Dirigé de Rurik :

Le forcené martelant la neige sous ses pieds en des foulées d’une violence que lui aurait envié l’ours le plus enragé, il vient à ton contact avec une célérité tout simplement surhumaine, et malheureusement, il semble bien qu’il ait mis toutes ses forces dans cette attaque, plus en tout cas que tu ne peux en déployer pour ton esquive, car avec une maestria de cavalier en lice, il parvient à t’asséner un violent coup d’estoc dans la hanche qui fait se propager dans ton corps un froid terrible contrastant avec la chaleur du sang qui suinte de tes chairs cisaillées. (((-4PV)))

Jet d’attaque CàC : Réussite

Cependant, comme le veut le dicton, « un œil pour un œil », une blessure pour une blessure, et celle que tu infliges est beaucoup plus conséquente puisque tu lui enfonces ta hache dans la gorge si profondément que ton adversaire s’en retrouve à moitié décapité. C’est d’ailleurs alors que, ô surprise, tu peux enfin sentir ce qui avait manqué à toutes ses plaies jusqu’ici lorsqu’une giclure de sang gluant, épais et froid mais bel et bien liquide éclabousse ta main ainsi que ton visage tellement l’homme et toi étiez à faible distance l’un de l’autre.

Sous cette frappe décisive, le temps semble s’arrêter un moment, dans cette immensité glacée qui voit la presque étreinte des deux guerriers que vous êtes, en une apothéose de la lutte échevelée que vous venez de mener. Puis le fil des secondes reprend son cours normal au moment ou ton ennemi expire dans une parole qui sonne à tes oreilles comme un soupir de soulagement teinté d’un immense regret :

« Pardon. »

Puis c’est la fin : ayant rendu son dernier souffle, le diable s’affaisse à moitié sur toi tandis que ses jambes se dérobent sous son propre poids qu’elles avaient aussi longtemps soutenu, tel une marionnette aux fils désormais tranchés, les yeux vitreux. Quant à la lame qu’il avait aussi longtemps étreinte avec une ferveur démente, elle finit par glisser de ses doigts gercés, et tombe à vos côtés en un bien macabre trophée du combat qui vient de se dérouler.

Je ne suis pas assez rapide face à la folle détermination de l'homme, et son arme a le temps de me cueillir violemment ; mon abdomen se contracte sous la puissance du coup, me déclenchant un haut-le-cœur que je réprime avec difficulté. Je sens de nouveau la vie me quitter par cette quatrième plaie que m'inflige mon rival, mais il n'est pas temps de renoncer, et donnant toute l'énergie qu'il me reste je m'efforce de porter un coup, que j'espère fatal, à mon opposant.

(Yuia, donne moi la force !)

C'est avec un soulagement mitigé que je vois le fer de ma hache mordre le cou de l'homme, d'où, à mon grand étonnement, une gerbe de sang jaillit.

(Il a finalement des restes humains...)

Mais le sang qui m'asperge est aussi froid que la glace et contraste avec la chaleur qu'il met dans son dernier mot. Un mot d'excuse. Je ne parviens pas à bouger, soutenant sans m'en rendre compte, le corps déchu de l'homme encore vivant il y a quelques secondes. Encore sous le choc du combat, je glisse doucement vers le sol, portant le corps sans vie de celui qui fut un combattant acharné. Mes genoux s'enfoncent dans la neige alors que j'étends l'homme amaigri, replaçant sa tête et lui fermant les yeux pour donner l'impression qu'il ne fait que dormir. Mais sa peau est devenue encore plus blanche que la mienne, la vie tout comme la folie l'ont quitté, c'est moi qui lui ai ôtés. Affaibli par mes blessures, je ne sais pas si c'est du sang qui coule sur mes joues ou des larmes, et je ne parviens pas à détacher mon regard du premier homme que j'ai tué.

