~Auparavant~




Mon interlocutrice semble réellement connaître le sujet. Elle propose une série de noms à chacune de mes demandes. Dame Elisa semble s'en réjouir en revenant avec des boissons chaudes, pour lesquelles je la remercie du chef. Intrigué, intéressé, je dois toutefois être d'accord avec la maîtresse de maison. Il est tard. Je ne peux donc profiter que d'une histoire ce soir. Un brin de gêne m'étreint alors que Dame Elisa indique à sa fille de me ramener dans mes appartements ensuite. L'idée de me faire accompagner par une jeune femme, même dans sa demeure, me laisse perplexe.

Une fois la mère de mon interlocutrice partie, Dame Talia me propose de se joindre à mon périple, et de me conter une histoire chaque jour. Je conserve une expression neutre en soufflant puis buvant une gorgée de ma boisson. Ma curiosité est piquée. L'idée d'en savoir plus sur Aliaénon interpelle la facette curieuse de mon esprit.

Mais je suis avant tout un milicien. Un homme raisonnable. Emmener en voyage dangereux une jeune femme dont j'ignore si elle saurait se défendre serait irresponsable. Et sa famille serait certainement contre, surtout vu le climat actuel et leur méconnaissance à mon propos. D'ailleurs, je compte user du sifflet magique, ce qui impliquerait d'être seul avec elle. Motif de plus d'un refus de la part des D'Omble. Je prends le parti de ne pas lui répondre immédiatement à ce sujet.

J'esquisse néanmoins un sourire.

"Voilà de nombreux éléments. J'admire votre mémoire, Dame Talia. Vous ne semblez avoir nul besoin de parchemins ou de tablettes d'argile pour vous aider."

Je prends une gorgée et un instant de réflexion. Connaître des choses sur Arothiir pourrait me servir prochainement, mais un conte plus global serait sans doute davantage utile. À l'évocation du Protecteur des Elfes, mes pensées se tournent brièvement vers Lothindil et Astinor avant de revenir à ma situation. Les informations sur leur divinité pourraient m'être apprises si je me rendais ensuite à la Cité Templière. Mais j'ignore si j'en aurai le temps.

"Je souhaiterais en connaître plus sur ces Colosses Fondateurs que vous avez évoqué."

Je jette un regard à l'âtre avant de porter la boisson à mes lèvres calmement.

~Auparavant~





Dame Talia semble avoir bien des qualités en plus d'une apparence remarquable. Mes paroles sincères au sujet de sa mémoire la gênent en la faisant rougir. Elle m'explique passer du temps dans la Grande Bibliothèque du Palais depuis son enfance. Ce détail m'interpelle, mais je ne le relève pas.

Assise devant l'âtre, la jeune femme change de ton. Sa voix délivre son récit sur ces Colosses Fondateurs. Des géants élémentaires, toujours opposés et s'affrontant sans cesse. Sauf un. Le Colosse de Magie, ayant choisi de faire usage de son don pour endormir ses semblables. L'histoire me rappelle un peu les récits flous de Yuimen, venant de l'époque où nos divinités parcouraient encore notre monde. Aliaénon n'aurait connu sa forme actuelle qu'après l'endormissement des Colosses. Existait-il malgré tout une civilisation assez établie pour garder trace de cette époque ou n'est-ce au fond qu'une légende ?

Le mouvement de Dame Talia me surprend. Elle vient s'agenouiller juste à côté de moi. Elle est proche. Presque trop. Mais la familiarité est peut-être aussi normale pour eux que pour les kendrans. Je me contente d'avaler une portion du breuvage et de soutenir son regard. Elle reprend à voix basse, comme me livrant une confidence. Le Colosse d'Esprit pourrait être une autre identité de leur divinité. Et si la guerre s'empare de ce monde, elle risque de ramener les puissantes créatures à la vie. Pure légende, mais elle fonctionne. Un léger frisson me dévale l'échine. La Demie-Déesse ne peut pas en avoir après cette puissance. Ce serait folie, de sa part. Toutefois, je conserve cette idée dans un recoin de mon esprit.

Soutenant le regard de mon interlocutrice, je hoche doucement la tête. Mon propre ton est un peu plus bas que je le voudrais.

"Dame Elisa disait vrai. Vous n'avez pas votre pareil pour conter. Votre récit était captivant."

