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 Sujet du message: Le temple de Rana
MessagePosté: Dim 26 Oct 2008 18:16 
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Le temple de Rana


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Non loin du clocher et du temple de Moura se trouve le sanctuaire de Rana, majestueux temple. Son décor est très léger, presque aérien. Le sanctuaire, très petit, est tout de même sur deux étages. Au rez-de-chaussée, il y a un hall d'entrée et un minuscule réfectoire pour les quelques rares prêtresses, prêtres et pèlerins qui, pour des raisons qui les regardent, ne peuvent pas se rendre directement au temple d'Oranan pour prier Rana.

A part une douce musique légère, semblable au son du vent, nul bruit n'est audible.

Au premier étage, une salle s'apparentant à une terrasse avec quelques piliers soutenant une couronne de pierre est ouverte sur le ciel, traversée par les vents et, malheureusement parfois, par la pluie.

Au centre de cette salle se trouve un bassin rempli d'un liquide semblable à de l'eau. Cependant, la tradition veut qu'il s'agisse d'un liquide composé et béni par Rana. Seul un être croyant réellement en elle pourrait en boire et s'élever ainsi. Nombreux sont les prêtres à avoir essayé, nul ne sait ce qu'ils sont devenus...

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 Sujet du message: Re: Sanctuaire de Rana
MessagePosté: Dim 18 Avr 2010 20:25 
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Au milieu des maisons aux couleurs passées, aux boiseries abîmées et aux murs qui hurlaient la méfiance de leurs propriétaires se trouvait le sanctuaire de Rana. Elle était là, devant moi, Son effigie gravée à même la pierre sans autre détérioration que l’usure naturelle du temps. Ses murs, bien qu’aussi blanc que la plupart des riches maisons de la ville, semblaient plus purs, presque irréels. Comme si la déesse avait laissé sa marque, une signature invisible protégeant son temple par ses vents chauds et doux.
Je rentrais sans précipitation, comme emportée malgré moi par ce lieu sain et paisible. L’irréalité extérieure n’était en aucun point comparable à ce que je ressentis en pénétrant. Le vent qui s’engouffrait par l’entrée et l’étage supérieur amenait avec lui un étrange et saisissant son, dont la douceur rappelait une berceuse ; et je jugerais encore maintenant que l’odeur elle-même était différente. Et ce n'était pas seulement l’air du dehors, savant mélange de poussière, d’ordures et de boue, qui sentait moins fort. De l'encens était disposé dans leurs brûleurs le long des murs mais une note particulière qui m’emportait chez moi, une fragrance à elle seule avait le pouvoir de devenir un souvenir, un objet avant de s’en aller … ne laissant non pas derrière elle un rejet, une frustration, mais une base éphémère où trouver un refuge.

Et ce fut dans cette atmosphère qu’un moine de Rana s’approcha de moi silencieusement, la mine à la fois grave et sereine comme eux seuls arrivaient à le faire.
Je me jetais à ses pieds par instinct, jetant à terre sac, cape et armes. Je me prosternai devant lui, incapable de dire un mot.
Je l’entendis s’agenouiller et tremblai lorsque sa main vint se poser sous mon menton, relevant mon visage vers lui. Il portait l’habit traditionnel des moines, un chignon strict et véritablement parfait retenait ses cheveux noir de jais. C’était un homme entre deux âges dont le teint légèrement halé semblait masquer les quelques rides autour de ses yeux aussi noirs et profonds que les abysses.

- Te serais-tu perdue en chemin mon enfant ?
Le son de sa voix résonna, tel un glas salvateur. Je doutais fortement que sa question ne soit liée à la géographie. Les servants de Rana ne sont pas comme le commun des croyants, ce sont des êtres à l’esprit à mille lieux des jugements primaires et lisent en nous comme dans un livre ouvert à la page des révélations. Oh, bien sur, ils ne connaissaient pas grand-chose de la vie de tous les jours, ne comprenant qu’à travers leur croyance, leur dogme et leur sagesse infinie. Mais ils étaient les piliers sur lesquels nous nous reposions pour retrouver un certain contrôle et droiture de nos existences.

