Milice d'Hidirain

Le bâtiment de la milice se trouve dans l'aile Est du Fort Endiraë (cf description), situé au coeur d'Hidirain.

Il y a majoritairement des elfes dans cette milice, mais on peut trouver parfois des nains avec qui la ville en surface coopère. Ils ne sont pas nombreux à l’extérieur de la ville, et lorsqu'ils en sortent, c'est pour s'occuper d'affaires concernant la préservation du secret de leur ville, par exemple en éloignant des gens trop curieux de la porte cachée sous les torrents. A l’intérieur de la ville, cette milice est là pour préserver l'ordre bien peu souvent perturbé. Ils n'acceptent pas, sauf exception, les rares étrangers qui ont réussi à rentrer dans la ville, ni les individus natifs d'Hidirain ne manifestant pas d'intérêt pour le bien-être et la tranquillité de la cité.


Comment s'engager ?

En jeu, vous devez contacter un milicien gradé qui vous inscrira sur une liste secrète. Il vous fournira si besoin du matériel (cf point IV /) aux couleurs de la ville et si possible un premier ordre de mission. La réponse du milicien sera faite par un GM !

HRP: N'OUBLIEZ PAS de demandez dans le SOS GM qu'un GM s'occupant de la milice s'occupe de votre inscription

Comment faire sa mission ?

Une mission vous sera envoyée sur votre fiche de milice et elle se remplit par rp. Ça sera donc à vous de la gérer, en imaginant des péripéties et des aventures mouvementées, des rebondissements et surprises, avec combat si possible. Plus la mission sera complexe, meilleures seront vos récompenses !

Rappel : Les règles de milices

Je me dirige le lendemain matin vers la milice, dont le bâtiment ne se trouve qu'à quelques pas de la demeure des Findaryë où j'ai passé la nuit. Enfin, il serait plus exact de dire qu'Ethëll et moi avons passé la nuit à la belle étoile dans les jardins luxuriants de ladite demeure, et sans guère dormir à vrai dire. Je souris pensivement pour moi-même en me remémorant les paroles que nous avons échangées un peu avant l'aube, lorsque j'ai évoqué la tâche que ses parents souhaitaient me confier. Et ces mots d'Ethëll, qui résonnent en moi depuis qu'elle les a prononcés:

"Nous sommes comme deux rivières qui se sont rejointes, Tanaëth. Nous devons suivre notre chemin, de la source à la mer. Peu importe quels méandres nous séparent, peu importe que nos chemins s'écartent un temps si nous le devons, nous nous rejoindrons toujours quoi qu'il advienne."

Elle a marqué un silence, le temps de frôler ma joue d'une main légère, puis a ajouté:

"Tu es un guerrier, un protecteur de ceux qui ne peuvent défendre leur liberté et leur vie eux-mêmes si j'ai bien compris. Je sais depuis l'instant où nous nous sommes rencontrés que tes pas te porteront souvent loin de moi, et que ta vie sera souvent en danger. Mais c'est ton chemin, tu dois le suivre, et moi je t'y aiderai si je le puis, comme je sais que tu m'aideras à parcourir le mien si tu le peux. Qu'est-ce que quelques semaines, quelques mois, pour nous?"

Rien. Et Tout. Chaque instant est crucial, devrait l'être du moins, mais nous pouvons tous deux vivre plusieurs millénaires alors qu'est-ce qu'un mois, un jour, une seconde? Tout. Et rien.

Je parviens au fil de mes cogitations devant la porte de la milice, défendue par deux rutilants Hinïons revêtus de l'inévitable plate blanche d'apparat des gardes d'Hidirain. Je les salue d'un signe de tête et m'annonce tranquillement:

"Bonjour. Je me nomme Tanaëth Ithil, et suis ici à la demande de messire Findaryë qui souhaite me confier certaine tâche."

Les deux potaches s'écartent solennellement, celui de droite m'informant:

"Nous avons été prévenus de votre venue, messire Ithil. Ils vous attendent dans le deuxième bureau à gauche."

Je les remercie et franchis la porte, entrant dans un vaste et luxueux hall d'entrée rectangulaire se terminant par un majestueux escalier ascendant de marbre blanc. Plusieurs portes percent les parois droite et gauche, magnifiques ouvrages d’ébénisterie renforcés de ferrures argentées, je me dirige donc vers la deuxième sur la gauche ainsi qu'indiqué et m'arrête juste devant sous le regard surpris des deux ou trois Hinïons qui vaquent dans le hall à cet instant.

Certaine tâche. Éliminer un groupe de Shaakts en vadrouille ayant déjà massacré une douzaine d'Hinïons, c'est une mission que je serais sot de sous-estimer. Les Elfes blancs connaissent leurs montagnes et leurs forêts, ils comptent d'excellents archers dans leurs rangs, ainsi que quelques bons combattants sans aucun doute. Je me moque quelque peu de l'apparat déployé par la très modeste troupe constituant l'armée d'Hidirain, mais je sais aussi que leur véritable ligne de défense se trouve dans la forêt, et que nul ennemi n'est censé parvenir jusque ici. Je sais également qu'ils ont des accords avec les Taurions ainsi qu'avec les Thorkins et, si ce qu'Ethëll m'a dit est exact, avec une meute de Bratiens des environs. L'union de ces quatre peuples change considérablement la donne, mais ils restent peu nombreux et incapables de résister à une véritable invasion. La ligne de défense externe doit donc être imperméable à l'ennemi, c'est une nécessité stratégique majeure. Que ces Shaakts mettent en péril en s'aventurant presque au coeur des terres d'Hidirain et en massacrant apparemment tous ceux envoyés pour les repousser. Je doute que cette traque soit une mission aisée, mais c'est à la pointe des situations difficiles que se trouve la place d'un Danseur d'Opale et si je n'avais aucune amitié pour les Shaakts avant d'arriver en Hidirain, ma rencontre avec Sha'ale Wakan l'a transformée en franche aversion.

Les Shaakts...je souris durement, je leur dois bien une petite ristourne de bon acier pour ce qu'ils ont infligés à mon ami Woran, et je frappe trois coups nets contre la porte du bureau de la milice.

