En arrivant devant le temple, je pris un instant pour contempler le porche si particulier. Le fronton maintenu par les lourds piliers de marbre dessinait une incongruité dans la façade linéaire et morne des habitations de la rue. Ses teintes lactescentes tirant dans ses ombres vers des écueils azurés renforçaient sa démarcation et marquaient la majesté du temple malgré sa taille réduite. Outre l’admiration intacte que j’avais pour l’édifice dont la splendeur était un reflet sincère de Yuia, des sentiments multiples s’entrechoquaient dans ma tête. La mélancolie de mes découvertes à mon arrivée en ville l’année précédente était masquée aisément par la crainte que j’avais de revenir. Faire face à Sidfreid après l’altercation qu’on avait eu, son exhortation de ne plus pénétrer dans son temple et la mise à prix de ma tête qu’il avait lâchement établie, je craignais le nouvel affrontement. Malgré la puissance dont j’avais fait preuve depuis quelques temps, il était tout de même le grand-prêtre devait être au-delà de mes limites. Et même en cas de victoire dans un âpre combat, s’attaquer à un grand-prêtre kendran ne serait pas sans conséquence. Heureusement, j’avais eu une idée pour prendre l’avantage, largement conseillé par une Kristal avisée et prudente.
Mes jambes avaient du mal à me porter et la peur me faisait flancher devant ce porche. Aussi, pour me rasséréner, je me concentrais sur la sensation de puissance que j’allais pouvoir vivre en à la sortie de la cérémonie si ma stratégie mettait au tapis mon fourbe adversaire.
(Il faut parfois utiliser les mêmes armes pour éteindre les ardeurs des rivaux. D’ailleurs, j’ai visité une fois un monde où les habitants avaient la drôle d’habitude d’allumer des feux dans leurs forêts pour contrôler l’incendie de celles-ci. Ca marche, mais j’ai eu…)(Kristal ? Sérieusement ? Ce n’est pas le moment…)(Je voulais juste te distraire un peu, tu es une boule de nerfs. De toute façon, tu sais très bien quoi faire et je sais que tu en es capable.)(Je… merci.)Le soutien sans limite de ma faera me confortait dans mes choix et m’apportait la dose de courage qu’il me manquait pour lancer ce qu’elle avait baptisé dans ma totale incompréhension « L’opération couperet de la porte d’eau ». Face à moi, des gens commençaient à rentrer dans le temple, arrivant à temps pour la célébration. Quand une bonne dizaine fut rentrée, je me joignis à eux, raffermissant au passage la prise de la capuche de ma cape pour faire profil bas. Les kendrans s’installaient agenouillés en rangées, laissant au centre un passage. Je me plaçais dans la quatrième rangée, proche d’un poteau pour être moins visible, puis me courbai sur le sol gelé. La cérémonie de la fin de l’été allait commencer dans peu de temps, le soleil étant à son zénith. En attendant que les choses sérieuses, je me remémorais les choses que j’avais appris par les prêtres et Kristal au sujet du rituel.
C’était une fête qui avait lieu trois lunes après le solstice d’été, se plaçant dans les prémices de l’automne, le retour progressif à la fraicheur et l’avènement prochain de l’hiver. Pour les serviteurs de Yuia, c’était l’occasion de remercier leur déesse d’avoir veillé sur eux contre les sécheresses estivales et canicules impétueuses, ainsi que de demander sa bénédiction pour se diriger vers un bel hiver. Cette partie-là avait bien entendu son écho plus étayé lors de la première chute de neige de l’hiver, mais c’était un pas dans cette direction. Au milieu des prières et louanges, quelques textes sur les dons qu’apportaient Yuia étaient lus, puis des prêtres et quelques fidèles envoyaient sur la foule de la neige poudreuse sur l’assemblée. Ces flocons bénis au préalable symbolisaient la main de Yuia qui protégeait ses disciples, leur apportant la force de tenir face aux frimas en bons fils et filles de Yuia, ainsi qu’en éloignant d’eux l’ombre de Jéri qui se faisait plus virulente l’hiver avec ses maladies et infections. On priait aussi la déesse des glaces d’amener un rythme de vie plus doux et plus calme que l’été très actif, d’apporter des neiges bloquant les armées ennemis et une dizaine d’autres petits vœux propres à chacun ou à sa profession. J’avais prévu d’agir lors d’une simple journée du temple, avec de rares fidèles et éventuellement quelques enfants présents pour la lecture, mais j’avais appris la veille que mon retour coïncidait avec cette cérémonie. Une occasion en or sur laquelle je sautais, même si j’avais peu de temps pour me préparer.
