Kendra-Kar, le Temple des Plaisirs
Cromax a écrit:
Pulinn est là, juste devant nous… Et maintenant que j’y suis, que je devrais présenter cette merveille à mon flocon, voici que mes lèvres asséchées restent closes, et que la salive qui me manque tarde à humidifier mon palais.
À la place, c’est elle qui ouvre la bouche pour parler, d’une voix rassurante et enivrante, un chaleureux sourire ornant l’or de ses lèvres.
« Cromax… Ta visite me remplit de plaisir. J’ai été mise au courant, comme tu le sais. Et je suis heureuse de voir que ton compagnon, Lillith, si je ne m’abuse, est fort séduisant, lui aussi… »
Elle fait deux pas vers moi, et nos visages se retrouvent à quelques centimètres, alors que je sens son souffle glisser entre mes lèvres entrouvertes comme pour apporter une réponses à ses dires. Réponse qui ne vient pas, puisque l’instant d’après, c’est à mon glaçon qu’elle s’adresse, et c’est de son visage qu’elle s’approche de la même manière…
« Je me dois donc de te souhaiter la bienvenue ici, Lillith. Tu es ici chez toi. Je me nomme Pulinn. »
C’est alors que sorti de nulle part, elle tend à mon amant un verre d’eau fraîche et pure, qu’elle tenait à la main sans même que je n’ai pu le voir avant, tout en arborant un sourire complice et mystérieux.
(Comment a-t-elle su ?)
(Les informations circulent plus vite que tu le penses, mon amour. Je te l’ai toujours dit…)
(Coquine… S’il ne comprend pas que c’est toi, ça risque de faire un drôle d’effet sur mon Lillith !)
Pulinn pose alors ses mains sur une épaule de chacun, et sa voix se fait murmure.
« Mais si nous allions nous asseoir, avant de poursuivre cette charmante réunion qui s’annonce… »
Elle nous attire alors sur une banquette recouverte de rouge, où elle s’étale lascivement, comme je l’ai déjà vue faire. Plus confiant qu’à ma première visite, je prends place à côté d’elle, décrochant mon regard de sa peau pour le poser sur mon amant…
Cromax m'a emmené dans un endroit étrange au nom douteux. Mais peu importe, il m'assure que je dois pas me fier aux apparences, et je le crois. Autant par ma gorge asséchée que par ma circonspection, je reste silencieux, gardant les yeux grands ouverts pour en savoir un peu plus.
Les gardes en vêtus de rouges semblent le connaître et le salut. Dans un verbiage un peu pompeux, l'un lui fait ses hommages et continue sur sa lancée en me lançant quelques compliments par le seul fait de ma relation à Cromax.
(Ils sont étranges... on dirait presque qu'ils considèrent Cromax comme un roi ! Mais bon, je ne vais pas m'en plaindre.)Nous passons la porte et pénétrons dans ce lieu mystérieux. tout de suite, le contraste frappe avec la rue. Tout d'abord, la chaleur de l'intérieur rend ma gorge plus aride, si c'est encore possible. L'éclairage diffuse une lumière jaune et douce, bien plus présente que la lumière faiblarde de la lune cette nuit. La salle aux multiples tentures de satin pourpre est dotée de proportions immenses, allant chercher le ciel dans des colonnades impressionnantes et des voûtes légères et graciles ; et s'étendant autant que la salle de bal du palais royal que nous avons rapidement traversée cet après-midi.
Je suis bien content à ce moment que Cromax me soutienne car je me serais facilement écroulé devant tant de magnificence. C'est vraiment un endroit incroyable où une certaine grandeur est perceptible. Ce n'est pas trop dans mes goûts, mais il est indéniable que c'est une lieu d'exception qui mérite l'admiration.
"Par Yuia.... C'est ... incroyable !"C'est alors qu'arrive une femme qui mérite tout autant l'admiration. Son portrait est assez difficile à décrire, mais deux mots pourrait suffire : c'est La Femme...
D'un coté, sa beauté est une pureté que j'assimile à celle de ma mère. La douceur, la gentillesse, l'amour... Mais d'un autre coté, sa beauté est un masque, celui qui pare toutes les femmes dans leurs sombres cotés.
Sa peau a une blancheur de lait, encore plus éclatante que celle qu'avait ma mère. Ses yeux semble aussi de cette blancheur et encore une fois, cela me rappelle un peu ceux de ma mère, et les miens. Ses cheveux, en boucles souples, semblent flotter autour d'elle telle une auréole.
Mais en même temps, sa bouche pulpeuse et la profondeur de son regard me rappelle Caacrinolas. Sa tenue plus que légère et sa démarche assurée et dominante vont aussi dans ce sens. Lorsqu'elle s'arrête face à nous, je ne peux réprimer un frisson.
