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 Sujet du message: Re: Temple de Yuia
MessagePosté: Sam 10 Oct 2009 14:02 
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De nouveau en vis-à-vis avec le prêtre, j'écoute avec attention les pistes qu'il me fournit, apprenant que les Duchés sont le nom d'une cordillère du continent.

(C'est une bonne chose, je suis déjà sur le bon sol...)

Mais les informations du prêtre ne vont guère plus loin, et la seconde étape de ma quête semble déjà se corser. Trouver le bon temple dans les grandes villes m'a pris plusieurs jours, alors qu'en sera-t-il d'un temple dont l'existence et l'emplacement paraissent si chimériques. Je n'ai pourtant d'autres choix que de me contenter des spéculations de l'homme de Yuia ; et le poids que je sens depuis que je possède l'épée m'emplit bizarrement d'optimisme. Cela ne fait que dix-huit jours que j'ai quitté mon village et déjà une pièce du Set est en ma possession, de quoi me stimuler pour la suite de mes recherches, même si elles doivent durer plusieurs lunes.

"Au centre de Nirtim dites-vous, je dois donc partir vers le nord en quittant Kendra-Kâr. Y'a-t-il une route qui relit votre ville au bas des Duchés ou dois-je couper à travers champs ?"

Une fois aux pieds des montagnes je pourrai sûrement interroger la population locale.

(S'il y en a encore une !)

"Les Duchés sont-ils habités de nos jours ?"

Je me rend compte que je ne connais rien du continent Nirtim et qu'il ne serait pas mauvais pour moi de pouvoir en lire une carte afin de me repérer un peu mieux. Combien de temps ce voyage me prendra-t-il ?

"Et... est-ce loin ?"

Je n'ai sur moi aucune provision et le trajet doit sûrement durer plusieurs jours. Il me reste quelques Yus, avec ceux qu'il doit y avoir dans la bourse de l'infortuné étendu sur le banc, je devrais pouvoir acquérir de quoi subsister pour la route. A défaut, j'espère que Nirtim n'est pas trop différent de Nosvéris et que je pourrai trouver baies et petits animaux à me mettre sous la dent.

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 Sujet du message: Re: Temple de Yuia
MessagePosté: Dim 11 Oct 2009 22:51 
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Dirigé de Rurik :

Patiemment, avec toute la prévenance froide et digne qui convient à un haut prêtre de Yuia, l’homme t’écoute attentivement, ne paraissant guère surpris de tes questions qui sortent sans interruption de ta bouche : il semble désormais pris pour acquis pour lui que tu es réellement un gaillard du genre aventureux qui ne peut pas tenir en place une fois qu’il a une idée en tête, et ne se montre donc ni réprobateur ni même fatigué devant ton ardeur. Bien loin de là, il fait montre d’une attention tout à fait obligeante, et attend que tu en aies –pour le moment- fini avant de prendre à son tour la parole, n’étant apparemment pas offensé de te servir de guide si c’est pour les besoins d’une quête aussi importante que la tienne :

« En partant de Kendra-Kâr, et en suivant la route qui mène aux Duchés, vous devriez les atteindre en quatre jours à peu près… la moitié si vous prenez un cheval. » Répond-t-il, faisant preuve de son esprit de concision habituel. « Là-bas, vous trouverez facilement des gens pour vous héberger et vous informer : ces montagnes sont peuplées, et peut-être plus que vous ne le pensez. »

Ayant ainsi satisfait ta curiosité présente, il se fait à nouveau muet, gardien silencieux et diligent des lieux.


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 Sujet du message: Re: Temple de Yuia
MessagePosté: Lun 12 Oct 2009 00:22 
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Quatre jours de marche, de quoi me dégourdir un peu après ces derniers temps passés à bord de divers navires ; et au bout m'attendent des montagnards, s'ils sont comme chez moi, ce sera un plaisir de partager un peu leur vie au cour de mon périple. De ce dernier, je termine ici une phase ; l'homme de Yuia m'a été d'une grande aide, mais il me faut maintenant le quitter pour aller plus avant, laissant entre ses célestes mains le corps sans vie de mon prédécesseur. J'ai l'Épée de Glace et assez de renseignements pour faire route jusqu'à la prochaine étape.

"Dank u wel*, Maître. Les mots de toutes les langues ne seront pas suffisants pour vous remercier. Je n'abuserai pas plus longtemps de votre hospitalité, ni de votre temps. Je vous laisse avec ce malheureux, dont je m'en vais accomplir les dernières volontés."

J'hésite un instant à dépouiller le macchabée de ses derniers biens, ne voulant pas aller à l'encontre de mes mœurs ; mais je dois le respect à cet homme que j'ai tué, envers et contre tout il me faut appliquer ses derniers souhaits.

"Puis-je emporter sa cape et sa... bourse ?"

Interrogeant de nouveau le prêtre, je repose le parchemin sur l'escarcelle du défunt. Je ne pense pas que l'homme de foi négligera les écrits du mort, mais s'il en décide autrement, je ne pourrai que me plier à ses vœux.

Je suis prêt à partir, attendant de voir si le prêtre me remet ou non les affaires de celui qui s'est éteint.


*Merci beaucoup

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 Sujet du message: Re: Temple de Yuia
MessagePosté: Lun 12 Oct 2009 03:18 
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Dirigé de Rurik :

Votre entretient de même que le temps que tu as passé dans ce Temple touchent donc à sa fin, et le grand prêtre, toujours aussi sobre et digne, ne se fend nullement d’un cérémonial compliqué ou d’un discours d’adieu émouvant, se contentant simplement de jeter un œil sur le bout de parchemin avant de se charger de dépouiller le mort conformément aux volontés de celui-ci : refermant la bourse aussi prestement qu’il l’a ouverte, il défait ensuite l’agrafe de la cape avant de te tendre les deux objets. En ce qui concerne la seconde de ces acquisitions, elle est faite d’une laine sans doute jadis épaisse, idéale pour conserver la chaleur, mais qui s’est à présent fâcheusement effilochée en raison du rude climat auquel elle a été exposée lors du séjour de son défunt propriétaire dans les milieux polaires que tu as arpenté. Néanmoins, elle reste de bonne facture, et ne devrait donc pas t’être si inutile qu’elle pourrait en avoir l’air pour te protéger des intempéries.