La salle presque remplie, les mouvements se calmèrent et un silence chaloupé se déposa sur nos épaules. Quatre prêtres se postèrent au fond de la pièce pour présider la cérémonie et un rapide coup d’œil me suffit pour repérer parmi eux Sidfreid. Il ne tarda pas à prendre la parole et sa voix éclatante tonna entre les murs givrés de son temple.
« Fils et filles de Yuia, bienvenus parmi nous pour célébrer ensemble les premières embrassades que Yuia nous offre cette année. L’été nous a apporté des peines avec les sécheresses du mois dernier qui ont réduit les récoltes, mais le froid de notre déesse est à nos portes pour nous offrir ses bienfaits. »« Gloire à Yuia ! »La foule avait répondu d’une seule voix, chargée de ferveur. Le grand-prêtre avait clamé son introduction avec une aisance qui dénotait l’habitude et l’autorité. C’était un grand homme que j’allais affronter, quelqu’un de puissant, plein d’assurance et de force. Si ma faera n’était pas logée dans mon médaillon contre mon cœur, je n’aurais pas eu le courage d’aller plus loin et j’aurais sûrement cherché un moyen de partir discrètement. Mais la conviction de Kristal se mêlait à la mienne pour m’emplir de force. Je gardais la tête penchée pour que mon chaperon dissimulât toujours mon visage, mais je pus entendre les déplacements de Sidfreid, qui continuait à parler tout en progressant dans l’allée centrale.
« … En ce temps d’espoir, ce début d’automne, ayez une pensée envers les plus grands servants de Yuia qui nous ont guidés depuis des siècles : Hëlistiri le grand prédicant et sa sœur Maneliana la fondatrice de l’université de Pohél… » (C’est le bon moment, vas-y !)(Quoi ?)(Lève la tête, crois-moi.)Avec une confiance totale dans ma faera, je levais ma tête. La capuche s’affaissa en arrière, dévoilant presque totalement ma tête. Je me tournais vers l’allée où Sidfreid continuait son discours, embrassant l’assemblée d’un regard balayant.
« …Feu l’archimage Lancifar, décédé il y a deux ans en protégeant les hommes libres, mais aussi
Zania Tir’Alsilma et K… Lillith ?! »J’eu du mal à contenir un sourire narquois quand le grand-prêtre posa ses yeux sur moi, un fantôme de ses ennuis passés. Sa langue l’avait trahi avant qu’il ne pût réagir. Sa voix étranglée passait inaperçue face à l’énormité qu’il avait instauré en me citant au milieu de la liste des grands noms du culte de Yuia.
(Il n’y a pas de quoi. Ks ks ks…)(Tu es diablement géniale !)Les fidèles sortaient de leur torpeur pieuse en réalisant l’incongruité de ce nouveau nom dans les prières. Certains me connaissaient aussi sûrement de réputation. Les plus proches de moi avaient vu mon mouvement et me fixaient sans comprendre. Le silence de Sidfreid fut remplacé par quelques murmures dans la pièce et je compris que le duel, loin des combats d’arène, était lancé.
(C’est la politique mon cher…)(Tu me l’as bien expliqué, mais j’ai ça me parait toujours étrange.)Sur les conseils de ma faera, j’implantais sans attendre une tension en m’imposant. Pour cela, je me levais, me mettant à la hauteur de Sidfreid au milieu du parterre de témoins hagards. La peau blanche du grand-prêtre paraissait encore plus pâle et sa lèvre inférieure frémissait. D’une voix timide, je brisai la suspension qui trainait.
« Oui, c’est bien mo… »« Mais je te croyais mort ! »La peur dans sa voix me donna plus de constance, comme si son déclin me nourrissait d’une vigueur impérieuse.