J'apprécie son savoir autant que sa façon de le partager. L'entendre encore serait intéressant, mais sa mère a raison. Il se fait tard. L'empêcher de prendre du repos serait inconvenant. Toutefois, je suis un ynorien et ne dois pas fuir devant sa demande. Demeurer dans l'expectative est inconfortable pour tout le monde.

"Concernant votre requête... Je comprends votre souhait, mais il serait irresponsable de ma part de vous donner ma parole de façon irréfléchie."

Elle semble être une jeune femme raisonnable. Je ne refuse donc pas abruptement son souhait de m'accompagner, mais j'y mets de sérieuses réserves. J'avise la peau d'ourgle, me rappelant de la rencontre en forêt. Khar'Tal n'avait guère l'air sûr de lui, et c'est un chasseur me semble-t-il assez aguerri. J'ignore si Dame Talia fait partie de ces femmes auxquelles on apprend à se défendre. Mais même ainsi, la pensée de la placer dans une situation dangereuse rebute ma fierté de milicien. J'en plisse légèrement les yeux.

"Votre famille désapprouvera grandement de vous savoir hors de vos murs, en compagnie d'un homme étranger. J'ignore également quels périls paveront ma route dès demain, après avoir vu votre Reine."

Je termine ma boisson en me faisant silencieux. Si cela lui tient tant à cœur, j'imagine qu'elle fera preuve de détermination pour convaincre les siens. De mon côté, je suis serein. Je ne me prononcerai pas plus avant de savoir où mes pas me conduiront. Un brin de lassitude m'amène à me frotter les yeux, mais je contiens toute autre forme de geste attestant de ma fatigue.

~Auparavant~




Je me dois de suivre ma ligne de conduite, même lorsque je devine de la tristesse dans le regard de la jeune femme. Malgré ma conviction, je ne parviens pas à m'empêcher de baisser les yeux quand sa main fraiche se pose sur la mienne. J'ignore ce qu'elle tente de faire exactement. Je ne suis pas féru des contacts, aussi j'ai du mal à réagir autrement qu'en la regardant avec attention.

Elle m'explique alors savoir que sa famille n'approuvera pas, mais est certaine que les siens comprendront. Ses paroles m'apprennent qu'elle veut jouer un rôle dans les événements frappant Aliaénon, à la manière d'une héroïne de légende. Je ne le manifeste pas, mais j'en suis un brin chagriné. Dame Talia semble avoir une vision naïve du danger. A-t-elle déjà vu une plaie causée par une arme ? La mort violente d'une connaissance ? Ne romance-t-elle pas trop la situation ? Si tel est le cas, elle va au-devant de cruelles désillusions.

( Et par les Dames, je ne souhaite cela à aucun cœur innocent. )

Courageusement, elle m'apprend ne pas redouter les périls si elle les affronte à mes côtés. J'ai du mal à retenir un mince sourire, poussé par un petit élan de timidité. Elle ne me connait pas mais semble pourtant accorder un fort crédit à mes capacités. Ce n'est pas le genre de choses que l'on dit à un inconnu. Cela se réserve à un compagnon d'armes ou pour une personne avec laquelle on souhaite... Se lier. J'inspire lentement pour chasser cette pensée. C'est improbable. Elle ne doit voir en moi que l'émissaire étranger, pas la personne. Moi ou un autre ne changerait probablement rien à ses paroles. Cette réflexion m'aide à retrouver mon calme et ma maîtrise de moi-même.

Elle se lève et semble étrangement confuse, quand bien même je n'en cerne pas l'origine. Elle propose de me mener à ma chambre tout en évitant mon regard. Je devine encore l'étrange fraicheur de sa peau contre la mienne et tente de ne pas en faire grand cas. Je me lève à mon tour, fais un signe positif du chef puis lui emboite le pas en silence. J'aimerais la rassurer. L'assurer de ma gratitude aussi, mais éviter le contact visuel est un signe. Une autre parole de ma part, possiblement maladroite, pourrait la blesser. Elle risque d'attendre de moi plus que je ne peux lui offrir.

Lorsque j'aurai rejoins mes appartements, je me contenterai de lui souhaiter une bonne nuit. La décision finale ne pourra pas se faire avant demain, de toute façon.