Intervention pour Tanaëth

Après avoir frappé, l'Elfe entendit à ses oreilles l'injonction de pénétrer dans la pièce. Lorsqu'il entra, il trouvera comme annoncé par le garde les Elfes responsables de la milice qui le saluèrent courtoisement.

Rassemblé autour de nombreux parchemins et de quelques cartes déroulées; les officiers semblaient contrariés. Le ton grave, ils explicitèrent à Tanaëth ce qu'il savait déjà, les attaques orchestrées par un petit groupe de Shaakts.

" Des attaques rapides, organisées et accomplie par des guerriers très entraînés. " Affirma l'un.

" De ce qu'on fait, c'est que le groupe a des archers et des soldats armés. On a retrouvé quelques flèches, mais le gros des victimes est mort à l'épée. On ignore encore qui en a pris la tête et comment ils agissent. C'est là qu'il faudra commencer l'enquête, on ne pourra pas organiser des contres offensives efficace si on reste aveugles. "

" Il faudra les traquer, organiser une reconnaissance sur le terrain à risque. Si possible, revenir pour organiser une attaque, sinon entreprendre l'assaut au moment propice, lorsqu'ils seront le moins apte à se défendre. "

" Bien entendu, vous serez accompagné. Une mission aussi sensible ne doit pas être laissée au hasard, vous jugez sur place comment cela se déroule. Nous ne pouvons pas rester coi face à ces attaques. Tenez, gardez ce parchemin pour vous. Il fait état de consignes. "

L'officier tendra à Tanaëth un document fraichement rédigé dans lequel il trouvera les informations qu'il gardera à sa discrétion.

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Je te laisse libre de lire le parchemin pour diriger le début de ta mission.

Une voix m'invite à entrer, je pousse donc la porte et la franchis avant de la refermer soigneusement, doutant fort que les responsables de la milice tiennent à ce que les détails de l'affaire motivant ma présence ici soient ébruités. Trois Hinïons visiblement très contrariés sont présents, tous gradés si j'en juge par la qualité de leur équipement. Ils me saluent avec courtoisie et je peur réponds de même en m'avançant à leur rencontre. Ils se tiennent autour d'une table où se trouvent diverses cartes et parchemins, que je ne prends pas la peine de scruter car je ne sais s'ils me concernent, et entreprennent aussitôt de me répéter ce que je sais déjà. Puis, alors que je m'apprête à les questionner plus avant, deux d'entre eux se relaient pour m'exposer les maigres informations en leur possession. Je les écoute attentivement, fronçant légèrement les sourcils de contrariété autant que de perplexité tant les renseignements sont vagues, pour ne pas dire inexistants.

Un groupe de taille inconnue mais bien entraîné, un ou plusieurs archers et des épéistes, qui pourraient être trois comme vingt, ils n'en savent rien. Aucune idée non plus de l'identité de leur commandant, pas le moindre indice sur ses capacités, si ce n'est que tous les Hinïons qui se sont trouvés face à eux sont morts. C'est déjà un miracle qu'ils soient certains de l'ethnie de leurs bourreaux, sans doute se sont-ils basés sur l'examen des flèches retrouvées. L'un des officier me tend alors un parchemin qui, me dit-il renferme mes instructions pour cette mission qu'il qualifie de délicate. Je le déroule sans attendre et en prend connaissance, m'assombrissant peu à peu à cette lecture des plus lapidaire qui ne fait presque que résumer ce qu'ils viennent de me dire. Presque, car trois lieux sont nommés, mais comme j'ignore totalement où ils se situent cela ne m'aide guère. Enfin, l'un de ceux qui m'accompagneront saura sans doute où ils se trouvent, même si je doute fort que les Shaakts nous y attendent bien gentiment. La composition de l'équipe mise à disposition est également détaillée: un chasseur Taurion, deux tireurs Hinïons et un maître d'arme du même peuple. Nous serons donc cinq, ce qui me convient plutôt bien car être plus nombreux ne ferait que nous rendre plus repérables, et moins nombreux serait risqué au vu des massacres déjà commis. J'ai rendez-vous aux portes d'Hidirain à la mi-journée, ce qui me laisse juste le temps de vérifier mon équipement et de m'y rendre étant donné que je ne suis pas arrivé bien tôt à la milice. Je rends le parchemin au gradé de la milice, peu désireux de me balader avec une preuve désignant explicitement mes commanditaires, et salue les trois elfes:

"Bien, je vais donc me mettre en route. Je vous donnerai des nouvelles dès que possible par télépathie, je possède un objet me permettant de vous contacter par ce biais. Si je ne devais pas revenir, soyez assez aimables pour prévenir l'Opale de Lune et veiller sur Ethëll, voulez-vous?"

Les officiers acquiescent gravement puis me souhaitent bonne chance, peinant tous trois à dissimuler leur anxiété quant à la réussite de cette rude mission. Je ne tente pas de les rassurer, j'ignore dans quel bourbier je vais me plonger et il y a déjà eu assez de morts pour que je ne me sente pas tout à fait tranquille, me contentant de les remercier d'un hochement de tête avant de quitter la salle d'un pas alerte.

Les éternels gardes rutilants dans leurs plates immaculées s'écartent du passage dès que je m'approche et me saluent avec une cordialité nouvelle. Par Sithi, Adrienn aurait-elle conté notre aventure à toute la ville?! Enfin, la cité n'est pas grande et vit en quasi autarcie, j'imagine donc bien que tout se sait très vite. Et puis, je dois être le seul Sindel appartenant à la milice d'Hidirain, autant dire que les risques de passer inaperçu sont inexistants.

J'entre donc dans le somptueux repaire de la milice et me dirige vers la salle dans laquelle j'ai été briefé, à la porte de laquelle je frappe trois coups légers. Une voix que je reconnais comme étant celle de l'un des officiers présents la dernière fois m'invite à entrer, ce que je fais sans tarder. L'officier est seul, cette fois, penché sur un parchemin qu'il finit rapidement de rédiger avant de relever les yeux sur moi. Je vois passer dans ses prunelles grises une lueur de surprise, puis de soulagement mâtiné d'un soupçon d'inquiétude alors qu'il se lève pour m'accueillir:

"Yuimen soit loué! Messire Ithil! Nous craignions fort de ne jamais vous revoir après qu'Adrienn nous ait fait part de votre téméraire décision! Prenez place, je vous en prie, j'ai grande hâte d'entendre les nouvelles que vous nous rapportez!"