Je ne sais pas combien de temps je reste ainsi prostré, avant de sentir qu'il me faut m'activer pour ne pas geler sur place. Je me remets laborieusement sur mes jambes, mes plaies encore à vif, quand mon regard tombe sur l'arme que l'homme a lâché lors de son dernier soupir. Tentant de faire fi de mes douleurs, je m'abaisse pour saisir la lame afin de l'observer de plus près.

Dirigé de Rurik :

Allongé de la manière dont tu l’as étendu sur le sol, pareil au gisant d’un chevalier déchu qui aurait pu enfin trouver le repos par la mort, il est étonnant de voir à quel point l’homme peut paraître paisible : avec la vie qui l’a quitté, sa folie s’est également envolée, et ses traits jadis furieusement crispés en une perpétuelle grimace de dément reflètent maintenant une sorte de tranquillité et de dignité qui n’est pas dépourvue de noblesse. Peut-être qu’avant qu’il ne devienne quelqu’un d’aussi détestable, il s’agissait d’un homme parfaitement respectable, avec des idéaux d’honneur et de droiture au cœur, et que la transformation que son temps d’isolement lui a fait subir l’a radicalement transfiguré… quoi qu’il en soit, il ne sera sans doute jamais possible de le savoir, car il a désormais rejoint le cortège des âmes vouées à Phaïtos pour le repos éternel. Détail plus prosaïque toutefois : en le regardant de plus près, tu peux remarquer qu'il porte à la ceinture une bourse, et que c'est là tout ce à quoi ont l'air de se réduire ses possessions, tout le reste de son attirail ne consistant qu'en des vêtements réduits en haillons qui recouvrent sa frêle carcasse.

De ton côté, alors que tu te saisis de l’épée, c’est comme si une décharge te traversait le corps alors que ta main se referme sur le pommeau de l’arme ; tu ne ressens pas la moindre douleur, mais étrangement, des picotements d’un étrange plaisir partout sur ta peau, comme une caresse à la fois douce et fougueuse. En regardant à nouveau dans la lame, tu peux voir que le visage de la femme splendide y figure toujours, d’une beauté décidément captivante, et plus tu l’observes, plus tu as l’impression que tu pourrais la rejoindre rien qu’en élargissant l’étrange fenêtre que semble être l’étrange fragment de métal inconnu. De plus près, l’expression de l’entité surhumainement magnifique est ensorcelante, ses yeux plus bleus que les saphirs les plus précieux te fixant d’un air qui paraît plein de promesses : plus que jamais, tu peux en être certain, tu as devant toi Yuia, au creux de ta paume, déesse si envoûtante…

Alors que mes doigts se referment délicatement sur le pommeau bleuté à l'aspect si glacial, je suis surpris de sentir comme une source de chaleur se propager dans mon bras puis mon corps tout entier. Cette effervescence n'est pas totalement identique à celle que m'a procuré le flocon de Yuia, une note de plaisir s'est ajoutée à ce frisson qui parcourt encore mes membres.
Posant mes yeux sur le plat de la lame, je remarque que celle-ci reflète le paysage alentour mais pas mon visage. A la place, je peux de nouveau admirer l'impeccable et sublime figure de la Dame des Glaces. Je m'y perds un instant, ne pouvant croire que je contemple le faciès de Yuia, Déesse de mon peuple ; je suis seul avec elle, au milieu de cette étendue où personne ne peut venir nous incommoder.

(Seuls et réunis...)

