Après deux semaines de voyage, Aeryn parvint à Shory. Tout était calme, trop peut-être. On lui avait pourtant dit que les sinaris étaient des bons vivants, souriants et accueillants. Elle ne s'attendait pas à pénétrer dans une ville fantôme, ... Décidément, quelque chose clochait. Méfiante d'expérience, Aeryn avançait prudemment dans la ville. Ici, les maisons étaient faites de terre façonnée qui donnait à l'ensemble une atmosphère naturelle. Ce peuple respectait la nature, et Aeryn ne pouvait que les respecter pour cela. Bien plus à l'aise en forêt qu'en ville, elle se serait sentie plutôt bien ici, si cette angoisse de danger ne la taraudait pas. Elle arrivait maintenant à un croisement, et toujours personne. Elle s'approcha d'une bâtisse et se servit de ses talents pour entrer discrètement. Il faut dire que cela ne lui demanda pas beaucoup d'effort, elle n'eut besoin que de pousser la porte, ... L'intérieur était sobre, simple. Une table en bois, trois chaises, une sorte de placard. Bien qu'elle ne soit pas vraiment grande, Aeryn évolua dans la demeure légèrement courbée. Les sinaris dépassent rarement 1m 30 à ce qu'on dit. Aeryn se figea lorsqu'un bruit de respiration parvint à ses oreilles. Il y avait quelqu'un ici. Et à en croire ses esgourdes, les habitants étaient au nombre de deux. Leurs respiration était lente et régulière, le souffle d'un dormeur. En effet, en avançant prudemment dans la maison, Aeryn pu discerner deux corps allongés, endormis. Elle ne s'éternisa pas plus longtemps et regagna la rue. Un coup d'oeil dans deux autres maisons lui permirent de supposer que la ville entière dormait. Drôle de coutume. Qui ne l'arrangeait pas d'ailleurs. Elle n'était pas venue jusqu'ici pour piquer un somme tranquille, ... Mais réveiller des gens chez eux n'étaient peut-être pas la meilleure façon d'obtenir ce qu'elle voulait. Elle se résolut donc à attendre. Mais quitte à faire passer le temps, autant que ce soit constructif! Elle décida donc de faire une petite visite de la ville en attendant son réveil.
Aeryn se surprit à aimer flâner dans ces rues désertes. Le calme ambiant lui permettait à la fois d'observer ce qui l'entourait sans distraction extérieure et de réfléchir à la suite des évènements. Tout en notant mentalement la position des lieux importants (échoppes, tavernes, temples, ...) elle se demandait encore comment elle allait pouvoir obtenir les renseignements dont elle avait besoin.
Flashback
C'était un Thorkin qui l'avait conduit ici. Il y a deux semaine de ça, alors qu'elle avait troqué ses derniers yus contre des informations qui s'étaient avérées inutiles, Aeryn s'était placée en embuscade, dans une forêt de la région de Mertar, et attendait que la petite charrette qu'elle avait croisée un peu plus au nord ne tombe dans le piège. Perchée à trois mètres de haut, sur une grosse branche, Aeryn patientait, accroupie que le conducteur fasse passer son véhicule à proximité d'un nid que la voleuse avait repérée, d l'autre côté du chemin. Lorsqu'elle avait jugé la distance raisonnable, Aeryn avait lançait une pierre qu'elle avait prit soin de ramasser en direction du nid. Le subterfuge eut l'effet escompté. Les oiseaux, surpris, s'étaient envolés à grands cris. L'âne qui tirait la charrette avait prit peur et fait une embardée. Aeryn avait eu beaucoup de chance, un cheval, ou même un boeuf n'aurait pas été si facilement impressionnable, mais les ânes sont des créatures craintives, ce qui arrangeait bien les affaires de la chapardeuse. Aeryn avait profité de la diversion pour sauter prestement de son perchoir et atterrir non loin du véhicule. D'un bond, elle s'était constituée passagère clandestine et, alors que le conducteur reprenait sa route après avoir calmé sa bête, elle fouillait silencieusement son chargement. Des tas de cailloux. Des beaux cailloux pour certains, ... enfin, si on aimait ça évidemment. Ce devait être un marchand. De toute évidence, son chargement lui rapporterais pas mal de yus, Aeryn pouvait donc se permettre de le délester de la petite bourse qu'elle avait trouvée entre deux caisse. Avant de descendre de la charrette tout aussi clandestinement qu'elle n'y était montée, elle avait jeter un oeil dans le petit sac de cuir. A vue d'oeil, il devait y avoir un cinquantaine de yus là dedans. Elle s'en contenterai. Elle s'apprêtait à sauter lorsque sa vue commença à se brouiller.
"Oh non, pas maintenant!" avait-elle chuchoté en glissant la bourse dans le sac qu'elle portait en bandoulière.