« Bon courage à vous Rurik. J’espère que vous pourrez mener votre quête à bien. » Te souhaite-t-il avec la même rigueur que d’habitude, mais non sans une solennité non feinte, avant d’ajouter. « Que Yuia veille sur vous. »


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 Sujet du message: Re: Temple de Yuia
MessagePosté: Lun 12 Oct 2009 16:11 
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Je reçois en silence les possessions du défunt et jette sur mes épaules la pèlerine qui, bien que fatiguée, pourra sûrement mettre profitable ; surtout qu'elle me tombe parfaitement sur les épaules, révélant qu'avant de terminer aussi chétif, l'homme allongé était de bonne stature, quoi qu'un peu plus petit. Quant à la bourse, je transvase son contenu dans la mienne, puis referme les cordons, laissant à l'intérieur le parchemin, pour glisser le tout dans ma musette.

"J'espère un jour vous revoir Maître."

Je ne prononce pas un mot de plus, les sous-entendus suffisent et, comme à mon arrivée, je pose ma main droite sur mon cœur pour m'incliner jusqu'à la taille devant le prêtre de Yuia. Avec un dernier regard pour la statut de la Déesse des Glaces et de la Beauté, je laisse derrière moi le temple et cette première épreuve sur le long chemin de ma quête.

>> Les rues de Kendra-Kâr

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 Sujet du message: Re: Temple de Yuia
MessagePosté: Mer 9 Juin 2010 13:58 
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Alors que je poussais la porte, je ressentais déjà un soulagement certain, frissonnant de plaisir au contact froid de l’acier de couleur bleu. J’entrouvris à peine le passage, autant par manque de force que par désir de préserver la fraîcheur saisissante que je savais à l’intérieur de l’édifice. Je me faufilai alors et refermai derrière moi la porte en faisant le moins de bruit possible.

Comme d’habitude, à ce que je pouvais en juger depuis ces quelques jours où je visitais ces lieux, la bâtisse était vide de personnes. La pièce, bien que petite, était majestueuse et surtout, pour moi, représentait un véritable refuge, un retour aux sources. Je frissonnai toujours mais laissai le froid ambiant hérisser ma peau, résistant au besoin de frotter mes bras nus pour les réchauffer. Le contraste entre le climat chaud de ces jours et le froid de cette pièce était violent mais je n’en avais cure, cela me faisait même du bien.

J’ôtai avec hâte mes chaussures en cuir et laissai mes pieds nus prendre contact avec la froide poudreuse qui recouvrait le sol. En cet instant, je ne voyais plus les murs blancs, presque bleutés, ni la statue de glace qui trônait au centre de la pièce et de l’édifice. Je déposai alors mes chaussures sur le côté de l’entrée et m’avançai lentement, savourant chacun de mes pas, le regard et les pensées portés à des lieues de là …

Je m’approchai sans m’en rendre compte de la statue, allant instinctivement là où l’air ambiant était le plus froid, le plus agréable. Je me laissai alors choir sur le sol enneigé et m’assis en tailleur, fermai mes yeux lentement et commençai mon voyage de retour. J’eus alors l’impression de sentir le vent souffler dans mes cheveux, de sentir l’odeur sylvestre des arbres majestueux et si anciens qui bordaient mes montagnes – et même cette sensation toujours mitigée d’être observée probablement par un loup … particulièrement forte en cet instant.

(… Trop forte …)

J’ouvris brusquement les yeux, sentant cette sempiternelle pointe d’angoisse lorsqu’un loup de notre meute n’était pas loin de moi. Je distinguai à nouveau les murs, la statue de cette femme, entièrement de glace. Percevant à la limite de mon champ de vision une ombre, je tournai vivement mon visage et me trouvai brusquement face à deux yeux bleu glacier qui me saisirent par leur intensité, leur intelligence, semblables au regard qu’avaient nos frères loups.

Il me fallut quelques instants pour prendre conscience de la chevelure presque blanche qui encadrait son visage bien humain et de reconnaître en lui le gardien de ce refuge. L’homme me dévisageai, intrigué, et semblait attendre quelque chose … Après une courte seconde d’hésitation, je me décidai donc de rompre le silence sur un ton neutre et prudent :

« Bonjour … »

L’homme n’eut presque aucune réaction, me fixant toujours si intensément. Il me répondit alors d’une voix égale.

« Soyez la bienvenue dans la demeure de notre déesse Yuia.
- ... Merci. »

(Une déesse ?!)

Tandis que le gardien me fixait toujours, je m’interrogeai sur ces lieux. J’avais appris récemment l’existence de cet endroit que les Kendrans appelaient ‘Temple de Yuia’ mais j’ignorais jusque là qu’il s’agissait de la demeure d’une déesse ! Un sentiment d’angoisse commença à enserrer ma gorge. Je ne connaissais rien à la religion des Kendrans. Je ne connaissais que Fenris et le savais peu exigeant vis-à-vis de nous. Mais qu’en était-il des dieux Kendrans ? Avais-je offensé cette déesse d’une quelconque manière ?

Je détournai le regard des yeux bleus du gardien du temple pour le porter sur la statue de glace pour aussitôt le baisser, ne sachant plus où j’avais le droit de regarder, quelle attitude adopter. Bien que les traits de mon visage restaient de marbre, mon cœur pulsait à une vitesse folle. Je n’avais qu’une seule envie : partir. Quitter ce lieu qui, je venais de le comprendre, était sacré et que j’avais foulé et peut-être même profané de mes pas ignorants.

Le souffle court, je me décidai enfin à me relever, toute en retenue et hésitation, gardant le regard baissé, n’osant plus regarder en face le gardien du temple dont le regard me paraissait à présent presque accusateur.

« Excusez-moi … » dis-je dans un souffle.

Je fis volte-face et me précipitai alors vers la sortie, mes pieds nus foulant les flocons dont la froideur me parut désormais comme agressive, mordante. Ma précipitation était telle que je faillis en oublier de récupérer les chaussures qui m’attendaient à l’entrée.