- Puis-je m’abriter quelques heures ici ? Demandais-je finalement d’une voix à peine contenue
- Bien entendu. Que t’est-il arrivé, pour venir te réfugier dans un temple, trempée et à ce point égarée?
Je levais les yeux vers lui, tentant de répondre avec un demi-sourire amer.
- J’ai perdu mon chemin, répondis-je en reprenant ses propos. J’ai longtemps eu la prétention d’avoir choisi ma place, défiant la logique, le destin. Mais maintenant, je ne sais plus. Je ne peux pas rejoindre les miens mais mes pas ne me conduisent nulle part ici.

Sans brusquerie, il avança son bras vers moi et je sentis le contact de sa peau sèche autour de ma main. Je me relevais finalement en même temps que lui, jetant un coup d'œil sur la bague qu'il portait au majeur de sa main droite, une chevalière en or où une représentation de Rana était gravée sur la partie plate. Il passa ses bras dans les longues manches de son aube blanche et d’un geste m’invita à marcher.

- Ce que tu as fait par le passé, ne peux-tu pas le refaire aujourd’hui ?
- J’étais jeune, bien plus coupée du monde qu’on puisse l’imaginer. Je ne connaissais pas mes limites, les règles et les conséquences de mes choix.
- Ton inconscience d’alors ne peut pas être la seule source de ta force, si ?
- Non. Je survivais, simplement.
- Hum ... Même nous, Ynorien, connaissons parfois dans notre vie ce qu’on peut appeler la croisée du destin. Et toute la constance et la discipline dont nous faisons preuve ne pourraient suffire à éclairer plusieurs chemins à la fois.
- Mon père, dis-je sur un ton plus froid que je l’aurais voulu, je ne suis personne, ni famille proche ou éloignée que je puisse suivre ou avec qui j’aurais pu construire un futur ; et j’ai vu ce que devenaient les autres comme moi, des inutiles et des parasites.

Son sourire serein me fit l’effet d’une gifle. S’il n’avait pas été ce qu’il était, j’aurais pensé que cet homme se moquait ouvertement de moi.

- Alors tu trouveras encore comment avancer, en puisant dans tes acquis, en gardant en mémoire ce dont tu ne veux pas et surtout en te servant cette fois de ta conscience pour peser le bien ou le mal de tes choix.
Si tu le souhaites, ce sanctuaire te sera toujours ouvert. Une sorte de point de repère si tu restes dans la région. Qu’il ne soit pas dit qu’une enfant de Rana soit abandonnée dans sa propre maison.

- En fin de compte, nos choix sont un peu les planches de notre échafaud. Une planche pourrie ne nous promet pas aux enfers, mais plusieurs … Je ne me rendis pas compte de suite que cette phrase avait été vraiment prononçée tant je me sentis plonger dans mes pensées.
A cet instant, l’épais nuage qui assombrissait mes souvenirs sur les détails les plus personnels de ces derniers jours se clairsema par endroit. Je me souvenais du marionnettiste, des aveux fait sur sa vie pour infirmer mon jugement hâtif. C’est alors que se dessinait par dessus ma vision son propre échafaud, la mortelle montée des marches sur des planches noircies et gangrénées jusqu’au cœur, d’une potence de bois tortueux, représentant l’enfermement, la folie, la peur d’une fin, ou d’une non fin … je voyais enfin la corde se balancer, se tordre comme le ferait un serpent, représentant ses dernières décisions, les pires qu’il n’eut surement jamais eu.
Étrangement, je ne distinguais du mien qu'une esquisse tremblante, comme derrière un mur de chaleur et à part moi je bénissais ce temple et tout ce que son existence même permettait.

- Vous trouver ici est déjà plus que je l'espérais, repris-je d'une voix assez distraite. Je pensais le sanctuaire vide.
-Il ne l'est jamais, même s'il n'est pas reconnu officiellement comme lieu de culte, ce que j'approuve pleinement. Nous autres missionnaires de Rana restons plusieurs mois en ce lieu, chacun notre tour. Rares sont les visiteurs, mais le sanctuaire n’est pas qu’un bâtiment quelconque, choisi par un serviteur de la monarchie Kendrane.
Veux-tu que je te laisse un peu seule ?
finit-il par dire face au long silence qui suivit son court récit.

