A la réception de la réponse dont son interlocutrice n'était autre que l'Aigail Ixtli, seconde fille du coupe royal d'Elivagar, Earnar fronça les sourcils, soudainement inquiet pour les élémentaires. Pourquoi n'était-ce pas la reine des Sylves qui lui avait répondu ? Il se passait indubitablement quelque chose au sein des élémentaires. Est-ce que le phénomène de drainage s'était accru depuis lors ? Avaient-ils été attaqué par une quelconque armée ? Tout cela ne plaisait guère à l'assassin, malheureusement il ne pouvait faire grand chose en ce moment, à part trouver le sindel et trouver de ce fait le second cristal.
Concentré sur la navigation et le maniement de la Libellule, il écouta la réponse du gardien qui lui confirma qu'il ne connaissait aucun être répondant au nom de l'Occultiste. Le contraire eut été étonnant à vrai dire. S'il s'agissait d'un habitant de l'archipel de Kanteros, il devait s'agir soit d'un shaakt soit d'un Garzok. Cela n'était évidemment qu'une simple hypothèse. Si le sindel balafré était passé par le port des pirates de Kanteros, son souvenir était suffisamment marquant pour que n'importe quel pirate se souvienne de lui et de ceux l'accompagnant. Aaria avait mentionné également une rencontre avec un autre sindel, mais il doutait de l'importance d'une telle information. Pour l'instant, sa meilleure piste était celle de l'Occultiste et qui dit expert en occultisme dit potentiel cristal dont l'unique objectif était de prendre la vie.
Si Caelès, épouse du Dieu de la magie, cocufiée par ce dernier ayant eu une relation avec une demi-humaine demi-divinité, avait créé le cristal permettant de donner vie aux élémentaires, qui avait créé le second cristal ? Et pourquoi ces deux cristaux se sont séparés, causant ainsi la perte d'Elysian ? Certaines pièces du puzzle lui manquaient encore et l'earion espérait pouvoir trouver les réponses à ses questions à Kanteros.
Le trajet ne dura guère, la Libellule filait sans s'arrêter maniée d'une main de maître par l'équipage et son capitaine provisoire. Lorsqu'ils croisèrent une tempête à l'horizon, la houle faisant place à une mer calme, les vagues commençant à se déchaîner et le ciel à noircir, l'earion ne consentit nullement à faire demi-tour et fonça droit au cœur de la tempête qui se dissipa sous l'effet de la corne de brume de l'époux de Meriarvi.
Il avisa l'earion et le remercia d'un léger signe de tête, même s'il ajout avec amusement: - Vous savez, j'en ai connu d'autres des tempêtes. Tant qu'elles sont naturelles, je ne les crains pas...
Mis à part cette légère tempête qui précéda une accalmie, le voyage n'était guère mouvementé. L'équipage ne semblait guère se plaindre de la direction vers laquelle il les menait, ce qui le rassurait légèrement. Quant à Méline et Adéon, ils semblaient être sur leur petit nuage depuis la découverte du temple de Meriarvi. Tous n'étaient pas conscients des enjeux de cette mission, mis à part le vieil earion et lui-même. Earnar ne disait rien, mais l'idée de savoir que le gardien allait mourir était difficile à concevoir pour lui et pourtant, comme il le lui avait dit au temple, il comprenait sa décision et plus encore, la respectait.
Alors qu'il lui laissa la barre pour la soirée, se reposant un peu avant de décider finalement après un court sommeil de s'appuyer contre le bastingage, cette pensée en amena une autre. En effet, il respectait cette décision, parce qu'il avait lui aussi voulu mourir pour rejoindre sa femme et leur enfant qui devait naître. Il se souvenait du sang qui coulait le long de son corps pendant qu'elle lui murmurait pour tenter de le convaincre encore une fois qu'il n'était guère un être mauvais, qu'il devait se débarrasser de la carapace qu'il s'était fabriquée en jurant à tort et à travers qu'ils haïssaient tout le monde et que leurs vies importaient peu à ses yeux. Elle seule avait réussi à voir au-delà de la colère et de la haine qu'il affichait. Elle seule avait permis de lui apporter de la joie et lui avait donné une raison de vivre.
Tournant le pendentif entre ses doigts palmés, Earnar songea à quel point il se sentait vide sans elle. Tout ce qu'il pouvait faire à présent était de réaliser son rêve, le rêve qu'il pourra un jour trouver la paix et aider les autres comme elle l'avait sauvé.
Prenant une grande inspiration, l'assassin s'efforça à revêtir son masque de neutralité avant de conseiller au gardien de se reposer un peu, reprenant la barre jusqu'au petit matin.
A l'aube, Kanteros se dévoila finalement, petit à petit, morceau par morceau. La cité semblait bloquée entre deux pans de montagnes et s'enfonçait dans la vallée jusqu'à une gigantesque cascade naturelle. Earnar était cependant étonné quant à la quantité de navires accostés au port. Le port des pirates était moins impressionnant qu'il n'y aurait cru. Alors qu'il demanda à son équipage d'affaler les voiles, un message lui parvint via le pendant. Il s'agissait d'une certaine Leykhsa qui lui demandait des informations quant à Mastriani. L'earion l'avait presque oublié celui-là. Il répondit presque immédiatement au message.
(Ici Earnar. Mastriani est en vie et en pleine forme au palais d'Illyria en compagnie de l'actuelle reine, j'y ai veillé personnellement. Si vous êtes à Arden, tuer le roi de Sihle et de Valmarin ainsi que le conseiller félon de ma part.)
Le message envoyé, il se concentra sur la manœuvre et largua les amarres, non sans éveiller la curiosité de tous les pirates aux alentours. Ils ne semblaient guère menaçants au premier abord et de toute manière il en avait vu d'autres.
Près de l'embarcadère un orque, au visage assez humain en dépit d'un teint verdâtre et d'une apparence peu avenante au premier abord, se dirigea vers lui. L'orque était plutôt petit et semblait vouloir négocier. L'earion n'aurait pas été étonné qu'il lui propose d'acheter la Libellule. Se dirigeant dans sa direction, il lui sourit, caressant le bastingage du navire.
- Beau bâtiment, n'est-ce pas ? Rien ne vaut ce sentiment quand on prend la mer, cependant je crains qu'il ne soit malheureusement pas à vendre. Vous comprendrez que parfois un capitaine à force de naviguer sur un bâtiment l'apprécie tellement que le navire devient comme une extension de sa propre âme.
Il fit une petite pause avant de venir aux faits qui l'intéressent.
- Néanmoins, je suis toujours ouvert au commerce et au troc. Je suis à la recherche d'un certain Occultiste et d'un sindel au visage balafré et à l'air peu engageant. De surcroît, des vivres ne seront pas de trop si nous devions reprendre la mer. Evidemment, je suis prêt à payer pour obtenir tout cela si vous désirez commercer avec moi.
Il actionna son gantelet révélant ses griffes avant de les faire se rétracter et désigna de sa main droite le gantelet.
- Je suis prêt à vous offrir même mon gantelet ainsi qu'une poignée de lys, car après tout je suis sûr qu'un corsaire comme vous en impose et j'adorerai accroître votre réputation.
Il regarda le petit orque avec intérêt, se demandant pour autant si ses flatteries et l'appât du gain suffiraient à éveiller l'intérêt de son interlocuteur et surtout à le pousser à révéler des informations. Les pirates n'étaient pas du genre à révéler des secrets trop facilement, mais l'assassin songea qu'il avait toutes ses chances pour y arriver.
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