Cette femme me donne à la fois envie de l'enlacer et de la fuir le plus vite possible.
En tout cas, nul doute que c'est la personne que mon amour d'elfe voulait me présenter.
Elle nous parle alors, semblant savoir beaucoup de choses, comme le fait que nous venions, ou simplement mon nom. Je hausse un sourcil interrogateur, mais l'oubli vite quand elle me lance un compliment sur ma beauté. Dans un réflexe de timidité, je rougis, avec cet horrible sensation de chaleur qui embrase le visage, et porte la main vers ma cicatrice la plus visible, celle barrant mon œil gauche.
(J'ai du mal à trouver la beauté dans les traces laissées par ce monstre de Caacrinolas...)Elle se présente à moi, se rapprochant de mon visage de manière trop intime, et dit s'appeler Pulinn, avant de me tendre un verre délicat remplit d'une eau que je devine rapidement fraîche en prenant la coupe tendue.
"M... Merci Pulinn..."Elle se dirige vers une banquette pour que l'on puisse entamer une discussion plus tranquillement. Je la suis, toujours aidé par Cromax. Je bois avidement en même temps, ce qui me fait un bien fou. C'est comme une renaissance intérieur. Je sens le liquide parcourir ma gorge puis courir vers mon ventre, traînant des tentacules glacés jusque celui-ci. Je ne peux m'empêcher de gémir tant c'est agréable et je dois dire que c'est presque, je dis bien presque, aussi agréable que le fluide de glace.
Pulinn et Cromax s'allonge sur la banquette dans une attitude que la poupée jugerait sûrement très peu discrètement d'indécente. Je ne partage pas sa prude perception, mais préfère m'asseoir néanmoins sur le bord de la banquette. Les choses sont encore trop troubles pour me laisser aller ainsi.
Mais peu loquace comme je le suis dans mon état, je ne bombarde pas de questions la maîtresse des lieux, ni ne lui rends un salut très correct. Laissant de coté les questions sur l'endroit et sa personne, qui finiront par arriver à un moment dans la discussion, je reprends l'histoire de son compliment.
"J'ai du mal à voir dans mes cicatrices le pouvoir de séduction que vous me prêtez..."Malgré le verre d'eau glacée, mes joues sont encore un peu roses. Alors que ma main cherche inconsciemment sous ma chemise les reliefs de quelques autres séquelles de mon passage chez Caacrinolas, je cherche du regard la réaction de Pulinn.
Cromax a écrit:
Alors que je m’installe sur la banquette confortable et moelleuse, au côté de la beauté la plus parfaite de ce temple, je ne peux m’empêcher de sourire de la réaction de mon amant glacé à la vue du Temple, et surtout de Pulinn, qui visiblement ne le laisse pas indifférent, à l’instar de toutes les personnes que cette douce elfe blanche doit croiser en une journée ici. C’est impressionnant comment elle inspire le contact social, la discussion, simple et sans détour, bien que je doute qu’elle soit réellement si simple à cerner et à comprendre. Elle est certainement la personne la plus compliquée à déchiffrer que je connaisse, encore que je ne peux en être certain, ne la connaissant finalement pas beaucoup, et n’ayant eu à faire avec elle qu’une fois dans mon existence, le jour même, dans l’après-midi. Et me revoilà face à elle, dans ce temple marginal et particulier, en la présentant auprès de Lillith comme une personne que je connaitrais mieux que quiconque.
Je me rappelle les révélations qu’elle m’a fait lire, des révélations sur moi et sur elle. Sur ce qu’elle a formé ici, et le secret qu’elle protège. Le lourd secret qu’elle protège. Aussi lourd que le secret qu’elle a révélé sur moi, c’est certain… Je ne pense pas qu’elle soit assez renseignée sur Lillith pour lui fournir de tels documents troublants. Je suis une exception, un cas à part. Il suffisait de voir la manière dont elle m’a accueilli… C’était tout sauf un hasard. Ma venue ici était attendue, depuis longtemps peut-être même… Mais ce n’est pas le moment de réfléchir à de telles choses. Surtout que mon amant semble porter le plus grand intérêt aux compliments de la séduisante Pulinn.
L’elfe blanche rit d’ailleurs à la remarque de l’humain. Un rire franc et jovial, tout en restant distingué, et peut-être même un peu coquin, pour qui voudrait voir chez cette merveilleuse créature un fantasme vivant, un désir ardent, une obsession sans limite. Je la regarde simplement rire, et se redresser lentement en croisant mon regard avec une lueur complice et bienveillante, comme si rien que par la pensée, par ses yeux, elle essayait de me faire passer un message.
(Elle trouve que tu as bien choisi la personne que tu as emmenée avec toi, ce soir…)
(Ah ? Mais… Comment sais-tu ça ?)
