Elle proposa effectivement le soutien de sa magie mai surtout, une alternative que je n'aurais imaginé.
- Je ne connais pas la guerre, mais je peux vous proposer une issue pacifique à ce tourment, si tant est que je parvienne à réunir les conditions.
Elle me rappela qu'il fallait modérer l'utilisation de la magie dans nos rangs, dans la mesure où leur abus conduirait au réveil des titans.
- Pouvez-vous, vous, utiliser votre magie sans risquer des les éveiller ? Et comment une issue pacifique dans une lutte contre Oaxaca est-elle possible ? Que comptez-vous faire et quelles conditions doivent être réunies ?
Comme les pétales d'une fleur qu'on dépouille en rêvassant aux possibles amours, j'effeuillais les possibilités et revenais à nouveau sur l'idée qu'elle pouvait tout faire basculer.
Elle s'était dirigée vers un coffre de glace dans un coin de la pièce et en sortit un genre de tunique renforcée en cuir, teintée comme le ciel d'hiver et aux bords des manches gelés. Des épaulières étaient intégrées au vêtement et avaient l'allure de la glace mais étaient, à n'en pas douter, bien plus résistantes que ceci et conçue d'une matière minérale toute autre. Elle me la tendit. Je fis un sourire humble et inclinai légèrement la tête en signe de remerciement.
- Peut-être auriez-vous fait une meilleure porteuse du plastron des Glaces Éternelles que mon peuple a pu offrir à Endar lors de sa première venue, mais cette armure pourrait aussi bien vous convenir, appelant à elle le pouvoir de la Tour, où que vous vous trouviez, pour vous offrir la protection de la glace dans vos combats les plus âpres.
J'acceptai le présent avec gratitude.
- Je vous remercie de ce précieux don, reine des Glaces Éternelles, et saurai en faire bon usage face aux flammes de la reine noire pour garantir le retour de la paix dans votre monde.
Sans aucune considération pour la valeur affective qu'aurait pu avoir la robe de mithrill que j'arborais depuis si longtemps et qui m'avait suivie dans bien des aventures, je posai mes affaires sur le coffre le temps de passer cette pièce d'armure par-dessus la tunique de soie de l'auberge. J'avais oublié Tahelta et Salmon El, oublié la guerre de Pohélis et le magyar à pointes, et seul me demeurait distinct le destin tracé par Yuia et tous les éléments qui s'assemblaient aujourd'hui et donnaient du sens aux événements passés et présents. Tout le reste m'était comme un lointain rêve qui ne valait pas la peine d'être ravivé. Je retirai la robe de mithrill comme on se débarrasse d'une mue et enfilai avec plaisir le présent de Faseilh.
Les épaulières me faisaient un drôle d'effet. Je n'en avais jamais porté. Il faudrait m'habituer à cet élément. Et le tout était un peu plus encombrant que ce que j'avais auparavant mais je me sentais à la fois plus libre de mes mouvements. Je rangeai la robe de mithrill blanc dans mon sac, et décidai de la mettre à disposition d'un allié dès mon retour à Fan-Ming.
Elle m'expliqua que la gemme était une pierre de vision, source du pouvoir des Sorciers de Feu du désert de Raa’Ska, et que nombre d'entre elles étaient utilisées en Aliéanon. Je poussai un "hmm" perplexe. Étaient-ce les mêmes pierres que l'on nous avait imposé sur l'île des Treize ? Alors que je me concentrai sur la petite chose, ses secrets s'ouvrirent à moi comme les sifflets magiques et je haussai les sourcils avec appréciation. Ce n'étaient pas de simples pierres de vision que nous pouvions nous-même contrôler, mais également des moyens de communication. Avec une certaine appréhension, je fermai les yeux et me concentrai pour tenter de me projeter auprès d'un autre porteur de gemme.
Des images confuses tournoyèrent dans les ténèbres de mes paupières pendant quelques instants puis, alors même qu'il me semblait bien toujours avoir les yeux clos, mon regard s'ouvrit sur une nouvelle scène. Il faisait nuit. Une pleine s'ouvrait sur le côté et devant, l'enceinte d'une cité et de hautes portes closes se distinguaient au-travers des flocons qui tombaient. Je ne ressentais ni le froid ni le vent, mais l'imaginais tout à fait et avait conscience du confort de l'abri dans lequel je me trouvais réellement. Une silhouette s'avança, une grande créature, comme un Woran. J'aurais été bien en peine de le distinguer de n'importe lequel de ses semblables mais pourtant il me sembla le reconnaître. L'image d'Oaxaca me revint, et cet individu m'emportant avec lui. Son nom me vint. Sirat.
Il y avait également un jeune homme blond et une rousse, ainsi qu'une créature humanoïde inquiétante que je ne parvenais pas identifier et qui m'évoquait davantage un cadavre qu'un être vivant - et qui pourtant se muait comme tout être doté de sens. Et enfin, Endar lui-même et le gouverneur. La surprise laissa aussitôt place à la curiosité. Alors il était déjà arrivé à Fan-ming et je voyais à présent ce qui s'y déroulait ? Etait-il en mauvaise posture ? Prisonnier ? Le groupe s'approcha de la porte. Les gardes les repoussèrent. Je découvris avec frustration que je ne pouvais pas entendre ce qui se disait et je ne savais pas vraiment lire sur les lèvres. Puis Teruki s'avança, et de sa maigre hauteur, prit la parole avec toute la prestance d'un empereur. Puis Endar s'empara de son arc pour menacer les quatre autres personnes, ce qui eu manifestement le don d'agacer mon ami le Woran.
La scène devint floue et disparut, me laissant revenir complètement à moi-même, dans la tour de glace de Faseilh.
- Voilà qui est intéressant.
Je ne savais que penser de la scène qui s'était déroulée sous mes yeux, si ce n'est que Fan-Ming n'avait pas encore été ravagée, qu'Endar et Teruki y étaient arrivés sans encombres jusque là et que cette gemme avait un pouvoir fort utile. La situation semblait toutefois tendue et je ne souhaitais pas tarder davantage. Je sortis le sifflet magique, prête à appeler le cheval et à poursuivre cette discussion en route pour ne plus perdre de temps.
_________________ Sinaëthin Al'Enëthan, alias Silma, Héraut de Yuia, hiniön lvl 21
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