Le temple de Yuia

Ce petit temple se trouve juste à côté de la cour des archers. Vu de l'extérieur, à part quelques stalactites au-dessus de la porte, été comme hiver, rien ne distingue ce bâtiment des autres. Ses murs sont d'un blanc bleuté, la porte en acier bleu de Nosvéris.

A l'intérieur, on voit immédiatement que c'est un temple. Petit, mais tout est empreint de religion. La température est glaciale, le sol recouvert d'une pellicule de neige magique.
Au centre de l'unique pièce accessible aux pèlerins, un statue à taille humaine de Yuia semble sculptée dans la glace.

Enfin, à l'arrière, deux portes: l'une mène au logement de Sidfreid, le jeune grand-prêtre (une quarantaine d'années humaines). L'autre est mystérieusement fermée, recelant sans doute des secrets connus du seul prêtre.

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Refermant doucement la porte derrière moi, je suis un instant saisi par la différence de température qui règne avec l'extérieur. Mais c'est avec plaisir que je fais un premier pas sur ce qui me semble bien être de la neige. Est-ce par magie que ce climat est maintenu ?
Laissant mes yeux s'habituer à l'obscurité ambiante, je respire avec avidité ce lieu qui appelle en moi le souvenir des Monts Eternels. Aucun doute sur l'endroit, qui bien qu'exigu, n'en est pas moins un temple. Devant moi se dresse une statue à l'effigie de Yuia, la même représentation que celle gravée sur mon torse. Derrière, seules deux portes brisent la monotonie du mur. Ne voyant personne, je m'écarte de l'entrée et m'assois à même le sol. Puis fixant le corps de glace, je me plonge dans une intense mais courte méditation, car aucun mot ne m'est utile pour rendre hommage à ma déesse.

Dirigé de Rurik :

Au terme de ta méditation, alors que tu ressors de ton introspection muette et immobile, tu peux t’apercevoir que quelqu’un se trouve en face de toi, ayant manifestement attendu ton « réveil » depuis un temps que tu ne peux définir, plongé que tu étais dans ton propre monde de plénitude spirituelle. Vêtu d’une robe sacerdotale simple ornée du symbole de Yuia, l’homme dont tu ne connais pas l’identité et dont tu ne peux voir que le visage arbore un air de tranquillité paisible, parfaitement en phase avec l’atmosphère de recueillement qui imprègne le lieu. Au niveau physique, contrairement à ce que l’on pourrait supposer d’un haut prêtre de la Déesse de la Beauté, il est loin d’être un parangon d’excellence esthétique, mais il est toutefois indubitable que ses traits acérés à la vivacité tempérée par le calme dont il irradie ont quelque chose qui attire véritablement l’attention, qui capte le regard : visiblement, cet homme est habitué à ce que l’on prête attention à ses paroles, et cela se vérifie dans le timbre profond, harmonieux et cristallin de sa voix lorsqu’il s’adresse à toi :

« Bienvenue à vous, enfant de Nosveris. Puis-je vous aider ? »

Absolument rien de condescendant dans son ton sans pour autant que celui-ci se fasse familier : manifestement, il a reconnu en toi un adorateur sincère du culte dont il est le représentant, et fait donc preuve d’une cordialité franche empreinte d’une politesse presque révérencieuse qui sied à une personne de son rang pour s’adresser à toi. Dans l’attente de ta réponse, il te fixe de ses yeux qui sont parmi les plus bleus que tu aies jamais pu voir, son faciès n’arborant aucune émotion particulière hormis une sorte de bienveillance placide.

Les grands espaces blancs où mon esprit vagabonde s'estompent mollement, laissant de nouveau apparaître le calme intérieur du temple de Yuia. Me sentant en sûreté dans ce sanctuaire, je reviens doucement dans le monde des vivants, bien que déjà j'ai aperçu un changement dans mon environnement. Une ombre de forme humaine se tient à quelques pas de là, assurément arrivée durant mon recueillement.
Enfin mon esprit et mon corps ne font plus qu'un, et après avoir un instant fermé mes paupières, je me redresse lentement pour faire face à celui qui sans aucun doute est l'hôte de ces lieux. Posant une main sur mon coeur, je m'incline jusqu'à la taille pour saluer l'homme que Yuia accepte comme représentant.

