L’homme ramena une chaise roulante pour s’assoir à côté de moi, et se présenta sous le nom de José. S’asseyant, il m’observa quelques secondes avant de me demander comment pouvait-il m’aider.

- « Eh bien, commençai-je, quel est le nom de cette machine, comment s’en sert-on, comment obtient-on des informations avec…Aussi, j’ai vu des téléphones en plus grand format : comment les nomme-t-on ? En fait, tout ce qui est technologique m’est inconnu. Si vous pouviez m’apprendre le maximum de choses dessus, ce me serait utile. »

José. Un nom qui n’était pas Oranien, assurément. Je le dévisageais, tentant d’enregistrer le maximum de détails à propos de lui. Il devait d’ailleurs me trouver étrange, pour ne pas connaître ce qui semblait élémentaire à leurs yeux. J’en éprouvais à la fois de la honte, et de la fierté. Je connaissais tout un monde qui leur était inconnu, avec son savoir, sa culture, ses langues, mais en même temps ce n’était pas dans ce monde que j’étais et ici vu mon manque de connaissances j’étais aussi vulnérable qu’un oisillon dans son nid, pour reprendre la métaphore de Tina.
Je sortis mon téléphone de la poche, et ayant une idée pour partager ce qu’on allait m’apprendre aux autres, je me retournais vers José en lui montrant la petite machine devant moi.

- « Et…aussi…je me demandais…est-il possible de montrer ça à une personne éloignée avec le téléphone ? Qu’elle voie précisément ce que je veux lui montrer même si elle n’en connaît pas le nom non plus ? »

Ce qui me serait utile pour montrer cette machine aux autres, leur en donner le nom et une rapide explication de son fonctionnement quand j’aurais compris comment s’en servir. Avec une petite pensée pour Ama A’as, qui ne serait pas contente à l’idée de devoir déchiffrer mon message. Devais-je l’appeler elle pour lui expliquer ? Enfin, je doutais qu’elle ait à s’en servir, vu qu’elle avait dit qu’elle ne comptait pas lire mais plus trouver une taverne pour obtenir quelques informations, l’alcool déliant les langues. Mais ici les personnes du troisième âge devaient certainement savoir comment s’en servir…un petit dilemme s’offrait à moi. Bon, l’information c’est de l’information et c’est toujours utile, alors je trouverais bien un moyen de lui envoyer. Sans qu’elle ait à lire. On ne sait jamais ce dont les personnes âgées sont capables.

Et d’ailleurs, Tina, Ama A’as, Vadokan, Lelma et Fenouil devaient s’être trouvées une bonne histoire qui expliquait leur manque des connaissances élémentaires sur Izurith, ou leurs particularités, ou leur savoir pointu sur certains sujets qu’un Izurithien ne maîtrisait pas alors que moi je n’avais pas eu le temps d’inventer quelque chose. Je n’ avais pas d’idée pour une bonne histoire assez réaliste, et tous les scénarios que j’imaginais ne me semblaient pas bons…Je me débrouillerais bien sur le moment pour trouver quelque chose, et puis ce devrait être la dernière de mes préoccupations pour le moment. Je regardais José avec curiosité, que savait-il que je ne connaissais pas encore ? Je voulais tout apprendre.

[507 mots]

José sembla étonné de mes demandes, surpris que je ne connaisse tout ceci. Il bredouilla qu’il supposait pouvoir me montrer quelques rudiments, et qu’en prenant une « vidéo » je pouvais certainement montrer à d’autres ces machines.

Je ne connaissais pas sa signification, mais le mot vidéo me plut bien, donc je m’en contentai, et appris qu’il s’agissait de pouvoir capturer dans cet appareil le son et l’image en même temps. Je pris une minuscule vidéo avant de l’effacer, en appuyant sur une icône. J’appris également que les machines d’en face s’appelaient des ordinateurs, et m’expliqua tout ce qu’il y avait à savoir pour les utiliser, ce qui me paraissait vraiment compliqué ne l’était pas en vérité. J’appris à faire une recherche, et d’autres petites choses utiles. Vraiment, ces ordinateurs nous facilitaient la vie, mais je préférais tout de même chercher moi-même.

Je me tournai vers José, qui m’avait patiemment appris le minimum à savoir.

