Le woran neige, pensif, décrocha son ceinturon d'où pendait sa lame en os de fulminaire. Il le laissa à l'entrée de la tente et rejoignit Lictaria sur la peau d'ours. Adoptant la même position que la femme, il s'asseya en tailleur face à elle. Le silence s'imposa et apparemment, aucun des deux n'était prompt à le rompre. Il n'y avait que le tumulte des hommes de fenris dehors qui parvenait à leurs oreilles. Lictaria semblait jauger une fois de plus son hôte velu, un respect dans le regard. Enfin, elle ouvrit le sujet par une simple demande:
-Raconte-moi ton histoire Aztai.
Le félin conserva le silence. La magicienne comprit qu'il ne s'agissait pas d'une réponse négative mais bien d'une épreuve pour le fauve, et qu'il devait s'y préparer.
Pendant plus de deux heures et pour la première fois, Aztai remémorait son aventure, les causes de son arrivée ici. Il fit tout d'abord part de sa vie dans sa tribu, pendant ses vingts premières années, parlant de son amitié toujours d'actualité avec Waor, celui qui l'avait élevé. Il n'omit pas un seul sentiment, le fait que cette vie lui manquait même si aujourd'hui, il se sentait plus mûr, plus responsable de son destin. Puis, il arriva au douloureux moment de sa capture, le début de la fin. Torturé par le Monarque, un capitaine de la Milice Kendrane infiltré, mais surtout un redoutable serviteur d'Oaxaca. Avec des sanglots de rage, Aztai raconta à Lictaria comment ce chien avait décimé toute sa tribu uniquement pour ses expériences personnelles: le sang de woran entrant dans la composition d'une potion aux effets dévastateurs... "Le Fléau des Ombres" se souvint le félin, décuplant les capacités physiques d'un être au point de le tuer. Et puis Rudy était venu les sauver, lui et son ami Waor, avouant par la même qu'Aztai n'était autre que son fils. Si le woran neige se rappellerai à jamais d'un moment heureux, ce serait celui-ci. Après avoir réduit en cendre le manoir du Monarque, le trio avait fuit Kendra Kâr, en partance pour Ambervalle. Ambervalle... un peuple de worans cachés dans les forêts aux pieds des montagnes de Nirtim, fidèles de Meno. Leur aide fut une bénédiction pour Aztai, et leurs croyances une libération. Encore une fois le fauve fit part à Lictaria de toutes ses pensées à propos des worans d'Ambervalle et de la confiance qu'il leur attribuait. Il parla aussi de son ouverture d'esprit envers le dieu du feu, adoptant alors son culte. Sous les conseils de l'Ancien, le chef de la cité woranne, il était parti en quête des épaulettes, un trésor inestimable.
-Je comprend mieux à présent, coupa la magicienne avec un sourire. Il n'y a qu'un seul forgeron pour confectionner un tel chef d'oeuvre...
Le félin n'osa demander qui, même s'il avait une idée bien précise, tellement cela semblait incroyable...
-Continue je t'en prie.
Aztai vint alors à un moment difficile, un tourment dans son aventure: sa capture chez Raven. Cette femme était capitaine d'une armée, au service d'Oaxaca elle aussi. Le woran neige avait pourri comme gladiateur dans le camp avec Achille, un vieillard malin et fiable, malheureusement mort dans ses bras lors de leur fuite. De retour à Ambervalle, Aztai avait fait part d'une mauvaise nouvelle: l'armée de Raven, constituée de la vermine de Darhàm et de soldats plus compétents, venait à leur rencontre, en but de marcher sur le peuple. Les worans s'étaient alors mis en conditions: entrainements, retraite des plus faibles dans les montagnes et stratégie pour contrer la future offensive. Entouré de ceux qu'il chérissait, Aztai s'était dressé alors dans la bataille, tuant sans pitié ses ennemis. Par le force, leur foi et leur volonté, Ambervalle tenait bon, prenant même l'avantage sur le camp ennemi, à trois contre un. Mais Raven n'était pas venue seule, et le Monarque s'était invité à la fête, décimant alors les worans par dizaines, sonnant leur retraite et leur fin...
Aztai versa des larmes lorsqu'il conta ce passage. Son coeur était serré à ce souvenir, Lictaria, elle, avait les yeux humides. Le woran fit une pause, exorcisant par sa tristesse ces souvenirs lugubres.
-L'Ancien m'a envoyé ici alors qu'Ambervalle tombait. Mon père Rudy, Waor, Gaora et tous les autres, j'ignore même s'ils sont en vie. Il m'a sommé de venir vous voir, convaincu par Gaora. En plus de cela, il m'a fallu, pour avoir un guide tel que Markhus, débarrasser les mines de Lehber d'une monstruosité et chacun de mes compagnons et moi-même avons été affligés d'une malédiction: je suis constamment plus faible. Je ne sais pas ce que je cherche, je ne sais pas pourquoi, soupira Aztai. Comme je vous l'ai dit, mon coeur est emplit de colère et de tristesse, il n'y a que peu de place pour l'espoir... l'Ancien place une trop grande confiance en moi, c'est un fardeau que j'ai peur de ne pouvoir supporter plus longtemps.
Le silence s'imposa enfin, pansant les blessures du woran ravivées par son récit. S'il ne conterai pas son histoire de si tôt, il se sentait moins tourmenté, moins oppressé. Lictaria était prise dans la réflexion.
-Oaxaca... commença la magicienne. Oaxaca n'est pas ton ennemi principal.
Le fauve prit un air sceptique et hocha la tête:
-Bien sûr que si!
-A un certain degré, oui, mais c'est sur le Monarque que tu dois porter ta haine! Certes il ne faut pas oublier Oaxaca, mais c'est lui qui est à l'origine de ton malheur. Te dresser devant la déesse ne sert à rien si cette être est encore vivant. Sa mort apaiserait tes souffrances, elle t'apporterait la confiance et l'espoir dont tu as besoin.
-Et pour le moment? Comment le vaincre si je n'ai pas déjà cet espoir! Il n'y a personne que je hais autant, même Raven n'est que son pantin, sa mort ne m'apporterait rien!
A première vue, Lictaria ne sembla pas pouvoir répondre à cela. Et puis:
-Je pense pouvoir t'apporter indirectement cette aide, mais la patience sera de rigueur...
_________________
Dernière édition par Aztai le Mer 31 Oct 2012 16:48, édité 1 fois.
|