(Je l’ai lu dans ton propre esprit mon amour. C’est ça que ton regard t’a inspiré.)
(Sans doute oui. Et je sais que Lillith saura se montrer à la hauteur de ce qu’elle attend. Même si… Je ne sais pas exactement ce qu’elle attend de lui…)
Pulinn regarde maintenant Lillith, et sa réponse ne tarde pas à arriver, alors qu’elle prend un air mutin et provocateur. Le même air qu’elle avait utilisé avec moi avant de tenter de m’embrasser suite à une remarque non moins provocante de ma part…
« Chaque personne, Lillith, a un énorme potentiel de séduction. Tu te fixes sur tes cicatrices et le douloureux souvenir qu’elles doivent t’apporter, mais les autres ne voient pas ça. Moi j’y vois une victoire, pour chacune d’elle. Une victoire contre la mort à laquelle tu as échappé. Un victoire à un combat que tu as mené. Elles respirent ta virilité, prouvent ta force autant physique que mentale. Car il faut être fort pour endurer de telles blessures. Tu vois Lillith. Ce que tu crois laid ne l’est peut-être pas autant que tu le crois, pour d’autres. La beauté est relative, comme toute chose de ce monde. Mais dis-moi, si tu trouves laides ces plaies refermées, qu’est-ce qui apporte satisfaction à tes yeux ? Que trouves-tu beau ? Qu’aimes-tu prendre plaisir à regarder ? »
Elle marque une courte pause, le temps pour elle de me jeter un rapide coup d’œil coquin, souriant plus fortement avant de poursuivre.
« …mis à part Cromax, bien entendu. Je ne doute à aucun instant le plaisir que tu ressens à regarder ton elfe gris, sa peau et son visage, son corps, ses mains, et tout ce qu’il inspire… Moi-même j’y prends beaucoup de plaisir, en fait… »
Je sens soudainement une chaleur m’envahir le visage. Son compliment me touche, mais je commence à la connaître. Oui, ce qu’elle dit est certainement sincère, mais il n’a aucune raison d’être si elle n’y trouve pas un certain intérêt. Le gris de mes joues fonce un peu sous la pulsion du sang sous mon épiderme incandescent, et je souris à la demoiselle qui a l’air de si bien manier l’art du compliment, tout en se procurant ce qu’elle désire. Cette conversation qui début ne manque pas de m’intéresser, et je garde pour le moment le silence, attendant la réponse de mon amant, curieux de savoir ce qu’il pourrait bien dire face à cette question qui, tout en restant dans la logique de la conversation, amène vers le but final de la gardienne des lieux, celui que Lillith ne peut deviner sans savoir ce que moi je sais…
L’elfe blanche conclut son discours dans le même temps, toujours aussi souriante, dévorant le visage marqué de mon glaçon.
« Mais j’espère ne pas attirer de jalousie en toi, humain. Sois assurée que je ne veux que ton bien. Cromax pourra te le confirmer, je pense. »
Son bien… Tout est relatif, comme elle le dit si bien. Oui, elle veut son bien, le bien de tus, l’épanouissement de chacun en ce lieu dédié au plaisir. Mais derrière ça, il est des choses plus secrètes, moins aisées à comprendre, à deviner, à cerner. Et c’est là le réel désir de Pulinn, au-delà de toute notion de bien être. Et c’est vers ça que moi aussi je dois tendre… Les mots de l’elfe sont pour moi un apprentissage. Une leçon en vue d’accéder au poste qu’elle m’a promis, et dont je me sens capable de supporter la tâche…
((( 69ème message du temple des Plaisirs )))
La demoiselle éclate de rire à mon aveu timide et se redresse pour me répondre. Une fois face à moi, elle me fixe avec un regard troublant, le même genre de regard que Cromax m'envoie à longueur de nuits.
« Chaque personne, Lillith, a un énorme potentiel de séduction. Tu te fixes sur tes cicatrices et le douloureux souvenir qu’elles doivent t’apporter, mais les autres ne voient pas ça. Moi j’y vois une victoire, pour chacune d’elle. Une victoire contre la mort à laquelle tu as échappé. Un victoire à un combat que tu as mené. Elles respirent ta virilité, prouvent ta force autant physique que mentale. Car il faut être fort pour endurer de telles blessures. Tu vois Lillith. Ce que tu crois laid ne l’est peut-être pas autant que tu le crois, pour d’autres. La beauté est relative, comme toute chose de ce monde. Mais dis-moi, si tu trouves laides ces plaies refermées, qu’est-ce qui apporte satisfaction à tes yeux ? Que trouves-tu beau ? Qu’aimes-tu prendre plaisir à regarder ? »
Chacun de ses mots me réconforte un peu plus, comme si ses dires devenaient parole divine et que j'y puisais une énergie nouvelle. J'acquiesce silencieusement à chacune de ses phrases, y trouvant un écho particulier et personnel.