"Mes respects maître. Je suis Rurik des Ventnor, Phalange de Fenris et serviteur de Yuia. Pardonnez, s'il vous plait, mon intrusion si tardive. Mais cela fait déjà plusieurs jours que j'erre dans des endroits inconnus pour trouver celui ou celle qui saura me guider."

Me redressant, je plonge mon regard dans les deux lacs insondables que sont les yeux de l'homme.

"Vous m'avez nommé enfant de Nosveris. J'en déduis que vous connaissez mon peuple. Avez-vous également ouï les sombres échos qui proviennent de mon continent, qu'Oaxaca et ses sbires mettent à feu et à sang ?
Si je suis ici aujourd'hui, ce n'est pas parce que j'ai abandonné les miens, mais parce qu'ils ont été touché par ce fléau. Beaucoup d'entre nous ont quitté les montagnes pour aller sur la plaine combattre le mal. Mais rien ne semble pouvoir y mettre un terme. Alors j'ai parlé à l'Ancienne de mon village, qui m'a envoyé au hameau le plus proche, où l'un de nos chefs m'a dévoilé l'existence d'un set d'armes. Il l'a nommé le Set Elementaire de Glace et m'a indiqué le désert bleu de Tulorim comme le lieu où peut-être se trouvait l'une des pièces : le Casque de Glace. Il m'a mis en garde, me prévenant que tout ceci n'était peut-être que légende et que même si je parvenais à assembler le set, il ne serait peut-être pas suffisant. Mais je n'ai pu resté chez moi à ne rien tenter, alors je suis parti."

Ma main passe inconsciemment dans mes cheveux noués depuis que j'ai quitté les Monts Eternels, tandis que je poursuis mon histoire, sachant qu'il me fallait tout dire à cet homme, en qui j'espérais lire mon espoir.

"J'ai fait voile jusqu'à Tulorim où j'ai rencontré un prêtre de Yuimen et de Gaïa. Hélas, bien qu'il ai pu me confirmer l'existence du Set, il n'a pu m'en dire plus mais m'a grandement conseillé de me rendre à Kendra-Kâr, pour rencontrer celui qui demeurait au temple de Yuia. Car grandes sont les épreuves qui m'attendent m'a-t-il dit, si je voulais me lancer dans cette quête.
Maître, vous avez devant vous un homme prêt à tout pour sauver les siens et tenter de libérer les hommes des plaines du joug d'Oaxaca. Que votre sagesse soit mon guide."

Je m'incline de nouveau, pour m'excuser d'un si long discours. Puis de nouveau droit, je reste silencieux, accroché aux lèvres, pour l'instant fermées, de l'homme qui me fait face.

Dirigé de Rurik :

Alors que tu te fends de ton long plaidoyer, l’homme ne bouge pour ainsi dire pas d’un cil, écoutant ton argumentaire avec une impassibilité toujours aussi statuesque bien que la brillance toujours aussi vivace de ses yeux prouve qu’il n’en est pas moins attentif à tes propos en dépit de l’immobilité de glace qu’il observe. De plus indiquant qu’il te prête une attention compréhensive et instruite, il hoche de temps en temps la tête, geste simple chez le commun des mortels, mais chez cette haute figure sacerdotale, tu peux sentir que tes mots ne tombent pas dans l’oreille d’un sourd, le grand prêtre ayant bien l’air de saisir le sujet que tu évoques sous tous ses aspects.
Lorsque tu as fini ton discours et lui laisse la parole, il te semble voir l’ombre d’un sourire s’esquisser sur ses lèvres fines, mais il n’en est en fin de compte rien, et l’homme de Yuia se détourne pensivement de toi pour faire quelques pas en direction de la majestueuse statue qu’il observe pensivement durant un moment, comme s’il remuait les données d’un problème. Au bout d’une petite minute, cependant, il sort de son silence, et te pose une unique question :