- « Merci beaucoup. Ça me sera bien utile. Mais dites-moi, si je peux prendre une vidéo, existe-t-il un moyen de juste prendre la voix ? » demandai-je.

Car s’ils lançaient la vidéo par erreur, les gens autour sauraient qu’ils ne savent pas s’en servir, et cela pourrait leur porter préjudice. Or, être un boulet pour les autres…très peu pour moi. Pour Ama A’as, je prendrais une vidéo, c’était sûr, mais pour les autres qui semblaient tous savoir lire, une photo avec un message suffirait. Je pris une photo de l’ordinateur, du bouton pour l’allumer, de la souris, de l’application à lancer, de la barre de recherche, du clavier et incluant tout le monde sauf Ama A’as, je tapai mon message.



Je l’envoyai à tout le monde, puis dans l’ordre j’envoyai l’ordinateur, le bouton, la souris, l’icône de recherche, la barre de recherche et le clavier, avant d’éteindre mon téléphone pour avoir la réponse de José.

Cependant, je me posais encore la question. Était-ce utile d’envoyer une vidéo à Ama A’as ? Si elle faisait des recherches, elle ne saurait même pas lire le résultat. Et je doutais qu’elle sache écrire si elle ne savait pas lire, les deux allant de pair. Qui plus est, si je faisais une vidéo, ce ne serait pas discret car pour être enregistrée il faudrait que je parle assez fort, et les autres m’entendraient. Je pris finalement la décision d’envoyer une image de l'ordinateur quand j'apprendrai à le faire, et d’enregistrer un message, afin de savoir si elle voulait savoir comment on s’en sert et comment envoyer des messages audio aux autres, si elle ne savait pas écrire, quand je serais sortie de la Bibliothèque.

[554 mots. Puisqu'il lui a appris à faire une vidéo, j'ai supposé qu'il lui a également appris à faire une photo.]

Après que José m’ait montré comment enregistrer ma voix, ce que je trouvais vraiment amusant, il se leva et me salua, devant aller travailler. Reconnaissante, j’inclinai ma tête devant lui pour le saluer en retour :

- « Merci José ! Bon courage alors. »

Ne lui accordant plus d’attention, je la reportai sur l’ordinateur en face de moi, et lançai une recherche dans plusieurs « onglets ». Dans le premier, je lançai une recherche sur la Maison Valaï. Dans les autres, je lançai une recherche sur chacune des Maisons, la Maison Kobayashi, la Maison Francisque, la Maison Angloise, la Maison Kartage et la Maison Atalante, afin de voir ce que je trouverais dessus.

En attendant, j’ouvris mon téléphone, afin d’enregistrer un message pour Ama A’as.



J’envoyai donc le message et les photos correspondantes, avant de me reconcentrer sur la recherche. Je me rendis compte que c’était un peu stupide, il devait y avoir des centaines de choses sur eux. Et pour aussi intéressant que ce puisse être, chercher pendant des heures…

Il valait mieux me concentrer pour en apprendre un peu plus sur leurs membres respectifs, afin de pouvoir les approcher. Dans chacun des onglets je choisis donc d’arrêter la recherche afin d’en faire une sur les Izurithiens faisant partie de cette famille. Je voulais aussi savoir où se trouvait leurs lieux de vie respectifs, donc j’en ouvris encore plus pour chercher.

[456 mots]

Aucune recherche qui serve à quelque chose. Mais quelle bêtise. Ou comment perdre du temps. M’écrasant sur mon siège, frustrée, je cherchai un moyen de savoir rapidement et précisément ce que je voulais. Gagner du temps. Gagner du temps. Une espèce de mantra se suivait dans ma tête, dansait sur le fil de mes pensées et je n’arrivais pas à m’en séparer. Du temps. J’en avais plein devant moi. Des millénaires. Et pourtant, j’en voulais encore.

Rien. Rien. Rien. Connais-tu le néant ? Eh bien il est là désormais. Je ne sais pas. Je ne sais plus. La technologie a rendu la vie encore plus compliquée. Et je voudrais tellement pouvoir sentir le papier sous mes doigts. Je n’ai pas d’idée, rien. Je veux juste pouvoir faire quelque chose d’efficace. Être pour une fois utile. Pourquoi je ne peux pas l’être ? J’en ai assez. Je n’en peux plus. Je ne fais rien d’utile. Et c’est bien le moment pour faire un débat intérieur soudain.

