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 Sujet du message: Les ruines
MessagePosté: Ven 31 Oct 2008 21:46 
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Inscription: Mer 29 Oct 2008 22:19
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Les ruines


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L’ancien village des Elfes Blancs a été autrefois saccagé par plusieurs voleurs et brigands de routes. Les flammes ont presque tout dévasté sur leur chemin. Seules deux à trois maisons tiennent encore debout, grâce à la pluie qui tombait déjà depuis le matin ce jour-là. Les ruines sont largement à découvert, avec des arbres dorénavant morts et coupés de toute vie.

Tout autour, de vastes forêts sempervirentes et des montagnes enneigées s'élèvent, comme pour cacher des ruines qui n’auraient jamais dû exister. La plupart des personnes de ce village ont été massacrées alors qu’elles demandaient grâce. Elles sont mortes dans d’atroces souffrances, seule une très petite dizaine d'entre elles a été épargnée.

Depuis ce jour, la pluie continua de tomber sur le reste du village sans jamais plus s'arrêter. Il arrive encore aujourd'hui que certains brigands passent par ici, mais leurs mouvement se font rares à cause de la forêt qui s'épaissit sans cesse, comme pour bloquer le chemin vers cet ancien lieu de culte.

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 Sujet du message: Re: Les ruines
MessagePosté: Sam 31 Mar 2012 14:37 
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Localisation: Cuilnen - Dehors.


" C'est long. "

Pensait à ce moment Fear qui, un peu las d'attendre le retour de ses compagnons, avait entrepris de visiter les alentours de Cuilnen. Mais en réalité, et ce qu'il ne voulait pas s'avouer, c'est qu'il cherchait plus à oublier ce qu'il savait par la distraction qu'à passer le temps.

Comme à sa préférée habitude, il voyageait en pleine nuit, ayant alors prié toute la journée. Avançant sans trop savoir où il allait mais en prenant le soin de bien se souvenir de sa route, il venait tout juste d'arriver, et après avoir traversé une étrange et épaisse végétation, dans ce qui ressemblait à un village fantôme. Et à en juger par la végétation sauvage qui avait pris possession des lieux, cela ne datait pas d'hier.

Fait d'autant plus étonnant qu'il ne pleuvait pas et qu'il ne s'était mis à pleuvoir que lorsqu'il avait pénétré les ruines de ce village, en apparence dévasté. Des maisons brûlées, des murs détruits, un sol désolé et un paysage chaotique, vraiment ça n'avait rien d'un coin de paradis, mais Fear n'était pas plus effrayé que ça, au contraire, cela l’intéressait même et aussi s'enfonça-t-il dans ces ruines qui lui rappelaient, à quelques détails près, celles où il avait élu domicile.

Il y avait un atmosphère assez lourd qui planait tout de même, quelque chose d'assez angoissant. On aurait dit que cet endroit était imprégné par une mort pénible, affreuse même. Ses habitants auraient-ils étés victimes de quelque chose ayant provoqué leur mort brutale ? Peut-être. Mais quoi qu'il en soit, une petite fouille de ces lieux pourrait lui être fructueuse et aussi entama-t-il les recherches en explorant les restes des maisons les unes après les autres.

Il faisait froid, sombre et il pleuvait. Mais Farrell s'y plaisait et ne semblait pas plus gêné que ça. Il les fouilla et les retourna les unes après les autres, passant alors de longues heures à rechercher quelque chose qui aurait pu lui être utile, mais il ne trouva rien, à part quelques bibelots cassés et quelques babioles sans la moindre valeur.

Quelque peu déçu, il prit donc la décision de repartir en forêt, les premières lueurs du jour apparaissant alors. Seulement, en ressortant de la maison où il était, il s'aperçu qu'il y en avait encore une qu'il n'avait pas fouillé. Et pour cause, sa grande porte était verrouillée par un gros et rouillé cadenas.

Ne voulant pas non plus prendre le risque de rater quelque chose, il alla tout d'abord s'assurer que la maison était bien déserte en frappant à cette même porte avec énergie. Aucune réaction, c'était donc le feu vert pour lui. La maison n'étant pas pourvue de fenêtres, si ce n'était sur son toit ou trop en hauteur, il lui fallait alors forcer ce cadenas. Et vu la bois pourris qui constituait cette double porte, ça ne serait pas trop difficile.