Je me contente de lui sourire légèrement avant de prendre place et attends qu'il se soit assis lui-même avant de déclarer sobrement:

"Les Shaakts qui vous posaient problème sont morts. Il n'y a pas de survivant, aucun n'a eu le loisir de rapporter ce qu'il a vu à qui que ce soit."

L'officier pousse un profond soupir de soulagement, se carrant confortablement dans son fauteuil tout en m'engageant d'un geste de la main à lui conter plus en détail nos aventures. Je m'exécute, lui parlant de la traque pour les retrouver, du piège dans lequel nous sommes tombés, de la mort de Balayëll percé de traits avant même d'avoir eu la possibilité de combattre. Je lui conte notre fuite éperdue, l'assassinat odieux de Ryll et Sylardann au col que j'ai surnommé col de la honte pour avoir été contraint de fuir. J'évoque la capture d'Adrienn, ma stratégie désespérée pour la libérer, notre fuite dans la tempête, notre escalade périlleuse jusqu'au col du glacier, où j'ai réalisé que nous ne parviendrions pas à échapper à nos acharnés poursuivants. Je lui raconte le combat qui a suivi, la mort des derniers Shaakts et la fuite de leur dirigeante, unique survivante du groupe. Puis la poursuite jusqu'au temple de l'Oracle, où m'attendaient deux archers et l'intermédiaire de celui ayant ordonné cette intrusion Shaakte dans les terres d'Hidirain.

Je glisse sur l'identité de cet intermédiaire, nul n'a besoin de savoir que c'était mon père, nul ici n'a besoin d'apprendre que toute cette affaire était destinée à nuire aux Danseurs d'Opales et à ma personne bien plus qu'à Hidirain. Je ne tiens pas à ce qu'ils voient en nous une menace pour leur précieux secret, cela ne servirait pas mes intérêts ni ceux de l'Opale. Et puis, même si notre Ordre n'avait engendré cette histoire, les Shaakts sont une menace constante pour la Perle Blanche, ce n'est sans doute pas la première fois qu'une telle intrusion se produit, et certainement pas la dernière. Je raconte encore le combat devant le temple, la poursuite de la dernière Shaakt jusque dans la forêt de Khonfas. J'évoque brièvement sa mort, sans m'attarder non plus sur la manière dont je l'ai laissée lentement crever. Les Hinïons sont la plupart du temps opposés à toute forme de souffrance, à toute manifestation de cruauté qui pour eux est signe d'obscurité et de corruption de l'âme, ils ne comprendraient pas. Mais ce qu'ils ignorent ne les perturbera pas, je suis un Sindel et les ombres font partie de nous, reste que c'est un détail qui n'a nul besoin d'être divulgué en la circonstance.

Alors que le milicien va à pour te répondre, un Torkin entre dans la pièce, défonçant quasiment la porte. Il est armé d'une lourde arbalète manifestement dangereuse.

"Par Valyus et Gaïa, nous avons besoin d'aide !"

Le milicien se dresse sur sa chaise, l'air inquiet, manifestement.
"Messire Ithil, voici Nôrek "Lanterne des profondeurs", chef des éclaireurs torkins de Rock Armath, la cité souterraine. Que se passe-t-il Nôrek, pour que tu viennes toi-même revendiquer l'aide de la milice de manière aussi tonitruante ?"
"Des elfes, à la peau noire, dans les tunnels. Nous avons perdu une dizaine des nôtres, des lames trop effilées pour être des Sektegs et trop habilement maniées pour être des trolls."
"Voilà qui est problématique, en effet. D'autant que nous avons eu des rapports inquiétants des Taurions au Sud de la cité. Messire Ithil, à vous de choisir. Partez pour les tunnels avec Nôrek ou rejoignez les Taurions dans la forêt du Sud. Vous semblez tellement apprécier combattre ces Shaakts. Votre objectif ? Temporisez, le temps que nous levions l'armée d'Hidirain; et bien sûr obtenez le maximum d'informations."

Alors que le responsable de la milice s'apprête à reprendre la parole, la porte s'ouvre brutalement à grand fracas, me faisant instinctivement porter mes mains aux gardes de mes lames. Je les en écarte lentement lorsque je découvre que le visiteur intempestif n'est autre qu'un Thorkin, qui requiert un appui urgent en invoquant Gaïa et Valyus. Le milicien me le présente comme étant le chef des éclaireurs du Rock, puis demande à ce dernier ce qui motive une aussi tempétueuse arrivée. Le Thorkin nommé Nôrek nous révèle alors que des Shaakts se sont introduits dans les souterrains et ont déjà massacré une dizaine de nains, mes prunelles s’étrécissent légèrement à cette nouvelle et mes mains se reposent machinalement sur mes armes.

Je ne suis pas vraiment surpris de cette nouvelle à dire vrai, mon instinct me souffle depuis que je suis arrivé en Hidirain que la guerre allait s'étendre jusque ici. Comment pourrait-il en être autrement alors que cette terre constitue un haut-lieu stratégique sur l'Imfitil? Sans compter que le Rock possède des richesses inimaginables, pierreries, métaux, armes et armures...cela devait arriver, mais j'aurais préféré avoir un peu plus de temps pour préparer les Danseurs d'Opale en vue de cette heure. Le milicien poursuit cependant, m'apprenant que les Taurions lui ont transmis d'inquiétants rapports sur la situation au sud, il n'en dit pas plus mais je n'ai pas besoin de davantage pour comprendre que mes plus sombres pressentiments sont confirmés: la guerre est à nos portes. Et la milice me demande comme de juste d'y prendre part, soit en épaulant les Thorkins, soit en me rendant au sud.

Je garde le silence quelques instants, examinant froidement la situation présentée ainsi que mes considérations plus personnelles. Après la longue et pénible traque dans les montagnes, j'avais espéré passer quelques jours en compagnie de ma compagne, me remettre tranquillement de mes blessures et reconstituer mon équipement. Je souris pour moi-même en repensant aux paroles d'Ethëll:

"Nous sommes comme deux rivières qui se sont rejointes, Tanaëth. Nous devons suivre notre chemin, de la source à la mer. Peu importe quels méandres nous séparent, peu importe que nos chemins s'écartent un temps si nous le devons, nous nous rejoindrons toujours quoi qu'il advienne."