« Connaissez-vous la légende de Nosvéria Rurik ? »

Je reste immobile, nullement blessé par le comportement de l'homme dans lequel d'autres auraient peut-être pu voir une forme d'irrespect. Mais quoi de plus légitime qu'un mouvement non contrôlé vers Yuia la magnifique ? Il semble y chercher la réponse qu'il pourrait me fournir, et de nouveau sa douce mais intense voix s'élève sous les murs du temple.
A l'évocation de Nosveria, je ne peux retenir un sourire crispé, car bien que le souvenir de cette journée me soit plus que plaisant, il est lié à mon départ et aux contrés que j'ai laissé derrière moi, en danger. Les images de ma jeunesse me reviennent en mémoire comme s'il s'agissait d'hier. J'avais quatorze ans, Tynong dix sept, et nous étions déjà deux grands jeunes hommes. C'était lui l'aîné, lui qui m'avait entraîné durant plusieurs jours de chasse jusqu'à me mener à celle qui pour moi avait toujours été une cité des légendes, une cité interdite. Mais à ce jour magique qu'avait été le Hiënbless se mêlait l'ombre de la prophétie d'Arrordra Tyirayn, qui s'était avéré juste puisqu'aujourd'hui mes pieds ne foulaient plus mes montagnes mais une étrange neige d'un temple de Nirtim.

"Oui je la connais. Je connais son histoire et bien plus encore. J'ai vu le réveil des Nosvériens pétrifiés."

Tout en répondant à l'homme, je me demande quel peut être le lien entre Nosvéria et le Set Elementaire de Glace. Bien que tous deux soient en rapport direct avec Yuia, Miyash n'avait pas évoqué la cité endormie. Mais gardant mes interrogations pour moi, je continue de contempler le dos de l'homme, attendant sa réaction.

Dirigé de Rurik :

A tes mots, dans un premier temps, la seule réaction visible du prêtre est un hochement de tête, et étant donné que tu ne peux voir de son visage que ses cheveux blonds mi-longs presque blancs, tu ne peux savoir quel est son ressenti par rapport à ta réponse. Toujours est-il que d’une voix entendue au timbre qui n’est pas dépourvu de quelque chose de lointain, il ajoute comme s’il pensait tout haut :

« Le jour du Hïenbless. »

Il se tourne ensuite vers toi, l’air toujours aussi insondable qu’auparavant, et avec le plus grand sérieux dans le regard, il te fixe de ses yeux à la profondeur troublante, et te pose une autre question sur un ton qui te fait deviner que ce que le point de vue que tu lui divulgueras ne sera pas à envisager à la légère :

« Quelle leçon y a-t-il à retirer de ce qui est arrivé aux gens de Nosvéria ? »

Son ton est interrogateur, neutre, non dénué de quelque chose de didactique sans pour autant se faire professoral : de toute évidence, il veut te mener à réaliser quelque chose, ou tout du moins à l'exprimer, et paraît te jauger avec circonspection sans pour autant t'inciter à penser une chose plutôt qu'une autre.

Je ne suis qu'à moitié étonné en attendant l'homme mettre un nom sur le jour dont j'ai parlé. Représentant de Yuia, son savoir doit être grand. S'est-il, lui aussi, rendu sur les Monts Eternels ou ses connaissances ne sont-elles que théoriques ? Je me dis que je ne le saurai jamais lorsqu'il se tourne de nouveau vers moi, tant il est inondé de mysticisme. Il me pose alors une étrange question. Sans savoir où il souhaite parvenir par ses vagues interrogations, je lui fais part de mon sentiment quant aux excentriques habitants de Nosvéria.