« Vous partez déjà ? … » entendis-je le gardien derrière moi.

Une chape de plomb sembla brusquement emprisonner mon palpitant et je crus défaillir tant j’eus peur de représailles. Ne demandant pas mon reste, je me précipitai dehors et clos brusquement les lourdes portes derrière moi. Le dos appuyé contre l’acier froid, le corps désormais exposé au soleil qui me parut trop brûlant, je reprenais mon souffle, réalisant peu à peu que j’étais toujours vivante et que j’avais eu beaucoup de chance.

Très rapidement, j’éprouvai le besoin de m’éloigner du temple, craignant toujours d’offenser cette déesse inconnue tandis que j’étais toujours sur le parvis menant à sa demeure. Je me rechaussai prestement puis dévalai les marches de pierre, notant que les gens dans la rue allaient et venaient, comme à leur habitude, rien ne semblait avoir été troublé … Confuse, je jetai un dernier regard au bâtiment sacré et me précipitai dans la foule pour m’y dissimuler, voulant échapper au regard de Yuia.


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 Sujet du message: Re: Temple de Yuia
MessagePosté: Jeu 2 Juin 2011 18:01 
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Comme une accolade de bienvenue, la fraîcheur surnaturelle des lieux vint couvrir mes épaules. Le soleil matinal offrait une lumière blanche qui se teintait d’une touche légère de bleu en passant au travers des vitrages de glace, donnant à la salle principale une atmosphère mystique et calme. Quelques enfants dérangeaient la tranquillité des lieux, agités comme tout enfant qui se respecte. Après avoir brisé le silence par les éclats de voix, ils allèrent rejoindre une salle attenante où le cours allait avoir lieu. Il est vrai que les prêches avaient pour principaux auditeurs les petits kendrans envoyés par leurs parents pour s’instruire dans un temple après un autre, mais je n’avais cure de cette différence d’âge et me contentait d’ignorer l’agitation débordante de ces enfants.

Tout en saluant discrètement quelques personnes de ma connaissance, je rejoignis à mon tour la pièce pour prendre place dans un coin en attendant le prêtre. Celui-ci ne tarda à entrer, faisant taire d’un geste les discussions et plongeant ainsi l’audience dans un silence. C’était Orlyn, un religieux d’une cinquantaine d’années en robe de bure austère et à l’érudition vaste, qui se chargeait du cours. Il avait l’art de conter les histoires et savait intéresser les enfants par des mots simples et une interactivité rafraichissante.

« Bonjour à tous. Nous allons continuer aujourd’hui sur la légendaire cité de Nosvéria. Quelqu’un peut nous rappeler où nous en étions ? »

Orlyn désigna une fillette qui tendait la main impatiemment. Elle glapit de joie et démarra un résumé récité à la façon d’une leçon.

« Lorsque les Hommes découvrirent la déesse Yuia par le culte que lui manifestaient les Hinions du continent Nosvéris, ils commencèrent à leur tour à la vénérer, agrandissant ses domaines en passant du froid et de l’art au froid et à la beauté sous toute forme. Ils aimaient tellement leur déesse chérie qu’ils lui construisirent une cité gigantesque et magnifique dans les montagnes de Nosvéris. Ce fut un tel chef d’œuvre que lorsqu’ils lui demandèrent de venir siéger et régner en ces lieux, Yuia ne put refuser. C’est ainsi que Yuia redescendit sur Yuimen et vécu dans la cité mythique de Nosvéria. Aujourd’hui, elle est disparue et Yuia n’est plus sur Yuimen. »

« Bien, bravo Blanche. Tu as bien récapitulé Ce que nous avions abordé rapidement avant de nous quitter. Je tiens tout de même à préciser que la vénération des Hommes avait perdu de la pureté que l’on peut avoir envers une divinité. Ils avaient associés le domaine de l’art à leurs désirs charnels. Cela aura son importance par la suite. »

La gamine s’empourpra et l’audience donnait déjà toute son attention au prêtre qui pu continuer tranquillement, ou presque.

« Bien, qui sait ce qu’il s’est passé ? »

« Moi M’sieur ! Les hommes ont mis Yuia en colère alors elle a détruit la ville et c’est comme ça qu’elle a disparu. »

« N’importe quoi ! Elle n’a pas détruit la ville, elle a congelé tout le monde. Et ils revivent une fois par an. »

« T’y es allé peut-être ? C’est juste une histoire pour faire rêver les enfants. »

« C’est mon père qui travaille au palais et qui a lu des rapports d’explorateurs kendrans sur Nosvéris. C’est vrai ! »

Les arguments des enfants fusaient dans tous les sens et Orlyn dut hausser la voix pour ramener le calme. Personnellement, je restais figé après avoir entendu l’un des garçons sous-entendre que des humains figés par la magie de glace reprenaient vie subitement. Fébrile, j’attendais la suite impatiemment.

« Arrêtez un instant. Chacun d’entre vous a dit un petit bout de vérité. Voilà ce qu’il en est exactement. La légende raconte que les Hommes, une fois la déesse parmi eux, furent subjugués par une telle beauté et ils en devinrent fous. Ils l’agressèrent et cette insolence fut dûment punie. Elle s’éleva dans les airs et déchaîna sa colère. La ville fut gelée sur place et ses habitants pêcheurs reçurent le châtiment des neiges éternelles. Eternelles statues de glace, ils demeurent figés à l’exception des jours de solstices. Il se passe alors le Hïenbless, le jour de la libération, durant lequel la ville reprend vie, avant de se figer à nouveau la nuit tombée. Yuia regagna les sphères divines et se jura de ne plus entrer en contact avec les humains.»

Il marqua une petite pause pour nous laisser digérer la légende. Mes entrailles remuaient et je me sentais bizarre lorsqu’il évoquait la cryogénisation des gens, le fait qu’ils se réanimaient aux solstices. Mon histoire personnelle vibrait au rythme de ce mythe, malgré quelques points me paraissant dissonants. Mais je n’eu pas le temps de creuser plus la question car il reprit son prêche.

