Comme le soleil, perçant enfin un ciel de nuées obscures, frappait de ses obliques la veste vermeil de Llewelyn. Celui-ci n’avait qu’une obsession : atteindre la forêt car il y était sûr d’y retrouver la mystérieuse demoiselle. Les grandes dalles encore humides de la légère rosée du matin renvoyaient une image de mort et de tourment, y mêlant d’éparses et minuscules flaques de sang ci et là.
(Autour du manoir, c’est tout à fait identique au manoir. Sous mes pas, il n’y a aucune image de ma personne mais seulement un reflet de mort. Ne te laisses point accabler à la douleur, à la tristesse ; ne laisse pas en toi murir la sensation de peur. Quittons cet endroit, vite. )
Le peuple des forêts, de la protection sylvestre et la préservation de la faune et de la flore risquait de s’agiter autour du mage. Loin de lui l’idée de croiser cette peuplade, et si quand même cela se produirait, il avait pour ambition de se faire discret une fois arrivée dans la forêt. Le vent doux des terres, se glissant amoureusement dans les cheveux du jeune Llewelyn, étalait sa douce caresse sur les feuilles parsemées sur le vieux chemin descendant vers la forêt sans couper dans la cité. Plus question de couper par la ville pour Llewelyn.
(Je n’ai que trop goûté les médisances ainsi que les soucis que cette ville pouvait m’apporter. Je me risque bien mieux de tomber sur une meute d’hérisson enragée que chez des fous ! )
Il y avait tout de même un soupçon de vie hors de la ville: de nombreux voyageurs de fortune et, fatigués des roulis lointains, las d’avoir tant marché pendant des jours et des nuits sur des terres qui ne connaissaient guère, ces lourdauds du commerce se reposaient pesamment, étirant vers les cieux si fantasque de la contrée de Yarthiss leurs grands bras impassibles. Le regard du mage, visant vers la forêt qui lui semblait fort lointaine, alla jusqu’à un bâtiment en forme de tour mais se rapprochant d’un temple. Ledit temple possédait une large voute et, à la distance du grand infortuné, on ne voyait que celle-ci ; le reste étant caché par les quelques habitations autour. Ce temple attestait la myriade de siècles que la ville possédait, des siècles de gloire et de commerce inégalé. Il était certain que ce temple allait devenir la prochaine visite du mage. Mais son attention se tourna d’abord plus proche de lui, vers la route détruite, vers un petit garçon.
Il était debout, cambré dans les lambeaux d’une jaquette d’adulte qui lui descendait jusqu’aux genoux, pieds nus, la chevelure blonde et les yeux noirs ; une bonne expertise pouvait lui donner entre huit et dix ans. Une sangle limée en cuir mal ouvragé passée en bretelle sur l’épaule maintenait à côté de lui un sac de toile. Sa main droite était noire de crasse qu’il mettait en évidence en la plaçant à la taille tandis qu’il se tenait droit avec un bâton de sa main gauche, un bâton de marche de taille modeste. Pourtant le bâton présentait une particularité bien singulière: le morceau de métal au pied. L’enfant ne bougeait pas et restait contemplatif. Llewelyn, intrigué par le personnage, lui demanda :
« Que fais-tu ici, en plein milieu de la route ? »
La réponse fut immédiate:
« Je suis chasseur de gob’s ! Et … de poire aussi ! »
Il paraissait fort fier d’être chasseur de … poire et négligea bien de demander l’aumône comme le faisaient les petits chenapans peu aisé. Encore plus intrigué, Llewelyn lui parla encore :
« Tu chasses … les poires ? »
Mais cette fois, il garda le silence, car il semblait attentivement veiller l’arbre. Llewel fit de même, et se contenta de regarder le ‘maître’ en action. Les deux étaient non loin d’un poirier de taille assez modeste, un poirier sableux, et aussi d’une roulotte maraichère que Llewel n’avait pas vu avant. Le marchand arrivant avec sa roulotte ne nous regarda même pas, puis, celui-ci arrivé en destination de l’arbre se servit avec une sorte de perche à fruit. Le marchand trop gourmand avait remplis sa roulotte de poires sableuses et de nombreuses poires dégringolèrent de son véhicule de commerce. Les poires épousèrent le sol sans pour autant perdre leurs formes. Le chasseur sautilla comme un petit ratissa puis s’arma de son bâton et piqua les poires par terre. La moitié des fruits disparurent dans son sac. Joyeux, il plongea son petit nez dans le sac pour en croquer une.
