Délesté de sa cape et de son épée, Aztai se laissa tomber comme une souche sur sa couchette. Immobile, il fixa un moment la toile de sa yourte avant de se retourner sur le dos et de se frotter les paupières. Même si les repas n'avaient pas été fructueux pendant le voyage, la fatigue l'emportait sur sa faim et il ne pu que s'excuser auprès de Zénith:
(Je ne pense pas tenir jusqu'à la fin de ton histoire si intéressante soit-elle) (Non en effet, mais le temps ne manque pas. D'ici notre retour à Henehar nous en trouverons)
Le silence s'imposa où l'on entendait que le souffle paisible du woran neige.
(J'ai encore du mal à imaginer l'ampleur de ce qui m'arrive. L'ancienne faera de mon dieu qui accepte de m'accompagner) (Haha après tout je ne suis pas si exceptionnel que ça) (Pense-tu! Tu as connus Meno, rien que ça te classe à un rang supérieur!) (Peut-être... toi aussi auras-tu la chance de le rencontrer un jour) (Peu plausible qu'un dieu descende de là-haut pour me serrer gentiment la patte) (Alors c'est toi qui ira si c'est ton choix! Sur l'île volante Nyr' tel Ermansi, cité des elfes dorés!) (L'île des dieux...)
S'imaginer une telle chose rendait le woran tout petit, insignifiant.
(Peut-on réellement s'y rendre?) (Pourquoi pas? Aventuriers, fidèles, champions... nombreux sont arrivés au sanctuaire des dieux, ils en avaient la volonté et la force) (Ce doit-être tellement gratifiant...) (C'est une preuve de bravoure et de foi que de monter les marches de ce sanctuaire)
Aztai était sur le point de répondre lorsqu'une fulgurante douleur le cloua au lit.
-M...merde! Argh! (Qu'est-ce qu'il se passe?)
La douleur était lancinante, le fauve se teint la gueule à deux pattes. Et puis, l'image du dieu pieuvre fit surface dans son esprit, une nouvelle crise le saisissait. Le félin sentit l'esprit de sa faera affecté, il perçut un soupçon de frayeur qui ne le rassura pas.
(Aztai! Qu'est-ce que c'est?!)
La voix de la faera semblait lointaine, la malédiction des mines de Lehber le dominait. Incapable de faire un mouvement, Aztai était parcouru de violents tremblements, il était vulnérable au plus haut point.
(Aztai!) (Zén... Zénith)
La lutte semblait perdu d'avance. Si Zénith restait plus spectateur qu'autre chose, l'esprit de la faera laissait voir une impuissance et une détresse grandissante. La douleur ne l'affectait pas mais la vue de son maître en danger paraissait insoutenable pour lui. Le woran se tordait toujours de douleur, cette image scotché dans le crâne, des milliers d'aiguilles lui transperçant l'esprit.
(Dis-moi quoi faire!)
Le fauve était dans l'incapacité de réagir, jamais il n'avait eut une telle crise. Son osmose avec la faera était-elle l'élément déclencheur? Il n'en savait rien mais continuait ce combat perdu d'avance contre la malédiction. Les yeux focalisés sur son épée posée non loin de là, il devait évacuer la souffrance. Zénith sembla calculer son idée et s'interposa:
(Résiste, il y a forcément un autre moyen!)
Une idée fixe empêchait le félin d'écouter Zénith, il commença à ramper vers sa lame.
(Du... sang!) (Reprends-toi par Meno!)
C'était une lutte intérieure intense où la faera n'avait pas sa chance, l'obsession du félin l'aveuglait. Il réussi à atteindre le fourreau en cuir du bout de la griffe.
(Je t'en supplie!) (Il faut...)
Dans un élan de rage, le fauve s'empara du pommeau de l'arme. D'un revers maladroit il tira la lame au clair.
(Meno, par pitié!) (Il faut... du sang!)