« Mais comme toute légende, sa véracité est discutable et nous avons longtemps cru que Nosvéria n’était qu’une affabulation trouvant sa place uniquement dans les livres. Mais il y a eu des cas d’aventuriers narrant d’étranges histoires sur une cité des glaces aux mille statues. Solennel III, le père de notre bon roi envoya plusieurs explorateurs Lors de la période faste du royaume, désireux de tirer cette affaire au clair. Et c’est à ce moment que les faits historiques rejoignirent la mythologie et que preuve fut faite de l’existence de la ville. Sa localisation est floue à cause de la difficulté à se repérer dans les monts de Nosvéris, mais plusieurs témoignages rapportent des descriptions des lieux, des statues de glace. Un aventurier au nom perdu depuis longtemps a même troqué contre une somme coquette les discussions qu’il avait pu avoir avec des hommes gelés réanimés lors du Hïenbless d’hiver, confirmant ainsi à la fois l’existence de ces jours particuliers et l’exactitude de la légende. »

Un silence plana, ponctué des souffles des enfants abasourdis. Il était clair dans mon esprit que je devrais visiter cette cité mythique un beau jour et que ce sera hallu-attendez la suite-cinant !

« Voilà donc comment nous pouvons affirmer que la Nosvéria et son histoire sont bien réelles. Et nous pouvons retenir certaines leçons de ce qui s’est passé. Pouvez-vous me dire lesquelles ? »

(Retenir des leçons ? Je n’aime pas la tournure que ça prend…)

Les auditeurs restaient silencieux, même les rares adultes de l’assistance, soucieux de ne pas dire une bêtise et attendant donc la réponse du prêtre. Celui-ci se tint bien droit, un doigt sévère remuant au fil de ses paroles et le ton sec et rigide.

« Yuia est une déesse bonne et juste, mais il ne faut pas lui manquer de respect. Le respect est la clé de tout et si on laisse nos bas instincts et nos désirs amoraux, nous serons punis. Tout comme ont été punis les habitants de Nosvéria dont la dépravation a poussé Yuia à leur faire subir un châtiment exemplaire. Ils ont souffert pour leurs péchés et… »

« Je ne suis pas d’accord ! »

Sans m’en rendre compte, je m’étais levé et avais parlé d’une voix forte et impérieuse. Orlyn avait les yeux écarquillés et le rouge lui montait progressivement aux joues. Tous les autres restaient bouche bée.

«Vous… n’êtes pas d’accord. Il n’y a pas à être d’accord ou non avec ça, ce sont les faits, point. »

« Ce sont les interprétations des faits que vous avez choisi d’avoir. Vous avez pris une position et la justifiez en manipulant les légendes à votre gré. »

« Parce que les résultats des explorations ne prouvent pas ce que je raconte ? »

« Vous vous basez sur des on-dit et placer votre moral à 3 yus par-dessus ça pour prôner votre tempérance craintive et insipide dans le but de mieux contrôler vos ouailles ! »

Le prêtre devenait rouge écarlate et des filaments de postillons giclées de sabouche grande ouverte lorsqu’il éructait ses paroles.

« La Fornication est une chose abjecte et cette dépravation qui ruine notre royaume est à l’origine du déclin de Nosvéria. Les Hommes sont des bêtes et par leur faute, notre déesse ne veut plus nous voir. »

« Vous vous encroûter dans des concepts éculés et perdez de vue la plus belle œuvre de Yuia. »

« Je ne saurais subir ses incessantes insanités. Qu’osez-vous ainsi insinuer ? »

Malgré sa magnifique allitération en –s, je ne me laissai pas déstabiliser.

« Vous êtes aveuglé par vos idées et ne voyez pas les incohérences de vos propos. Pourquoi les faire revivre 2 fois par an ? Pourquoi conserver la cité dans toute sa splendeur si Yuia était en colère vers les humains et qu’elle prenait cette ville pour un traquenard vicieux ? Pourq… »

« Les voies de la déesse sont impénétrables. »

« Justifier vos arguments par votre ignorance montre votre manque de clairvoyance ! Et qu’en est-il de ceci : Nous avons vu que les dieux ont du quitter Yuimen à cause de la guerre cataclysmique de Sarnissa, comment est-il possible que la raison du départ de Yuia soit Nosvéria ? Serait-elle partie de Nosvéria pour revenir après pour Sarnissa, ce qui disloquerait votre théorie comme quoi Yuia ne vient plus sur Yuimen à cause des Hommes de Nosvéria. A moins qu’elle soit arrivée à Nosvéria après Sarnissa, ce qui voudrait dire qu’elle a désobéit à Zewen. »

« C’est… C’est n’imp… Vous déformez les légendes. »

« Ah oui ? Alors voilà ma version déformée des choses : les humains n’ont pas été insolents envers Yuia. La déesse, au contraire, était baignée d’une affection particulière pour les nosvériens et lorsqu’elle dut les quitter, elle les baigna de son ultime bénédiction. »

« Bénédic… ? »

« Oui, bénédiction. La glace les protège de la mort et leur cité et eux-mêmes demeurent, aussi éternels que les neiges les plus pures. Ils sont… »

« Ils sont congelés ! Des statues, sans volonté, condamnés à ne pouvoir bouger ! »

« Conservés dans leur ultime beauté ! Ils sont protégés de l’emprise de Phaitos, loin de la maladie, la vieillesse, la destruction qui envahit notre monde. Yuia montre sa grandeur par de tels bienfaits. »

« Hérésie ! Vos propos sont pires qu’une hétérodoxie. Vous blasphémez notre déesse en vous fourvoyant sur son histoire ! »

Les cris du prêtre continuèrent mais je n’y prêtai plus beaucoup d’attention. Je croyais dur comme fer en mes paroles. Il ne pouvait en être autrement.

(Je l’ai vu… Ma mère n’est pas en enfer. Et les nosvériens reviennent lors du Hïenbless. Ce n’est pas un hasard. J’ai pu percevoir une dimension du pouvoir de Yuia complètement occultée par leurs dogmes vertueux)

Je remarquai alors que Sidfreid, le grand-prêtre, était entré depuis un moment, contemplait la dispute dont les échos se répercutaient sur les voûtes du temple. Il posa une main sur Orlyn qui était devenu un vrai dément gesticulant et vert de rage. Celui-ci se calma assez rapidement, suite à quoi Sidfreid me parla d’une voix dure et implacable.