Il donna alors un puissant coup de pied sur cette même porte, il l'entendu craquer mais elle ne céda pas immédiatement. Il recommença alors l'opération deux ou trois fois et finalement, l'entrée céda en se brisant en plusieurs morceaux. Une brèche ainsi faite, il pénétra l'intérieur. Et ce qui le frappa d'ailleurs en premier, c'était le capharnaüm invraisemblable qui s'étalait devant lui !

Tout était cassé, tout était ravagé, tout était tout simplement détruit ! Ce n'était que désordre et désolation ! Certes, c'était un peu près la même chose pour les autres demeures, mais le phénomène semblait prendre bien plus d'ampleur ici. Qui ou quoi était bien responsable ça ? Des Orcs ? Il n'en savait trop rien à vrais dires et même si l'envie d'en apprendre plus le démangeait, il était venu ici pour une seule chose et ne chercherait donc rien d'autre. De toutes les façons, en quoi cela aurait bien pu lui être utile ?

Entamant ses fouilles, il tomba bien vite sur une paire de bottes et de gants en cuirs, toutes les deux en assez bons états. Elles étaient éparpillées dans toute la pièce principale mais en la retournant correctement, il était parvenue à les réunir. Au moins ses efforts n'avaient pas étés vains et ils les enfila alors.

Mais, il remarqua une petite trappe sur le sol, cachée sous des décombres. La dégageant, il pu l'ouvrir en forçant un peu dessus. Un petit escalier s'offrit alors à lui mais, sa moitié se confondait dans une noirceur totale, la pièce était privée de lumière. Il le descendit donc avec beaucoup de prudence et posa le pied sur ce qui lui semblait être de la terre ferme. Mais, ne voyant ni peu ni grand, il se disait bien qu'explorer cette pièce à l'aveugle était risqué.

Il prit cependant l'initiative d'avancer à tâtons et fit alors quelques pas avant de trébucher sur quelque chose d'assez dur. Il y avait des décombres ici aussi, il était certain vu la douleur qu'était en train de lui occasionner sa chute, étant alors retombé sur quelques choses d'irréguliers et de solides.

S'il ne voulait pas se casser quelque chose, il aurait mieux fait de se munir de lumière mais la seule disponible était celle du jour qui illuminait la moitié de l'escalier par la trappe. Ce n'était pas suffisant mais que pouvait-il y faire ? Il décida donc de se relever malgré tout mais, surement en voulant trouver un appuis, ses mains se posèrent sur quelque chose d'assez bizarre. En effet, c'était froid, rond et comme troué par endroit.

Intrigué, il chercha à définir un profil en tâtant l'objet suspect mais il n'y parvint pas, c'était vraiment étrange, d'autant plus qu'il semblait flotter dans les airs, ou du moins, être accroché à quelque chose d'aussi incompréhensible que lui, une sorte de cage tout au plus.

Mais pour couronner le tout, le vent se leva à l'extérieur et, s’engouffrant dans la maison, il fit refermer la trappe dans un vacarme assez puissant.

" Magnifique ... "

Désormais, il ne voyait vraiment plus rien et même s'il pensait encore être en possession de ses repaires, il se devait d'avouer qu'un sérieux doute s'était soudainement installé. L'agitation ne servant à rien, il prit le temps de réfléchir à une solution. Il n'y en avait pas vraiment mais il en trouva cependant une qui aurait pu paraître invraisemblable au commun des mortels mais qui pour lui, était une possibilité envisageable. S'il parvenait à concentrer " la lumière " que lui procurait sa foi en une orbe, il pourrait peut-être s'en servir pour éclairer la pièce.

Mais comment faire ? C'était là la vraie question. De toutes les évidences, il aurait besoin d'une aide extérieure à lui-même, donc il aurait besoin de demander une aide et donc, il aurait besoin de prier. Mais prier tout seul suffirait-il ? Non. Mais en y joignant sa propre volonté, peut-être l'affaire pourra-t-elle avoir lieu.

D'accord, mais maintenant, quelle prière utiliser ? Certes le seigneur accepte toutes les prières, mais il y a aussi une certaine façon de prier. Et cette façon, Fear en avait bien entendu parler. Mais il avait du mal à s'en souvenir ne l'ayant lu qu'une seule fois et ne l'ayant jamais utilisé.

Il fit donc le vide dans sa tête et plongea dans les méandres de sa mémoire, essayant alors de visualiser mentalement ce livre et cette page sur laquelle elle était écrite. Le travail fut long et acharné mais il parvint tout de même à reconstituer les passages les plus importants, complétant alors les " trous " par des déductions logiques.