En fait non, ça ne l’est pas. Je dois me rasseoir, correctement, et me calmer. Je vais chercher l’arbre généalogique de chacune des familles. Comme ça, je pourrai plus facilement connaître leurs membres. Et l’histoire d’Izurith. Oui, l’histoire d’Izurith. Connaître et l’histoire d’Izurith, et l’arbre généalogique des familles.

Je me mis aussitôt au travail, effectuant la recherche, ouvrant plusieurs onglets. Pendant que les résultats s’affichaient, je cherchai un moyen d’approcher des nobles.

Sur Yuimen, chez la noblesse humaine, il n’y avait rien de mieux que les bals. Y avait-il des évènements semblables prochainement ? Je ne savais pas. J’ouvris alors d’autres onglets. Toujours plus d’onglets. Et je lançai la recherche, encore.

[276 mots]

Cette fois, les recherches ne furent pas vaines. Les pages s’affichèrent et mes informations avec. J’eus vite fait d’apprendre qu’en effet, les réceptions existaient bien ici. Une se tenait le soir même au Manoir Francisque et une autre demain au Manoir Angloise. Le problème de l’invitation fut vite réglé, puisqu’apparemment tous les habitants du Quartier Royal y étaient conviés. Je le notai vite, avant de penser aux autres qui pourraient éventuellement vouloir y aller. En me préparant à envoyer le message, j’en reçus un de Fenouil, ou du moins de Lelma qui écrivait de son téléphone, ayant signé de son nom à la fin du message. Il déclara être à l’O2 avec Fenouil, qui se retrouverait tout seul et voulait savoir si quelqu’un pouvait l’accompagner.

En étant honnête avec moi-même, je savais déjà que je ne pouvais pas. Par souci de discrétion, et de manque de temps. Qui plus est, je ne savais pas où se trouvait ce soi-disant « O2 ». Pourtant, la gentillesse du petit gobelin m’avait touchée, et cela me rendait triste de savoir qu’il pouvait lui arriver quelque chose. Je ne savais pas quoi faire. Je décidai d’y répondre après et m’attelai à écrire mon message.



Une fois que ce fut envoyé, je me reconcentrai sur les arbres généalogiques sur mon écran, et les prit tous en photo au cas où. Je me concentrai sur trois en particulier, délaissant les autres. Ceux des Maisons Francisque, Kobayashi et Valaï. Celui de la Maison Francisque se composait d’un grand-père, nommé Napoléon, de son fils le dirigeant actuel de cette Maison, Napoléon II. Napoléon II avait des sœurs, Louisa et Hélène, un frère nommé Jean-Louis et deux filles Noémie et Amande. Celui de la Maison Kobayashi, moins fourni était composé de la Colonelle Shizune, dirigeante et de ses trois filles. Yumiko, que nous avions eu le plaisir de voir en action, une nommé Ai et la troisième nommée Hina, qui avait été adoptée.

Me concentrant sur l’arbre des Valaï, je fus choquée de savoir que le Seigneur Tiret, ou Dimitri Valaï était le seul membre de sa Maison encore en vie. Il était déjà seul et son fils avait été tué. C’était monstrueux de se retrouver seul, avec tout le monde contre vous. Son fils s’appelait Salamand. Je m’empressai de chercher une photo de lui, pour voir à quoi il ressemblait. En parallèle, comme j’allais rencontrer les membres de cette famille ce soir, j’en cherchai de tous les membres de la Maison Angloise. Autant être préparée.

En attendant, je réfléchissais. Je me sentais solidaire du Seigneur Tiret en quelque sorte, car moi aussi il ne me restait plus personne de ma famille avec moi. Le reste avait disparu et mes parents avaient subi le même sort. Je m’en étais rendue complètement malade, ne mangeant presque plus, ne parlant plus, ne bougeant plus. J’avais eu l’impression qu’on m’arrachait le bras. Heureusement, Alto avait été là avec moi.

J’allais oublier le message de Lelma, que je n’avais pas fini de lire et sortit mon téléphone afin de le lire en entier. J’appris ainsi qu’une personne haut placée de la Maison Kartage connaissait Yuimen et le Prof. Ainsi, d’autres connaissaient notre monde. Ce me serait utile à savoir, au cas où.

