La pierre entre ses mains palpita d'une étrange lueur. Étrange, elle n'était pas ainsi, avant. Mais il y avait plus urgent.
L'individu sembla réfléchir à ses paroles, et, pendant un instant, le jeune homme eut un semblant d'espoir. Mais finalement, ce fut un discours d'insulte qui suivit. Il l'accusait d'être un nécromancien porteur de mort et briseur de lieu sacré. Il lui demandait même de rendre le cristal, dont il ne serait pas digne ! Il ne comprenait pas qui était Oaxaca, ni la nature de la guerre. Azra ouvrit des yeux ronds.
« La voix à l'entrée était mieux informée que vous ! Laissez-moi vous expliquer... »
Il faisait de son mieux pour rester calme et posé. Il n'était pas en situation de force, ce n'était pas le moment de s'énerver, même si ce type était vraiment agaçant ! Marre de ces gens qui le jugeaient à son apparence ! Il se concentra pour répéter la légende qu'il avait entendu raconter :
« Sur mon monde, Yuimen, une entité divine du nom d'Oaxaca sème le chaos. Elle a ressuscité treize des pires criminels de tous les temps pour qu'ils mènent ses armées à la bataille, car elle cherche à conquérir le monde. Mais sur Yuimen, la résistance s'organise et, pour l'instant, malgré plusieurs victoires, elle est tenue en échec. »
Il prit une inspiration. C'était le cas pour l'instant, en effet... et cela risquait de tourner prochainement ! Si seulement cette garce était resté auprès de son père, Thimoros, elle aurait eu les fessées qu'elle méritait ! Et sans doute aussi d'autres qu'elle ne méritait pas, on parlait de Thimoros, quand même...
« Elle a donc décidé d'utiliser des... sortes de portes vers d'autres mondes pour continuer sa progression. Elle est maintenant venue conquérir le vôtre en vue de trouver un autre passage vers le mien. Ses troupes ont soumis Elscar'Olth et ravagé Esseroth, massacrant la population au point que j'ignore même s'il reste des esserothiens en vie. Les gens de mon monde ont appelés des aventuriers comme moi pour défendre votre monde. Hélas, je suppose que nombre de mes compagnons sont mort à Esseroth. Je suis arrivé trop tard pour la bataille, mais en chemin j'ai rencontré les Ol'Toga, et ils ont été touché par la gravité de la situation et la détresse de leurs voisins. Ils m'ont aidé à reprendre la ville aux armées d'Oaxaca. S'il reste des esserothiens en vie, ils pourront venir s'y réinstaller, car je ne revendique aucunement sa possession. »
Il décida de ne pas insister sur son lien avec les Ol'Toga et son désir de vivre parmi eux. Visiblement, ces gens ne les aimaient pas. Il ajouta tout de même :
« Les morts de Jesuir ont livré bataille alors qu'ils n'étaient pas encore directement menacés. Mais ils ont compris que la menace viendrait un jour ou l'autre. Ils ont compris que d'autres avaient besoin de leur protection. Et ils m'ont appris que cette guerre allait à terme ravager votre monde car elle pourrait réveiller d'antiques titans. Je n'en sais pas plus, mais cette perspective semblait les terrifier. Mais évidemment, cela, Oaxaca s'en fiche ! Son armée s’apprête à détruire Andel'Ys, elle a peut-être même déjà commencé ! Les Ol'Toga ont compris que dans ces heures de ténèbres, seule l'union des peuples pourrait mettre un terme définitif au conflit, avant que le cataclysme ne se déchaîne. Et cela, je n'ai vu aucun autre peuple en avoir une telle conscience, ni avoir la sagesse d'agir en conséquence... »
Il insista sur le « aucun » pour marquer qu'il lui semblait bien qu'il était tombé sur un nouveau peuple sans cette sagesse. Sa voix s'adoucit :
« Si, il y a eu un homme pâle, qui a tout fait pour vaincre l'ennemi à Esseroth. Il a finalement été tué, lui aussi. »
Azra sentit sa gorge se serrer et sa voix s'étrangler. Il n'avait même pas pu lui donner une sépulture décente... Il se reprit, ce n'était pas le moment de flancher. Surtout pas après le sacrifice de Karin.
« Au prix de cette bataille, j'ai récupéré ce cristal, qui était entre les mains des bouchers qui avaient massacré les civiles de cette cité. Allez-vous me dire qu'ils étaient plus dignes de cet objet que moi ? »
Enfin, il termina sur le dernier sujet :
« Vous m'accusez d'éveiller les morts. Oaxaca aussi, le fait, ainsi que nombre de ses serviteurs. Mais moi, j'essaie d'user de ce pouvoir pour aider les gens. Croyez-moi, j'aurais aimé être un beau paladin brillant à l'armure de karature, nul doute que vous m'auriez mieux accueilli, mais je n'ai pas eu mon mot à dire sur la question. Je suis ce que je suis, ni plus, ni moins. Est-ce un crime ? »
Dans sa tête, Arek, visiblement inquiète de la tournure des choses, lui rappela qu'il agissait sur les spectres, des âmes en souffrance, lui expliquant certaines implications. Il transmit donc :
« Je donne à ceux qui sont mort dans la souffrance une chance d'agir et de se réconcilier avec la vie. Je conçois que cela puisse vous répugner, mais regarder le feu autour de vous : le feu éclaire, mais il peut aussi détruire des cités entières. Est-il maléfique pour autant ? Le bien ou le mal n'est pas déterminé par ce qu'on est, mais par ce qu'on fait. Si vous pensez que je suis indigne de ce cristal et que vous valez mieux que moi... »
(Oh non, ça c'est une mauvaise...) commença Chandakar.
« Alors je veux bien vous croire, mais il va falloir me le prouver ! Prouvez-moi que vous êtes bons, justes, méritants... plus méritants que quelqu'un qui se bat pour défendre votre monde d'une invasion. Pour vous défendre vous, même indirectement... Alors, je vous remettrais cette gemme. »
(… idée... Bon. J'aurais été ravi de te connaître. Adieu.)
(Je crois que le moment est bien choisi pour te le dire : tu joues avec le feu.) souffla Arek
(J'aurais essayé...) pensa le nécromancien en se raidissant, conscient qu'il vivait peut-être ses derniers instants.
(((1113)))
_________________
David le nerd
|