"La vanité n'a rien de bon. Qu'Ils soient présents en nous est déjà une grande et belle chose, et chacun devrait s'en contenter. De cet espoir qu'Ils peuvent inspirer, sans en vouloir plus. Nous ne pouvons et n'avons rien à exiger d'Eux. Nous en sommes différents, et pourtant semblables en certains côtés... Mais l'Homme doit être vigilant, pour lui comme pour ses frères, car même de la Beauté peut naître la souffrance."

Je ne poursuis pas plus avant, car bien que je sache m'exprimer, les mots ne m'ont jamais mis à l'aise. Ma mère me le reproche encore, de ne pas parler plus souvent. Mais j'ai choisi la voie des armes et non celle de la voix. Comme c'est un peu le cas de l'homme qui se dresse toujours impassible devant moi, et bien que je ne me sente pas de taille à discuter avec lui de sujets profonds, je crois comprendre le sens de ses questionnements. Ce que je lui ai demandé de but en blanc, qui suis-je pour avoir osé l'interroger de la sorte ? Il ne me connaît pas, et qui serait-il s'il racontait au premier venu l'histoire du Set Elementaire de Glace. Mû par une soudaine passion, je reprends la parole.

"Et peut-être vous suis-je apparu comme ces hommes orgueilleux, en me présentant ainsi à vous et exigeant d'en savoir plus sur les légendes qui entourent Yuia..."

Posant la main sur mon coeur, je mets un genou à terre et m'incline une nouvelle fois devant l'homme qui porte les couleurs de ma Déesse.

(Ma Déesse... Elle ne t'appartient pas Rurik...)

Je souris intérieurement à cette pensée et m'étonne des sentiments que, par une simple question, l'homme de Yuia a éveillés en moi. Je reste ainsi, agenouillé devant lui, ne sachant si j'attends son pardon ou toute autre parole de ce sage homme.

Dirigé de Rurik :

Aussi dénué de réactions qu’aux premiers moments de votre rencontre, l’homme t’écoute et te laisse faire sans donner aucun signe de désapprobation ou de mécontentement, attendant que tu aies mené ton raisonnement à terme pour ensuite s’approcher de toi à pas si feutrés que tu ne peux remarquer sa présence que lorsque tu sens l’espace d’un instant une main aux doigts froids et à la poigne solide te presser fermement l’épaule alors que la voix du prêtre se fait entendre, forte et impartiale :

« Votre humilité est appréciée à sa juste mesure, Rurik des Ventnor. Relevez-vous, et écoutez ce que j’ai à vous dire. »

Ce disant, il se recule à nouveau pour se positionner face à toi, auréolé d’une certaine présence qui le rend plus imposant que toi bien que tu le dépasses d’une bonne tête : la personne que tu as devant toi est le héraut du culte de Yuia à Kendra Kâr, et sans pour autant faire preuve de condescendance à ton égard, il fait montre de la réserve et de la prestance dues à son rang. Son regard se perd un moment dans le vague des souvenirs, puis il prend la parole pour son récit :

« A votre image, un homme est venu ici il y a quelques semaines de cela pour, disait-il, un pèlerinage en l’honneur de la Déesse des Glaces. Devant sa piété, et ne voyant pas de raison de m’opposer à sa requête, je l’ai autorisé à pénétrer le sanctuaire qui se trouve derrière moi. » Il accompagne alors ses paroles d’un signe de tête en direction de la porte au fond à gauche, apparemment hermétiquement close. « Hélas, que ce soit par soif de pouvoir, par excès de ferveur ou simplement par pure folie, il a cédé aux pulsions que la beauté de Yuia a fait naître en lui, et a sombré dans une démence possessive. Je ne sais ce qu’il est advenu de lui ensuite, car il m’est interdit de pénétrer dans ce lieu saint, mais toujours est-il qu’il n’en est pas ressorti. »