La vue ne fut bientôt plus son seul problème. La fièvre l'avait gagnée rapidement et elle avait sentit ses forces la quitter. Elle savait qu'elle ne disposait que d'une poignée de minutes avant que la crise ne la paralyse, il fallait agir vite. Aeryn avait donc maladroitement sauté du véhicule et s'était enfuie dans la forêt. Mais le marchand l'avait entendu et vu. Il avait fait stoppé l'âne et avait poursuivit la voleuse dans les bois. La chance était contre Aeryn. Non seulement son état la rendait bien moins rapide et agile, mais en plus, son poursuivant n'était autre qu'un Thorkin, race forte et endurante. Elle s'était cachée sous un fourré et avait sortit d'une bouse quelques feuilles de Vacaria qu'elle se mit à mâcher. Une infusion aurait été nettement plus efficace mais elle n'avait ni les moyens, ni l'occasion de faire un feu. Elle mâchait longuement les feuilles, en avalait l'essence et en recrachait la matière. Mais cela n'avait pas suffit et le thorkin ui avait mis la main dessus.
"Je te tiens, voleuse!"
En nage, le souffle court, Aeryn n'était pas en état de se défendre. Alors qu''elle s'attendait à mourir de la main du nain, ce dernier avait pris un air étrange.
"On dirait que ça va pas fort pour toi, petite."
Ca y était, Aeryn avait commençé à trembler. Il lui fallait de la vacaria, et vite! Ne se souciant plus du thorkin, elle avait tenté d'attraper une autre feuille, mais ses mains tremblaient tellement qu'elle arrivait à peine à tenir la bourse. Le vieux marchand le lui avait prise et en avait sortit quelques végétaux.
"C'est ça que tu veux?"
Il lui avait mit les feuilles dans la bouche et l'avait regardé mâcher et recracher. Il avait prit un air pensif et était partit. Etrange. L'homme qu'elle avait détroussé l'avait aidé au lieu de la tuer et avait disparu sans même récupérer son argent. Aeryn aurait pu s'en réjouir si la dose de vacaria avait été suffisante. Mais c'était loin d'être le cas, et le marchand été parti en emportant son stock. C'était sans doute la fin après tout. Mais c'était sans compter la générosité du thorkin. Le vieux marchand avait du comprendre le problème d'Aeryn car il était revenu avec un sac à dos et s'était efforcé de faire un feu. Il y avait fait chauffer de l'eau avant d'y plonger les feuilles de vacaria.
"Ce sera sans doute plus efficace comme ça." Lui avait-il dit en remplissant une coupe en bois du breuvage médicinal.
Il lui avait fait boire l'infusion et avait attendu, près du feu qu'elle se rétablisse. Ce n'était pas quelqu'un de très loquace, plusieurs minutes s'étaient écoulées en silence avant que les tremblements d'Aeryn ne se calme et que ça température baisse. Lorsque sa vue était redevenue nette, elle s'était redressée et avait observé le nain, perplexe. Un seul mot était sorti de ses lèvres.
"Merci."
A la suite de cet épisode surprenant, les deux individus avaient passé beaucoup de temps autour du feu. Une grande partie en silence, mais ils en avaient profiter pour comprendre les motivations de l'autre. Aeryn lui avait raconté une partie de son histoire et surtout la mission qu'elle s'était fixée. Ruben, car c'était le nom du thorkin, lui avait appris qu'il était effectivement marchand et que sa cargaison était destinée à la vente à Cuilnen. Le petit homme s'était avéré non seulement extrêmement généreux, car il ne lui avait pas reprit la bourse qu'elle lui avait dérobée, mais aussi un précieux informateur. Voyant la pierre polie noire et irisée d'argent qu'Aeryn conservait précieusement, il en avait reconnu l'origine. Cette pierre ne se trouvait que dans l'extrémité sud des montagnes proche de Shory et on trouvait dans cette ville quelques artisans forts habiles avec cette dure. Les sinaris de la région l'utiliser pour confectionner certaines parties de leur matériel agricole. Mais, à sa connaissance, très peu étaient utilisées en ornement. Les sinaris ne forment pas un peuple très coquet.
Fin du flashback
Aeryn avait ainsi obtenu le premier indice intéressant depuis très longtemps. Elle avait voyagé quelques jours avec Ruben et l'avait chaleureusement remercié avant de le quitter non loin de Cuilnen. Elle avait poursuivit son chemin jusqu'à la ville qu'elle arpentait aujourd'hui.
Alors qu'elle faisait demi-tour face à la taverne de la ville, elle vit le premier sinari sortir de chez lui, très vite imité par des dizaines d'autres. Amusé par cette étrange situation, Aeryn vit les rue se remplir de petits bonshommes en l'espace de quelques minutes. Les sinaris étaient décidément un peuple intéressant.
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"Laisse Connaissance tromper Sagesse, Fantaisie a tant de charmes." Leïlan, Magalie Segura.
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