Un brutal spasme me traverse, me faisant lâcher l'épée qui tombe mollement dans la neige. Mon cœur bat la chamade et ma respiration s'est faite courte, je sais que ce n'est pas à cause du combat qui a cessé il y a maintenant plusieurs minutes... Je m'assois sur le sol et m'accorde quelques minutes de méditation pour me calmer et réfléchir à ce que j'ai décidé d'endosser. Le corps sans vie allongé juste à côté de moi et le souvenir des hommes glacés de Nosvéria me fait prendre conscience qu'il est dur de ne pas sombrer dans la folie, même pour quelqu'un de fort. Mais d'autres images viennent se mêler au blizzard qui m'entoure : les visages anxieux, bien que souriants, de ma mère et ma sœur ; ceux de mes frères disparus, peut-être étendus quelques part comme l'homme que je viens de combattre ; mon père m'encourageant d'un regard ; et Tynong. Les yeux rouges de mon frère, à qui j'ai confié notre famille, brillent avec force, m'intimant de me relever.
Je souris à l'immensité vide qui m'encercle et, habité d'une nouvelle détermination, je me remets sur mes jambes, attrapant au passage l'arme que j'ai laissé tombé. Mes blessures se rappellent alors à moi dans un vif élancement. Je respire profondément pour tenter d'oublier la douleur, puis avec un regard pour le visage de la Déesse je glisse la lame à mon baudrier et me tourne vers le corps gisant à mes pieds.

"Pardonnes moi de ne pas te laisser tous tes biens homme inconnu, mais je viens de loin pour cette épée."

(Il me reste un problème à régler...)

Je ne peux décemment pas laisser l'homme dépérir ici, mais mon regard a beau parcourir l'horizon, aucun arbre, ni même un arbuste n'est visible. Comment construire un bûcher funéraire dans ces conditions ? Mes yeux posés sur le corps inanimé, je décide de le ramener avec moi, le prêtre pourra peut-être faire quelque chose pour que l'homme rejoigne avec dignité "l'himnaríki", l'autre monde, le paradis comme certains disent.

Me baissant, je tente alors de soulever ce qu'il reste de celui qui fut un homme, faisant tinter la bourse qui pend à sa ceinture, seul bien qui semble lui rester.

Dirigé de Rurik :

Alors que tu jettes un regard en direction de la lame si mystérieuse et captivante, tu peux voir le visage non moins mystérieux et captivant t’observer avec toujours ce même air à la fois insondable et ensorcelant, puis, alors que l’ombre d’un sourire semble s’esquisser sur les lèvres divinement parfaites de la déesse, elle disparaît à la faveur d’un reflet de lumière sur la lame translucide, laissant apparaître à la place de son faciès ravissant celui d’un Rurik fatigué et éprouvé.
Quant au pauvre hère, ce n’est pas faire preuve d’exagération de dire qu’il n’a plus que la peau sur les os, et étant donné qu’il ne doit pas peser plus de soixante kilos à la louche, il est relativement facile pour un grand gaillard costaud comme toi de le transporter sur tes épaules. Évidemment, ce n’est pas pour autant un jeu d’enfant, mais du moment que tu n’as pas à le faire pendant des heures entières, surtout en prenant en compte tes blessures d’où le sang ne cesse de suinter, tu devrais parvenir à tenir le coup en mordant sur ta chique.

Étrangement, plus tu progresses dans la direction supposée de ta venue, plus tu as l’impression que l’ambiance gagne en sérénité, et ce n’est pas uniquement dû à l’atmosphère bien que les précipitations de neige qui consistaient précédemment en des rafales hululantes se soient réduite à de tranquilles chutes de flocons : comme si toute la pression d’une lourde responsabilité t’avait été soulagée, tu te sens moins las et fatigué… même si tu as toujours aussi mal.
Quoi qu’il en soit, à force de marcher, toujours avec une notion du temps aussi floue qu’à l’allée, tu finis par distinguer entre le rideau d’eau solidifiée qui tombe sans discontinuer devant tes yeux l’espèce de rectangle luminescent en lequel consiste a priori la porte du Temple vue de l’extérieur.