Je sais qu'elle comprendra. Je sais qu'elle me dirait de suivre ma voie, et de faire ce qui est nécessaire pour protéger son pays, son peuple. Quant à la situation actuelle, je pense que l'urgence prioritaire est d'empêcher les Shaakts de se faufiler dans les souterrains du Rock. S'ils parvenaient à envoyer une armée par ce biais la cité Thorkine tomberait en quelques jours, et les Shaakts pourraient alors prendre la perle blanche à revers. La seule autre entrée d'Hidirain passe par la cascade et le tunnel, c'est un lieu qui peut être aisément défendu, le prendre nécessitera un long et difficile siège. D'autre part les Taurions sont redoutables dans les bois, les Shaakts souffriront de lourdes pertes avant de parvenir jusque là. Et puis, je ne suis pas seul...

Je fais face au Thorkin que je fixe au fond des yeux pour lui faire part de ma décision:

"Je vais venir vous prêter main forte, Maître Nôrek. J'en ai fait le serment en votre temple de Meno, et je serai fier de l'honorer. Mais je reviens juste d'une longue et difficile chasse et mon équipement en a pâti. Avant toute chose je dois me réapprovisionner, ce ne sera pas long. Pour ce faire, il faut entre autres que j'aille voir Baldwinn, j'ai besoin de compléter mon armure avant de repartir au combat. Je vous propose donc d'aller lui demander de me forger au plus vite des jambières et des protections de bras pour compléter l'armure qu'il m'a façonnée, il saura très exactement ce que je souhaite. Je vous retrouverai aux forges d'ici deux heures, puis nous irons venger vos compagnons tombés, cela vous convient-il?"

Le Thorkin sourit d'un air soulagé et appréciateur à mes mots puis me répond:

"Tout le Rock parle encore de la réapparition de l'épée légendaire, Sindel, nul ne croyait que tu réussirais à la retrouver et à t'en sortir vivant. Certains pensent que nous aurions du la récupérer quel qu'en soit le prix. Mais brandis la dignement pour notre cause et le coeur de chaque Thorkin s'embrasera de fierté de savoir qu'elle est portée par un Ami du Rock. Je t'attendrai aux forges."

Je me tourne vers le milicien Hinïon dès que le Thorkin nous a salués et a quitté la salle, poursuivant:

"Je vais vous envoyer une dizaine de combattants de l'Opale pour épauler les Taurions en attendant mon retour du Rock. Je vous suggère de leur adjoindre une troupe d'archers connaissant bien la forêt. Puis-je me permettre de vous donner mon avis?"

Le milicien m'incite à poursuivre d'un hochement de tête, attentif et intrigué, aussi je me lance sans plus hésiter:

"Limitons nos pertes au maximum mais apprenons à ces maudits elfes noirs que vos terres sont rudement défendues, qu'ils paient chaque mètre parcouru dans votre sylve en monnaie de sang. Harcelez-les, tendez-leur des pièges mais évitez la confrontation directe pour l'instant. Les Shaakts sont fort nombreux, ce n'est pas votre cas ni, malheureusement, celui des Danseurs d'Opale. Je ne sais pas ce qui se prépare exactement, mais je suis inquiet. D'abord cette intrusion dans vos montagnes, puis dans les entrailles du Rock, et enfin ces mouvements inquiétants au sud, cela ne me dit rien qui vaille. Nous devons apprendre de quoi il retourne, et vite. Quelques prisonniers pourraient nous éclairer si nous parvenons à les faire parler, je sais que vous n'aimez guère utiliser la méthode forte pour cela, mais nous devons savoir. Je peux me charger de la partie désagréable si vous le souhaitez, je n'aime pas cela non plus mais j'en ai vu plus qu'assez pour m'y résoudre en cas de nécessité."

Je marque une pause devant l'air pensif et inquiet du milicien, l'observant calmement le temps qu'il digère ma longue tirade. Il finit par opiner du chef en murmurant:

"Je suppose que nous n'avons guère le choix...nous ne sommes pas en mesure de résister à une attaque massive des armées de Khonfas, même avec l'appui des Thorkins et des Taurions. S'ils l'apprenaient...ce serait notre perte à tous."

Il serre les mâchoires à cette pensée, anxieux et démuni face à la puissance Shaakte, réduit à prier ses dieux pour que ces derniers n'aient jamais connaissance de la faiblesse militaire de sa cité, mais il relève la tête avec dans les yeux un éclat résolu et me dit encore:

"Mane d'Eau et la Famille Findaryë vous font confiance, de même que les Thorkins. Adrienn Sylartha vous doit la vie et, plus encore, j'ai vu la lumière dans son regard lorsque elle est revenue, alors que seules les ombres y résidaient avant qu'elle ne vous rencontre. Faites le nécessaire, Messire Ithil, faites ce qu'il faut pour qu'Hidirain subsiste même si cela doit être...désagréable."

J'incline le visage en signe de remerciement, il a choisi de me faire confiance et je n'en demandais pas davantage. Je sors mon nécessaire d'écriture télépathique et rédige rapidement un message à l'intention de Lyann pour lui demander d'envoyer les combattants promis à Hidirain, puis j'adresse un deuxième message à Ethëll, regrettant de ne pouvoir passer quelques heures avec elle:

(Ô douce Etoile, à peine revenu je dois repartir. Le Rock et Hidirain sont menacés et l'urgence guide à nouveau mes pas loin de toi alors que mon coeur n'aspire qu'à être à tes côtés. Je reviendrai vite. En attendant sois attentive à tes rêves, il se peut que tu y perçoives quelques nouvelles de moi. Je t'aime. Tanaëth.)

Syndalywë ne manque évidemment pas cette occasion en or pour récriminer d'un ton faussement exaspéré:

(Ah mais non! Je proteste! Il est hors de question que je transmette tes rêves lubriques à ta dulcinée!!)

(Tsssk! Mes rêves n'ont rien de lubrique, ils sont sensuels, nuance!)

(La différence m'échappe! Tu ferais mieux de penser à demander des flèches à la milice, ton carquois est presque vide!)