« Régale-toi, jeune homme » lui répondis Llewelyn.
« Monsieur, moi, je n’aime que les fruits. »
« Magnifique alors, mais je suppose que tu ne dois pas chasser tout les jours ? »
« Bah, après je les vends au marché ! »
(Je te souhaite une bonne chance, jeune homme. Avec tout les fous qui trainent dans cette ville, il faut vraiment bien connaître ce lieu pour y survivre. )
« Bonne initiative, mais que fait ton père ? »
Le petit homme se lécha les lèvres encore humide du jus de poire puis lui répondit amèrement:
« Mon père ne travaille plus. Avant, il me racontait l’histoire de nos ancêtres, qui travaillait dans les mines il y a loooongteeemps !! Mais plus maintenant, il boit et on a des dattes à régler … »
Llewel eut à se moment un petit rictus puis le coupa en le corrigeant:
« Dattes ? Tu ne veux pas dire dettes ? »
« Hum, oui, oui c’est un truc du genre oui. On doit payer des choses à d’autre gens car c’est pas à nous. Enfin, voilà, j’aime pas et puis moi ça me regarde pas, je suis petit ! Alors je vais chasser des poires ! Mais certain soir, les gob’s viennent manger les poires aussi, j’en ai vu ! Je te jure, personne ne me crois ici. »
(Des gobelins mangeurs de poires ? Pourquoi pas. Lesdites poires doivent avoir quelque chose, je pense. Ou alors, il aime juste les poires. Oh, je ne vais pas mener l’enquête sur ce genre de choses ! Avec mes pourquoi je dégèlerai Noveria ! Haha. Et bien, je ne me savais pas aussi ‘comique’, je devrais me produire à Tulorim, on dit qu’ils ont un centre pour les gens qui aiment raconter n’importe quoi.)
« Monsieur ! »
Llewelyn, souriant bizarrement - car complètement perdu dans ses pensées -, ne faisait presque plus attention au garçon. Le ‘monsieur’ le réveilla légèrement de sa douce léthargie et, il se mit à répondre:
« Moi, je te crois et peut-être qu’un jour, je guetterai leur venues. M’aideras-tu, jeune homme ? »
« Euh … oui, oui. Mais pourquoi me tu m’appelles jeune homme ? »
« Bonne question, mon brave. »
« Et pourquoi mon brave ? »
« C’est à réfléchir, petit garçon. »
« Petit garçon ? C’est rabaissant ! »
« Je te prie de m’excuser, enfant humain. »
« Eh ! »
« Adieu, ce fut un plaisir. Attention à toi »
Et c’est ainsi que Llewelyn partit en laissant complètement le petit garçon derrière lui. De nature à s’exaspérer rapidement, il détestait qu’on lui pose trop de questions sans but particulier. Pour être franc, Llewelyn Vermelh avait en horreur les enfants, les enfants qui parlaient beaucoup pour être plus précis. Mais, il n’était pas aisé de laisser un enfant de cette manière car celui ne comprendrais pas pourquoi on le laissait seul, sans explication ; c’était pourquoi l’autre bambin le rattrapa en criant:
« Eeeeeeeeeeeeehhh, le drôle de monsieur ! Pourquoi m’as-tu laissé tout seul comme ça ! »
Llewelyn lui répondit sèchement:
« Parce-que tu parles trop. »
« Et toi, tu n’es même pas capable de parler à un enfant ! »
« Parce-que, toi, tu es là pour me dire comment je dois parler à un enfant ? »
(Le mépris n’est pas la solution, rappelle-toi que ce qui n’ont rien d’autre que l’innocence sont plus aptes à t’apprendre que ta propre personne.)