« Je vais te demander de te taire. »

Mes pieds se recouvrirent alors de glace et la gangue gelée gonfla jusqu’à me bloquait totalement les jambes. Surpris, je ne sus que faire et quelques instants après, je fus déplacé dans la salle comme si le grand-prêtre faisait mouvoir le glaçon m’enserrant par la simple volonté de son esprit. Dans un crissement strident, je fus ramené dans la salle principale puis sorti sur le perron. Sidfreid vint se mettre devant moi et son charisme était si impressionnant que je n’osais contre-attaquer.

« Tu as amené le désordre dans mon temple ; tu as haussé la voix sur un prêtre ; tu as défié l’autorité de notre Culte et tu as proféré des paroles hérétiques ! Tu n’es plus le bienvenu ici. »

La glace m’emprisonnant disparu d’un coup et je tombai à la renverse dans la rue poussiéreuse. Le sang me montait au cerveau et je criai à l’encontre du temple, furibond.

« Je prouverais que j’ai raison. Je comprendrais et maîtriserais ce pouvoir que vous niez ! Et je rencontrerais Yuia, loin de vos pauvres carcasses mortelles ! »

« Je suis sérieux Lillith. La prochaine fois, je ne chercherai pas à t’épargner lorsque je te botterai les fesses. »


*~¤~*


C’est ainsi que mon orgueil amplifié dans la semaine me poussa à commettre un impair social impardonnable. Je m’étais mis à dos le temple de Kendra kar mais il ne faisait nul doute que très vite, je ne serais plus accueilli dans tous les havres pour cryomanciens du continent. Très vite, je n’eus en tête qu’une seule idée, quitter la ville. Partir loin, partir vite ! Je ne supportais plus l’atmosphère puante d’hypocrisie de ces rues ni la personne que cela me faisait devenir. Je devais m’éloigner et il me vint vite à l’esprit l’expédition proposée par Pulinn. Il était temps pour moi de quitter la cité blanche pour explorer les montagnes à la recherche du livre de Yuia. J’allais en savoir plus là-bas et j’y allais être plus dans mon élément. Et c’est lors de cette expédition que je découvris mon journal cryogénique, bien que je ne sus l’utilisé qu’un fois le grimoire sacré en ma possession.

> Suite

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* Lillith, humain, Aurion et Cryomancien nv23 *
En mission pour les Amants de la Rose Sombre


Feu Ellana : morte dans les flammes du Purgatoir, hantant les lieux à jamais
et arborant ses tendancieux 6969 messages dans les archives de Yuimen


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 Sujet du message: Re: Temple de Yuia
MessagePosté: Mar 20 Nov 2012 18:16 
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En arrivant devant le temple, je pris un instant pour contempler le porche si particulier. Le fronton maintenu par les lourds piliers de marbre dessinait une incongruité dans la façade linéaire et morne des habitations de la rue. Ses teintes lactescentes tirant dans ses ombres vers des écueils azurés renforçaient sa démarcation et marquaient la majesté du temple malgré sa taille réduite. Outre l’admiration intacte que j’avais pour l’édifice dont la splendeur était un reflet sincère de Yuia, des sentiments multiples s’entrechoquaient dans ma tête. La mélancolie de mes découvertes à mon arrivée en ville l’année précédente était masquée aisément par la crainte que j’avais de revenir. Faire face à Sidfreid après l’altercation qu’on avait eu, son exhortation de ne plus pénétrer dans son temple et la mise à prix de ma tête qu’il avait lâchement établie, je craignais le nouvel affrontement. Malgré la puissance dont j’avais fait preuve depuis quelques temps, il était tout de même le grand-prêtre devait être au-delà de mes limites. Et même en cas de victoire dans un âpre combat, s’attaquer à un grand-prêtre kendran ne serait pas sans conséquence. Heureusement, j’avais eu une idée pour prendre l’avantage, largement conseillé par une Kristal avisée et prudente.

Mes jambes avaient du mal à me porter et la peur me faisait flancher devant ce porche. Aussi, pour me rasséréner, je me concentrais sur la sensation de puissance que j’allais pouvoir vivre en à la sortie de la cérémonie si ma stratégie mettait au tapis mon fourbe adversaire.

(Il faut parfois utiliser les mêmes armes pour éteindre les ardeurs des rivaux. D’ailleurs, j’ai visité une fois un monde où les habitants avaient la drôle d’habitude d’allumer des feux dans leurs forêts pour contrôler l’incendie de celles-ci. Ca marche, mais j’ai eu…)
(Kristal ? Sérieusement ? Ce n’est pas le moment…)
(Je voulais juste te distraire un peu, tu es une boule de nerfs. De toute façon, tu sais très bien quoi faire et je sais que tu en es capable.)
(Je… merci.)

Le soutien sans limite de ma faera me confortait dans mes choix et m’apportait la dose de courage qu’il me manquait pour lancer ce qu’elle avait baptisé dans ma totale incompréhension « L’opération couperet de la porte d’eau ». Face à moi, des gens commençaient à rentrer dans le temple, arrivant à temps pour la célébration. Quand une bonne dizaine fut rentrée, je me joignis à eux, raffermissant au passage la prise de la capuche de ma cape pour faire profil bas. Les kendrans s’installaient agenouillés en rangées, laissant au centre un passage. Je me plaçais dans la quatrième rangée, proche d’un poteau pour être moins visible, puis me courbai sur le sol gelé. La cérémonie de la fin de l’été allait commencer dans peu de temps, le soleil étant à son zénith. En attendant que les choses sérieuses, je me remémorais les choses que j’avais appris par les prêtres et Kristal au sujet du rituel.

