaient l'un pour l'autre que du venin, mais il savait, sans vraiment savoir pourquoi, qu'ils étaient similaires. Son visage, beau mais dur comme la plus froide des pierres, portait la marque d'une misère passée. Sa cruauté caractéristique inspirait à Heartless de la crainte et un certain dégoût, mais elle était le produit d'une détermination pareille à nulle autre femme. Et ses yeux d'aciers qui pouvaient figer sur place un orque berserker regardaient l'image du pirate immortel avec le pire des dédains. Il put presque sentir que ces trois apparitions, et en particulier Hrist, lui intimaient de détruire se rêve idiot de ses propres mains, d'arracher cette faiblesse, cette partie de lui-même et de la jeter au feu.
Sirius leva son trident et dirigea sa pointe vers la gorge de son double. Son cri bestial emplit l'espace vide dans lequel il se trouvait, mais il n'avait pas percé le mirage. Non, il s'était arrêté juste avant son œil. Du côté du vrai Heartless, il y avait trois lames qui touchaient presque sa tête. Gallion, Von Klaash et Hrist avaient pointé leurs armes vers le pirate tandis qu'il menaçait son double, et la différence fondamentale apparut enfin sur le visage des deux Heartless. Il y en avait un qui arborait une peur panique, une expression de pure terreur, et d'infinie lâcheté.
L’œil de Sirius croisa ceux de Thunderhead: il lui adressait un large sourire, empreint d'une infime part de moquerie. Heartless hocha la tête, et les mirages se dissipèrent. Baigné dans sa solitude, Heartless leva les yeux au ciel, n'y voyant qu'un tissu de mensonges. La larme sur sa joue avait séché, et son corps tout entier était parcourue d'un énergie furieuse. Il regarda le sol avec haine, et y planta son trident dans un cri. Puis il s'agenouilla et commença à frapper le force avec tant de force qu'il semblait vouloir en arracher la substance.
- Vous qui avez joué avec mes désirs et mes rêves... Quand j'en aurai fini avec vous, il ne restera pas un seul de vos cheveux sur cette terre ! Même si je dois en crever ! Même si je dois en crever !!
Il frappa, griffa, comme pour arracher le cœur de la poitrine d'un homme encore vivant. Il en avait assez. Il avait permis cette mascarade pendant bien trop longtemps. Au diable la raison, au diable la logique, sa rage était celle d'un homme qui avait tout perdu sauf sa fierté, et qui ne pouvait supporter de rester ici un instant de plus.(((1357 mots)))
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