A ce moment de son récit, son visage est momentanément agité par un tic de déplaisir à la pensée de ces souvenirs dont la remembrance lui cause de toute évidence un dépit qu’il ne parvient pas à cacher, mais il reprend très vite sa maîtrise de soi et se remet à te fixer d’un air juste et inexorable :

« Votre foi me paraît dénuée d’hypocrisie et votre cœur vaillant, Rurik, aussi pourriez-vous peut-être vous montrer un digne adorateur de Yuia là où cet homme a fauté… mais je tenais également à vous avertir que vous pourriez bien subir le même sort que lui. » Il clôt alors son discours en fermant les yeux et en joignant les mains, concluant par un simple « La décision vous appartient. »

Mes spéculations intérieures ont-elles été justes ? Je ne saurai le dire et ne pourrai m'avancer à l'affirmer ou à le réfuter sans faire preuve de suffisance. Mais le geste que l'homme joint à ses paroles me satisfait amplement, puisqu'il me permet de me relever et de lui faire face. J'écoute alors avec attention sa brève historiette, intrigué par l'être dont il parle, autant que par cette porte qu'il m'indique et qui ne semble pas être un accès classique à d'autres pièces. Du moins est-ce que je crois comprendre, car comment un homme pourrait rester acculer dans une salle. Les sentiments de cet homme ne sont pas sans me rappeler ceux des hommes de Nosvéria, qu'aujourd'hui encore je comprends avec difficulté. Tout comme cette étrange entrée par laquelle l'homme face à moi me propose de passer.
Je suis le seul de ma famille à n'avoir jamais pu contrôler le surnaturel, et je suis toujours sur mes gardes lorsque je dois le rencontrer. Mais que pouvait-il m'attendre derrière cette porte close ? Quelles étaient ces choses qui avaient poussé un homme vers la folie ? Pourquoi devais-je en passer par là ?
La méfiance, ce mot dont j'avais appris l'existence il y a peu, lorsque j'avais quitté mes terres. Mais c'était un sentiment que je n'avais pas encore naturellement, et pourquoi ne devrais-je pas avoir confiance en cet homme ? Aucune autre route ne s'ouvrait à moi, je n'avais guère le choix. Il me fallait aller au devant de l'inconnu.
Je n'ai pas bougé durant mes réflexions silencieuses, et je ne bouge pas plus lorsque je reprends la parole.

"Je suis prêt à courir tous risques qui pourraient me rapprocher de mon but, Maître."

Plus décidé que jamais, je laisse mon regard sur l'homme, lui laissant l'initiative des événements. Notre conversation s'arrêtait-elle là ? Allait-il simplement m'ouvrir la porte pour me laisser seul face aux mystères inexplorés de ce qu'il avait nommé un lieu saint ?

Dirigé de Rurik :

A ta réponse, le prêtre a un ample geste des mains, comme s’il concluait une sorte de rituel, et, te regardant sans faire montre de plus d’émotion qu’auparavant, te répond avec fermeté :

« Qu’il en soit ainsi. Je vous sens résolu, aussi, inutile de tergiverser plus longtemps. »

Joignant le geste à la parole, il se dirige vers la porte qu’il avait précédemment désigné, et au fur et à mesure que tu t’en rapproches toi-même, tu es envahi d’une curieuse sensation qui ne se fait que plus prenante au fur et à mesure que ta proximité avec la pièce mystérieuse s’accroît. C’est un peu le même genre d’émotion que quelqu’un pourrait ressentir devant une immense montagne enneigée : d’un côté, un spectacle aussi grandiose a de quoi susciter l’admiration la plus révérencieuse, mais en même temps, une personne s’y connaissant un tant soit peu n’est pas sans savoir qu’un tel édifice naturel n’est pas dénué de son lot de possibles crevasses, éboulis, avalanches et autres pièges mortels inhérents à un tel milieu.
Soit qu’il soit insensible à une telle influence, soit qu’il n’en montre rien, ton guide appose sa main sur le lourd rempart d’acier bleu dénué de poignée, son toucher faisant luire légèrement toute une mosaïque d’une splendeur artistique constituée de cristaux de glace, de flocons de neige et de froides rafales, avec en son centre une femme à la beauté sans pareille qui ne peut être qu’autre que Yuia. Doucement, dans un grondement qui n’est pas sans rappeler celui que ferait la neige sous les pas de quelqu’un, le pan de mur se détache à la manière d’une porte, et le religieux s’en saisit, t’adressant à ce moment un regard plus pénétrant que jamais bien que toujours aussi emprunt de tranquille majesté avant que de poursuivre l'ouverture de ce saint des saints duquel émane comme une sensation de froid telle que tu n'en as jamais ressentie :