« Oui, eh, oui ! Moi je sais qu’on doit être avec les enfants, on part en disant ‘Adieu’ comme ça, c’est triste. »
« Et bien, excuse-moi. Au revoir alors. »
(Voilà, maintenant du vent petit bout de chair.)
L’enfant s’était d’abord senti mécontent de la seconde réaction du bien maladroit mage, ce qui en soi ne suscitait aucune inquiétude. Il avait une envie morne mêlée à un violent désir de rentrer chez lui mais, en pensant à ce qu’il l’attendait en rentrant il préférait encore le mage que les supplices d’un incapable père. Ces sentiments, à la vue de Llewelyn, se résolurent en un appétit dévorant toute compréhension ; Llewel inspirait chez le jeune garçon une forme d’inconnu à comprendre. C’est le point qui toucha l’enfant qui était réellement difficile à saisir pour Vermelh, quand un enfant était touché par la grâce de la curiosité, rien n’était possible pour l’arrêter. L’enfant reprit:
« Alors, pourquoi t’es méchant avec moi maintenant ? T’es bizarre aussi, tes vêtements sont pas très propres mais c’est un peu ceux des nobles, t’es riche alors ? Ça doit être pour que tu m’aimes pas, tu parles pas avec des paysans comme moi ! Bin, sache que nous on était très riche avant car on avait plein d’or ! »
( Idiot. Mais tu ne peux pas savoir, je ne veux pas te parler parce-que j’ai d’autres choses à faire. )
« Si tu veux, maintenant je suis pressé. »
« Je peux venir avec toi ? »
« C’est dangereux. »
« Tu vas au temple de Moura ? »
« Je vais y passer. »
(Merci jeune homme. Maintenant je sais dans quel temple je vais passer. Et dans celui-ci, nulles prêtresses ne me courtiseront et aucun prêtre ne cherchera à me tuer. )
« Alors je viens. »
« … Bien. »
« Vrai..vrai-ment ? »
« Oui, mais ne t’éloigne pas de la route, jeune homme. »
Il prit la pose des gardes de Yarthiss et effectua leur salut en guise de confirmation. Llewelyn ne put s’empêcher de sourire. Son plan n’était pas de faire route avec un enfant mais dorénavant il ne risquait plus de faire la route seul. La solitude lui semblait plus agréable en tout cas … faire face à un enfant n’était pas de tout repos.
« Dis … pourquoi tu m’as appelé enfant humain ? Tu es un elfe ? Ça se voit pas pourtant, tu sembles assez humain et puis j’en ai jamais vu des elfes ! Ils te ressemblent tous ? »
« Non, je ne suis pas un elfe mais je ne suis pas humain non plus. Je suis un peu des deux. Les elfes ne sont pas comme moi, ils ne s’occupent pas des enfants de ton âge, ils les confient à d’autres elfes pour que les plus jeunes apprennent à travailler et à avoir un métier. Ça empêche les soucis que ton père a par exemple. »
« Oh, tu en sais des choses ! Mais c’est possible ça ? Un peu d’homme et un peu d’elfe ? »
« Si j’existe ? Ah, jeune garçon, oui cela existe mais tu ne risques pas de les reconnaitre à l’œil. Où alors si tu vois une très belle dame, qui cache ses oreilles, tu pourras te dire que c’est une semi-elfe. »
« Des filles comme toi ? C’est possible ? Dis-moi, comment on fait ça ? »
« Oh, par processus de repro… enfin, l’histoire au million de fins. »
( Bien rattrapé cette fois-ci. Je vais tenter de lui faire écouter d’autre chose.)