Maintenant que je connaissais à peu près leurs arbres généalogiques, il me fallait connaître à peu près leur histoire. Et pour les familles nobles, toute leur histoire était consignée dans un livre, un historique des actions repris par chaque chef de famille. En tant que seule personne vivante des Al Samanya, j’avais eu l’occasion de le lire et avait pu connaître mon histoire, mais ici était-ce privé ou public ce genre de registre ? Qui ne tente rien n’a rien, alors je cherchai l’historique des Francisque et des Valaï en plus.

[718 mots]

J’attendais, tranquillement, faisant mes recherches et plus le temps passait, plus cela devenait anormal. L’ordinateur avait-il des problèmes pour fonctionner ? Jusque-là tout était bien allé, dans le meilleur des mondes, les recherches s’effectuant rapidement. Mais maintenant ?

Je regardai l’ordinateur, intriguée. S’il y avait un problème avec, je ne saurais pas comment faire en sorte que cela aille mieux. Foutues machines. Soudainement, comme ça, sans prévenir, les dernières recherches s’effacèrent d’elles-mêmes. Abasourdie, je pris la souris et la passai là où se trouvaient, ne comprenant ce qui s’était passé. Puis, je me rappelai d’une des explications de José. Si trop d’onglets étaient ouverts sur ces vieilles machines, ça les ralentirait et certains onglets pouvaient disparaître.
Frustrée de devoir tout retaper encore une fois, je lâchai un soupir en fermant les onglets qui ne me servaient plus, comme ceux des arbres généalogiques que j’avais pris en photo et l’onglet avec les évènements d’Izurith.

L’ordinateur reprit donc sa vitesse, et je trouvai le portrait d’Anna, de Mark et de Salamand.

Anna était une jeune femme blonde, à la moitié du visage fissurée et aux yeux vairons. Mark, son père, était un homme brun, aux yeux bleus gris et à la barbe noire. Enfin, Salamand, le fils du Seigneur Tiret, était un homme aux yeux noisette, à la barbe grise et aux cheveux noirs. Il semblait déjà âgé pour un humain, approchant la quarantaine, faisant à peu près l’âge de Mark.

Voyant ces photos, j’eus l’idée de les prendre en photos afin de pouvoir les envoyer à qui le souhaitait. Je le fis donc avant de rechercher encore une fois le registre des Valaï, des Atalante et des Francisque, puis les photos des autres membres de la Maison Angloise. Encore une fois. Vraiment pratique la technologie. Ça cause juste plus d’ennuis que ça n’en évite. Bon, j’admettais volontiers ne pas en savoir beaucoup sur le sujet, mais pourtant, du peu que j’en avais vu, cela se confirmait.

[325 mots]

Quartier Royal – Bibliothèque (Yuélia)

En recherchant les photos des membres de la famille Angloise, Yuélia put trouver une photo de Mark Jr, fils de Mark, ainsi que de la nouvelle femme de ce dernier, une certaine Myléna qui semblait beaucoup plus jeune que lui. Aucune trace de soi disant registres familiaux, cependant.

[HRP : Tu réalises que la réception de ce soir c'est les Francisque qui l'organisent, et que les Angloise organisent celle du lendemain soir ?]


[Yuélia : 0,5 (introspection) ; 0,5 (recherche)]

Et ça charge, et ça charge..pour me laisser voir que je me suis trompée. Entre toutes ces Maisons, ça devait forcément arriver.


J’ai tapé Maison Francisque au lieu de Maison Angloise. Du coup, j’ai des photos de la première mais pas de la deuxième. Et on applaudit Yuélia dans le rôle de la Cruche de Service, et avec des majuscules s’il vous plaît !


Bon, au moins ça m’en fait d’une certaine Mylena, la nouvelle femme de Mark si j’en crois les informations données, et de Mark Jr, son fils. Il a l’air orgueilleux à souhait. On dirait un Hinïon. Manque plus que les oreilles pointues.


Mylena a l’air plus discrète, presque effacée. Ses longs cheveux bruns tombent délicatement sur son épaule et ses yeux oranges brillent, ses lèvres roses attirent le regard. Elle a tout ce qu’il faut pour attirer un homme.


Je prends des photos de leurs photos, ce qui m’amuse. J’ai pris le portrait de plusieurs personnes, je les rencontrerai dans quelques heures d’ailleurs.