C’était une fête qui avait lieu trois lunes après le solstice d’été, se plaçant dans les prémices de l’automne, le retour progressif à la fraicheur et l’avènement prochain de l’hiver. Pour les serviteurs de Yuia, c’était l’occasion de remercier leur déesse d’avoir veillé sur eux contre les sécheresses estivales et canicules impétueuses, ainsi que de demander sa bénédiction pour se diriger vers un bel hiver. Cette partie-là avait bien entendu son écho plus étayé lors de la première chute de neige de l’hiver, mais c’était un pas dans cette direction. Au milieu des prières et louanges, quelques textes sur les dons qu’apportaient Yuia étaient lus, puis des prêtres et quelques fidèles envoyaient sur la foule de la neige poudreuse sur l’assemblée. Ces flocons bénis au préalable symbolisaient la main de Yuia qui protégeait ses disciples, leur apportant la force de tenir face aux frimas en bons fils et filles de Yuia, ainsi qu’en éloignant d’eux l’ombre de Jéri qui se faisait plus virulente l’hiver avec ses maladies et infections. On priait aussi la déesse des glaces d’amener un rythme de vie plus doux et plus calme que l’été très actif, d’apporter des neiges bloquant les armées ennemis et une dizaine d’autres petits vœux propres à chacun ou à sa profession. J’avais prévu d’agir lors d’une simple journée du temple, avec de rares fidèles et éventuellement quelques enfants présents pour la lecture, mais j’avais appris la veille que mon retour coïncidait avec cette cérémonie. Une occasion en or sur laquelle je sautais, même si j’avais peu de temps pour me préparer.

La salle presque remplie, les mouvements se calmèrent et un silence chaloupé se déposa sur nos épaules. Quatre prêtres se postèrent au fond de la pièce pour présider la cérémonie et un rapide coup d’œil me suffit pour repérer parmi eux Sidfreid. Il ne tarda pas à prendre la parole et sa voix éclatante tonna entre les murs givrés de son temple.

« Fils et filles de Yuia, bienvenus parmi nous pour célébrer ensemble les premières embrassades que Yuia nous offre cette année. L’été nous a apporté des peines avec les sécheresses du mois dernier qui ont réduit les récoltes, mais le froid de notre déesse est à nos portes pour nous offrir ses bienfaits. »

« Gloire à Yuia ! »

La foule avait répondu d’une seule voix, chargée de ferveur. Le grand-prêtre avait clamé son introduction avec une aisance qui dénotait l’habitude et l’autorité. C’était un grand homme que j’allais affronter, quelqu’un de puissant, plein d’assurance et de force. Si ma faera n’était pas logée dans mon médaillon contre mon cœur, je n’aurais pas eu le courage d’aller plus loin et j’aurais sûrement cherché un moyen de partir discrètement. Mais la conviction de Kristal se mêlait à la mienne pour m’emplir de force. Je gardais la tête penchée pour que mon chaperon dissimulât toujours mon visage, mais je pus entendre les déplacements de Sidfreid, qui continuait à parler tout en progressant dans l’allée centrale.

« … En ce temps d’espoir, ce début d’automne, ayez une pensée envers les plus grands servants de Yuia qui nous ont guidés depuis des siècles : Hëlistiri le grand prédicant et sa sœur Maneliana la fondatrice de l’université de Pohél… »

(C’est le bon moment, vas-y !)
(Quoi ?)
(Lève la tête, crois-moi.)

Avec une confiance totale dans ma faera, je levais ma tête. La capuche s’affaissa en arrière, dévoilant presque totalement ma tête. Je me tournais vers l’allée où Sidfreid continuait son discours, embrassant l’assemblée d’un regard balayant.

« …Feu l’archimage Lancifar, décédé il y a deux ans en protégeant les hommes libres, mais aussi
Zania Tir’Alsilma et K… Lillith ?! »


J’eu du mal à contenir un sourire narquois quand le grand-prêtre posa ses yeux sur moi, un fantôme de ses ennuis passés. Sa langue l’avait trahi avant qu’il ne pût réagir. Sa voix étranglée passait inaperçue face à l’énormité qu’il avait instauré en me citant au milieu de la liste des grands noms du culte de Yuia.

(Il n’y a pas de quoi. Ks ks ks…)
(Tu es diablement géniale !)

Les fidèles sortaient de leur torpeur pieuse en réalisant l’incongruité de ce nouveau nom dans les prières. Certains me connaissaient aussi sûrement de réputation. Les plus proches de moi avaient vu mon mouvement et me fixaient sans comprendre. Le silence de Sidfreid fut remplacé par quelques murmures dans la pièce et je compris que le duel, loin des combats d’arène, était lancé.

(C’est la politique mon cher…)
(Tu me l’as bien expliqué, mais j’ai ça me parait toujours étrange.)

Sur les conseils de ma faera, j’implantais sans attendre une tension en m’imposant. Pour cela, je me levais, me mettant à la hauteur de Sidfreid au milieu du parterre de témoins hagards. La peau blanche du grand-prêtre paraissait encore plus pâle et sa lèvre inférieure frémissait. D’une voix timide, je brisai la suspension qui trainait.

« Oui, c’est bien mo… »

« Mais je te croyais mort ! »

La peur dans sa voix me donna plus de constance, comme si son déclin me nourrissait d’une vigueur impérieuse.

« Oui, et beaucoup ont du le croire. Mais les sources de cette rumeur ont malheureusement une piètre connaissance de la magie sacrée de notre déesse et elles ont cru voir une mort terrible où il n’y avait que protection divine. »

« Mais, mais… Comment ? »

Sidfreid semblait calme, mais je percevais dans ses yeux un début de panique. Il réalisait l’erreur de son mercenaire et le lourd sous-entendu que je lui adressai à ce sujet. Il ne devait pas savoir comment agir, en plein milieu de sa cérémonie, et chaque seconde qui passait me permettait d’asseoir une certaine domination. En claironnant mon aventure où Yuia m’a permis de vivre un an dans ses glaces, je me plaçai en élu, loin de l’image d’hérétique que j’avais eu l’année dernière.

« Oh, c’est une longue histoire. Mais pour faire simple, J’ai pu rejoindre les ruines d’un temple de Yuia abandonné et, guidé par les pouvoirs que m’octroie la Magnifique Yuia, j’ai pu trouver une certaine relique. Une attaque lâche aurait pu avoir ma peau, mais les glaces de Yuia m’entourèrent tel un écrin, me protégeant pendant un an face aux dangers. »

Les murmures grandissaient, à mon grand plaisir, et Sidfreid voyait de plus en plus rouge. Quelques personnes narraient ma mésaventure du cours de théologie, mais la plupart des chuchotements sifflaient des notes enthousiastes qui montraient clairement la curiosité et l’emballement.