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Dernière édition par Madoka le Mer 5 Mai 2010 19:10, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Sanctuaire de Rana
MessagePosté: Dim 18 Avr 2010 20:30 
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Seule. Je l’étais déjà bien assez mais paradoxalement je désirais me couper du monde et plonger dans une solitude plus intime, m’en remettre au silence à peine troublé par ma respiration et ressentir le vide comme un pansement précaire mais ô combien nécessaire.
J’acquiesçai d’une révérence et le remerciai à demi-mot tandis qu’il se penchait en avant à son tour avant de s’en aller et rejoindre les escaliers menant au rez de chaussée.

Il y avait toujours eu une sorte de magie dans la paix qu’apportait naturellement la foi, probablement tout aussi éphémère et illusoire que le sentiment de sécurité qu’apportait cette ville ; mais comme ses habitants les moins crédules, je me laissais aller de temps à autre à cette force de persuasion que sont les sentiments les moins réfléchis. Aussi m’étonnais-je d’être parvenue à l’étage supérieur du sanctuaire sans m’en rendre compte, menée par les mots autant que par la confiance que j’avais eu en ce moine solitaire.
J’étais sur le toit du sanctuaire avec le soleil et le ciel comme seul témoin. De larges colonnes en grès de couleur jaune entouraient la pièce, disposées à intervalle régulier pour former un cercle au milieu duquel se trouvait un bassin peu profond. Il n’y avait pas de toit, mais des blocs de grès posés sur les colonnes et taillés pour former un cercle parfait, une sorte d’auréole de pierre. Le bassin en lui-même n’avait rien de particulier, si ce n’est que l’eau était étrangement claire et limpide malgré la pluie qui inévitablement s’y déversait. Le souffle du vent filait entre les colonnes, gémissant et sifflant au dessus du sanctuaire de sa gardienne ; seul garant des quelques rayons de soleil plongeant dans l'eau du bassin qui l'illuminait en un milliers d'étincelles transparentes.
D'ordinaire, la nature et ses beautés à milles facettes ne m'émerveillaient guère ; mais à cet instant précis de ma vie : j'avoue m'être laissée totalement envahir par la simplicité et la sérénité de l'environnement.

Je survolais et examinais les derniers événements sous un nouvel angle, décryptant mes plus fidèles souvenirs avec logique et impartialité non pas pour évaluer mes actes ou décisions mais pour y trouver un cap, une raison autre que le hasard à ma présence et me permettre de prendre la bonne décision quant à la direction où m'engager. Je ne pouvais me résoudre à n'y voir qu'une succession d'accidents ou de coïncidences trop parfaites contre lesquelles je n'aurais plus qu'à oublier tout contrôle, toute maitrise de ma vie ... ce péché d'orgueil qui s'était transformé peu à peu en bouée de sauvetage.
Naviguant à contre courant sur une rivière de souvenirs, je choisis de m'amarrer à cette fameuse soirée où tout bascula. Tout le monde un jour avait prononcé cette phrase simplette mais parfois lourde de sens : "il se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment". Mais pour moi ce fut le mauvais endroit au bon moment, comme le spectateur involontaire d'une scène insolite. L'imprévu ce soir là s'étant transformé en spectacle. Une pièce majestueuse gravée à jamais dans ma mémoire où la violence avait revêtue son plus bel apparat, où le savoir faire d'un seul homme avait empli le vide qui trop longtemps s'était tapi en moi.
Ce même homme qui fut la raison de ma fuite. L'élément clé d'une révélation et le rouage grippé qui m'éloignait de mes aspirations unis en un seul homme. Lui dont je ne savais rien, lui que j'avais admiré et idolâtré le temps d'une exécution, lui qui souhaitait ma mort et m'avait sans le savoir vouée à errer dans cette ville.
Si cette soirée n'avait jamais eu lieu alors ce voyage n'aurait pas été placé sous le signe du hasard. Toute cette chasse serait restée extérieure ou on m'y aurait envoyée dans un but précis. Mais elle était là, envoutante et cruelle. Elle m'avait laissée effleurer du bout des doigts un monde dans lequel je voulais me plonger corps et âme avant de l'effacer comme un mirage qui se dissipe à mesure qu'on s'en approche.