« Moi-même je ne peux vous dire ce qui vous attend, mais les risques que vous rencontrerez seront à n’en pas douter considérables. Etes-vous décidé à accomplir ce que vous vous apprêtez à faire en votre âme et conscience ? »

Je suis l'homme vers l'énigmatique porte, lorsque d'étranges émotions naissent au fond de moi. Bien que fasciné, je ne peux m'empêcher d'entendre l'appel de mon âme à la prudence. J'observe les mouvements du prêtre, tandis qu'il libère par une simple prestidigitation, tout l'ornement qui enlumine l'entrée. A la vue de cette neige et du corps de Yuia, les Monts Eternels me reviennent en tête, et le visage de Sipp, mon père, apparaît. Ses sourcils sont légèrement froncés et autour de sa bouche je reconnais les petites rides qui naissent lorsqu'il est contrarié. Et il a raison, me voilà encore à foncer droit devant sans réfléchir.
Livrant un débat intérieur, ce sont les mots de l'homme qui me décident à l'interroger encore, avant de me résoudre à franchir ce seuil inconnu vers un endroit dont, pourtant, je sens déjà le froid qui m'appelle.

"Pourquoi ?"

Le mot s'est échappé de mes lèvres. Moi qui suis venu posé des questions, je n'en ai formulé qu'une et lui m'a interrogé et guidé jusqu'ici. Bien que je souhaite faire confiance à cet homme, il ne me faut pas oublier d'être vigilant en dehors de mes terres, sans pousser jusqu'à la suspicion extrême.

"Est-ce nécessaire à ma quête ? Vous dites que vous ne savez pas ce qu'il m'attend, alors pourquoi m'y rendre ?"

Je ne quitte pas l'homme des yeux, alors qu'encore indécis, des questions pratiques me viennent à l'esprit.

"Et si j'entre, savez-vous combien de temps cela durera ? Dois-je prévoir des provisions ?"

Je sens que ma dernière question sonne étrangement dans ce lieu spirituel, mais malgré mes croyances, je reste quelqu'un de concret.

Dirigé de Rurik :

A tes interrogations qui fusent tout à coup de ton être jusqu’ici pris dans une détermination faite de foi téméraire, le prêtre semble un instant te considérer avec étonnement, mais tout aussi rapidement que les fois précédentes, il se fait aussi calme et placide qu’auparavant, te laissant poser tes questions avant que d’y répondre le plus obligeamment du monde, sans sembler en quoi que ce soit contrarié par tes réticences :

« Cela est nécessaire si vous voulez mener votre périple à son terme, oui. » Répond-il avec un hochement de tête non dénué de gravité qui déplace un instant ses cheveux aussi blonds que s’ils avaient été passés à la chaux. « Croyez-moi, si je pouvais me montrer plus accommodant envers vous, je le ferais, mais il vous reviendra de décider par vous-même, et uniquement par vous-même de ce qu’il conviendra de faire une fois cette porte passée. Toutefois, sachez qu’il n’y a nul sadisme dans cette épreuve : Yuia est sévère et impitoyable, mais pas gratuitement cruelle. »

A tes questions plus prosaïques, un petit sourire se dessine sur ses lèvres minces, et dans un geste cette fois-ci beaucoup plus naturel et spontané, il remue négativement la tête avec autant de douceur qu’auparavant pour te répondre d’un ton toutefois toujours aussi intransigeant et ferme :