Possédé, le fauve posa un bras tremblant sur le fil de l'acier, ignorant la voix suppliante de Zénith.
(Du sang!)
D'un coup sec, le félin s'entailla très profondément l'avant-bras gauche, faisant gicler le sang le long de l'épée. Ce n'est pas un hurlement de douleur qui s'évada de sa gorge mais bien un râle de soulagement. L'image du dieu pieuvre s'estompa immédiatement, en quelque secondes le fauve retrouva la totalité de ses forces, comme revigoré. Reprenant lentement ses esprits, il sentait à présent la plaie. Chaque battement de son coeur amenait une vague de douleur, il posa très vite une patte afin d'arrêter le flot de sang.
(Qu... tu m'expliques?) Fit la voix timide de Zénith (j'ai été maudit il y a plusieurs semaines)
Le woran se leva et accourra vers son sac d'où il tira une potion. Retirant le bouchon avec ses crocs, il tira quelques lampées et attendit que la plaie ne se referme toute seule. Une foule de question lui venait en tête, et Zénith ne pouvait y répondre.
(Une malédiction?)
Le félin lui conta rapidement son aventures dans les mines de Lebher et du faux dieu pieuvre.
(Il m'arrive de faire des crises mais jusqu'à présent, jamais elles ne m'avaient poussé à passer à l'acte) (Passer à l'acte? Tu parles de te taillader le bras?) (C'est la première fois... Il fallait que je le fasse, pour soulager la douleur) (Tu n'étais pas conscient?) (J'étais comme obligé, comme si ma vie ne tenait qu'à ça. Il fallait que je fasse couler le sang, mon sang. Tout de suite après, je me suis senti comme en pleine santé...) (C'est ce que j'ai cru sentir... le changement était flagrant, je n'ai jamais vu ça) (Je dois me débarrasser de cette malédiction, à tous prix. Imagine que ça m'arrive en plein affrontement, je me vois mal devoir me trancher les poignets devant mes ennemis) (C'est pas faux... c'est une situation inquiétante et en même temps... fascinante) (Tu trouves?) (Ta malédiction te pousse à verser ton propre sang, de ta main, mais elle ne te tue pas. La preuve, tu as dis toi-même te sentir en pleine forme juste après, si on excepte la douleur causée par la blessure) (C'est vrai... si la malédiction devait me tuer, je ne me sentirai pas en meilleur forme juste après. Et puis, c'était comme un appel au sang, pas un appel à la mort sinon je me serais transpercé le coeur avec cette épée) ("Appel au sang...")
Aztai sentit une lueur de compréhension dans l'esprit de Zénith.
(C'était un tribut) (Un genre de sacrifice?) (Oui un tribut! J'ai vu aussi clairement que toi la gueule du dieu pieuvre dans ton esprit, elle a automatiquement disparue dès la première goutte de sang versée. Comment t'es-tu senti après ça?) (Je... me suis senti renaître) (La récompense de ton tribu. Cette malédiction te pousse à verser ton propre sang, mais elle t'apporte une vague de force derrière) (Paradoxal... se mutiler pour être plus fort. Je donne mon sang à ce faux dieu pieuvre et il m'accorde son pouvoir) (C'est à peu près ça je suppose)
Un moment de réflexion s'imposa. Ce pouvait être un véritable atout, mais aussi un piège. Les autres mercenaires, Ziresh, Amarante, Selen, Serpent, Depheline et Trà Thu étaient-ils affectés de la même manière? Amener le bien par le mal, la force contre le sang...
(Mouai) (Tu veux mon avis?) (Cette malédiction fera plus de mal que de bien, non?) (Il faut nous en débarrasser)
Une vague de gratitude emplit le coeur du tigré à l'idée de ne pas se retrouver seul face à cette nouvelle épreuve.
(Ouaip, on va s'en débarrasser!)
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Dernière édition par Aztai le Jeu 27 Déc 2012 14:58, édité 1 fois.
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