« Oui, et beaucoup ont du le croire. Mais les sources de cette rumeur ont malheureusement une piètre connaissance de la magie sacrée de notre déesse et elles ont cru voir une mort terrible où il n’y avait que protection divine. »« Mais, mais… Comment ? »Sidfreid semblait calme, mais je percevais dans ses yeux un début de panique. Il réalisait l’erreur de son mercenaire et le lourd sous-entendu que je lui adressai à ce sujet. Il ne devait pas savoir comment agir, en plein milieu de sa cérémonie, et chaque seconde qui passait me permettait d’asseoir une certaine domination. En claironnant mon aventure où Yuia m’a permis de vivre un an dans ses glaces, je me plaçai en élu, loin de l’image d’hérétique que j’avais eu l’année dernière.
« Oh, c’est une longue histoire. Mais pour faire simple, J’ai pu rejoindre les ruines d’un temple de Yuia abandonné et, guidé par les pouvoirs que m’octroie la Magnifique Yuia, j’ai pu trouver une certaine relique. Une attaque lâche aurait pu avoir ma peau, mais les glaces de Yuia m’entourèrent tel un écrin, me protégeant pendant un an face aux dangers. »Les murmures grandissaient, à mon grand plaisir, et Sidfreid voyait de plus en plus rouge. Quelques personnes narraient ma mésaventure du cours de théologie, mais la plupart des chuchotements sifflaient des notes enthousiastes qui montraient clairement la curiosité et l’emballement.
« Une protection de Yuia ? »La surprise était tellement forte que Sidfreid en avait oublié la cérémonie, m’interrogeant au milieu de tous. Mais maintenant que j’avais l’assurance d’une image populaire un peu plus blanche, je pouvais passer au sérieux. En insistant un peu, je pourrais lui parler en privé sans craindre une attaque immédiate.
(Ne lui demande surtout pas !)(Pourquoi ? Je peux le voir sans risque de représailles immédiates, comme tu m’as dit.)(Je vois, tu n’as pas compris le principal. Là, tu domines la situation. Si tu lui demandes de lui parler en privé, tu lui laisses l’initiative, le droit de fixer les règles.)(Mais j’aurais toujours de quoi le faire chanter, non ?)(Mais il ne tombera pas aussi facilement dedans. Pousse-le à te faire arrêter de parler)Dubitatif sur les théories de manipulation et de politique de ma faera, je ne savais trop quoi faire. Mais elle m’avait mené jusque là et je savais qu’elle me menait sur la bonne voie. Je pris alors la perche tendue par Sidfreid pour l’enfoncer.
« Oui, une protection. Un impie m’attaqua et déclencha un piège du temple. Il fut réduit à néant en un instant, mais j’étais aussi dans le champ d’action. Notre grande déesse me souffla alors les pouvoirs de résister à un tel assaut et je pu survivre dans un bloc de glace éternel. Mais après tout, c’est peu surprenant, après qu’elle m’ait élu pour trouver son grimoire, contenant les sagesses de son… »« Effectivement Lillith, c’est une longue histoire. Il ne faudrait pas ralentir plus longtemps la cérémonie de fin de l’été. Parlons-en dans mes quartiers pendant que les autres prêtres poursuivent l’office. »Sidfreid commençait à paniquer quand il comprit que j’avais le grimoire qu’il jugeait hérétique et que j’étais sur le point d’en parler à tous comme un cadeau de Yuia. J’acquiesçais d’un signe de tête, lui accordant mon approbation pour un entretien privé.
(Tu avais raison, c’est tellement mieux de le voir suer pour faire ce que je voulais, plutôt que de demander.)(Ravie que tu t’en rendes compte.)Avec les yeux de tous rivés sur nous, Je suivis Sidfreid vers une antichambre un peu à l’écart, dans une ambiance particulière où mêmes les murmures s’étaient et où nos pas résonnaient dans le silence de cathédrale. Mon opposant fit un signe aux autres prêtres qui prirent sa suite dans la célébration et c’est avec un fond sonore chargé d’oraisons et de proclamations que nous entamâmes une discussion bien plus sérieuse et moins langue de bois.
« Eh bien Lillith, je pensais t’avoir dit de ne plus remettre les pieds dans mon temple. »Il paraissait vindicatif, mais son assurance manquait de force. Je m’appuyais contre un pilier au givre revigorant bras croisés, près à lui asséner ce que Kristal et moi avions préparé. Ce geste d’apparence anodine n’avait pas uniquement pour but de montrer une nonchalance feinte, car le pouvoir de mes vambraces m’éclaircissait l’esprit, détail capital pour mener de front la négociation qui allait suivre.