En possession de ce dont il avait besoin, il ouvrit donc le plat de sa main droite et, calmement, patiemment, il se mit à prier tout en se concentrant sur son objectif. C'était en fait un mélange de dévotion et de nécessité, un échange même si l'on pouvait dire.

Mais hélas, le temps passait, la prière s'allongeait et pourtant, rien ne se passa. Visiblement, quelque chose n'allait pas. Le fait qu'il ait peut-être encouru la colère de dieu était peut-être un facteur, mais de là à refuser ses invocations ? Ou alors, peut-être à les prolonger ?

Persistant, il continua donc encore un bon moment mais il ne passa toujours rien. Qu'est-ce qui pouvait bien clocher ? Il observa attentivement sa main droite et contrasta sa prière d'une volonté très ferme mais, cela ne changea rien. S'arrêtant un instant, il réfléchit. En fait la situation, pour lui, n'était pas assez mauvaise pour qu'il en arrive à exprimer un besoin aussi important, aussi vital. En fait, il n'était pas convaincu lui-même d'avoir tant besoin de cette lumière et c'est ça qui le faisait échouer.

Il lui fallait se convaincre ! Avoir de la hargne ! Tant dans sa propre volonté que dans sa dévotion ! Il lui fallait non pas désirer cette lumière mais la vouloir ! Avec rage s'il le fallait ! Peut-être par la suite serait-ce plus aisé pour lui de l'obtenir mais, vu qu'il s'agissait de la première fois, il lui fallait faire ses preuves.

Il expira alors, puis se redressa quelque peu. Rouvrant sa main, il ne la fixa cette fois-ci pas. Il baissa tout simplement sa tête et, fermant ses paupières, il reprit sa prière depuis le tout début. La différence cette fois-ci était que l'effort à fournir n'était pas que sur la sincérité et la qualité de sa prière mais aussi sur celles de son souhait. En même temps, cela lui paraissait logique mais il s'en blâmait un peu de ne pas s'en être rappelé avant. Lorsque l'on demande quelque chose à dieu, il ne faut pas le faire à moitié.

Le temps s'écoula alors mais, toujours rien ne se produisit. Se remuant un peu, il força encore la dose, exprimant alors son souhait avec fermeté sans pour autant sortir de ses limites. Mais, et voyant le temps passer encore, il se rendit compte que ce n'était pas suffisant. Il serra alors les dents et, sentant son pouls s'accélérer et sa respiration s'emballer, il maintint sa prière.

" J'en ai besoin Seigneur !!! "

Sembla-t-il hurler dans son propre esprit. Sentant alors, et seulement à ce moment, quelque chose changer en lui, il rouvrit soudainement ses yeux et tourna instinctivement le regard vers sa main.

Se mettant alors à prononcer sa prière à voix très basse, sans même comprendre pourquoi il venait de sortir de son mutisme, il aperçut une sorte de minuscule étincelle flotter au dessus du plat de sa main droite. Il suait beaucoup, c'était comme s'il venait de fournir une effort physique intense. Qui a dit que la foi n'était pas quelque chose de fatiguant ? À la différence que cette fatigue engendrée était une fierté et que l'on s'y plaisait à la porter, contrairement aux autres.

Quoi qu'il en soit l'étincelle était là. Certes, il n'éclairait rien du tout à elle seule mais le plus grand du travail venait d'être achevé, il ne lui restait désormais plus qu'à l’agrandir. Et aussi se concentra-t-il d'avantage.

Cela mit le temps que cela mit mais finalement, il finit par obtenir une orbe à peine plus grande qu'un oeuf mais suffisante pour l'éclairer dans ses très proches alentours. Certes, l'orbe ne s'était stabilisée qu'au bout de maintes efforts mais au final, elle était bien là.

Farrell était satisfait. Certes, ça ne fut pas facile mais le résultat en valait bien la peine. Elle n'avait pas de poids à proprement parlé dans sa main mais il pouvait tout de même la sentir, c'était sa propre lumière après tout.

Maintenant, à peine eut-il décollé son regard de cette orbe que ce dernier s'accrocha à quelque chose de bien moins émerveillant. En effet, un crâne en apparence Humain semblait se pencher sur lui. Surpris, il recula par réflexe et se releva même. Mais, en se déplaçant d'autre visage squelettiques apparurent et alors qu'il tournait sur lui-même sans même savoir ce qu'il se passait, ces squelettes ne cessaient d’apparaître, où qu'il se retourne.