Ha, pragmatique Faëra...je soupire discrètement, plus amusé qu'autre chose par ma complice fluidique toujours vigilante et bienveillante sous ses airs ronchons, et demande donc au milicien de me fournir de quoi remplir ledit carquois. Il m'indique de me rendre à l'armurerie, ce que je fais aussitôt après l'avoir salué. Je ne tarde donc guère à sortir de l'édifice muni d'une bonne quantité de projectiles d'excellente qualité, me dirigeant ensuite d'un pas pressé vers l'escarcelle d'argent pour y renouveler mon stock de potions de soin.

Les gardes en belles armures blanches d'apparat me lorgnent avec stupéfaction lorsque je parviens devant eux. Eh oui mes mignons, la guerre ça souille, le sang coule, tripes et cervelles se répandent, vous l'ignoriez? Pourquoi pensez-vous que j'aie choisi une armure rouge, hein? Vous aurez l'air fins dans vos plates toutes bariolées, mais après tout si vous tenez à passer vos nuits à astiquer les jolies gravures qui les ornent pour en préserver la blancheur, c'est votre affaire. Je ne leur fais bien entendu pas part de mes pensées ironiques, me contentant de les saluer et de leur montrer mon insigne de milice pour qu'ils me laissent passer. Ils s'écartent sans poser la moindre question, bien élevés ces petits soldats, et me font signe d'entrer. Je leur adresse un sourire de remerciement qui ne semble pas vraiment à leur goût, ma petite bouille doit plus ressembler à un masque mortuaire et grimaçant qu'au noble visage d'un Sindel, mais je n'y prête pas la moindre attention. C'est pour eux que je verse mon sang, qu'ils plissent le nez autant qu'ils veulent, tant qu'ils en auront le loisir c'est qu'ils seront en vie.

Je pénètre donc dans l'aile de la milice et me rends directement au bureau dans lequel j'ai déjà été reçu, frappant trois coups secs à la porte. Une voix m'invite à entrer, ce que je fais sans attendre. L'Hinïon responsable de mes pérégrinations est assis derrière son bureau, il est en train de rédiger une missive lorsque il lève le regard sur moi. Ses yeux s'écarquillent lorsque il aperçoit mon allure, sa plume s'arrête sur le parchemin et a le temps d'y faire une belle tache avant qu'il ne le réalise et ne la dépose dans son encrier. Il se lève, hésitant visiblement à m'inviter à m'asseoir sur l'un de ses jolis fauteuils, et demande à mi-voix:

"Par Gaïa...que s'est-il passé?!"

Je hausse les épaules et lui réponds:

"Les Shaakts étaient une cinquantaine, nous leur sommes tombés dessus alors qu'ils étaient sur le point d'atteindre le palais du Rock. Deux prêtresses de Valshebarath les dirigeaient, ces maudites poussaient devant elles un arctosa au moyen de puissantes torches. Le combat a été rude. Il n'y a eu aucun survivant chez l'ennemi, mais une vingtaine de Thorkins l'ont payé de leur vie."

Je marque une brève pause pour lui laisser le temps d'assimiler ce que je viens de lui dire, puis je reprends calmement en le fixant droit dans les yeux:

"J'ai pu questionner une blessée, cependant. Ils avaient pour mission de trouver un chemin jusqu'au coeur de la cité Thorkine, et de la prendre si cela était possible. Les Prêtresses ont jugé qu'elles pouvaient conquérir la cité grâce à l'arctosa, nous avons eu de la chance qu'elles aient fait ce choix car d'après la Shaakt interrogée une véritable armée se dirige sur vous, or elles n'ont vraisemblablement pas eu le temps de transmettre leurs découvertes. La guerre est à vos portes, n'en doutez pas une seconde. Quant à la raison de tout cela..."

Je laisse planer une seconde de silence, réfléchissant une nouvelle fois à la meilleure manière d'aborder le sujet, puis je me lance, attentif aux réactions de mon interlocuteur:

"Les Shaakts ont appris que vous possédiez probablement une relique ayant appartenu à la mère d'Oaxaca, une certaine Shaeya'naer Elsayim. C'est pour s'en emparer qu'ils viennent. Qu'en est-il au juste?"

L'hinïon hocha la tête.

"C'est bien ce que nous craignions... L'objet n'est plus en sécurité ici..."

Il t'emmène dans un couloir qui s'enfonce dans le sol, jusqu'à une série de salles qui contiennent manifestement divers secrets de la milice... Il ouvre finalement une porte et te montre une boite reposant sur un piédestal.

"Voici en effet l'arme maléfique par excellence. Cette abomination à trop longtemps souillé notre ville... Il faudra la faire évacuer prochainement, mais d'abord, il faut mettre fin à cette invasion. Nous sommes pris de court et nous allons avoir besoin de vous à nouveau."

Il prend une profonde inspiration :

"Vous devez trouver un moyen d'éliminer la matriarche qui dirige cette armée. Les shaakt seront contraint d'arrêter leur avance pour un temps. Cela nous laissera de quoi préparer l'évacuation de la relique et les avertir de cet état de fait par... voie spéciale. Quand ce sera fait, revenez. L'expédition pour envoyer la relique en lieu sûr, chez nos frères de Luinwë sera prête et vous pourrez vous joindre à elle. Soyez sûr que votre dévouement ne sera pas oublié."

Les premières paroles du milicien confirment la présence de la relique et, mieux, m'informent qu'ils sont conscients de la nécessité de l'envoyer au loin. Voilà qui me rassure la moindre quant à l'avenir d'Hidirain, je connais désormais assez la ville et ses défenses pour savoir qu'elle n'est pas en mesure de résister à un assaut en bonne et dûe forme. A ma surprise l'Hinïon me fait signe de le suivre, ce que je fais sans hésiter, et me guide dans les souterrains du fort, aurais-je gagné leur confiance? Il passe sans s'arrêter devant quelques portes dissimulant sans doute quelques secrets bien gardés puis il en ouvre une en m'invitant à entrer dans la salle ainsi dévoilée. Je découvre une boîte posée sur un piédestal, ce qui constitue l'unique "ameublement" de la pièce, vide par ailleurs.