« Il faut croire que je vous ai trompé à ce sujet… Mais vous devez être habitué, vos propres subordonnés manquent à leurs devoirs. Nabui est assez décevant, non ? »« Comment ? Tu… Je ne vois pas de quoi tu parles. »(Décevant…)(Très décevant…)(Il pensait nous avoir comme ça ?)(Il doit espérer que tu tentes quelque chose sans aucune preuve… Donnes-lui en une.)Négligemment, je tirais de ma manche un parchemin pour le tendre à Sidfreid, avant de reprendre ma position. Je le laissais lire la copie de son propre ordre, donné aux mercenaires pour suivre et tuer « si nécessaire » l’hétérodoxe Lillith Orin. La lecture agrandit les yeux du prêtre et ses doigts se crispèrent sur le pli incriminant. Kristal me rappela alors un détail à préciser, pour couper l’herbe sous le pied à toute traîtrise.
« Bien sûr, l’original est en sécurité. J’ai pris les mesures pour que ma disparition prolongée ou ma mort avérée amène les autorités à en prendre connaissance. Ce serait… ennuyeux. »Sidfreid releva vers moi des yeux emplis de haine et de peur. Il était pris à la gorge, il le savait.
« Tu ne peux pas ! Tu n’es rien, je suis un grand-prêtre ! Tu crois vraiment pouvoir me coincer ainsi ! »De rage, il déchira la lettre, fulminant tel un chien enragé. Mais je remarquais quelque chose, tranquillement posé contre ma colonne : il ne me touchait pas. Il avait beau affirmait le contraire, il savait qu’il avait perdu. Restait à voir jusqu’où.
« C’est le cas. Vous avez affirmé que j’étais un hérétique, abandonné la vraie foi de Yuia pour des travers déshonorant. Vous avez sûrement annoncé ma mort dans ma quête insensée, trop ravi de pouvoir narrer comment les glaces de Yuia m’avait tué à cause de ma déraison. Mais je suis là, vivant, béni par Yuia elle-même pour survivre à l’attaque fourbe de tes sbires. J’ai vécu un an au creux des glaces éternelles et je suis de retour, pour la fin de l’été, grimoire sacré en main. »Son visage se décomposait un peu plus à chacune de mes phrases. Je savourais le début de ma victoire et pris un pose plus grandiloquente pour l’achever. Droit dans mes bottes, montrant d’un geste la salle attenante où l’on pouvait entendre d’une voix lointaine une litanie sur l’enchantement des premières neiges.
« Le peuple m’a vu et j’incarne plus l’élu de Yuia en cet instant que vous ne l’avez jamais été. Supprimez-moi et vous perdez tout. »D’un doigt impérieux et menaçant, je pointais la poitrine d’un Sidfreid tremblant, qui avait perdu tout son splendide.
« Qu’est-ce que tu veux ? »« Je veux que toute tentative de nuisance ou meurtre à mon encontre n’existe plus. Que les mercenaires aient ordre de se tenir tranquille. Je peux revenir au temple pour prier notre déesse comme tout autre fidèle. Bref, je veux une réhabilitation complète. »« Ce sont des termes … acceptables, mais j’ai une condition. »(Quoi ?)(Il ose ! Rembarre-le !)« Tu n’es pas en mesure de négocier, j’énumérais simplement mes termes de ta reddition. »« Je ne sais que pensais de ta survie dans la montagne et ta découverte du grimoire, mais garde son savoir pour toi. Il pourrait tourner la tête de plus d’un fidèle qui en méprendrait les connaissances. »Je n’aurais su dire si c’était de la pitié en voyant son air alarmé et inquiet ou une pointe d’égoïsme voulant gardant pour moi ce que j’avais acquis, mais j’accédais à sa requête.
« Très bien. C’est effectivement un savoir que peu de gens seraient aptes à apprécier. Je garderais ce grimoire secret. Mais puisque je t’accorde ce cadeau, ma réhabilitation commence maintenant ! »Poussé par une Kristal enthousiaste qui s’agitait face à cette victoire au final si facile, je me dirigeais vers la pièce principale. Sidfreid, alarmé, me suivit sans pouvoir agir. Sous les grandes colonnades cristallines, un des prêtres lisait un prêche pour une assemblée en plein recueillement.