Déconcentré par ce qu'il vit, la boule lumineuse qu'il avait réussi à former au bout de maintes efforts se mit d'abord à étincelle pour au final s'éteindre tout bonnement, le replongeant une fois de plus dans le noir total.

Fear sentait la vive brûlure de l'adrénaline et il n'avait qu'une seule idée en tête, rallumer la lumière. Aussi essaya-t-il de se concentrer de nouveau ... Mais en vain, il était bien trop nerveux, bien trop affolé pour ça. Quelques moments s'écoulèrent et, finalement, il ne se passa strictement rien.

Si ces squelettes étaient encore en vie, comme leurs postures laissaient l'envisager, il les auraient surement entendu bouger ou s'articuler ! Mais il n'en était rien ! C'était le silence total ! Se calmant alors, il pria de nouveau, plongeant littéralement dans son invocation. Mais cette fois-ci, bien que longue, fut plus facile que la première fois.

La lumière ainsi revenue, il pu apercevoir de nouveau ces squelettes. Ils étaient inertes et, à y regarder de plus près, ils n'étaient pas en bon état. Certains avaient des os cassés, d'autres avaient le crâne fendu et d'autres, encore, n'étaient pas complets.

Il observa aussi le sol et constata que ce qu'il pensait être des décombres n'étaient en fait que de l'ossature éparpillée. Qu'est-ce qu'ils pouvaient bien faire ici ? Il n'en savait rien mais se doutait bien qu'ils n'avaient pas dus avoir une mort facile ...

Il remarqua cependant quelque chose d’intéressant. Un squelette, couché au sol, tenait dans sa main une sorte de bâton en bois muni d'une pierre transparente à son extrémité supérieure. Il le tenait fermement mais Fear n'eut pas trop de mal à l'extirper de sa prison. Il semblait lui aussi en bon état, voila qui ne pouvait que le ravir.

L'emportant avec lui, il retrouva alors l'escalier, non sans manquer de chuter à plusieurs reprises, et sortit de cette cave comme il y était entré. Dehors, le soleil était clairement levé et la pluie n'avait toujours pas cessé de tomber. N'ayant plus rien à faire ici et ne voulant pas non davantage troubler cet endroit de sa présence, il s'en alla rejoindre la forêt ... Tout simplement. Cette petite expédition n'avait pas été reposante mais au moins n'était-il pas repartis les mains vides.



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 Sujet du message: Re: Les ruines
MessagePosté: Ven 10 Juil 2015 19:41 
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Prologue : révolution


Fille de dignitaires modestes d'une bourgade de la montagne anorfaine, Haple ne manqua de rien étant enfant, si ce n'est peut-être d'une relation intime avec ses géniteurs. A leurs yeux, leur rôle parental se limitait à l'inciter à étudier les disciplines qui lui permettraient un jour de perpétuer leur rôle dans la vie de la cité. Seulement, la fillette ne montrait aucune disposition pour le calcul, l'écriture ou encore la lecture, n'ayant guère acquis que de maigres rudiments. Et si elle semblait satisfaire ses maîtres de musique et d'histoire, la réciproque n'était pas vraie. En effet, la petite enfant ne voyait pas l'intérêt de s'enfermer dans une salle silencieuse alors que le roulis des pierres chantait dans le torrent. Pas plus qu'elle ne comprenait le recours à des livres d'Histoire surannés quand nombre de voyageurs sur la route de Cuilnen déballaient leurs bagages dans l'auberge et leurs récits dans les oreilles des locaux.

Non, aux yeux des autres, Haple était une élève revêche et une enfant difficile. Si bien qu'avec l'échéance de l'apprentissage s'approchant, ses parents se préoccupaient pour son avenir. Ils avaient naturellement une préférence pour qu'elle reprenne le flambeau de la politique mais ne se faisaient guère d'illusions. Ce qui les perturbait plus était le dédain apparent de leur descendante pour les principes fondateurs de leur communauté : constance et devoir. Par conséquent, il redoutait qu'elle n'y trouve pas sa place faute de vouloir s'intégrer et ne devienne par la force des choses une paria. De son côté, l'adolescente bourgeonnante tentait par tous les moyens d'éviter toute conversation sur son avenir. La seule perspective de l'apprentissage lui faisait froid dans le dos. Un froid de mort, comme si cette étape marquait le début d'une vie qui paradoxalement, d'une manière qu'elle ne parvenait pas à expliquer, était réellement...et bien, une mort.