M'accrochant aux images de ma famille, je parviens à trouver en moi une énergie nouvelle et à soulever la dépouille de l'homme que j'ai tué pour le placer sur mon épaule. Je dois me passer la main sur le visage, pour ôter le sang qui coule toujours de la petite mais profonde plaie qui orne mon front et qui goutte sur mes sourcils blancs, me tombant parfois dans les yeux. Puis doucement, pas à pas, je reviens en arrière, espérant ne pas me tromper de route dans cette immensité blanche sans repère. Malgré le sens de l'orientation propre à mon peuple, je me crois un instant perdu, ne parvenant pas à me remémorer si j'ai autant marché à l'allée.

(Tu étais en forme à ce moment-là !)

Loin de perdre espoir, je continue ma pénible progression et lorsque je sens naître en moi un profond calme, je suis alors persuadé d'être dans la bonne direction. Mes pensées sont rapidement confirmées, car à quelques pas vient d'apparaître l'étrange forme que j'ai vu luire derrière moi lorsque j'ai passé la porte du sanctuaire.

"Nous y voilà défunt personnage, tu vas revenir dans le monde que tu n'aurais pas du quitter. Le prêtre de Yuia sera là pour toi..."

Du moins l'espérais-je, alors que me demandant encore comment peut fonctionner un tel passage, je le franchis, à moitié sûr de l'endroit où je vais me retrouver.

Dirigé de Rurik :

Conformément à tes espérances, lorsque tu essaies de franchir ce que l’on pourrait appeler un portail, ton corps ainsi que celui de ton passager passent sans encombre, subissant pour le retour un changement d’atmosphère aussi radical qu’à l’allée : en l’espace d’un clignement de paupières, l’incommensurable toundra laisse place à l’atmosphère familière et ô combien rassérénante du Temple dédié à Yuia. De manière surprenante, quand tu fais irruption, tu retrouves le prêtre en face de toi, comme s’il avait pu percevoir ton arrivée de loin, voire comme s’il t’avait attendu à la même place que celle qu’il tenait au moment où tu l’as quitté pour partir dans cet inconnu dont tu reviens si changé que sur le coup, le saint homme ne peut se retenir d’ouvrir la bouche en un rond de surprise en te voyant.
Toutefois, il se reprend bien vite, et avant même de dire quoique ce soit, il s’approche de toi, pose une paume sur ton torse, quelques centimètres en dessous du talisman que tu portes au cou, et se met à murmurer des paroles incompréhensibles faisant irradier ses mains d’une fraîche lueur cyan qui se communique à l’entièreté de ton corps. Sous cet enchantement, tu peux ressentir une sensation apaisante et revigorante envahir ton être d’une manière semblable à l’effet que t’avait fait le bijou précédemment mentionné alors que tu étais aux prises avec feu le dément, et lorsqu’elle disparaît, tu peux te rendre compte que toutes tes blessures se sont refermées avec en guise de pansement une fine pellicule de givre. Bien entendu, cela ne veut pas dire que tu te sens prêt à soulever des montagnes étant donné que tes pertes de sang ont tout de même été considérables, mais sur le coup, l’amélioration de ton état est facilement perceptible de par tes douleurs qui ne sont plus qu’un souvenir.

« Venez, étendez ici cette âme infortunée. » Te donne-t-il ensuite comme instructions sans s’appesantir sur sa guérison miraculeuse, te désignant un des nombreux bancs qui meublent la pièce tout en s’y positionnant à proximité afin de t’aider au besoin, ajoutant « Et racontez moi ce qui est advenu. »

Bien que le concept de cette porte entre deux mondes me déconcerte toujours, je ressens comme un soulagement parcourir mon corps fatigué à la vue des murs du temple. Je reviens dans un univers connu et qui me semble bien plus réel que les étendues désertiques que je viens de sillonner. Même la présence du prêtre me donne un nouveau souffle, m'étonnant tout de même de le retrouver au même endroit qu'à mon départ.

(Le temps s'est-il écoulé différemment pour lui ?)