(La résistance contre Caacrinolas ; la victoire face à la mort, que Cromax et moi, et quelques autres, avons traversé, explorant les champs désolés d'un Phaitos dont ne avons passé outre ; une force intérieure en moi qui éclate maintenant au grand jour, en dépit de tout ce que mon père pouvait penser...)Je bois littéralement ses paroles, les prenant pour vérité et les faisant miennes. Perdu dans mes envolées d'orgueil, je ne répond pas tout de suite à sa question, dont elle apporte de toute manière une réponse partielle en parlant de Cromax comme un pur objet de désir.
(C'est fou comme toutes ces filles lui tournent autour ! Je les comprends, mais entre elle, Atanya, Prunelle et Cheylas, j'aimerais bien une petite pause...)Mon teint rafraîchit par sa réponse reprend vite une couleur plus sanglante, cuisant mon visage d'une colère flagrante. Mais ce n'est pas vraiment une simple jalousie envers elle. Elle perce si facilement mes barrières. Elle sait où me toucher et comment le faire, que ce soit pour me renforcer ou me pousser à bout. Elle a deviné directement pour ma soif intenable...
Et le fait qu'elle dise ne vouloir que mon bien ne suffit pas à arranger mon point de vue, même si elle utilise Cromax comme argument d'autorité.
Un peu farouche, j'hésite quelques instants à poursuivre la discussion avec quelqu'un qui peut avoir autant le contrôle sur moi, mais je finis par flancher et tenter de continuer. Je dois bien ça à Cromax. Et puis un petit bout de ma fierté me dit qu'en étant prévenu et sur mes gardes, je pourrais toujours la devancer si ça tourne d'une drôle de manière... C'est ce genre d'orgueil qui mène à leur perte les plus grands, mais je suis loin de m'en rendre compte dans mon état.
Je réponds donc à sa question, gardant le silence sur le sujet brûlant qu'est mon amant polygame.
"Les montagnes.... J'ai toujours trouvé les paysages de cimes enneigées magnifiques. Mais j'ai pu voir de nombreuses choses magnifiques dans ma vie. Mais peu importe, elles sont si éphémères face aux montagnes éternelles."(Et plus encore, d'après ce que j'ai pu voir d'un futur mené par Oaxaca, l'horreur destructrice. La beauté des choses disparaitra d'autant plus vite...)"C'est là le défaut de leur beauté, et pourquoi je vénère la pur et immuable beauté qu'est Yuia. J'ai d'ailleurs poussé mes recherches magiques, car tu dois sûrement savoir que je suis cryomancien," rajoutais-je avec un regard appuyé,
"dans ce domaine."Malgré mon épuisement et le peu de mana qu'il me reste, je commence à me concentrer pour rassembler mes fluides au dessus de ma main. Comme je l'avais fait sur la plage de la première île de Verloa, et à maintes reprises pour m'entraîner depuis, je manipule les cristaux de glace pour former une sphère translucide répondant aux bougies des chandeliers par des dizaines de reflets iridescents.
Grâce à l'habitude et la répétition de cette manipulation, je m'en tire sans trop de mal et creuse quelques cratères pour que l'on y reconnaisse la lune.
Ma magie et mon esprit deviennent alors trop faible. Mon sort se termine et la lune de glace retombe dans ma paume. Je souris faiblement vers Pulinn et lui tend la sculpture qui ne tarderait pas à fondre vu la chaleur des lieux.
"Je commence à me débrouiller avec les fleurs, mais je ne suis pas vraiment en état ce soir de faire cet exploit." Cromax a écrit:
La réaction de mon amant aux paroles de Pulinn est troublante et visiblement très partagée. À un moment, il semble se satisfaire des compliments de surface que forment le discours de la belle, mais petit à petit, après une courte réflexion qui n’aurait sans doute pas pu aboutir à quoi que ce soit de conséquent dans son état, il semble s’en irriter, et je ne peux que m’étonner de voir de la colère sur son visage habituellement si paisible, placide, autant dans la joie que dans la tristesse ou dans la rage. Pulinn l’avait-elle calculée aussi, cette réaction ? Peut-être… Tout ce que j’en sais, c’est que je dois en prendre note mentalement pour mon apprentissage, pour ma formation. L’elfe a visiblement des tas de choses à m’apprendre, à m’enseigner, et je me surprends à tenter à chaque instant de discerner des tours de passepasse dans ses dires alambiqués et ses phrases à double sens, dont le second sens n’est compréhensible que par quelqu’un d’initié, quelqu’un qui sait ce qui se passe réellement ici, et qui sont réellement ces gens, autant les visiteurs que les gardes, ou même Pulinn, ou moi.