Je plisse légèrement les yeux à ses paroles suivantes, qui me décrivent l'objet contenu dans cette boîte comme étant l'arme maléfique par excellence, une abomination ayant trop longtemps souillé de sa présence la Perle Blanche. Puis il m'expose la manière dont il compte régler le problème, ce que j'écoute avec la plus grande attention. Envoyer dès que possible cette relique à Luinwë, en Anorfain, mais d'abord priver de tête l'armée qui s'apprête à les envahir en éliminant celle qui la dirige. Facile à dire, mais certainement moins à réaliser. Il me demande sans ambages de me charger de cette matriarche et, plus encore, prévoit déjà que j'accompagne et protège cette relique jusque sur Nirtim. Il a conscience que c'est beaucoup me demander car il évoque déjà une récompense à la hauteur du dévouement que cela nécessite, ce qui ne l'engage au fond pas à grand chose car les chances de survie de celui qui ira tenter d'éliminer une matriarche protégée par toute une armée me semblent assez réduites...

Je réfléchis tout en observant la fameuse boîte, m'efforçant de clarifier mes pensées avant de lui répondre. Je m'approche du piédestal et désigne le contenant d'un geste du menton interrogatif, demandant par là l'autorisation de voir cette si redoutable relique. Le milicien hésite une seconde mais il finit par me faire signe de regarder si je le souhaite, craignant peut-être que je refuse cette périlleuse mission s'il n'accède pas à ma demande. Je soulève donc le couvercle, curieux de découvrir quel artefact peut bien revêtir une telle importance pour les elfes noirs. L'objet en question s'avère être un diadème de cuir rouge renforcé de plaques de bronze et incrustée d'un onyx rouge également. Une belle pièce, d'autant plus que le cuir me semble très particulier, mais le voir ne me renseigne pas sur ses propriétés bien évidemment. Vu comme ça il ne me semble pas si redoutable, mais Syndalywë me chuchote alors mentalement:

(Il a appartenu à une Elfe Dorée, la mère d'Oaxaca. Ce cuir est celui d'un Dragon de Sang, qu'elle a vaincu. C'est Thimoros en personne qui lui a offert ce diadème. Ne sous-estime pas sa puissance, qui est fortement liée au fluide d'Obscurité, mais imagine surtout quel symbole cela représente pour les adorateurs d'Oaxaca et de Thimoros...Ils ne doivent pas s'en emparer, à aucun prix!)

(Je vois...)

Je referme la boîte et fais face au milicien pour lui faire calmement part de mes réflexions:

"Vous connaissez peut-être la devise des Danseurs d'Opale: c'est par ma seule volonté que mes armes se meuvent. Aucune arme n'est maléfique en elle-même, ce sont les actions de son porteur qui définissent le "bien" ou le "mal" qu'une arme engendrera. Toutefois j'approuve votre stratégie, cette relique doit quitter Hidirain au plus vite et l'avance de cette armée Shaakt doit être compromise pour vous laisser le temps de réagir. Cela étant je ne suis pas certain que l'envoyer à Luinwë soit la meilleure option, Oaxaca a conquis la moitié du continent de Nirtim et sa puissance là-bas est considérable, de même que son influence sans doute. Est-il sage de rapprocher d'elle cet artefact? J'en doute un peu, tout en comprenant que c'est pour vous une destination logique."

Je m'interromps quelques secondes pour ordonner mes pensées et, surtout, décider de mon implication dans la suite des événements. Je reprends enfin:

"Vous me demandez d'aller tuer une matriarche Shaakte, une proie sans le moindre doute redoutable en elle-même mais qui, en outre, se trouve protégée par toute une armée. Je vais être franc avec vous: c'est une mission suicidaire que je ne suis absolument pas certain de réussir à accomplir."

L'Hinïon acquiesce d'un air sombre et démoralisé en murmurant:

"Je sais... mais quel autre choix avons-nous? Hidirain ne peut pas résister à une armée déterminée, je pense que vous vous en êtes aperçu..."

J'approuve d'un hochement de tête et réponds doucement:

"J'en ai bien conscience, en effet. Tout comme j'ai parfaitement conscience que ma vie serait un bien maigre prix à payer si elle pouvait permettre d'éviter cette guerre. Je suis un pion sur l'échiquier, un pion sacrifiable."

Je le coupe d'un geste de la main alors qu'il s'apprête à réfuter mon assertion et poursuis:

"C'est ainsi, ne dites pas le contraire je connais les nécessités qu'engendre la guerre. Je n'aime pas me voiler la face, voyez-vous, aussi je vais accepter cette mission suicide à une seule condition: que je revienne ou pas, je veux votre parole qu'à l'avenir l'Opale de Lune sera liée à Hidirain et au Rock par une alliance militaire et commerciale indissoluble. Je veux que vous y envoyiez des apprentis, volontaires évidemment, afin que les Danseurs d'Opale puissent renaître de leurs cendres et assumer le rôle qui est le leur. Acceptez-vous?"

"Je n'ai pas autorité pour décider de cela, messire Ithil. Je peux vous promettre d'user de toute mon influence pour convaincre le conseil du bien-fondé et de l'intérêt de cette alliance, mais au-delà de ça..."

"Je m'en contenterai. Marché conclu. Priez donc vos Dieux pour qu'ils guident mes pas et mes lames, leur bienveillance ne sera pas de trop..."

L'Hinïon acquiesce gravement avant de fouiller ses poches pour me tendre une petite fiole en disant:

"Nous prierons à votre réussite, soyez-en assuré. En attendant buvez ceci, vous êtes blessé et vous aurez besoin de toutes vos forces ces prochains jours."

Je prends la fiole et la bois avec reconnaissance, j'ai en effet subi quelques blessures de peu de gravité et n'ai pas jugé nécessaire d'utiliser une de mes précieuses potions de soin pour les guérir, mais puisque il me l'offre autant en profiter!

Nous remontons ensuite jusque dans le hall de la milice et nous serrons gravement la main sans prononcer un mot de plus, tout a été dit. Je me détourne de l'officier et me dirige vers la sortie d'un pas déterminé, quitte à aller au devant de la mort, autant y aller fièrement!

(Et propre, aussi. Prends un bain avant de partir, sinon les Shaakts te repéreront juste à l'odeur...)