« Hein ? C‘est quoi ?»
« Oui, tu veux que je te raconte une histoire pour passer le temps ? »
« Bah … oui, si tu m’expliques. »
« Tout est dedans. »
« Alors, vas-y. »
Les deux marchèrent vers le temple qui était à environ une bonne trentaine de minutes d’eux. Le paysage ne différait pas, la population augmentait même avec le temps, les nombreux arbres vers le sud-ouest était visible pour Llewel. Cela signifiait qu’il ne s’était pas trompé de chemin.
« Je commence... »
Soudain le petit l'arrêta net comme pour lui dire quelque chose d'important.
« J'm'appelle Ashtim ! Et ça, c'est important. »
(Coupe moi la parole, oui. Il n'importe, tu as oublié l'histoire en même pas deux secondes, cela m'arrange.)
« En quoi cela est-ce important ? »
« Bah, c'est bien de savoir à qui on parle, nan ? »
« Il est vrai. Je me nomme Llewelyn. »
« Bah, merci c'était pas trop tôt ! T'es peut-être elfe ou un truc du genre mais t'es pas toujours très poli ! Pourquoi es-tu tout sale, hein ? »
« Affirmation renvoyée et question aussi. Tu l'es aussi, non ? Garçon … enfin Ashtim, il y a des choses qu'on ne demande pas à des gens … qu'on ne connait pas, le savais-tu ? »
Ashtim fit une moue digne de tout bon petit enfant puis fâché, il lui tira la langue en lui répondant d'un air colérique:
« Si c'est comme ça, je m'en vais ! Na ! Tu vas te perdre et mourir comme ça ! »
( Petit insolent, il … me rappelle un peu Barc. En moins gros et plus petit mais quand même... ah, où es-tu … 'le premier')
« Que la lumière noire t'emporte et que les ombres blanches éclaircissent tes pas. Bonne chance mon garçon, nous nous reverrons. »
« C'est ça ! C'est quoi cette phrase, tu fais parti des méchants des ombres ? Je le savais, faut pas parler à eux ! »
Llewelyn sourit puis regarda courir tragiquement le petit bambin avec son bâton plus grand que lui et sa veste plus grande que lui aussi. Une image revint à l'esprit du mage ; image s'étant métamorphosée en souvenir bien précis et bien cadré dans le temps, une réminiscence aux accents douloureux et comique.
(« Si c'est comme ça, je m'en vais. Vous allez mourir force de chagrin car moi, Barc roi des rois, le tireur ultime se retire, s’évapore dans la fumée du monde, s’oublie dans un avenir incertain ! »
« Oui, oui. Tu nous manqueras... le dernier des tireurs.»
On l'avait dit ensemble, je me souviens... Litrana, es-tu vraiment morte ? Pourquoi suis-je le seul à ne pas maîtriser un seul fluide d'ombre parmi les trois ? Pourtant on sait que …
« Que la lumière noire t'emporte et que les ombres blanches éclaircissent tes pas ! »
« Litrana, Llwelyn vous êtes incroyable. »
« Tiens, ça te ressemble pas de dire cela. »
« N'oubliez pas la p... » )
Son souvenir se coupa par le cri strident d'un enfant. Et quel enfant ! C'était la voix d'Ashtim hurlant non loin des « à l'aide, Llewelyn si t'es encore là, viiieeeeeennnss !! »
(Une blague ? Peut-être mais allons voir quand même.)
De faibles nuages revinrent perturber la marche du soleil, comme pour le cacher de sinistres évènements, des nuages grisâtres lent et semblant assez lourd dans le ciel. Llewelyn retraça le chemin de Ashtim puis à sa grande surprise il vit …
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Dernière édition par Llewelyn le Jeu 30 Juil 2009 14:40, édité 2 fois.
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