IV.14 On est plus à un crime prèsLe corps d’Agiend reposait sur une stèle de pierre, dans une pièce de recueillement du temple. Le lieu sans meuble ni couleur, hormis quatre torches allumées, ne laissait passer aucune émotion. Comme l’avait déjà précisé le prêtre Bième, le temple de Yuimen était le seul lieu pour s’occuper des morts. Les membres avaient installé en ce lieu cette pièce de recueillement pour les familles et proches des défunts. C’est là que patiemment Jorus, Bième ainsi le corps d’Agiend se trouvaient.
"Donc ce n’est pas fini ?" Déclara simplement Bième après les révélations de Jorus.
"Mais les raisons de vouloir tuer Agiend sont, pour le moins étranges ! On ne cherche pas la mort d’autrui simplement à cause de sa façon de parler."
Jorus quant à lui était dans un état second. Son plan n’était pas de tuer Agiend, mais de faire croire à sa mort. Hors cela faisait un moment qu’il aurait dû se réveiller. Jorus se leva pour regarder le corps de plus près. Rien ne laissait supposer que le forgeron pouvait être encore vivant accablant, davantage le jeune homme.
"J’ai l’impression d’avoir eu faut depuis le début. La potion qu’Agiend a bu ne semblent pas faire l’effet qu’on désirait. J’ai tué un homme, un innocent et je dois maintenant infiltrer le château royal pour…"Le corps du forgeron se leva d’un coup sec dans un :
"Haaaaaaaaaaaaaaa !"
Pris de surprise Jorus sauta à l’opposé d’Agiend, tel un chat faisant un bond mû par un réflexe de survie. Il atterrit sur une chaise mais sa réception aussi bancale que la dite chaise le bascula en arrière.
"Agiend tu vas bien ?" Demanda Bième qui accourut au chevet de l’homme pendant que Jorus contemplait ses pieds sous un angle nouveau.
Agiend haletait aussi fort qu’un milicien bien en chaire après une course-poursuite. Des gouttes de sueurs perlaient sur son front. Il mouvait difficilement ses mains tremblotantes et ses yeux exorbités tel un fou n’arrivaient pas à fixer quoi que ce soit.
"Agiend mon ami, calme toi !" Rasséréna le prêtre en prenant le visage du malheureux pour le tourner vers lui et le forcer à croiser leur regard. L’effet ne fut pas immédiat, mais le forgeron finit par se calmer. Sa respiration se calma et ses mains se posèrent sur la table en pierre.
"J’m’sens mal ! J’s’encore tombé dans’l’pommes ?" Répondit-il simplement.
Le prêtre s’assit à ses côtés et lui expliqua l’histoire. Il parla de l’arrivée de Jorus et de l’enlèvement de son amie. De l’ordre qu’il reçut de tuer le forgeron et de son incapacité à le faire, pour au final demander conseil et aide au prêtre. Craignant son courroux, Jorus préféra rester en retrait en attendant la réaction de l’homme. Au fur et à mesure de l’avancé dans l’histoire, le regard d’Agiend s’assombrissait, particulièrement lorsque l’ordre d’assassinat à son encontre fut prononcé, mais aussi en comprenant pourquoi le jeune homme c’était approché de lui. Bième était aussi bon orateur que perspicace. Il lut dans les pensées de l’homme et calma ses ardeurs en expliquant que s’ils n’avaient rien fait, un autre serait certainement venu avec des intentions meurtrières, réelles cette fois.
"Pardonnez-moi Agiend je n’ai jamais voulu cela. Bien maintenant que je vous sais sauf je dois me préparer pour entrer dans le château. Comme l’a expliqué Bième, votre assassinat n’était qu’une simple vérification de ma…loyauté. Encore pardon pour tout ceci." Déclara Jorus en s’inclinant avant de quitter les lieux.
"Arrêt’te g’min !" Rugit le forgeron.
Jorus redoutait une réaction comme celle-ci et étant la cause de sa colère il se retourna pour faire face au courroux de l’homme.
"C’gars là, qui qu’c’était ?" Demanda Agiend en fixant le jeune homme.
"Le magicien ? Je l’ignore." Commença Jorus.
"Mais je connais un peu plus le second, son homme de main. Il est brun et taillé comme un soldat. Il porte en permanence une panoplie d’armes et se fait appeler…"
"…Kenneth !" Coupa le Forgeron.
"Vous l’avez déjà rencontré ?" Demanda Jorus qui voyait là une pièce manquante au puzzle.
"C’ça. Y est v’nu y’a que’ques jours et v’lait des infos su’l’château. J’senti l’coup fourré et l’est envoyé paitre. Ecoute g’min j’te veux pas, on t’a forcé. R’garde me, pe’sonne à m’mort à part un p’tieu app’entie et un vieux prêt’e raboug’i." Fit-il avec un petit sourire en coin.
"Le vieux prêtre rabougri est content que tu es gardé une once d’humour." Répondit Bième avec le même sourire.
"G’min j’suis d’jà allez dan’l’château pou’ un tr’vail et j’vu ton urne. L’est dan’l’salon pou’ les dipl’mates. C’pendant y’a beaucoup d’gardes et ils’t’chop’ront si t’voient. Dan’l’partie ouest t’verras l’coin des employés et y peuvent allez qu’siment partout ave leur tunique." (C’est pas idiot, si j’arrive à chopper un costume je pourrais me déplacer dans le château sans trop de soucis. Je suis content de na pas l’avoir tué, peut-être est-ce la une preuve sur la voie à suivre.)
"Merci Agiend ça me sera d’une grande aide. Bième vous avez déjà entendu parler de cette urne ?" Questionna Jorus.
"Je suis au regret de te dire que non, mais nous avons une bibliothèque et on peut espérer y trouver des éléments. On va déjà commencer par installer Agiend ailleurs mais en dehors des regards. Si on découvre qu’il est encore en vie la rumeur d’un miracle se répandra vite et atteindra les ravisseurs. Va jeter un coup d’œil on va l’installer dans mes appartements privés, personne n’y va jamais."IV.16 Visite nocturne