Je me sens un peu coupable, en fait. Je suis presque en train d’utiliser Lillith pour parvenir à des fins qui sont autres que celles dont je lui ai fait part, sans pour autant que je lui mente. Je ne sais si c’est là de la tromperie, si c’est déjà l’apprentissage de Pulinn qui s’éprend de moi, et pénètre mes habitudes, mes réactions, mon être tout entier et mes jugements, mes paroles et mes actes, moi qui autrefois était si impulsif… Peut-être est-ce là un signe de sagesse, peut-être aussi est-ce simplement le témoin d’une paranoïa nouvelle et encombrante, ou simplement le fruit de manipulations qui m’ont mené à me comporter comme cela, à diriger mon état, mon comportement. Je me place presque en analyste de la discussion qui se déroule, comme si j’y étais totalement extérieur bien que Pulinn ne cesse pas de parler de moi, de me rappeler à l’ordre intuitivement, d’attirer mon attention sur certains points. Je suis conscient que je vis là quelque chose d’important, et je vois comment elle parvient à faire dire ce qu’elle eut entendre par mon amant, que je n’aurais jamais cru capable de se dévoiler ainsi à une parfaite inconnue, qui semble trainer les rennes de la discussion comme elle l’avait fait avec moi.
Et en moi un sentiment étrange nait… Comme si je savais qu’il était impossible de ne pas entrer dans le jeu que joue Pulinn, comme si c’était évident de se laisser porter dans ses mots. Elle se présente comme une protectrice, comme une âme sœur, une amie. Il est dès lors étrange de vouloir mal réagir à cette manière d’agir… Et puis qui pourrait s’énerver, ou aller à l’encontre d’une telle beauté qui semble se mettre à notre service ? C’est ainsi que moi aussi je dois devenir, à ma manière et non à la sienne, et c’est pour comprendre ça que je suis ici. C’est pour que je sache que ce potentiel, je l’ai aussi en moi, et que ce n’est pas un hasard si c’est moi qu’Ils attendaient…
Revenant de mes pensées, je rattrape la discussion à l’instant où mon pâle flocon décrit avec amour et passion ce qu’il aime admirer, bien que je ressente dans ses mots une réserve nouvelle, comme s’il se méfiait de la belle. Je reconnais là mon Lillith, qui doute, qui n’accepte pas tout ce qui lui est présenté comme un bœuf inerte allant l’abattoir sans savoir que sa mort est proche. Lui, même s’il est condamné à mourir, il fera toujours tout pour savoir avec précision la manière dont il sera traité, et ce qui l’attend, s’il n’y a pas un moyen de s’échapper… Dans le cas présent, il n’y aurait aucune raison de s’échapper, mais je sens qu’il essaie d’en trouver une… Il est méfiant… Et malgré cette méfiance, il parle quand même, et va jusqu’à démontrer son talent de créateur en faisant apparaitre au dessus de sa main une petite boule de glace, qui se change bientôt en une lune réaliste et semblable à la vraie, qui se pare des mille flammes qui nous entourent dans la vaste salle du temple. Mes yeux brillent à cette apparition qui, une fois finie, est tendue comme un cadeau à l’incarnation de la perfection de ce lieu.
Pulinn a aussi l’air surprise, mais comme si elle savait déjà ce qui allait se passer. Elle s’émerveille simplement de voir Lillith se donner, se confier, s’ouvrir à elle en créant sa passion, ce qu’il aime. Elle le regarde presque avec avidité lorsqu’il tend à la belle son cadeau, qu’elle saisit avec précaution entre deux doigts habiles, tout en souriant et en gardant le regard fixé sur la lune de glace dont quelques gouttes d’eau commencent à perler pour tomber lentement sur le sol. Une s’entre elle glisse le long de la main de l’elfe, glaciale, lui arrachant un frisson visible, alors que sa bouche s’ouvre en un petit soupir. La perle liquide glisse le long de la peau nue de son avant bras, et avant que celle-ci n’atteigne le coude, elle est rattrapée par une langue habile. Pulinn garde là sa maîtrise totale de la sensualité qui est sienne, et c’est avec langueur et presque érotisme qu’elle récupère la petite goutte au creux de ses lèvres, pour la laisser glisser dans sa bouche suave et tiède…
Regardant la lune fondre lentement entre ses doigts de nacre, elle reporte le regard sur Lillith, et je m’apprête à poursuivre encore mon apprentissage quand je vois ses lèvres pulpeuses s’ouvrir pour parler encore, et répondre à Lillith…
« Si je ne savais pas ce que tu étais, il ne fait maintenant aucun doute que je le sais, désormais… l’information vient à qui sait l’attirer à elle… »
Je surprends un instant son regard sur moi, comme si ces paroles m’étaient plus destinées qu’à lui. Silencieusement, le hoche lentement de la tête comme pour répondre à cette nouvelle leçon. Sans savoir qu’il était cryomancien, elle lui fait croire qu’elle était pourtant au courant, et il lui a donc révélé en toute confiance, croyant qu’elle savait déjà. Et même là, il ne peut savoir si elle savait ou non qui il était…
(Splendide…)
Elle poursuit alors :
« Avec les fleurs ? Je serais curieuse de voir si la complexité d’une rose, que l’on ne peut faire que couche par couche, est à ta portée. Mais pour le moment, je me contente de ce cadeau, de cette lune. Mais toi qui parlais de beauté éphémère… N’y a-t-il pas une beauté plus éphémère que celle de la glace, qui à peine créée fond et se change en eau ? Regarde cette lune, elle sera bientôt réduite à néant, alors qu’elle est si belle. Pourquoi dis-tu que Yuia préserve cette beauté qui semble pourtant disparaitre si vite ? »
J'ai la satisfaction de voir l'elfe blanche se vêtir d'un air de surprise totale en contemplant ma création. Elle semble ravie de mon cadeau et le prend comme une sculpture de cristal qu'il faut protéger de tout choc. Bien entendu, la chaleur des lieux reprend vite ses droits et ma lune commence déjà à fondre, laissant apparaître des gouttes glacées sur la main de Pulinn, qui, avec grâce et candeur, fait courir sa langue sur son bras pour venir chercher une perle liquide filant trop vite.
