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Les secondes passent et je suis spectateur de choses toutes plus étranges les unes que les autres. J'observe, écoute, par choix bien sûr, mais aussi que je me sens incapable de faire quoi que ce soit, incapable d'être utile à quelque chose pour le moment et puis, j'ai commis suffisamment d'impairs pour le moment, je ferai sans doute mieux de garder profil bas, quelques temps. Mes compagnons s'activent tous auprès du petit dragon, un être d'apparence ridicule, mais des plus mystérieux quand on sait ce qu'il va devenir. Ils agissent alors que dans ma tête, une phrase résonne, quelques mots lourds de sens en ces instants troublés, cette mauvaise passe que je traverse : Bienvenue chez les hommes. Messire Ezak avait prononcé ces mots, et ils avaient eu un certain impact. Est-ce parce que je me suis relevé ? Sans doute, je dois me tenir droit, affronter les dangers, probablement, devenir fort, pour protéger les autres, oui, je dois être "un homme" pour moi, pour eux.....Pour Sylana. Ezak est un modèle pour moi, indéniablement, et, même lorsqu'il est pris d'une étrange crise de folie, tournant sur lui même en hurlant, le respect fraichement né que j'ai pour lui ne disparait pas.
Tous les autres continuent leurs efforts auprès de la petite créature, en vain, mais moi, je reste là, à les regarder. Je ne veux rien tenter, de peur de faire une erreur, je veux attendre le bon moment, pour enfin prouver que je suis capable de faire quelques chose, pour ne pas donner tort au guerrier. Le gros lézard recule, encore, poussant le même petit cri, encore, et soudain, un moment d'angoisse, un rugissement effroyable retentit, faisant vibrer mon corps tout entier, me tordant les entrailles et l'auteur de ce cri ne tarde pas à faire son apparition. Créature mystique et légendaire, un dragon, un vrai. Gaïa, grande et miséricordieuse déesse de lumière, protège nous, guide nos pas et nos choix, je t'en prie, ne laisse pas Phaïtos nous accueillir dans son royaume, écarte nous du chemin qui mène aux portes des enfers. Oui, je prie, que faire d'autre face à une telle chose ? Voilà des année que je n'avais pas prié Gaïa, mais une créature immense se tient devant nous, aussi grande que cinq ou six Garzoks, une mâchoire qui semble capable de broyer n'importe quoi, affublée de dents aussi grandes que mon bras, des ailes puissante, probablement capable de balayer le château de Kendra-Kâr d'un simple battement, des cornes qui font passer celles des sanglier à l'état de cure-dents et des yeux, d'un vert profond, étrangement envoutant. Cette créature est effrayante à n'en pas douter, mais elle force le respect et l'admiration...Majestueuse, oui, c'est un mot qui peut la décrire. Qui a pu se vanter de croiser un dragon ? Surtout, qui a survécu pour le raconter? Je suis paralysé, hypnotisé par le regard d'émeraude du saurien, à tel point que j'en oubli la douleur, que les évènements récents sont balayés de mon esprit.
Le dragon nous parle alors, une voix terrifiante, au diapason avec sa stature, mon cœur se serre, je ne suis définitivement plus bon à rien. J'admire le courage de mes compagnons, capables de s'adresser à la chose. Je ne parviens qu'à la fixer, immobile, attendant la réponse, laissant faire les autres. Je les envie, mais soudain, un autre événement, une autre apparition me tire de ma léthargie. L'elfe qui a combattu les gargouilles à nos côtés vient de sortir de terre. Plus rien en m'étonne vraiment maintenant que j'ai croisé un saurien, mais le plus important, c'est qu'elle semble dans un sale état, fatiguée, blessée, effrayée peut-être. Voilà l'occasion de me monter utile, à ma manière. Prenant mon courage à deux mains, je détourne mon regard du lézard géant, espérant de tout mon coeur qu'il ne prenne pas cela comme un affront et, claudiquant, je m'approche de l'elfe. Elle affirme que tout va bien..N'a-t-elle pas conscience de l'endroit où elle vient d'atterrir ? C'est peut-être mieux ainsi après tout. Grimaçant, je pose un genoux à terre, je me rends compte que nous traversons tous les mêmes épreuves, probablement pour la première fois...Quel idiot j'ai été. Nous devons nous entraider, nous serrer les coudes et agir comme un groupe soudé si nous voulons survivre. Je tente tant bien que mal de faire apparaître un sourire sur mon visage, pour rassurer la jeune femme allongée au sol. Un membre de plus, quelle aubaine.
« Vous auriez besoin d'un bon bain si vous voulez mon avis .»
Ne me demandez pas pourquoi j'ai dit ça, c'est sorti tout seul. Peut-être pour évacuer un peu de tension, pour détendre l'atmosphère qui est devenue pesante depuis l'arrivée du dragon. Toujours est-il que je ponctue mon « trait d'humour » d'un bref éclat de rire. Je me sens mieux, je peux repartir de zéro, enfin.
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Car celui qui aujourd'hui répand son sang avec le mien,sera mon frère. - William Shakespeare
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