- Aaahh ! m'exclamais-je alors en me jetant en arrière pour m'allonger à même le sol, les jambes toujours repliées et les chevilles collées contre mes fesses. Quelle bécasse, continuais-je en me parlant seule à seule. Ce qui te fais tant peur d'autres appellent ça la liberté et ils arrivent même à s'élever et prospérer sous sa coupe.
Je dessinais ensuite sur le ciel du bout du doigt. A gauche le symbole du destin sous lequel je traçais un trait, et à droite mon nom sous lequel, pour l'instant, je ne m'y rien.
- Tu ne m'épargnes rien, murmurais-je dans le vide, mais je sais où est ma place.

Je me relevais ensuite après avoir prié Rana afin que ses vents puissent accompagner chacun de mes pas.
A mon arrivée au pied de l'escalier le moine m'attendait, une pile de vêtement dans les mains qu'il me tendit sans préambule. Sur le moment j'hésitais entre me jeter sur des vêtement propres et secs ou refuser vigoureusement, n'ayant à la fois rien demandé et rien à offrir en échange ; aussi, lorsqu'il s'avança pour les déposer dans mes bras je balbutiai un remerciement inaudible.

- Ceux là seront plus présentables que tes haillons, et si tu penses ne pas les mériter tu peux faire un don. Mais nous n'acceptons comme paiement que la promesse de toujours apprendre de ses actes, bons ou mauvais.
Je souriais malgré moi et s'il n'avait pas été un missionnaire de Rana je l'aurais embrassé. J'attrapai ses doigts et posai mon front sur nos mains jointes, acceptant de toujours suivre les enseignements de Rana.
Il me montra une pièce pour le moment vide où je pouvais me changer et quitter définitivement mon vieux pantalon d'ouvrier et ma veste qui ne tenait ce nom que de son origine.
Je me changeais à la hâte après m'être installée du mieux possible dans l'angle d'une imposante armoire par respect pour sa plausible pudeur. C'était un ensemble des plus simples en lin épais, une tunique assez longue pour m'arriver aux genoux, fermée par des boutons jusqu'à la taille et rehaussée de broderies dorées aux extrémités, ainsi qu'un pantalon droit et peu serré; la couleur beige et la coupe stricte me donnait l'impression d'entrer dans les ordres mais l'aspect général n'aurait pu mieux me rappeler le pays. Il y avait aussi un peigne à cinq dents qui me servit à coiffer mes cheveux enfin secs et les attacher sommairement.
Pour finir je me surpris à chercher des yeux un miroir, en vain, et d'en éprouver une pointe de regret purement frivole qui me fit sourire. Je retrouvais mes marques, mes habitudes, passant mes mains dans mes cheveux pour plaquer les quelques mèches rebelles à l'intérieur du chignon et en retirer d'autres pour qu'elles tombent savamment le long de mon visage et cachent mon regard sous un angle particulier ; je pinçais mes joues pour les faire légèrement rosir et sortis de la pièce avec une nouvelle dose de vigueur retrouvée après l'instant bienfaiteur des thermes.

Le missionnaire ne m'attendait pas, déjà attelait à des tâches plus utiles que d'attendre qu'une jeune femme fasse peau neuve.

- Alors, ce chemin ? m'interrogea-t-il lorsque je le rejoignais pour le remercier une dernière fois.
- Et bien, il me reste deux choses importantes à faire dans cette ville, répondis-je sans donner plus de détails. Ensuite, et bien ... je vais laisser une chance à cette ville de me montrer ses atouts, mais au bout du compte, je reste une enfant d'Ynorie et tôt ou tard je rentrerais chez moi et reprendrais ma place, grandit de toutes expériences vécues ici ou ailleurs.
- Puisse Rana guider tes pas, et ton pays rester un phare puissant, garant de ta destinée.