L’habit ne faisant le moine, je me demande si Mylena est aussi effacée que le laisse présager son portrait. Quant à Mark Jr...Son portrait transmet sa suffisance, je doute que cela change vraiment. Sa posture, la manière dont il se tient...Je croirais voir certaines personnes peu recommendables à mon sens de Cuilnen.


Je me sens un peu seule, ici. Personne n’est là avec moi, je suis loin de chez moi, sans famille et orpheline. Et maintenant, je me retrouve dans un monde étranger pour établir d’hypothètiques relations diplomatiques entre mon pays et Izurith, accompagnée de Yuiméniens que je ne connais pas. La seule personne en qui j’ai confiance n’est pas là avec moi et est censée être un ennemi de ma race de par ses origines, bien qu’il ait prouvé le contraire.


Je pourrais être à la recherche de mes parents, chez la famille Lothandre. Je pourrais ne plus être aussi seule. J’ai été délaissée par tous à cause de mon caractère de petite garce. Et c’est dur d’en assumer les conséquences.


Pour ne rien arranger les choses, je cherche à obtenir un poste pour honorer la mémoire de mes parents dans lequel je ne suis pas douée. Pourtant, j’essaye et je fais de mon mieux.


Que fais-je ici, en réalité ? Dois-je m’en remettre à Zewen ? Je n’en sais rien. Tout ce que j’en pense, c’est que mes pas m’ont conduite ici, et que je devrais profiter de ce qui m’est donné pour apprendre et m’améliorer.


Alors je cherche les photos des membres de la Maison Francisque, et je regarde l’heure du bal pour savoir quand est-ce que je devrai y aller et quitter la Bibliothèque.


D’ailleurs, je ne devrais pas me préoccuper que de cela. Je n’ai pas d’endroit où dormir cette nuit. Je n’ai rien ici. Mais je m’en préoccuperai plus tard.


En Anorfain, j’aurais dormi dans ma chambre, aurait été réveillée par les rayons du soleil filtrés par les rideaux et aurait pu contempler les arbres de la forêt, la fontaine Aelin, tout ce qui fait le charme de notre si belle ville.


Mais je ne suis pas en Anorfain. Alors je dois arrêter de me plaindre, et attendre que la recherche se termine.


[536 mots]

Le téléphone. Quel objet pourrait mieux matérialiser la solitude ?

Sans téléphone, l’on pouvait toujours rêver à un individu, qui avait tellement besoin de vous qu’il voulait vous contacter. Mais, il ne pouvait pas. Maintenant, avec cet objet, l’on sait. Personne ne cherche à vous contacter, parmi les personnes que vous connaissez. Absolument personne.

Vous vous rendez compte que vous êtes seul, en fait ? Seuls. Abandonnés. Et moi donc. Sûrement parce que les seuls qui peuvent me contacter ici ont mieux à faire. Ou n’ont pas de raison de le faire.

Maintenant que j’ai disparu en Anorfain, qui me cherchera ? Je n’ai plus de parents pour s’inquièter de mon sort. Le sage que j’avais insulté, lui. Ce n’est pas lui qui me plaindra. Ou tous ceux qui ont subi le même sort.

En fait, je crois que j’aurais aimé qu’il y ait quelqu’un qui me cherche. Je crois que j’aurai apprécié. Je crois que j’aurais aimé que quelqu’un regrette ma présence.

Sauf que ce n’est pas le cas.

Peut-être qu’Alto m’a oubliée. C’est bien la seule personne qui tenait réellement à moi avec Siris, je crois. Peut-être qu’en fait, tous ces sourires étaient un mensonge. Finalement, je ne me sens pas plus seule que je ne le suis déjà. Je ne me suis jamais sentie chez moi. Ça fait orgueilleux de le dire, mais se sentir en décalage avec la réalité, comme si les autres étaient des notes sur une partition formant un morceaux harmonieux et moi une dissonance, c’est un peu ce que j’ai toujours ressenti.

Mon ouïe n’aime pas les dissonances. Quand je joue de mon violon, j’ai peur de faire une fausse note. Quand j’entends de la musique, je n’aime pas entendre que quelque chose cloche. J’aime remplacer. Remplacer des notes, par certaines plus graves, certaines plus aigues. Afin de créer quelque chose qui me correspond. Quelque chose qui me plaît, plus harmonieux.

