Tsuru Akakiga est un homme de taille modeste même pour un Ynorien. Du haut de son mètre soixante-cinq au premier regard il n’impressionne certainement pas par sa stature. D'autant que Tsuru est souvent vêtu d'un ample kimono de soie noire qui cache aux regards sa musculature noueuse développée par des années de pratique de l'archerie et du dur métier de pêcheur. Quand il doit utiliser son arc, Tsuru aime rabattre le haut de son kimono pour être plus libre de ses mouvements, ce faisant on peut alors distinguer sur son biceps gauche un tatouage en l'honneur de la Déesse Rana dont le vent gonfle la voile de sa barque de pêche et porte ses flèches jusqu'à leur cible. Son visage est sévère et cette impression est renforcée par ses longs cheveux noirs ramenés en arrière sous la forme d'un strict chignon maintenu par un fin ruban de soie sombre piqueté de fils d'or. Fidèle aux traditions de son peuple ses lèvres fines, peu encline au sourire, sont élégamment soulignées par une moustache et une barbichette parfaitement taillées. Ses yeux sombres et bridés brillent d'une détermination froide…

Né dans un très modeste clan de pêcheurs Ynorien Tsuru a pu, grâce aux sacrifices de ses parents, suivre une éducation dispensée par le conseil républicain. Au milieu des enfants issues de familles aisées il n'a jamais su trouver sa place, il y a certes appris à lire et à écrire comme les autres mais les brimades répétées, dont il fut la victime, ont développées chez lui un sentiment persistant d'infériorité. Ces premières années difficiles ont fait de lui un homme taciturne peu enclin à exprimer ses émotions, il a surtout appris à observer et à écouter. Sa vie est régie par son sens aiguë de l'honneur et de la loyauté. Il sait que jamais il ne fera parti des puissants et que son rôle sur cette terre est de servir, d'être fidèle à la parole donnée. Au premier abord il peut apparaître comme un homme de peu d'ambition. Si il est vrai que de part sa volonté de ne pas influencer la vie d'autrui il ne porte que peu d'intérêt aux jeux politiques, il est loin de n'avoir aucune ambition personnelle. Il aspire surtout à développer ses compétences d'archer, discipline qui à ses yeux allie avec une beauté presque divine la maîtrise du corps et de l'esprit. Il n'est pas pour autant un solitaire et si il ne la recherche pas activement, il apprécie la compagnie des autres. Particulièrement si ces derniers lui apparaissent comme des modèles qui peuvent le pousser à devenir meilleur que ce soit sur un plan philosophique ou physique. C'est aussi un homme très pieux ; envers Rana tout d'abord car il considère que ses dispositions pour l'archerie sont le fruit d'une de ses bénédictions ; envers Zewen ensuite qu'il remercie de lui avoir indiqué sa place dans le monde et le chemin à suivre dans sa vie.

Tsuru est né il y a maintenant vingt-quatre ans de cela dans la demeure Akakiga à Oranan. Son père Kawara Akakiga est un modeste pêcheur qui épousa Ishiko la fille d'un charpentier du port, ensemble ils eurent trois enfants : deux fils Huang et Tsuru et une fille Aiko. Kawara et Ishiko fier de la République d'Ynorie et de ses préceptes d'égalité des chances firent tout leur possible pour offrir à leurs enfants la meilleure éducation possible. Kawara ne renonça à aucun sacrifices pour mettre suffisamment d'argent de côté pour permettre à ses fils de rejoindre l'école instituée par le Conseil Républicain. D'à peine deux ans son aîné Huang fût peut-être le seul ami que Tsuru n'ai jamais eu durant son enfance. Ensemble ils affrontèrent les regards hautains et les rires moqueurs lorsqu'ils étaient sur les bancs de l'école Républicaine.

Hélas Huang fut victime de la colère de la déesse Rana et péri à l'âge de quatorze ans, noyé lorsque son embarcation de pêche fut prise dans une tempête. Ce terrible événement marqua le jeune Tsuru qui commença par s'enfermer dans une profonde mélancolie assez inhabituel chez les Ynoriens. Son père, tiraillé entre l'amour qu'il portait à son fils et la honte de le voir ainsi étaler sa tristesse aux yeux de tous, emmena alors le jeune Tsuru déposer une offrande sur un autel en l'honneur du Dieu Zewen. En chemin, Kawara expliqua à son fils que le destin de chacun était entre les mains de Zewen et que si aujourd'hui Huang n'était plus, c'est que Zewen l'avait rappelé à ses côtés car il avait besoin de son essence pour écrire une nouvelle page de son livre du Destin. Arrivé devant l'autel, Kawara demanda à son fils de faire offrande de son bien le plus précieux, lui assurant que plus le bien serait précieux à ses yeux plus la réponse de Zewen serait claire. Tout encore à la tristesse d'avoir perdu son frère et seul ami en ce monde Tsuru regarda son père avec colère car il savait ce que ce dernier lui demandait de sacrifier. Kawara affronta son regard, en silence, endurant les flots de haine que lui lançait son désormais 'unique' fils. La colère de Tsuru vacilla car dans les yeux de son père il ne vit qu'amour et compassion, fermant les yeux il s'agenouilla devant l'autel. Il avait conscience de ce qu'il devait offrir au Dieu Zewen, mais il ne pouvait s'y résoudre… Finalement d'un geste ample Tsuru se saisit de son arc, qu'il portait en bandoulière, et le posa devant l'autel. Cet arc, c'est Huang qui le lui avait sculpté pour lui apprendre à chasser le lapin lors de leur rares moments de détente entre les jours d'école et le travail à la pêcherie familiale. C'était l'unique cadeau qu'il n'ai jamais reçu et le dernier souvenir de son frère, rien ne pouvait avoir plus de valeur à ses yeux. Tsuru resta agenouillé en prière implorant Zewen de l'éclairer de sa sagesse et d'éloigner de son cœur la tristesse et la colère qui l'empêchait d'agir avec le discernement qui sied à un Ynorien. Il finit par s'endormir et son sommeil fut agité, empli de voix et de rêves où il y reconnu son frère, et d'autres membre de sa famille parfois plus jeunes, parfois plus vieux. Son esprit encore jeune ne lui permit pas de saisir le sens de son sommeil troublé, tout devenait brouillon, les voix se mélangeaient et devenaient inintelligibles. A son réveil cependant il fut empli d'un sentiment agréable de certitude : Zewen avait tourné son regard vers lui et l'avait apaisé, désormais il connaissait sa place dans le monde il n'avait pas à avoir peur car son nom était présent dans le grand livre du Destin.

Trois ans plus tard naquit sa petite sœur Aiko qui se montra très vite être une jeune fille dotée d'une rare intelligence. En grandissant Tsuru et elle développèrent un profond lien basé sur une admiration et un respect réciproque. Comme ses aînés la petite Aiko eut la chance de suivre une éducation de qualité dispensée par l'école Républicaine. Portée par son insatiable curiosité et sa soif de connaissances, Aiko aujourd'hui âgée de 10 ans passe le plus clair de son temps au temple de Rana ou à la bibliothèque générale d'Oranan. Après la fin de ses études Tsuru fit le choix de rejoindre son père à la pêcherie du clan Akakiga et ce au grand dam de Kawara qui avait placé de grands espoirs en son fils. Faisant fit des remontrances de son père qui l'exhortait à rejoindre l'administration Républicaine pour échapper à la misère d'une vie de pêcheur, le jeune Tsuru continua chaque matin à prendre la mer…