Il me faut penser à l'interroger sur ces lieux qui paraissent évoluer en parallèle. Mais ce ne doit pas être, pour l'instant, sa préoccupation première, et j'aurai souri si j'en avais la force lorsque je vois l'homme exprimer physiquement sa stupeur devant le tableau que j'offre. Cela ne dure qu'un instant, car il semble avoir été élevé pour toujours masquer ses émotions, et pour réagir vite. Je le laisse poser sa main sur moi et l'écoute prononcer des paroles sans aucun sens à mes oreilles, mais efficaces pour mes blessures que je vois se refermer et se couvrir de givre. Mon frère n'aurait pas fait mieux et comme toujours, je m'émerveille devant la puissance de la magie, que je n'ai jamais su maîtriser à l'inverse des miens.

La voix de l'homme me rappelle à la réalité, et j'ai juste le temps de murmurer un "merci" avant de le suivre pour déposer mon lourd fardeau. Pliant légèrement les genoux, j'assieds mon macchabée avant de l'étendre avec précaution sur le banc du temple, tout en commençant mon bref récit.

"Il était là. A quelle distance de l'entrée, je ne saurai vous l'indiquer – dis-je en montrant la porte du lieu saint. Il hurlait au vent que rien ne pourrait les séparer et lorsqu'il m'a vu approcher, il m'a demandé si je venais pour ses noces. Ses noces de sang avec sa déesse. Il s'accrochait comme un forcené à ceci."

Finissant ma phrase, je fais glisser hors de mon baudrier l'étrange lame bleutée pour la poser délicatement sur le corps sans vie.

"J'ai préféré abonder dans son sens et il m'a gratifié d'une première estafilade. Notre discussion... C'était totalement irréel, je souhaitais le ramener ici, mais lorsqu'il a compris que je mettais en doute le fait que Yuia désire s'unir à lui, il est devenu plus fou qu'il ne l'était déjà ! Je n'ai plus eu d'autre choix que de combattre pour ma vie. Ce ne fut pas aisé ! Bien qu'il semble faible, il était habité d'une démence meurtrière..."

Mon regard quitte le visage du prêtre pour retourner sur l'homme étendu à nos côtés et sur la lame qui semble encore luire faiblement.

"La suite vous la connaissez. Je n'ai pu me résigner à le laisser là-bas, et il n'y avait pas de quoi ériger un bûcher, alors je vous l'ai ramené..."

Mes derniers mots sont confus et je m'interromps, laissant l'homme considérer ce que je viens de dire.

Dirigé de Rurik :

Écoutant ton récit dans un silence que l’on peut fort bien qualifier de religieux, le prêtre ne quitte pas des yeux le macabre souvenir que tu as ramené de cet univers surréaliste dans lequel tu as crapahuté, marquant son attention en hochant de temps à autre la tête avec gravité sans que son calme supérieur de le quitte pour autant à quelque moment que ce soit. A l’égard de l’arme fabuleuse qui est un fort triste bien que splendide trophée, il accorde étrangement peu d’attention, se contentant d’y jeter un bref coup d’œil avant d’avoir l’air de ne plus s’en soucier, comme s’il avait simplement voulu vérifier quelque chose.
A la fin de ton compte-rendu, un soupir à peine perceptible s’échappe des lèvres de la haute figure cléricale, et il acquiesce une ultime fois avant de se tourner vers toi, toujours aussi implacablement serein qu’au premier moment de votre rencontre, prenant la parole de sa voix au timbre à la fois bas et imposant :

« Nous aviserons du sort de la dépouille de cet homme dans un instant, mais pour le moment, il vous faut régler une question d’importance majeure. »