C’est probablement comme ça que ça marche. Les fausses notes ne peuvent pas rentrer dans la partition. Elles ne peuvent pas rester. Alors on les en déloge et on les remplacent. Il leur en faut une autre bien souvent. Adaptée au son qu’elles produisent. Et si elles n’existe pas, il faut en créer une.

Le truc, c’est que je ne possède pas de partition. J’ai toujours essayé de rentrer dans celle que la société anorfaine formait, mais en fait je dois m’en éloigner. Trouver la mienne.

Cette vision de fausse et de bonne note est vraiment manichéenne. Je me limite à l’être. Les questions que nous continuerons de nous poser, héritage perpétuel, seront si une chose est bonne ou mauvaise, blanche ou noire, et qu’est-ce qui en fait une bonne chose ou une mauvaise.

Les échecs sont la matérialisation de cette question existentielle. Aux échecs, les pièces blanches ont un avantage sur les pièces noires, car elles commencent en premier. Peu importe sur quoi se joue le match, c’est une règle. Les blancs ont un avantage indéniable de par ce coup d’avance. Pourquoi est-ce ainsi ? Quel est le rapport avec cette réalité ? Parce que depuis enfant, l’on enseigne dans la majorité des races de Yuimen qu’il faut être gentil. Depuis tout petit, l’on admire les héros. Avantage dès l’enfance, premier coup. Les blancs jouent donc en premier. Et les parents entretiennent cette propagande du bien auprès de leurs enfants.

Pour moi, je ne veux pas que mes enfants soient gentils, et je me fiche bien qu’ils soient mauvais. Ce que je veux, c’est qu’ils soient assez intelligents pour être un mélange et tirer le meilleur des deux côtés. Je veux qu’ils soient nuancés, d’un gris représentant l’équilibre. Qu’ils puissent tirer le meilleur de ce qui s’offrent à eux.

Car les races présentes sur Yuimen, représentent souvent le bien, ou le mal. De ce fait, ceux qui ne sont pas du même bord de la balance ou qui n’ont pas les mêmes principes sont considérés comme différents. Dissonants.

On en revient à la dissonance, finalement. Au même résultat. La différence est bien souvent ce dont on a peur.

Est-ce surréaliste si dès la naissance, selon ce que l’on est, on nous colle une étiquette avec marqué “bon” ou “mauvais” ? Car c’est qu’il se passe. Ou cette étiquette change.

Selon d’où vous venez. Vos croyances, vos idées. Les actes de certains avant vous qui vous ressemblaient. On vous les associe. Et c’est pour ça que l’on se dit : “puisque pour eux je suis ainsi...pourquoi essayer de changer cette vision ?

Ma vision d’un monde qui a sa place pour tous est peut-être idéaliste et ne semble qu’être un rêve irréalisable, mais c’est déjà mieux que rien.

Je soupire en sortant de mes pensées et en regardant mes recherches s’effectuer. Je laisse mon regard se promener sur les photos de Napoléon II, chef de la famille Francisque et de sa fille Amande et les prend en photo comme j’en avais pris l’habitude avant de regarder l’heure du bal. Vingt et une heures trente. Le bal se déroulait à vingt et une heures trente. Et il était...Dix-neuf heures trente.

J’avais encore le temps. Deux heures, pour être plus précise. J’avais assez d’informations sur les familles d’Izurith pour pouvoir m’y rendre sans risquer de me trahir sur ce sujet-là. Mais il fallait que je me documente un peu plus sur la culture de ce monde. Il fallait que je m’arrange pour trouver également où dormir. J’étais un peu moins ignorante, certes, mais je l’étais toujours.

Je manquais en fait de la culture générale nécessaire pour me faire passer pour une habitante de ce monde. En attendant, il ne serait pas inutile de continuer mes recherches. Dans la famille Francisque, il me manquait des photos de Napoléon, de Noémie, de Louisa, d’Hélène et de Jean-Louis. Je fermai donc tous les onglets actifs, et en ouvrai deux pour Jean-Louis et Noémie, les plus jeunes. Je devais me dépêcher et quitter la Bibliothéque vers 21h00, ne serait-ce que pour avoir un peu d’avance, ou un peu de temps au cas où la cruche que je suis se trompe de ligne.

Ce qui serait sûrement le cas.

[1008 mots]