~Auparavant~




Après ces quelques jours de voyage, dormir dans un lit aussi épais est étrangement reposant. Pas même la trace d'un rêve. Toutefois, cela ne me change pas de mes habitudes. J'ai l'impression d'avoir besoin de moins en moins de sommeil pour retrouver la même énergie. À mon éveil, je devine distraitement la luminosité de l'aube. Les événements de la veille me reviennent. J'espère que la jeune dame D'Omble a su trouver du repos de son côté. La voir attendre sur le pas de la porte m'a causé un peu d'inconfort.

Je ne perds pas de temps, me rafraichis un peu puis me revêts de mes équipements. Mon yukata retourne dans mon bagage et je m'assure de laisser le couchage aussi présentable qu'à mon arrivée. Fang Bian Chan arrimé à l'épaule, casque sous le bras, je décide de descendre dans les pièces communes. Mes hôtes dorment peut-être encore, eux. Le silence que je perçois semble en attester, en tous cas. Si je ne croise personne de si bon matin, j'irai voir comment se porte mon étalon.

Son devenir me préoccupe. Si j'emploie le sifflet magique, Ganko devra rester derrière. Mais peut-être que les D'Omble accepteront de le ramener à Andel'Ys s'ils y retournent eux-même ? Il me faudra leur en parler après avoir rencontré leur Reine. Y songer me cause un brin de tension que je chasse en quelques mouvements respiratoires. Les Hommes D'Omble seront là également. Je n'ai pas à craindre cette entrevue.

~Auparavant~




J'ai à peine atteint la pièce à vivre que je suis convié à la table des trois cavaliers par le doyen. Il fait alors une allusion au côté frugal du repas, le mettant sur le compte du réveil généralement tardif des dames. Je n'y aurais guère prêté attention sans l'air mécontent de son fils. L'idée que le vieil homme vient de dire quelque chose de déplacé m'effleure, mais je fais au mieux pour éviter d'y réagir. Le jeune Khar'Tal réitère l'invitation. Je l'accepte, parfaitement d'accord avec la sagesse d'être au meilleur de ma forme avant l'entrevue avec leur Reine.

Ce n'est qu'au mouvement d'un serviteur que je prête attention à celui-ci. Sa pâleur interpelle mon instinct de guérisseur. Il protège également sa gorge. Serait-il malade ? Abus de boisson ? Problème respiratoire ? Conséquences d'une grande peur récente ? J'aimerais le savoir, mais il s'éclipse rapidement, à l'indifférence générale d'ailleurs. Si j'en trouve le temps, je devrais au moins lui poser la question. Pour ma tranquillité d'esprit.

Je prends place, casque sur les genoux, et frotte nonchalamment ma nuque. Le jeune homme poursuit, s'enquérant de ma nuit et de ma discussion avec sa sœur.

"Reposante, je vous remercie. J'ai grandement apprécié son récit. Dame Talia a une façon de conter véritablement prenante."

J'esquisse un sourire appuyant mes mots avant de retrouver mon sérieux et de souffler sur ma boisson chaude. J'avale une gorgée avant de me décider et reporte mon attention sur les hommes plus âgés.

"Et elle est emplie de bonne volonté. Trop peut-être. Elle semble vouloir prendre part aux événements touchant Aliaénon."

Je ne veux pas causer d'ennuis à cette jeune femme, mais le sujet sera abordé par ses soins tôt ou tard de toute manière. Et je n'ai pas envie qu'elle cherche à forcer la situation plus tard. Aborder le sujet maintenant n'est sans doute pas le plus judicieux, mais mieux vaut régler cette difficulté aussi tôt que possible. Quelqu'un de déterminé trouve toujours des méthodes pour parvenir à ses fins.

L'idée saugrenue qu'elle confronte les hommes de sa famille à la sortie de l'audience, ou cherche à monter de force sur la créature du sifflet me traverse l'esprit. Je la chasse vivement.

"Elle a émis le souhait de se joindre à mon périple quand je quitterai Treeof."

Je m'en tiens là, traitant ce que je viens de dire avec une certaine distance. J'expose un fait et j'en attends les réactions. Ni plus, ni moins. Peut-être traiteront-ils la chose comme un simple caprice. J'ai d'ailleurs plus grave en vue. Je dois m'y préparer. D'ici peu, je rencontrerai une Reine.

