Exténuée, douloureuse, les mains crispées sur sa besace qu‘elle portait en bandoulière, le sommeil l’emporta. Sommeil peuplé de cauchemars, d’elfes armés qui menaçaient sa vie, elle se voyait fuir dans une forêt hostile qui la rejetait. Elle gémissait, s’agitait, inconsciente que deux hommes sales et hirsutes la regardait un sourire mauvais aux lèvres.
"Hé hé matez ça, elle est en sale état mais elle devrait être vendable non? On la ramène cap‘tain?"L’homme qui venait de parler était râblé, le visage couturé de cicatrices héritées des nombreuses bagarres dans les ports de tout l’empire, sa marinière n’avait pas été lavée puis des lustres, il exultait une odeur rance typique des marins de bas étages.
"Mouais, les demi-elfes peuvent faire de bons esclaves s’ils n’ont pas trop de magie en eux et celle là une fois lavée pourrait être mignonne, elle est encore jeune, on devrait en tirer un bon prix..; On embarque ! On n’a pas trouvé dans ces galeries ce qu’on était venu chercher mais elle nous remboursera le temps perdu."C’était un trafiquant de la pire espèce par lequel transitaient tous les trafics. Ses yeux noirs brillaient d’un air mauvais, la bouche s’ouvrit sur deux chicots noirâtres dans un sourire malveillant. Contrairement à son acolyte, il était plutôt propre et vêtu d’une redingote en velours noir et d‘un chapeau à plume, une épée recourbée pendait sur son flanc, la garde.
Sanha se sentit soulevée brutalement du sol, elle se réveilla hurlant de douleur tant la poigne de l’homme la brutalisait. Elle essaya de se débattre, se tortillait pour se dégager. Elle réussit à planter les dents dans la main qui la tenait, elle se transformant en véritable furie ce qui fit rire les hommes.
"Oh ma jolie, une vraie tigresse hein! Bien j’aime ça, t’es vitale mais va falloir qu’t’apprennes l’obéissance."Il la gifla et demanda à son marin de lui attacher les mains dans le dos. Les hommes la poussaient dans le dos manquant à chaque fois de la faire tomber, elle trébuchait sans arrêt boitant de plus en plus, la corde de chanvre lui entamait la peau des poignets.
"Charge là sur tes épaules, on avancera plus vite!"Le marin la souleva sans difficulté et la jeta en travers de son épaule. Les galeries se succédaient, Sana était ballottée sans ménagement, le sang pulsait à ses tempes, elle avait l’impression qu’à chaque secousse on lui arrachait les épaules.
(ma besace, le fruit, il faut que j’y arrive)Avec les dents elle avait attrapé la bandoulière et petit à petit elle essayait d’accéder à son contenu, une racine lui arracha des dents lui faisant pousser un cri de douleur. Elle laissa les larmes couler, renonçant à tout.
Une pause fut ordonnée, le marin la laissa tomber sans plus de ménagement que si elle était un vulgaire sac. Le choc fut violent, la douleur fut telle qu’elle s’évanouie.
"Abruti, va pas nous abîmer la marchandise!" Jette-lui de l’eau pour la réveiller.
Le froid glacial de l’eau d’une gourde la fit reprendre connaissance.
"Détache là, elle n’ira plus loin dans l’état où elle est."Le sang reflua brusquement dans les bras, elle se frotta les poignets et fit quelques mouvements de bras en grimaçant.
Un croûton de pain dur atterrit à ses pieds, elle se jeta dessus et le dévora en s’étouffant. Elle put boire quelques gorgées d’eau avant que la gourde ne lui fut arrachée des mains.
"Assez traîné, on se dépêche, on est bientôt sorti"Elle se releva péniblement s’accrochant à une grosse racine quand son regard s’arrêta sur un symbole gravé
(une rune! L’âme de la forêt! Les arbres..)La marche reprit lentement, ils tournèrent l’angle se retrouvant face à une lourde porte qui pivota sur ses gonds sans un bruit quand le marin la poussa.
La luminosité était tellement forte que Sanha dut se cacher les yeux manquant de s’étaler en mettant le pied dans un trou. La porte était dissimulée dans l’anfractuosité d’une falaise, devant elle, le vue lui coupa le souffle.
"la mer…"Un chemin de chèvre se déroulait à flanc de falaise se dirigeant sur une anse dans laquelle mouillait un rafiot.
"où sommes-nous?" Demanda t’elle
Le marin lui répondit qu’ils étaient à la frontière de la Sororité de Selhinae avant de se faire couper la parole par un regard noir lancé par le capitaine.
Tête basse, il la poussa puis le silence se fit. Le chemin était dangereux, un seul faux pas et c’était une chute mortelle qui les attendait. Leur progression était lente mais peu fatigante. En bas du chemin arrivés que la petite plage où était mouillé le bateau, Sanha se laissa tomber au sol mais une main vigoureuse la prit et sans ménagement la fit monter à bord.
Le bateau était taillé pour le cabotage, l’équipage n’était composé que de quatre autres marins qui auraient pu être de la même famille que celui qui accompagnait le capitaine.
"Brümer, fouille son sac, Bosco prépare-nous à manger, nous appareillerons après avoir manger."Les marins la dévisageaient d’un air concupiscent ce qui fit ricaner le capitaine.
"Vide cap’tain, juste un drôle de fruit à moitié mangé." Sanha sursauta et senti la panique l’envahir.
(Vide! Le parchemin où est-il? Oh non il serait tombé dans les tunnels…) "Rend lui son sac, elle n’a qu’à le finir, ça nous économisera une ration." Sanha tendit la main pour le récupérer quand la main de fer du capitaine lui attrapa le poignet.
"Jolie bague, là où tu iras, tu n’en auras pas besoin…"Il la saisit mais retira sa main avec un hurlement, une odeur de cochon grillé emplissait l’air.
"Maudite elfe, tu vas me le payer..; Brümer coupe-lui le doigt, je veux cette bague."Au moment où le capitaine se faisait brûler, Sanha ressentit une chaleur dans son corps annihilant la douleur et lui ouvrant ses sens.
Elle poussa mentalement un appel au secours ne sachant pas pourquoi elle le faisait. Elle n’était plus elle, elle était la fille de sa mère.
Le marin tremblant s’avançait in coutelas à la main quand surgit un Diomedeidae, l’immense oiseau blanc aux ailes noires était redouté des marins car il avait la réputation de briser le crane de ceux qui tombaient à l’eau. Brümel recula terrorisé lâchant son couteau. Une voix retentit dans la tête de Sanha
(Sauve-toi vite, traverse l’embouchure du fleuve et demande asile aux gardiens.) Suite