« Une protection de Yuia ? »

La surprise était tellement forte que Sidfreid en avait oublié la cérémonie, m’interrogeant au milieu de tous. Mais maintenant que j’avais l’assurance d’une image populaire un peu plus blanche, je pouvais passer au sérieux. En insistant un peu, je pourrais lui parler en privé sans craindre une attaque immédiate.

(Ne lui demande surtout pas !)
(Pourquoi ? Je peux le voir sans risque de représailles immédiates, comme tu m’as dit.)
(Je vois, tu n’as pas compris le principal. Là, tu domines la situation. Si tu lui demandes de lui parler en privé, tu lui laisses l’initiative, le droit de fixer les règles.)
(Mais j’aurais toujours de quoi le faire chanter, non ?)
(Mais il ne tombera pas aussi facilement dedans. Pousse-le à te faire arrêter de parler)

Dubitatif sur les théories de manipulation et de politique de ma faera, je ne savais trop quoi faire. Mais elle m’avait mené jusque là et je savais qu’elle me menait sur la bonne voie. Je pris alors la perche tendue par Sidfreid pour l’enfoncer.

« Oui, une protection. Un impie m’attaqua et déclencha un piège du temple. Il fut réduit à néant en un instant, mais j’étais aussi dans le champ d’action. Notre grande déesse me souffla alors les pouvoirs de résister à un tel assaut et je pu survivre dans un bloc de glace éternel. Mais après tout, c’est peu surprenant, après qu’elle m’ait élu pour trouver son grimoire, contenant les sagesses de son… »

« Effectivement Lillith, c’est une longue histoire. Il ne faudrait pas ralentir plus longtemps la cérémonie de fin de l’été. Parlons-en dans mes quartiers pendant que les autres prêtres poursuivent l’office. »

Sidfreid commençait à paniquer quand il comprit que j’avais le grimoire qu’il jugeait hérétique et que j’étais sur le point d’en parler à tous comme un cadeau de Yuia. J’acquiesçais d’un signe de tête, lui accordant mon approbation pour un entretien privé.

(Tu avais raison, c’est tellement mieux de le voir suer pour faire ce que je voulais, plutôt que de demander.)
(Ravie que tu t’en rendes compte.)

Avec les yeux de tous rivés sur nous, Je suivis Sidfreid vers une antichambre un peu à l’écart, dans une ambiance particulière où mêmes les murmures s’étaient et où nos pas résonnaient dans le silence de cathédrale. Mon opposant fit un signe aux autres prêtres qui prirent sa suite dans la célébration et c’est avec un fond sonore chargé d’oraisons et de proclamations que nous entamâmes une discussion bien plus sérieuse et moins langue de bois.

« Eh bien Lillith, je pensais t’avoir dit de ne plus remettre les pieds dans mon temple. »

Il paraissait vindicatif, mais son assurance manquait de force. Je m’appuyais contre un pilier au givre revigorant bras croisés, près à lui asséner ce que Kristal et moi avions préparé. Ce geste d’apparence anodine n’avait pas uniquement pour but de montrer une nonchalance feinte, car le pouvoir de mes vambraces m’éclaircissait l’esprit, détail capital pour mener de front la négociation qui allait suivre.

« Il faut croire que je vous ai trompé à ce sujet… Mais vous devez être habitué, vos propres subordonnés manquent à leurs devoirs. Nabui est assez décevant, non ? »

« Comment ? Tu… Je ne vois pas de quoi tu parles. »

(Décevant…)
(Très décevant…)
(Il pensait nous avoir comme ça ?)
(Il doit espérer que tu tentes quelque chose sans aucune preuve… Donnes-lui en une.)

Négligemment, je tirais de ma manche un parchemin pour le tendre à Sidfreid, avant de reprendre ma position. Je le laissais lire la copie de son propre ordre, donné aux mercenaires pour suivre et tuer « si nécessaire » l’hétérodoxe Lillith Orin. La lecture agrandit les yeux du prêtre et ses doigts se crispèrent sur le pli incriminant. Kristal me rappela alors un détail à préciser, pour couper l’herbe sous le pied à toute traîtrise.

« Bien sûr, l’original est en sécurité. J’ai pris les mesures pour que ma disparition prolongée ou ma mort avérée amène les autorités à en prendre connaissance. Ce serait… ennuyeux. »

Sidfreid releva vers moi des yeux emplis de haine et de peur. Il était pris à la gorge, il le savait.

« Tu ne peux pas ! Tu n’es rien, je suis un grand-prêtre ! Tu crois vraiment pouvoir me coincer ainsi ! »

De rage, il déchira la lettre, fulminant tel un chien enragé. Mais je remarquais quelque chose, tranquillement posé contre ma colonne : il ne me touchait pas. Il avait beau affirmait le contraire, il savait qu’il avait perdu. Restait à voir jusqu’où.

« C’est le cas. Vous avez affirmé que j’étais un hérétique, abandonné la vraie foi de Yuia pour des travers déshonorant. Vous avez sûrement annoncé ma mort dans ma quête insensée, trop ravi de pouvoir narrer comment les glaces de Yuia m’avait tué à cause de ma déraison. Mais je suis là, vivant, béni par Yuia elle-même pour survivre à l’attaque fourbe de tes sbires. J’ai vécu un an au creux des glaces éternelles et je suis de retour, pour la fin de l’été, grimoire sacré en main. »

Son visage se décomposait un peu plus à chacune de mes phrases. Je savourais le début de ma victoire et pris un pose plus grandiloquente pour l’achever. Droit dans mes bottes, montrant d’un geste la salle attenante où l’on pouvait entendre d’une voix lointaine une litanie sur l’enchantement des premières neiges.

« Le peuple m’a vu et j’incarne plus l’élu de Yuia en cet instant que vous ne l’avez jamais été. Supprimez-moi et vous perdez tout. »

D’un doigt impérieux et menaçant, je pointais la poitrine d’un Sidfreid tremblant, qui avait perdu tout son splendide.