~Auparavant~



L'atmosphère change. Bien entendu, le doyen est le premier à refuser tout net le départ de Dame Talia. Cependant, la façon dont il le dit m'interpelle. En sous-entendant la jeune femme, il parle de "choses" ne devant pas quitter Treeof ni la forêt, mais s'adresse davantage à son fils. S'il avait mentionné sa sécurité, j'aurais compris, mais ce n'est pas le cas. Plus étrange encore, le maître de maison est déjà au courant et compte s'en entretenir avec la Reine.

Quelque chose m'échappe. Leurs femmes ne sont-elles pas libres d'aller et venir ? Existe-t-il un savoir au sujet de ce peuple que je n'ai pas et qui m'aiderait à comprendre ?

Le plus jeune prend la parole à son tour, affirmant qu'il nous faut user de tous les moyens dans cette guerre. Déterminé, il veut empêcher la forêt de brûler. Mais je n'arrive pas à savoir s'il parle d'elle ou de sa soeur quand il promet de la protéger, si Dame Talia m'accompagne.

Les D'omble se lèvent, m'informant que leur Reine semble n'avoir jamais reçu de visiteurs étrangers. Prudence et mesure sont donc impératives. Je les imite et hoche la tête assurément.

"Je suis prêt. Hâtons le pas, car l'idée d'être le seul retardataire parmi les envoyés de Fan-Ming m'est désagréable."

Leur Reine m'a été décrite comme sage. Si j'ai des questions, elle aura certainement des réponses.

~Auparavant~




À la suite des D'Omble, je me rends plus au cœur de cette cité. Au beau milieu de la forêt, je découvre un lac avec un immense château sur un îlot. S'y rendre nécessite l'emploi d'une barque que j'aide à faire se mouvoir, en compagnie du plus jeune des cavaliers. L'édifice est gardé par des hommes à tenue de cuir et de plumes, mais nul ne s'inquiète de ma présence.

L'intérieur réveille un instant mon cœur d'enfant tant la salle sobre en demeure incroyable. Des perles d'eau au plafond divisent la lueur des lustres, projetant des facettes sur les parois. Mais je me reprends vite quand une unique présence attire mon attention. Un siège de marbre accueille une femme étrangement jeune, à la peau très pâle contrastant avec la noirceur de sa chevelure. Son apparence a beau laisser entendre une certaine jeunesse, elle se tient avec l'aplomb qui sied aux puissants.

En voyant les D'Omble ployer le genou, j'ôte mon casque et les imite, quand bien même cette façon de saluer n'est pas la mienne. La Reine nous accueille, tardant d'entendre le rapport de ses hommes. Je ne manifeste aucune surprise quand elle s'enquiert de mon identité. Le doyen des cavaliers me présente et je me relève à mon tour. Je peux sentir le poids de l'étrange regard rosé de la Reine sur moi.

Je fais un pas en avant, demeurant cependant un peu en retrait de Khar'Tash.

"C'est un honneur, Reine des Hommes Pâles."

Je salue brièvement à l'ynorienne avant de jeter un regard aux autres. Attendrait-on de moi ledit rapport ? Possible. Ils apporteront une correction à mes propos si j'oublie un point.

"Avant toute chose, nous avons croisé la patrouille du capitaine Diasgo voici deux matinées. Ils cherchaient un homme-loup, comptaient poursuivre vers les régions sud et nous ont demandé de vous en rendre compte."

Je me tais un instant, rassemble mes souvenirs puis reprends la parole.

"Ce monde est menacé. Des forces d'invasion, aux ordres de la sombre Demie-Déesse Oaxaca, sont en train de grouiller au Sud, peut-être ailleurs déjà. Le seign... Le Gouverneur Astidenix a mandé un détachement afin d'évaluer la menace. Il projette de réunir des troupes derrière les remparts Andel'Ys pour la contrer. Il demande un soutien armé de la part de votre cité et de l'aide pour convaincre les résidents d'Arothiir de prendre part à ce conflit."

J'incline la tête à la fin de ma tirade. Si la Reine souhaite en savoir davantage, je ferai au mieux pour répondre.