Se saisissant de la lame par son pommeau en un geste à la fois habile et délicat, il la tend dans ta direction à la verticale, le plat du métal bien en face de ton visage de manière à ce que tu puisses contempler directement le visage ensorcelant qui a refait son apparition. Yuia, ou du moins celle qui ne peut être que la Déesse de la Beauté, t’observe avec ses prunelles toujours aussi magnifiques qui prennent ton propre regard au piège de leur magnificence, et tu peux remarquer que l’un de ses sourcils semble être très légèrement redressé, comme en une interrogation muette. Et muette n’est pas celle du religieux lorsqu’il te demande d’une voix plus pénétrante que jamais qui paraît rendre toute perception de ce qui t’entoure flou afin que tu puisses uniquement te concentrer sur ces traits qui respirent la perfection et sur cette voix ferme d’orateur :

« Qu’allez-vous faire de l’Epée des Glaces ? »

La voix posée de l'homme résonne dans la pièce que nous occupons, d'une telle façon que quiconque l'entend sait qu'il est ici maître. Je hoche imperceptiblement la tête à ses paroles, le laissant prendre les décisions au sein de ce lieu dont il est l'hôte. Intrigué par ces derniers mots, je l'observe se saisir de l'arme, à laquelle il y a peu, il ne paraissait porter guère d'importance.

(Yuia...)

J'oublie une fraction de seconde l'homme qui tient la lame entre ses doigts, perdu dans la contemplation du tranquille visage nuancé de bleu, aux traits si parfaits et aux yeux magnétiques ; lorsqu'une puissante voix m'interroge d'un ton qui ne laisse pas de place aux faux-fuyants.
Mon esprit, envoûté par l'image sans défaut qui ne cesse de me fixer, doit un instant lutter avec plusieurs sentiments. J'ai l'impression de sentir mon corps se déchirer intérieurement, comme s'il rouvrait les plaies à peine soignées. Le temple disparaît à ma vue pour laisser place à une joute fantomatique entre réminiscences et illusions. Mais petit à petit, tout se fait plus distinct, comme lorsque j'ai saisi le pommeau de l'arme, de l'Épée des Glaces... Le nom de la lame, enfin prononcé, sonne alors au plus profond de moi, d'une façon foudroyante ; et les mirages s'effacent devant mes réels souvenirs.

(Oaxaca.)

La vision des armées orques, bafouant nos terres et décimant les peuples de Nosvéris, éloigne de moi la tentation qu'offre le tendre visage de Yuia. Détournant mes yeux de l'épée, je les pose sur le prêtre et lui réponds d'une voix calme, sincère et confiante.

"D'elle seule rien d'autre que ce que je ne ferai avec une simple épée. Mais ma quête est loin d'être terminée. Je dois rassembler les autres éléments du Set Élémentaire des Glaces, trouver les frères et sœurs de cette arme, afin d'avoir entre les mains une chance de combattre Oaxaca et ses troupes. Je n'ai d'autre volonté que de voir à nouveau Nosvéris libre, dussé-je y laisser ma vie."

Immobile, je ne quitte pas le regard du prêtre, voulant lui faire sentir ma détermination que j'espère sans faille.

Dirigé de Rurik :

Aussi immobile, inébranlable et inexorable que la statue qui se trouve derrière lui, le prêtre t’écoute discourir sans qu’aucune émotion visible ne vienne trahir son sentiment sur la question, son visage aussi illisible que celui d’un juge émérite donnant l’impression qu’il pourrait autant te condamner que te congratuler. En fin de compte, il n’a l’air de faire ni l’un ni l’autre, mais lorsque tes revendications ont pris fin, il a un léger hochement de tête ponctué d’un sourire fugace mais sincère, alors que l’atmosphère autour de toi paraît se charger tangiblement de solennité, comme si une cérémonie de la plus haute importante allait se tenir en ta présence exclusivement.