« Qu’est-ce que tu veux ? »

« Je veux que toute tentative de nuisance ou meurtre à mon encontre n’existe plus. Que les mercenaires aient ordre de se tenir tranquille. Je peux revenir au temple pour prier notre déesse comme tout autre fidèle. Bref, je veux une réhabilitation complète. »

« Ce sont des termes … acceptables, mais j’ai une condition. »

(Quoi ?)
(Il ose ! Rembarre-le !)

« Tu n’es pas en mesure de négocier, j’énumérais simplement mes termes de ta reddition. »

« Je ne sais que pensais de ta survie dans la montagne et ta découverte du grimoire, mais garde son savoir pour toi. Il pourrait tourner la tête de plus d’un fidèle qui en méprendrait les connaissances. »

Je n’aurais su dire si c’était de la pitié en voyant son air alarmé et inquiet ou une pointe d’égoïsme voulant gardant pour moi ce que j’avais acquis, mais j’accédais à sa requête.

« Très bien. C’est effectivement un savoir que peu de gens seraient aptes à apprécier. Je garderais ce grimoire secret. Mais puisque je t’accorde ce cadeau, ma réhabilitation commence maintenant ! »

Poussé par une Kristal enthousiaste qui s’agitait face à cette victoire au final si facile, je me dirigeais vers la pièce principale. Sidfreid, alarmé, me suivit sans pouvoir agir. Sous les grandes colonnades cristallines, un des prêtres lisait un prêche pour une assemblée en plein recueillement.

« … et ainsi la jeune pousse, sous le doux manteau, fut protéger des menaces des vermines. Renforcer par son repos, elle peut rejaillir au printemps, tel un enfant délassé après une longue sieste. »

Le texte se finissait et les fidèles relevèrent la tête. Les prêtres, tenant des corbeilles de neige bénie, semblaient attendre le retour de Sidfreid pour entamer l’aspersion de flocons. M’avançant, je pris la parole d’une voix claire et forte.

« Pour fêter mon retour des glaces de Yuia, Sidfreid m’a proposé de participer à la cérémonie de fin de l’été. »

Comme le visage de chacun dans la pièce, je me tournais vers le grand-prêtre, attendant qu’il suive le mouvement.

(De toute façon, il n’a pas vraiment le choix.)

Sidfreid perdit constance un instant, mais refit vite face à la situation en revêtant son habituelle attitude altière et forte qui incombait à son rang.

« Oui, son retour n’est pas anodin en ce moment et ce serait avec un grand plaisir que j’ai invité Lillith à transmettre la bénédiction de Yuia à vous tous. Que le regard attentif qu’elle lui porte s’insuffle à chacun d’entre vous. »

Chacun de ses mots était un délice à mon oreille et j’étais ravi de le voir obligé de jouer mon jeu et valider mes dires. Il prit une des corbeilles et me la tendit. Je sentis une certaine rudesse dans son geste et son regard assassin m’adressait mille reproches, mais je n’en souris que de plus belle. Sidfreid prit alors à nouveau la parole, entonnant le rituel annonciateur de la neige. Je l’écoutais d’une oreille distraite, conversant en même temps avec ma faera.

(Alors ? Je m’en suis sorti ?)
(Oh oui, notre cher grand-prêtre n’osera pas te toucher. Tu pourrais compromettre sa situation, et tout homme d’église qu’il est, c’est aussi un homme de pouvoir. Il ne risquera pas bêtement tout ça pour une rivalité de cryomancien. Et puis je pense qu’il a un peu peur de toi.)
(Peur de moi ?)
(Tu t’es opposé à ces préceptes, mais la glace t’as sauvé plutôt que détruit. Il doit douter, ou craindre ta puissance. Tu n’es plus un jeune montagnard ignare à éduquer, mais un mage talentueux et aguerri qui fait sa propre voix.)
(Et bientôt, je maîtriserais les pouvoirs que Yuia m’a confiés au-delà de ce qu’il peut imaginer. Le livre de Yuia m’ouvrira sous peu les portes de la vie éternelle !)
(Tu es la modestie incarnée…)

Le principal étant dit, je reportais mon attention sur la cérémonie, comptant en profiter désormais comme un fervent serviteur de ma déesse. Sidfreid bénit les paniers puis chanta les bienfaits de Yuia. Tous reprirent ses paroles tandis que les prêtres, deux autres fidèles moi avancions dans la foule.

« Bénis sois-tu, divine Dame des Glaces. Répand sur nous ta caresse aimante, protège du malheur tes humbles serviteurs. Yuia, déesse de toutes beautés, prend pitié de nous et offre nous un bel hiver. »

Je louais Yuia en même temps que tous et, progressant entre les kendrans agenouillés, je répandais en nuée les flocons bénis sur la foule. La lumière déclinante du début d’après-midi passait dans les vitrages pour miroiter dans les milliers d’éclats de neige, apportant à la scène une dimension mystique. Dans les mouvements des autres lanceurs, je reçus aussi sur moi la douche consacrée. Chaque flocon au contact de ma peau ravivait mes pouvoirs et mon esprit. Je me sentais la proximité de Yuia, je sentais son amour.

(Yuia, Ô grande déesse parmi toute, je te remercie mille fois de tes bienfaits passés et à venir. Je te supplie de pardonner mes errements passés, ainsi que le dérangement que j’ai du faire dans ta cérémonie pour éviter un fratricide parmi tes enfants. Je vis pour te servir et serais bientôt plus proche de toi encore. Louée sois-tu, splendeur de Nosvéris.)

La suite de la cérémonie se déroula sans encombre. Je repris place dans l’assemblée et les prières durèrent encore un petit moment avant que tous ressortissent. Le retour à la rue à la chaleur de début d’automne était désagréable, après la fraicheur divine à laquelle on avait eu droit dans le temple.


> Suite

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* Lillith, humain, Aurion et Cryomancien nv23 *
En mission pour les Amants de la Rose Sombre


Feu Ellana : morte dans les flammes du Purgatoir, hantant les lieux à jamais
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