Elle m'adresse ensuite des paroles étranges, laissant entendre que je me fourvoyais sur son omniscience et que j'avais complété sa connaissance de mon être. Mais peu importe en fin de compte, je ne cache pas mes dons, plus maintenant... Ce n'est pas comme si je lui parlais de ma famille.
Elle jette alors un regard mystérieux à Cromax, dont je n'arrive pas à comprendre le sens et que je préfère ignorer, le mettant sur le compte de ma fatigue. Elle continue ensuite par une question sur les roses à laquelle je répond par un simple sourire.
(Je me suis un peu avancé pour les fleurs... J'ai dans mes meilleures tentatives pu atteindre un total de 5 pétales, mais j'ai déjà les bases. Le reste viendra avec l'entraînement.)La suite me fait par contre très vite déchanter. Mon sourire agréable se fige un instant pour retomber sec. Je n'apprécie pas le terrain dans lequel on entre, d'autant plus que je n'ai pas tout éclairci à ce sujet pour le moment. Ma réponse aurait pu se mêler à un rire sarcastique pour masquer mes réelles pensées, mais je n'en ai même pas la force, ni l'envie à l'instant.
"Ne connais-tu pas la légendaire cité de Nosvéria ? La vraie glace est éternelle, si bien que même une flamme ne peut la vaincre. la maigre durée de vie de cet art repose sur le talent de son créateur, tout simplement..."Des sentiments contradictoires m'envahissent, surtout à la pensée de ma mère et de tout ce qui l'entoure. J'espère juste que Pulinn va vite reculer sur ce terrain car je ne sais pas trop comment je risque de réagir, entre ma méfiance et l'alcool courant encore mes veines, si on continue ainsi.
Cromax a écrit:
Les paroles de Pulinn concernant la rose me frappent de plein fouet, comme si une réelle révélation venait de m’être faite. Je ne comprends même pas comment je n’ai su y songer avant, une telle logique, sans faille, tellement sensée que désormais je ne souffre plus de la moindre hésitation sur sa capacité à fonctionner, ce qu’elle fait sans doute depuis plusieurs générations humaine, au cœur de ce temple. La rose… Elle ne se dévoile que couche par couche, d’abord les pétales extérieurs, les plus robustes, les plus solides, mais aussi les plus abîmés, qui s’étendent en de larges corolles rouges, offrant une indicible promesse de beauté et de parfum, bien que l’on n’en cerne pas encore l’essence suprême, à ce niveau…
Puis viennent les pétales internes, suivant la première ligne. Celles-là sont plus au courant de la beauté et de la senteur de la rose, bien que ça ne soit pour elles qu’un rêve lointain, peut-être même inaccessible. Et il en va ainsi jusqu’à ces pétales qui forment une couronne autour du cœur divin de la rose, le dernier rempart protecteur de ce cœur unique et tendre, si fragile, mais si beau et inaccessible. C’est cette couronne que j’apprends à atteindre, et Pulinn en fait déjà partie, en tant que gardienne de ces lieux. Et notre devoir est de protéger ce cœur, secret ultime du temple et de ce qui l’habite… Ce secret perdure depuis des temps immémoriaux, et il doit continuer à perdurer inlassablement, et c’est pour ça que je suis ici, et qu’on m’a confié ce rôle que je dois maintenant remplir, puisque j’en ai accepté le poids… bien que je n’aie pas réellement eu le choix…
(Bien sûr que si, c’était un choix !)