Effectivement, le lieu s’emplit d’une sorte de radiance bleutée, douce et fraîche qui semble émaner de l’Epée des Glaces tout en convergeant dans sa direction d’une manière proprement captivante face à laquelle l’homme de Yuia qui se tient devant toi reste rigoureusement impassible. Lentement, comme si l’arme tournoyait d’elle-même, il oriente sa garde dans ta direction, et, plantant son regard d’une intensité encore plus troublante qu’auparavant dans le tien, te dit comme en un ordre, une bénédiction et une confidence à la fois :

« Vous avez parlé Rurik. Prenez, et soyez fidèle à votre parole. »

J'adresse un franc sourire au prêtre, avant de tendre ma main vers le pommeau de l'arme si étrange. Mes doigts glissent sur la poignée, l'enserrant avec douceur pour l'attirer à moi, la libérant de l'emprise de l'homme. Je ne m'attarde pas sur sa lueur irréelle et l'insère immédiatement au côté gauche de mon baudrier, ma hache pendant déjà à droite.

"Je vous promets de faire de mon mieux."

Je sens que ma présence ici touche à sa fin, pourtant un grand nombre de questions se bousculent encore sous mon crâne.

"Maître, veuillez me pardonner de prendre encore de votre temps et de vous couvrir de questions... Mais, ce lieu d'où je reviens, quel est-il ? Ai-je foulé des terres réelles ? Vous sembliez m'attendre à mon retour, ne suis-je resté que quelques instants ?"

(Quel impoli tu fais !)

Je me rend compte que j'assomme le prêtre avec mes interrogations, comme je l'avais fait avec Miyash ou l'Ancienne, mais je ne peux rester sans réponse. Malgré ma grande taille et ma forte constitution, je dois avoir l'air d'un enfant qui demande "pourquoi ?".

"Et... où dois-je me rendre à présent ?"

(Demande lui d'aller chercher le Set à ta place tant que tu y es... !)

Je me racle la gorge et regarde le prêtre d'un air désolé. Cet homme à l'allure si placide me semble pouvoir répondre à tout, alors comment ne pas user de ce grand savoir à portée de mains.

Dirigé de Rurik :

Lorsque tu rajoutes ta nouvelle arme à ton équipement, tu peux sentir la même impression de chaleur froide te parcourir le corps qu’au moment où tu t’en étais précédemment saisi, sauf que cette fois, la sensation se fait moins électrisante et plus rassérénante : de manière beaucoup plus marquante que pour n’importe quel équipement que tu portes sur toi, tu peux sentir le poids de l’Epée des Glaces dans ton dos, désormais à la fois familier et redoutable, comme un rappel du pouvoir que tu as désormais à ta disposition et dont tu dois donc faire usage avec le sens des responsabilités qui convient.
Quant au prêtre, devant tes questions qui s’enchaînent, il finit par avoir un geste de la main pour t’arrêter, non pas comme celui d’un parent qui couperait la parole à son enfant, mais simplement pour rappeler un élément à ton attention :

« N’oubliez pas cet homme. » Fait-il en désignant d’un mouvement de tête ton adversaire qui gît toujours sur le banc, rigide et froid, parfaitement indifférent à ce qui l’entoure maintenant qu’il a rendu l’âme.

S’approchant de la dépouille inerte, il l’inspecte pendant quelques secondes du regard, puis, sans doute faute d’une meilleure chose à faire pour en savoir plus, dénoue à gestes rapides les cordons de la bourse qui, comme on pouvait s’y attendre, libèrent quelques espèces sonnantes et trébuchantes, mais aussi un petit morceau de parchemin roulé.

« Vous feriez sans doute bien de jeter un œil à cela. » Dit-il en te tendant l’objet susmentionné.

A la manière dont le font sûrement tous les hommes de foi, le prêtre élude mes demandes, se contentant d'une phrase inspirée de mysticisme. Je ne réagis pas et accepte silencieusement son mutisme, détaillant l'homme allongé dont la vie s'est éteinte. Non, je ne l'oublierai pas, cette première âme qui a expirée sous mes armes. Mais qu'avons-nous en commun ? Mon questionnement permanent ne vaut-il pas mieux que sa folie dévastatrice ?