Syndalywë...toujours le mot qui tue, je me demande bien pourquoi je prends la peine d'aller combattre de redoutables adversaires alors que j'ai pire à portée de main...

Kay courait, l'allure rapide, mais le souffle serein - un autre avantage d'avoir du sang elfique dans les veines. Elle se perdit plusieurs fois, néanmoins. Les rues étaient jolies, apaisantes, mais elle sentait tout de même ses nerfs s'irriter. À bien y réfléchir, c'était peut-être aussi dû au fait qu'elle avait une chance de rencontrer son géniteur en ce jour. Et cela provoquait dans sa tête un beau bazar.

(Comment lui parler ? Sait-il même encore qu'il a une fille ? Ne m'aurait-il pas déjà oubliée depuis longtemps ?)

Elle se sentait plus proche de son but que jamais. Mais devait-elle s'en réjouir ? Ou au contraire, préparer sa haine ? S'il s'excusait et lui demandait de vivre avec lui, ici, à Hidirain, cette magnifique ville faite pour assurer la tranquillité à ceux qui la cherchaient, pourrait-elle refuser ? Devait-elle ? Elle ne savait plus.

(Attendons de l'avoir trouvé. J'aviserai à ce moment.)

Finalement, elle atteignit le fort Endiraë. Elle s'arrêta et tâcha de déterminer son emplacement. On lui avait dit que la milice se trouvait dans l'aile est et qu'il y avait une porte pour chaque point cardinal. Autant ne pas se compliquer la chose et chercher la porte est, donc. Et comment savoir laquelle était-ce ?

(Demandons notre chemin.)

Deux minutes à peine plus tard, Kay s'engouffrait à nouveau dans les ruelles, en direction de la droite. Après quelques minutes, elle fit à nouveau face au fort, mais, cette fois-ci, par le côté est. Il y avait deux gardes devant la porte. Aucune hésitation : elle allait leur demander tout de go si un Sindel n'était pas venu, ce matin. Cependant, à peine s'approchait-elle que quelqu'un sortit.

Ce quelqu'un avait une apparence tellement étrange que Kay ne put s'empêcher de faire un pas en arrière. Alors que tout ici n'était que paix et sérénité, l'elfe gris était couvert de sang. Contrairement aux gardes qu'on devinait plantés là plus pour la décoration que pour une quelconque défense, lui était un véritable guerrier. Son armure était aussi impressionnante qu'elle devait être efficace. Il possédait deux armes - non, trois : deux épées et un arc. Kay eut un instant l'impression d'être face à un tueur à gage, mais il dégageait quelque chose qui titillait sa pitié. Étrange, vraiment.

(Un Sindel...)

Avant que la semi-elfe ne prît conscience de ce qu'elle faisait, elle s'était postée devant Tanaëth et et pointait un index déterminé dans sa direction.

"Vous ! Faites-vous partie de ceux qu'on appellent les Danseurs d'Opale ?"

Je franchis la porte de la milice d'un pas pressé, réfléchissant à la manière dont je vais tenter d'accomplir la rude mission qui m'attend, lorsque mon regard se pose sur une jeune elfe qui me dévisage comme si elle venait de voir un fantôme. Elle recule d'un pas alors que mon regard se pose sur elle, effrayée peut-être par l'aspect barbare que doit me donner le sang qui macule mon visage. Je l'observe plus attentivement en réalisant que c'est une Sindel, ou du moins une demi-Sindel car certains de ses traits manquent un peu de la finesse d'un pur elfe gris.

Elle est vêtue d'une espèce d'armure de cuir bricolée et porte une courte épée que j'identifie aussitôt comme une arme de piètre qualité. Elle mesure une tête de moins que moi, ses cheveux sont d'un noir de jais et coupés à la diable, voilà une jeune femme qui ne se soucie visiblement pas vraiment de son apparence. Un infime sourire retrousse le coin de mes lèvres à cette pensée, je suis assez mal placé pour juger de l'apparence de qui que ce soit, juste là. Je m'apprête à la saluer d'un simple signe de tête et à passer mon chemin lorsque elle s'enhardit soudain, se postant devant moi et me pointant du doigt en me hélant avec une politesse toute relative. Je plisse légèrement les paupières lorsque elle me demande si je fais partie des Danseurs d'Opale, comment connait-elle notre ordre? Serait-ce encore une manigance de mes ennemis Ithilausters?

Instinctivement mes mains se rapprochent des poignées de mes lames, mais je les en écarte lentement alors que j'examine plus avant la jeune femme. Je devine à sa posture qu'elle n'est pas une combattante expérimentée, son équilibre est très moyen et son arme n'est pas bien placée, de plus ses vêtements sont couverts de la poussière d'un long voyage. Et puis il y a quelque chose dans ses yeux, une sorte de profonde lassitude mêlée d'espoir, qui achève de me convaincre qu'elle n'a sans doute rien à voir avec mes adversaires. Néanmoins les événements des derniers mois m'ont rendu prudent, aussi je lui réponds d'un ton neutre teinté d'une discrète curiosité:

"Bonjour, jeune femme. Qui es-tu? Et dis moi un peu pourquoi tu recherches les Danseurs d'Opale..."

Tout en parlant je descends souplement les quelques marches pour m'approcher d'elle et lui permettre de me répondre sans devoir tordre le cou. J'espère que la manière dont je lui ai posé la dernière question lui indiquera qu'elle ferait bien de se dévoiler honnêtement si elle veut obtenir quelque chose de moi, n'approche pas de notre ordre qui le souhaite sans bonnes raisons.

Kay ne bougeait pas d'un pouce, sa poitrine se soulevant avec largesse, la semi-elfe s'étonnant de sa propre audace. Cela ne l'empêchait pas d'avoir toute son attention focalisée sur le Sindel qui lui faisait face et quand ses mains se rapprochèrent de la poignée de ses épées, elle tressaillit de peur. Il les écarta, néanmoins et en reprenant son souffle, Kay réalisa qu'elle l'avait retenu jusque là. Était-elle trop téméraire ? Que savait-elle des elfes gris ? Peut-être qu'ils n'aimaient pas qu'on leur adressât la parole...

(Mais j'appartiens au même peuple moi...)