« … et ainsi la jeune pousse, sous le doux manteau, fut protéger des menaces des vermines. Renforcer par son repos, elle peut rejaillir au printemps, tel un enfant délassé après une longue sieste. »
Le texte se finissait et les fidèles relevèrent la tête. Les prêtres, tenant des corbeilles de neige bénie, semblaient attendre le retour de Sidfreid pour entamer l’aspersion de flocons. M’avançant, je pris la parole d’une voix claire et forte.
« Pour fêter mon retour des glaces de Yuia, Sidfreid m’a proposé de participer à la cérémonie de fin de l’été. »Comme le visage de chacun dans la pièce, je me tournais vers le grand-prêtre, attendant qu’il suive le mouvement.
(De toute façon, il n’a pas vraiment le choix.)Sidfreid perdit constance un instant, mais refit vite face à la situation en revêtant son habituelle attitude altière et forte qui incombait à son rang.
« Oui, son retour n’est pas anodin en ce moment et ce serait avec un grand plaisir que j’ai invité Lillith à transmettre la bénédiction de Yuia à vous tous. Que le regard attentif qu’elle lui porte s’insuffle à chacun d’entre vous. »Chacun de ses mots était un délice à mon oreille et j’étais ravi de le voir obligé de jouer mon jeu et valider mes dires. Il prit une des corbeilles et me la tendit. Je sentis une certaine rudesse dans son geste et son regard assassin m’adressait mille reproches, mais je n’en souris que de plus belle. Sidfreid prit alors à nouveau la parole, entonnant le rituel annonciateur de la neige. Je l’écoutais d’une oreille distraite, conversant en même temps avec ma faera.
(Alors ? Je m’en suis sorti ?)(Oh oui, notre cher grand-prêtre n’osera pas te toucher. Tu pourrais compromettre sa situation, et tout homme d’église qu’il est, c’est aussi un homme de pouvoir. Il ne risquera pas bêtement tout ça pour une rivalité de cryomancien. Et puis je pense qu’il a un peu peur de toi.)(Peur de moi ?)(Tu t’es opposé à ces préceptes, mais la glace t’as sauvé plutôt que détruit. Il doit douter, ou craindre ta puissance. Tu n’es plus un jeune montagnard ignare à éduquer, mais un mage talentueux et aguerri qui fait sa propre voix.)(Et bientôt, je maîtriserais les pouvoirs que Yuia m’a confiés au-delà de ce qu’il peut imaginer. Le livre de Yuia m’ouvrira sous peu les portes de la vie éternelle !)(Tu es la modestie incarnée…)Le principal étant dit, je reportais mon attention sur la cérémonie, comptant en profiter désormais comme un fervent serviteur de ma déesse. Sidfreid bénit les paniers puis chanta les bienfaits de Yuia. Tous reprirent ses paroles tandis que les prêtres, deux autres fidèles moi avancions dans la foule.
« Bénis sois-tu, divine Dame des Glaces. Répand sur nous ta caresse aimante, protège du malheur tes humbles serviteurs. Yuia, déesse de toutes beautés, prend pitié de nous et offre nous un bel hiver. »
Je louais Yuia en même temps que tous et, progressant entre les kendrans agenouillés, je répandais en nuée les flocons bénis sur la foule. La lumière déclinante du début d’après-midi passait dans les vitrages pour miroiter dans les milliers d’éclats de neige, apportant à la scène une dimension mystique. Dans les mouvements des autres lanceurs, je reçus aussi sur moi la douche consacrée. Chaque flocon au contact de ma peau ravivait mes pouvoirs et mon esprit. Je me sentais la proximité de Yuia, je sentais son amour.
(Yuia, Ô grande déesse parmi toute, je te remercie mille fois de tes bienfaits passés et à venir. Je te supplie de pardonner mes errements passés, ainsi que le dérangement que j’ai du faire dans ta cérémonie pour éviter un fratricide parmi tes enfants. Je vis pour te servir et serais bientôt plus proche de toi encore. Louée sois-tu, splendeur de Nosvéris.)La suite de la cérémonie se déroula sans encombre. Je repris place dans l’assemblée et les prières durèrent encore un petit moment avant que tous ressortissent. Le retour à la rue à la chaleur de début d’automne était désagréable, après la fraicheur divine à laquelle on avait eu droit dans le temple.
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