(Elle détient des secrets sur moi dont la révélation pourrait lourdement me porter préjudice… Je ne pourrais plus me présenter à Kendra Kâr, et serais chassé de la milice de Tulorim…)
(C’est donc un choix que tu as pris… Protection ou exclusion… Tu as bien fait d’opter pour le temple, c’était la plus sage chose à faire, mon amour.)
Ma discussion interne est interrompue par la réponse vive, et même un peu agressive de mon amant, qui semble se retrancher dans les derniers remparts protégeant ses propres secrets, sa propre vérité, qu’il la connaisse ou non. J’ai peur de la réaction de Pulinn à son égard, et de ce qu’elle pourrait faire à Lillith. Je sais sa force, et son pouvoir en ce lieu. Même s’il le voulait, Lillith ne pourrait pas rivaliser contre elle. La colère dont Pulinn pourrait se revêtir, bien que je ne sache si elle est à ce point susceptible, me fait peur, et je n’ai aucune envie de titiller cette rage en elle en la provocant. Inquiet, je pose une main légère et protectrice sur l’épaule de mon amant, tout en regardant fixement celle contre qui je ne peux me dresser.
Mais pour ma plus grande surprise, la seule réaction de Pulinn aux dires de Lillith est un sourire confiant et presque nostalgique. Elle lui répond d’une voix douce, lointaine presque, et son regard se perd dans le cou de Lillith alors que la lune est désormais à moitié fondue dans la main qu’elle a refermé sur la petite sculpture de glace sans sembler souffrir du froid que cela pourrait provoquer. Des gouttes filtrent entre ses doigts fins, et dégoulinent sur le sol ou le long de ses bras sans qu’elle s’en soucie.
« J’ai vu la cité de glace, Lillith. J’ai vu Nosveria et sa glace éternelle. J’ai vu la beauté froide de ses murs, de ces places et palais. Alors oui, je sais combien la glace est belle et durable… Mais une telle beauté n’est-elle possible que sur ces terres éloignées ? Tu parles de créateur… Imagine une cité entière construite avec la plus grande puissance de Yuia en personne. Tu n’as jamais été là-bas, sur les plus hauts sommets des Monts Eternels. Prétends-tu un jour être capable d’égaler cet art, Lillith ? Quel est ton but ? Y aller et la contempler ? L’imiter ou… surpasser ce qui a pu être fait là-bas ? »
À ces derniers mots, son regard est comme flamboyant d’une lueur envieuse et presque inquiétante, bien que cette lumière fait sans doute plus partie de mon imagination que de ce qui se passe réellement. Mais une vraie convoitise, une vraie admiration se pose dans ces yeux laiteux qui me regardent maintenant avec un sourire satisfait avant de se reposer sur ceux de Lillith, dans l’attente d’une réponse. De mon côté, je n’ai toujours pas déplacé ma main de l’épaule de mon glaçon…
Comme pour me soutenir dans cette discussion qui devient électrique entre moi et Pulinn, Cromax me pose une main sur l'épaule. J'apprécie ce contact doux qui vient à point nommé. En baissant un peu la tête, je touche tendrement le dos de sa main avec mon menton.
Mais l'orage ne vient pas, malgré mes quelques paroles peu diplomates. Le visage de Pulinn se couvre d'un sourire faible, comme au rappel d'un bon souvenir. Et quel passé ! Lorsqu'elle annonce d'un ton tranquille qu'elle a connu la cité millénaire de ma déesse, je tombe des nues et c'est avec un air béat au visage que je la fixe. La bouche entrouverte, j'ai du mal à me retenir de lui couper la parole pour lui en demander plus. j'ai tellement soif de connaissances sur le sujet que ma gorge recommence à me brûler, ou du moins, m'en donne l'impression...
Mais la suite coupe cette course à l'information, car elle a réveillé une toute autre partie de mon être. Enfin, après très longtemps, on oriente mon esprit vers l'avenir. Moi qui demeurait reclus dans mon passé, ou au mieux vivait l'instant présent au jour le jour... Et elle, Pulinn, a soulevé pour la première fois de ma vie la question de mon futur. Et la graine de l'ambition germe d'un coup dans mon être, ravissant le peu de logique qui n'était pas inhibé par l'alcool.
"Un jour, j'irais là-bas, et j'apprendrais de ma déesse."Je sers le poing et le tend haut pour montrer une détermination toute nouvelle. Je penche aussi mon buste en avant comme pour me lever, mais mes jambes sont trop branlantes et la main de Cromax me dissuade de cette bêtise. Je poursuis néanmoins sur ma lancée.