(Il ne peut donc m'apporter toutes les réponses... A moins qu'il ne le veuille pas, mais pourquoi ?)

Cette fois-ci je passe sous silence mes questions et observe avec attention le prêtre fouiller les derniers biens du défunt. Lorsqu'il me tend un bout de parchemin, je relègue mes réflexions au plus profond de mon âme pour m'axer sur la petite chose encore entre les doigts de l'homme. Je saisis avec prudence le feuillet manuscrit, et obtempérant aux paroles du prêtre, le déroule pour en dévoiler le contenu.

"Je deviens de plus en plus fou. Croire l'épée mienne a été une énorme erreur, mais maintenant, il est trop tard pour reculer : mon destin est scellé, et cette démence trop rarement interrompue ne prendra sans doute fin qu'avec ma mort. Tel est mon châtiment.

Vous qui trouvez ceci, soyez béni ! Prenez tout ce que j'ai : mon or, ma cape, mais surtout l'épée, et allez aux Duchés ! Là, au Temple sont les bracelets ! Poursuivez là où j'ai échoué !

Yuia, je me repens !"

Je reste un long moment plongé dans les lignes de l'homme, oubliant de me demander comment il a pu rédiger ce court texte ; je découvre l'homme que j'ai tué, autrement, et un lien invisible semble se tisser entre son âme défunte et mon corps plein de vie.
Mettant un genou à terre près du cadavre, je pose ma main sur son torse décharné et prononce quelques paroles, dans mon dialecte, uniquement à l'intention de cet homme inconnu.

"Mijn vriend gaat naar vrede. Ik zou willen besluiten wat u begon."*

Puis je poursuis en me tournant vers l'homme de Yuia.

"Ses dernières volontés sont que j'emporte tous ses biens et que j'aille aux Duchés trouver les Bracelets des Glaces... Savez-vous ce que sont les Duchés ?"

Je reste à genoux aux côtés de l'homme que j'ai... Délivré de la folie.


*Va en paix mon ami. Je finirais ce que tu as commencé.

Dirigé de Rurik :

Toujours aussi effacé, peu intrusif et pourtant indubitablement présent, le prêtre te laisse prendre connaissance du mystérieux message maladroitement écrit sur un parchemin désormais tout craquelé au moyen de ce qui a tout l’air d’être du sang, et qui contient en quelque sorte les dernières volontés de l’homme. Il ne t’interrompt pas durant le petit cérémonial dont tu te fends, toujours aussi droit, les bras croisés contre son thorax, la tête légèrement baissée en signe de recueillement digne mais respectueux envers ce mort, ses yeux bleus toujours aussi profonds ne laissant pas voir ses émotions.
Lorsque tu te lèves, il paraît même pas remettre en doute tes paroles, acquiesçant d’un petit signe de tête écoutant ton résumé avec l’air de quelqu’un qui en a vu d’autres tout en saisissant sans l’ombre d’un doute l’importance de ce que tu as pu apprendre. Quand tu as fini, il répond sans que ne se soit écoulé une seconde d’hésitation :

« Les Duchés des Montagnes sont les considérables chaînes montagneuses au centre de Nirtim. » Marquant une pause méditative, il réfléchit quelques secondes, prenant manifestement le temps de rassembler ses connaissances à ce sujet, puis poursuit avec obligeance : « On dit qu’il existerait là-bas un Temple de Yuia désormais abandonné. Il est vrai que la Déesse des Glaces avait jadis un culte important en ces lieux, mais quant à savoir si l’édifice en question existe encore… »

En guise de conclusion de son exposé, il a un haussement d’épaules sans paraître pour autant particulièrement troublé par ces révélations, que ce soit parce qu’il ne veut pas montrer sa surprise ou parce qu’il s’y attendait. Quoi qu’il en soit, si ce saint personnage n’a pas rechigné à répondre à ta question, il n’a pas non plus la science infuse hélas.