« Ne vous souciez pas de pareilles nécessités, Rurik : ayez simplement foi en Yuia, et faites ce que vous aurez à faire une fois que vous aurez pénétré dans ce sanctuaire… » A ce moment de son discours, il se remet à te fixer, ses yeux bleus rencontrant sans sourciller les tiens, rouges, et, sans une once d’agacement ou de narquoiserie, termine : « …si vous voulez toujours y rentrer, bien entendu. »

C'est avec une voix égale que le prêtre m'explique simplement que ce passage est obligatoire si je souhaite poursuivre ma quête. La portée de cette étape m'échappe, car elle m'apparaît comme bien trop abstraite, mais je ressens ma foi en Yuia qui me pousse en avant. M'arrêter ici par défiance et le regretter jusqu'à ma mort ou m'en remettre tout en entier à cet homme imperturbable, à celui qui devant mes yeux incarne la force calme de la Déesse de la Glace. C'est en franchissant ce seuil de froid que je pourrai savoir.
Ma tête se tourne de nouveau vers le prêtre, rencontrant ses yeux si limpides je crois y apercevoir une ombre de sourire. Je n'ai pas le temps de me demander si j'ai rêvé cet encouragement silencieux, car les derniers mots de l'homme semblent encore résonner dans la pièce, attendant ma décision.

"Bien entendu..."

Ma voix retentit à son tour dans le sanctuaire, reprenant les dernières paroles du prêtre. Quittant son regard pour fixer le mien sur la porte, je hoche la tête avec résolution.

"Oui, j'entre."

Je reste immobile devant l'accès à l'inconnu, prêt à tout.

Dirigé de Rurik :

Avant d’ouvrir la porte plus avant, le prêtre pose une main refermée ferme et bienveillante contre la tienne, et alors qu’il desserre les doigts, tu peux sentir un petit objet tomber dans le creux de ta paume, laissant l’espace d’un instant un frisson familier te courir le long du corps. En regardant de plus près ce qu’il t’a offert, tu peux voir qu’il s’agit d’une sorte de talisman à porter en collier, mais tu n’as guère le temps de t’attarder sur les détails, car déjà, ton guide te transmet ses dernières paroles alors qu’il termine de tirer le lourd pan d’acier, seul obstacle entre toi et la poursuite de ta quête :

« Puissiez-vous être digne de Yuia Rurik. »

Sur ce, ce que masquait l’imposant panneau de métal décoré se dévoile, et tu es soudainement comme attiré à l’intérieur de la pièce par une force supérieure à toi pour te retrouver plongé dans un environnement qui pourrait laisser croire que tu es tout à coup retourné à Nosvéria. Autour de toi, des rafales hivernales mugissantes soufflent, charriant leur lot de flocons qui viennent se déposer sur toi de toutes parts et font voler tes cheveux, et au lieu de fouler le sol lisse et couvert d’un petit liseré de neige propre du temple, tes pieds se retrouver à s’enfoncer littéralement jusqu’à mi-mollet dans une poudreuse épaisse qui n’est pas sans être désagréable et handicapante, même pour un habitué de ce genre de terrain tel que toi.
A perte de vue, il n’y a que des tourbillons de neige, et en te retournant, tu peux voir qu’au lieu de la porte que tu avais auparavant franchie, il n’y a qu’un rectangle vaguement lumineux qui se détache à peine du paysage digne des régions de Nosvéris les plus sauvages et les plus dénudées. A part le hululement du vent glacé, aucun son n’est audible, que ce soit celui d’un arbre qui chute ou d’un animal qui crie… mais soudain, un son presque incongru vient troubler cette atmosphère : un hurlement de rire dément qui se prolonge durant quelques secondes avant que les paroles suivantes ne résonnent au loin, devant toi :

« Ensemble ! Pour toujours ! Personne ne me l’enlèvera ! Personne ! »