"Oui, c'est ça. Un jour, je perfectionnerai cet art. Et j'irai le plus loin possible, je ferai aussi bien que Yuia, non pas en l'imitant, mais en suivant ma propre voie. Et s'il le faut, j'amènerai une nouvelle ère glaciaire pour rendre immortel le monde que je créerai !"Je me surprends moi-même à chacun de mes mots, grimpant toujours plus dans les octaves. A la fin, ma voix était claironnante et sûre d'elle, bien plus que je ne le suis en réalité quand je suis sobre. Je lis dans le regard de Pulinn le reflet de ma propre ambition grandissante.
Je reste figé dans un sourire carnassier, l'air encore un peu rêveur.
Cromax a écrit:
Pulinn a touché juste ! Ses paroles, bien qu’elles n’aient pas la même signification pour moi que pour mon doux flocon émoustillé, ont directement frappé là où elles devaient arriver, et Lillith se voit changé, soudainement motivé par les mots de l’elfe blanche, ragaillardi par une promesse, une impulsion qui a explosé sous mes yeux sans que j’en comprenne le sens. Je ne connais pas Nosveria, la mythique cité dont ils sont en train de parler, et je ne peux donc pas saisir totalement le sens de cette discussion qui petit à petit m’échappe. Mon attention diminuée par l’alcool dans mon sang ne tient plus la route, et c’est avec difficulté, mais presque plus de compréhension, que je vois Lillith commettre des gestes vainqueurs et déterminés. Quand il tente de se lever, ma main reste comme accrochée à lui, et le retient presque dans son élan. Peut-être est-ce mieux ainsi. Il aurait peut-être commis un impair à chuter devant la belle Pulinn, reine de mon admiration du moment. Il reste donc assis, mais ma main, elle, tombe sur ses genoux, et je la récupère sans même y faire attention, trop troublé par le changement qui vient de s’effectuer chez l’homme des glaces.
Je ferme un instant les yeux, pour me remettre de cette vue plus très nette qui semble échapper à toute mon attention déviante. Lorsque je les rouvre, l’elfe et l’humain se taisent, tous les deux perdus dans leurs pensées lointaines et mémorables, ou pleines d’une ambition nouvellement trouvée. L’un comme l’autre ont le regard vide, clair, éloigné. L’élan de folie de mon amant des montagnes ne m’a même pas plus surpris que ça… Il est spontané, et je suis bien placé pour le savoir, même si une telle fougue est rare chez lui…
C’est alors que je remarque un laquais, une sorte de serviteur en tenue rouge, pareil à celui qui m’avait apporté cette douce liqueur mielleuse, au cours de l’après-midi. Il est posté à côté de la gardienne magnifique du temple, et semble attendre la fin de sa béatitude contemplation mentale avec quelque peu d’impatience, bien que n’osant pas la troubler dans ses profondes pensées. Et elle ne tarde pas à revenir à elle, regardant Lillith, puis moi, pour enfin poser son regard sucré et clair sur l’homme en tenue de service, alors que je suis déjà suspendu à ses lèvres, curieux de voir pourquoi il interrompt un si bel échange… Mais ma curiosité n’est pas ici satisfaite, puisque l’homme se penche vers la belle elfe et lui susurre doucement tout un discours à l’oreille, s’assurant que nous n’entendions pas ce qu’il a à dire en plaçant une main presque en travers de sa bouche, n’osant pas non plus toucher la peau satinée de Pulinn, comme s’il s’agissait là d’un sacrilège que de l’approcher de trop près.
Après une dizaine de seconde de blablatage intempestif, répit durant lequel je prends les mains de mon amant dans les miennes pour lui sourire sincèrement, lui adressant à distance un petit baiser aérien lui prouvant tout mon attachement, Pulinn congédie le laquais d’un élégant geste de la main, un sourire radieux et coquin collé sur les lèvres et sur tout le visage. Elle se tourne alors vers nous et nous annonce d’une voix qui susurre et murmure :
« Je crois qu’il serait plus agréable pour nous de poursuivre cette conversation loin de regards ou oreilles trop curieuses, mes doux seigneurs… Suivez-moi, et souffrez que nous devenions tous trois plus intimes… »
Elle se lève alors d’une manière plus gracieuse et féline que jamais, nous laissant intentionnellement, mais presque innocemment, profiter du décolleté plongeant et généreux de son corsage évasif et féérique, qui ne semble plus cette fois contenir de lettres ou autres papiers privés et secrets, mais juste sa poitrine délicate et frémissante, quoi que sur le coup, c’est plutôt mon être tout entier qui frémit du bonheur que me procure cette vision enchanteresse… Son geste est suivi d’un déhanché langoureux suite auquel elle nous tourne le dos avant de partir vers une des alcôves bordant le bâtiment, près de laquelle elle s’arrête avant d’écarter doucement les lourdes tentures pourpres pour se glisser à l’intérieur.