- J'ai déjà un solide point de repère en cette ville, proche d'âme et de cœur de ma patrie.
Je lui rendis son salut et partis en direction du port, où parait-il, une récompense attendait les aventuriers.

(suite)

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 Sujet du message: Re: Le temple de Rana
MessagePosté: Mar 26 Mar 2013 19:49 
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Agenouillé dans une attitude de profonde dévotion face au petit autel en marbre réservé aux prières dans le hall du temple de Rana, Caabon adresse ses remerciements silencieux à Rana pour la bénédiction qui fut la sienne de demeurer vivant, pour ce sauvetage inespéré par un homme si sage. Bientôt il oublie le contact de la pierre sur ses genoux, l’inconfort relatif de la position et la prière devient méditation. Il songe avec plaisir au chemin parcouru un peu plus tôt dans la matinée, à la fatigue plus lente à venir, et à tout ce qui lui a donné matière à l’émerveillement. Pour cela aussi il remercie Rana, car il ne saurait dissocier le regard pur sur ce qui l’entoure de la quête de la sagesse ; même si le chemin vers cette dernière est long, sinueux, semé d’embuches, il s’agit d’un premier pas prometteur. Même si Caabon croit fermement au libre arbitre, et doute que les dieux dirigent la vie d’un homme, reconnaissant toutefois que parfois il leur plaît d’intervenir de manière directe, il ne dissocie pas ce que représentent Rana et le don qu’elle a fait aux créatures intelligentes de Yuimen et la divinité elle-même. Dans l’esprit du Wotongoh, cette dernière mérite de recevoir tous les remerciements de ceux qui ont eu à bénéficier de la sagesse d’autrui ou qui se sont vu progresser vers celle-ci un jour. C’est dans cette optique qu’il prie.

Un acolyte du temple s’approche du jeune homme noir, qui pour pénétrer dans le temple a retiré les bandeaux qui dans la rue dissimulent son visage. Caabon, entendant le bruit de pas et remarquant son extinction rouvre les yeux et relève la tête, pour constater qu’une des hommes vêtus de blanc lui fait signe de le suivre. Mal à l’aise, il s’exécute, veillant à ne bousculer aucun des fidèles prosternés devant l’autel, à marcher le plus légèrement possible pour ne pas troubler leur recueillement ; ses vêtements sombres et surtout sa peau lui font l’effet d’une insulte au lieu dans lequel il a pénétré, immaculé, semblant fait tout de lumière tant domine la blancheur, tant le jour pénètre l’architecture aérienne pour magnifier l’ouvrage des maçons et sculpteurs : il n’a pas osé revêtir son kimono bleu, le désignant trop comme un étranger, et peut-il se défaire de sa peau ? Aussi cherche-t-il à dominer son trouble, aidé en cela par les regards et les visages des serviteurs du temple, dépourvus de toute trace de jugement ou de reproche muets, respirant la sérénité. Ne trouvant aucune hostilité dans les attitudes d’autrui, il lui est plus facile d’accepter sa propre différence dans cet espace qui la lui renvoie avec tant de vigueur. L’acolyte s’est dirigé vers les escaliers, et à sa suite Caabon gravit les premiers degrés sur lesquels sont gravés des sentences ranaïques, destinées à rappeler que l’élévation de l’individu n’est pas que physique, mais qu’elle doit également s’effectuer sur le plan de l’esprit.

