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Auparavant~
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Ma parole donnée, je suis la Reine alors que cette dernière s'avance vers une ouverture à balcon, dominant le lac et la cité. Sans violence, comme si elle se confiait, elle m'apprend que si la magie est absente des hommes de son peuple, ce n'est pas exactement le cas des femmes. J'ai du mal à demeurer stoïque, en particulier quand mon interlocutrice m'informe qu'elles en sont capables, à condition de boire du sang. Je ressens un léger frisson dans mon dos à cette idée, mais c'est davantage une certaine curiosité qui m'étreint. Aliaénon est vraiment un monde étrangement fascinant.
La consommation se limite au sang humain des mâles de son peuple, qui en ont pleinement conscience. Et cela offre aux femmes des capacités telles que force et rapidité. D'autres sont détenues par les plus pures, qu'elle tait, de crainte de m'effrayer. L'espace d'un instant, je songe au serviteur de la demeure des D'Omble, étrangement pâle et au cou masqué. Mais je n'ai pas le temps de les imaginer en prédatrices que la Reine poursuit. À Treeof, la pratique se fait dans le respect mutuel. Andel'Ys n'y a pas recours ou de manière cachée, alors qu'à notre destination, c'est le contraire. À Arothiir, le matriarcat est de mise. L'information me fait m'assombrir.
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Je... Je dois avouer que je ne m'y attendais pas... Mais n'ayez crainte, je n'ai qu'une parole, et ne suis pas homme à laisser ce savoir balayer le respect que j'ai pour les vôtres."
C'est là un bien lourd secret. Si la chose était apprise par des êtres moins ouverts, nul doute que les Hommes Pâles risqueraient d'être taxés de monstres voire traqués, par crainte. Et si ce sont les sbires de la Demie-Déesse qui s'emparaient de ce savoir...
Mes pensées vont brièvement à Dame Talia, mais sont rapidement chassées. Les femmes de ce peuple n'usent que le sang de leurs mâles, pas d'étrangers comme moi qui ne suis d'ailleurs qu'à moitié humain. L'idée demeure toutefois dans un recoin de mon esprit. Il me faudra donc non pas garder un œil sur la jeune femme, mais sur son frère. Sa jeunesse et sa fougue risquent d'en faire une cible.
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En Yuimen, il existe aussi un peuple matriarcal. Les femmes sont les seules à diriger et se battre, y compris entre Maisons. Mais si nous parvenons à les convaincre, et que ce sont les femmes d'Arothiir qui nous aident, seuls d'éventuels troglodytes n'auront pas vent de votre secret."
Pourtant, si leurs femmes peuvent également prendre part au conflit, et avec des facultés inattendues, cela serait une force indéniable. Reste à savoir de quel côté de la balance la préservation de ce secret pèsera. Une question me vient, et je rends son regard à la Reine.
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Veuillez excuser ma curiosité, Majesté. Mais puisque vous êtes Reine, cela signifie-t-il que vous êtes la plus pure des vôtres ?"
Et cela suffira-t-il pour faire plier les volontés des dirigeantes ?