~Auparavant~




La Reine écoute mes propos et m'informe de choses me glaçant le sang. L'armée redoutée est non seulement déjà proche, mais menée par une créature de légende. Un dragon. Elle met en doute ce que les ressortissants de mon monde peuvent faire pour son royaume après avoir poussé les forces d'Oaxaca à s'y attaquer. Peu après, elle s'en prend indirectement la décision du gouverneur Astidenix. Khar'Tar le défend, expliquant que disposer d'un point de ralliement pourrait inciter les forces contactées à s'unir.

Je ne l'affiche pas, mais je sens une certaine tension m'envahir. Je savais que rassembler des troupes ne serait pas simple, mais la Reine poursuit sur sa lancée sceptique. Elle semble presque assurée que jamais nous ne parviendrons à obtenir le soutien des elfes, de peuples nommés les Ouessiens ou de pyromanciens du désert.

Quand elle se tourne vers moi, c'est pour solliciter mon avis. Sur un ton proche de l'accusation, elle affirme que les ynoriens du Nord de se terrent derrière les murailles de Fan-Ming. Elle s'en prend ensuite aux dirigeants de la cité et trouve que son peuple fait déjà de grands efforts envers la colonie, pour devoir en plus s'engager à sacrifier sang et cités dans cette lutte. Pour quelqu'un qui n'a soi-disant jamais rencontré d'étrangers, elle sait décidément bien des choses.

Je ne suis qu'un milicien. Le jeu de la politique m'est étranger, et assurer de la bonne foi ou des intentions louables de quasi-inconnus m'est impossible. Je ne peux m'appuyer que sur mes certitudes et mon savoir.

"Vous êtes bien plus informée que moi, votre Majesté. Je n'ai pas la prétention de parler au nom des dirigeants méconnus de Fan-Ming. Je sais seulement que l'Ynorie souffre, et que l'envoi de personnes comme moi est le recours le plus rapide dont ma patrie dispose. Ici, nos magies sont plus puissantes, nos armes plus dangereuses et nous avons connaissance de la lutte armée."

Je marque une brève pause.

"Ce dont je suis certain, c'est que si Fan-Ming est bien leur objectif et tombe, mon peuple sera poignardé au cœur. Mais je comprendrais que cela ne vous touche que peu... Cette mission, réunir les peuples d'Aliaénon, semble impossible. Mais j'y suis encouragé malgré tout."

J'extrais de ma besace le sifflet magique donné par l'entité inconnue et le montre.

"Un envoyé de votre monde, je ne peux que le décrire ainsi, m'a confié cet objet pendant ma venue. Il permet d'invoquer une monture ailée et de se déplacer en quelques instants à travers Aliaénon. Je ne vous ferai pas l'affront de croire qu'il s'agit d'un geste de l'Unique, mais cela demeure un signe à mes yeux."

J'inspire brièvement.

"Reine des Hommes Pâles. Je comprends votre réticence. Vous avez le devoir de protéger les vôtres, et mobiliser vos troupes va à l'encontre de cette volonté. Mais tôt ou tard, le combat touchera vos terres. Même si vous savez vous battre, et serez camouflés par la forêt, combien de temps pourrez-vous faire face seuls ? Comptez-vous laisser les habitants d'Andel'Ys sans aide ?"

Je songe à ce que j'ai vu de ces terres, au récit de Dame Talia. Si mon cœur appartient à l'Ynorie, mes pensées vont en ce moment à la préservation d'Aliaénon. Un monde ne mérite pas le sort que lui réserve la volonté de la Demie-Déesse, surtout si, comme la Reine l'a sous-entendu, cette situation est de notre faute.

"Ce n'est pas pour Fan-Ming qu'il faut vous préparer. C'est pour le monde que vous connaissez. Aliaénon n'est pas ma patrie, mais je me battrai aux côtés des vôtres en son nom, contre les forces sombres."

Ma décision est prise. Et si mon destin est de périr en ce monde, qu'il en soit ainsi. Je ferme un instant les yeux, songeant à mes amis et à ma pupille restés à Oranan. Mais je ne me laisse pas aller à la fatalité. Tant qu'il y a un espoir, je m'y tiens.

"Le Gouverneur Astidenix a foi en l'édification d'au minimum un front Homme Pâle à Andel'Ys. Mais peut-être aviez-vous songé à d'autres moyens que la difficile union des peuples pour contrer la menace en Aliaénon ?"