L’étage est ouvert à tous les vents et aux intempéries, sans que cela ne semble gêner qui que ce soit. L’acolyte s’est arrêté aux dernières marches, faisant signe à Caabon d’avancer seul sur la plate-forme de pierre cerclée de colonnes alabastrines entre lesquelles on aperçoit les toits de la ville, les formes du sanctuaire de Moura proche, le Clocher. Là le Wotongoh peut voir prier, autour d’un bassin empli d’un liquide si cristallin qu’on doute y reconnaître une eau commune, les prêtres de Rana en aube et cape blanches. La sérénité du lieu ne suffit à faire se mouvoir Caabon et étranglerait dans sa gorge toute parole s’il lui était venu l’idée d’en prononcer une seule, chose absurde tant le silence baigne l’atmosphère, œuvre d’une quelconque divine magie à même de tenir loin les émanations sonores, tantôt murmure, tantôt brouhaha et olfactives de la ville ; le lieu pourrait être bâti au sommet d’une montagne isolé, impression renforcée par la vigueur des vents qu’auraient du stopper les constructions plus hautes alentours et les murs de la cité. Un des prêtres quitte le cercle de prière autour du bassin pour aller s’asseoir sur un coussin à l’écart, et invite de la main le Wotongoh à faire de même sur le coussin restant face à lui.

« Fils de Rana, soit le bienvenu dans cette modeste demeure où nous prions la Déesse. J’ai senti lorsque tu as pénétré le temple la marque spirituelle d’un homme ayant effectué son pèlerinage. Est-ce juste ? »

« J’ai grandi à Oranan, où vit mon père adoptif. De par ma… différence… j’ai été emmené très jeune au temple de la Déesse pour recevoir sa bénédiction. J’ai eu l’honneur de pénétrer dans le temple, de m’y prosterner, d’y prier Rana un jour durant. Mais je n’ai pas effectué cet acte de dévotion que représente le pèlerinage pour tous ceux qui vivent loin de ma cité. Je n’ai pas connu les privations du voyage, ses dangers et ses peines, je n’ai pas cheminé des jours durant, adressant quotidiennement mes dévotions à la Déesse. »

« Il est bon de ta part de le reconnaître. Mais tu es bien loin de chez toi ? »

« Oui. Face à certains changements dans la vie de celui qui m’avait déjà tant donné qui rendaient ma présence à ses côtés… difficile, j’ai choisi de prendre la route, et d’aller de par le monde pour découvrir sa richesse et ses mystères. »

« Voilà qui est bien. As-tu avec toi une marque quelconque de ta dévotion à la Déesse ? »

« Non. »

« Nous prions tous la Déesse, et ne sommes pas moins fidèles à sa volonté que nous le faisons dans le secret. Nous autres prêtres portons les vêtements signes de notre fidélité, il en va de même pour les missionnaires et les Sages. Les pèlerins portent brodé sur leur vêtement, gravé sur un bâton de marche ou sur un bijou quelconque un signe de leur dévotion. Mais il ne s’agit pas seulement de signifier à ceux que nous croisons à qui vont nos suppliques, tout cela a également pour but de nous rappeler chaque jour la présence de la Déesse à nos côtés. Aussi accepte cet humble présent qui remplira cet office. »

« Je… je… je ne… merci… »

« Parfois ce simple mot vaut tous les discours et toutes les professions du monde, lorsqu’il est l’expression d’un cœur sincère. N’oublie jamais cela. »

« Je ferai de mon mieux. »

« Je n’en doute pas. Maintenant va. Le monde est vaste. Il est heureux que la jeunesse n’oublie pas la fidélité au culte, mais si tu n’as pas décidé de consacrer ta vie à la prière, ne consacre pas trop d’un temps qui pourrait être mieux employé à celle-ci. »

« Merci. »


Le prêtre regagne sa place première où, avant l’arrivée de Caabon, il priait parmi ses frères dans le sacerdoce. Le jeune homme se relève lentement et manque d’être soulevé par une bourrasque d’un vent tourné vers le nord, qui se calme aussi soudainement qu’elle s’est levé. Encore un peu surpris il s’engage dans l’escalier pour regagner le rez-de-chaussée, remettre ses bottes qu’il a abandonné avant de pénétrer dans l’espace sacré et regagner le logis de Théoperce.

Des emplettes à la forge de Gonk

_________________
* * *



C'est par la sagesse qu'on bâtit une maison, par l'intelligence qu'on l'affermit ;
par le savoir, on emplit ses greniers de tous les biens précieux et désirables.
Proverbes, 24, 3-4


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