Elle se souvint cependant du rejet des autres, de la race des humains à laquelle elle appartenait pourtant aussi. Elle ferma et rouvrit rapidement les yeux pour chasser ses idées noires. Elle avait beaucoup plus l'air d'une elfe que d'une humaine. Lui, ne pouvait pas la chasser. Cependant, un sentiment d'angoisse la saisit peu à peu tandis qu'il descendait les éparses marches menant à la porte de la milice. Son bras s'abaissa et inconsciemment, son corps se tendit vers l'arrière.

Enfin, le Sindel lui répondit. Il souhaitait d'abord connaitre l'identité de son interlocutrice - requête légitime et simple auquel elle s'empressa d'accéder, confusément souhaitant montrer par sa prompte réponse une bonne foi toute innocente.

"Je me nomme Kay de Kallah et je viens d'une ville, plus bas dans les montagnes."

Pourquoi cherchait-elle les Danseurs d'Opale dont elle avait voulu savoir si l'homme en face d'elle en faisait partie ? Un elfe vert, dans les rues d'Hidirain lui avait confié que parmi ces Danseurs se trouvaient des elfes gris. Et puisqu'elle était en quête de son père qui était justement un elfe gris... Ah, dit comme ça, comme c'était pitoyable ! La semi-elfe rougit et baissa la tête.

"Je... cherche juste mon père et on m'a dit, enfin j'ai pensé que, peut-être, il se trouvait parmi les Danseurs d'Opale..."

La jeune elfe respire par à coups et mon geste instinctif en direction de mes armes semble l'effrayer au point qu'elle tressaille, par Sithi serais-je donc devenu si...terrifiant? Sans doute l'ichor qui macule mes traits et mon armure y est-il pour quelque chose, à moins qu'elle n'ait jamais rencontré un guerrier en armure complète? Je l'ignore, mais si je me féliciterais de terrifier mes ennemis, il me déplairait davantage d'engendrer la crainte envers les innocents. Je l'observe avec une attention redoublée en descendant les marches, sans ostentation cependant car cela serait discourtois.

Je vois passer quelques ombres dans ses prunelles, peur, angoisse, tristesse, je ne peux le définir exactement, mais je pressens que son existence n'a pas dû être facile tous les jours. Rares sont les demi-elfes qui trouvent aisément leur place dans l'un ou l'autre peuple pour ce que j'en sais, mais n'ayant évidemment pas traversé cette épreuve récurrente, je ne puis qu'imaginer vaguement ce qu'implique le fait de n'appartenir ni à un peuple ni à l'autre. Rejetée sans cesse, paria méprisée, a-t'elle subi cela dans sa vie? Je ne sais pas, j'espère pour elle que non. Son bras qui me désignait s'abaisse et la jeune elfe se penche en arrière alors que j'approche d'elle, Dieux, est-elle terrifiée à ce point?!

Elle répond précipitamment à ma question, se présentant sous le nom de Kay de Kallah, puis semble hésiter avant de poursuivre sur la raison qui la pousse à rechercher les Danseurs d'Opale. Lorsque elle finit par reprendre la parole, c'est en baissant le visage et en rougissant comme si elle avait honte d'exprimer le pourquoi de sa requête. Ce qu'elle fait tout de même d'une voix hésitante, m'expliquant qu'elle recherche "juste" son père, qui d'après elle pourrait se trouver parmi nous. Je ne sais trop comment réagir face à cette émouvante jeune elfe, pressentant que la moindre parole maladroite, le moindre geste un peu trop brusque pourrait peut-être la blesser, la terroriser.

(Merde, Syndalywë...je fais quoi, là?!)

(Sois toi-même, Tanaëth...simplement, encore et toujours.)

Vu comme ça...je cesse de me poser mille questions et d'un geste léger je relève son menton du bout des doigts pour l'inciter à me regarder en face et lui réponds doucement:

"Sois la bienvenue, Kay de Kallah. Je me nomme Tanaëth Ithil. Je suis l'un des dirigeants de cet ordre que tu cherches. Connais-tu le nom de ton père?"

D'un point de vue humain, Kay avait déjà bien vécu et aurait pu s'éteindre de vieillesse, là, dans cette ville splendide et souillée d'aucun sang. Inversement, d'un point de vue elfe, elle venait à peine d'entrer dans l'âge adulte. Sauf que, ayant vécu exclusivement parmi ces premiers, la jeune femme s'était endurcie et avait acquis la certitude qu'elle était au-dessus des autres. Plus âgée, plus sage. Elle n'était plus impressionnable. Elle était déterminée. Elle était forte.
Mais tout cela s'effondra soudainement devant le Sindel.

Kay se surprit à trembler. Pas tellement de peur, non - car à présent, elle le voyait bien, Tanaëth ne semblait esquisser aucun geste qui révélât un quelconque désir de lui faire du mal, mais plus d'anxiété, de stress. Elle se sentait comme sur un fil, un fil tendu entre deux montagnes avec la mort, seule, de tous côtés. Que se passerait-il s'il l'envoyait promener ? Elle avait fait tant de marche, avait tant voyagé !

(Non ; même s'il refuse, je le suivrai contre son gré. J'ai besoin de savoir si mon père est avec lui.)

Avec surprise, la semi-elfe apprit que le Sindel qui lui faisait face n'était pas seulement un simple membre des Danseurs d'Opale, mais qu'il en était aussi l'un des dirigeants ! Si elle n'avait été tant pétrifiée d'angoisse, elle eût sourit : quelle chance alors...

Tanaëth lui souleva alors le menton pour mieux la voir et elle fut, elle, obligée de rencontrer son regard. Non, il n'avait pas l'air méchant. Il avait juste l'air... Elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Seul ? L'elfe gris lui demanda ensuite quel était le nom de son père. Ah, la fâcheuse question ! Pour sûr qu'elle n'en avait aucune idée ! Et puis, ce n'était pas comme si elle avait eu l'occasion d'interroger sa mère à ce sujet avant de partir à sa recherche : la pauvre était morte depuis des années déjà !

"Je ne sais pas du tout."

Elle sentit une larme mouiller la cornée de son œil gauche. D'un geste rageur, elle se dégagea et essuya la goutte salée avec sa manche. De quoi avait-elle l'air, maintenant ! Elle durcit ses traits pour paraitre plus farouche qu'elle ne l'était en réalité en cet instant-là...