L'évènement qui confirmerait les craintes de notre héroïne devait survenir au cours de sa trente neuxième année. On la réveilla en pleine nuit pour lui annoncer qu'il fallait qu'elle s'habille... et qu'elle s'habille "chaudement", c'est-à-dire avec sa veste de lin. Et, une fois fait, on la conduisit à l'extérieur du domaine familial, où l'attendaient non seulement ses frères et soeurs, ce qui était étrange en soi puisqu'ils étaient tous bien plus âgés qu'elle et ne vivaient plus sous leur toit, mais également une charrette contenant un bloc de glace finement ciselé de deux mètre de long. Interloquée, Haple s'était alors retournée à l'approche de sa mère, un regard interrogateur plaqué sur ses yeux ensommeillés.
"C'est ton père", répondit celle-ci en désignant le cercueil de givre par cette stoïque formule, "mettons nous en route, le chemin est long et l'aube approche".

Et Haple emboita le pas à sa mère tout en notant avec intérêt que la nouvelle ne l'affectait pas outre mesure. Ses parents étaient toujours restés distants et froids vis-à-vis de la petite rebelle et les liens qui les unissaient étaient essentiellement formels. Sur cette pensée, s'ébranla le cortège composé de la veuve, de son défunt époux, de leur progéniture et des chevaux de trait.

...


Leur chemin traversait un à un les villages montagnards annihilés par les esclavagistes Shaakts et incursions Garzoks, et des heures durant, il leur fallut supporter le cahotement de la charette sur ces voies abandonnées. La benjamine, elle, ne semblait aucunement incommodée par la rudesse du voyage et tombait régulièrement endormie, bercée par la rugueuse mélodie des fers de roues sur les pierres, avant de rouvrir des yeux perdus sur un paysage de montagne de plus en plus enneigé. Un songe persistant la prenait chaque fois qu'elle s'endormait au cours duquel un objet rectangulaire, sombre, se rapprochait à vitesse constante, flottant vers elle au dessus d'un désert stérile s'étendant à perte de vue. Et d'un rêve au suivant, il progressait toujours un peu plus vers elle. Si bien que finalement pouvaient être distingués des lignes, des inscriptions, gravées dans ce qui étaient une tablette de pierre. Et, elle se rapprochait, encore, encore, et encore. Un sentiment de panique teinta soudain le rêve : la stelle occupait desormais la quasi totalité de l'espace et bientôt la rêveuse serait oblitérée vivante sous le message horrifique qu'elle y discernait désormais : HAPLEHAPLEHAPLEHAPLEHAPLE

"ple...Haple, venez, hâtez vous, nous y sommes mais l'aube pointe déjà"

S'en suivit un cérémoniel pompeux, comme seuls les Hinïons peuvent en inventer. On rappela que ces montagnes avaient vu naître le défunt lorsque l'astre solaire eut franchi les sommets orientaux. On énuméra les accomplissements de sa vie : il avait mené la politique de... et l'attention de l'enfant s'égara, préférant observer les alentours spectaculaires. Des hauteurs où ils étaient parvenus, les neiges éternelles semblaient à portée de main et des glaciers translucides s'étalaient sur tout le flanc de la montagne comme si le ciel azur, au contact de la roche et de la glace, s'était solidifié en coulures bleutées. A leur altitude cependant, quelques brins d'herbes éparses perçaient le manteau d'hiver anorfain et Haple écoutait avec enchantement le crépitement des cristaux de neige sous la chaleur du soleil montant. Subrepticement, la petite tenta de s'esquiver à reculons pour échapper à la litanie funéraire et poursuivre son exploration naturaliste. Un pincement de lèvre de sa mère l'informa que la tentative n'était pas passée inaperçue de tous mais celle-ci ne fit pas un geste pour arrêter l'enfant.

...


De longues heures plus tard, alors qu'une lumière crépusculaire donnait vie aux nuages vaporeux qui s'étiraient dans le ciel du soir, on poussa enfin le cercueil de glace jusqu'à une fosse afin de l'enfouir dans l'étreinte gelée de la Terre. La boucle était bouclée. On pouvait désormais passer à autre chose pour autant que la petite était concernée.
"Et maintenant?" dit-elle avec flegme à l'attention de sa mère,une fois revenue dans le groupe.
"Maintenant, on fait le deuil et ensuite... on reprend notre quotidien, ainsi que notre conversation sur ton apprentissage. Il n'est plus question de se dérober dorénavant; il te faut prendre ta place dans le monde, prendre la place de ton père" ajouta-t-elle solennellement avant de poursuivre sur un monologue moralisateur.

Et ce fut là la croisée des chemins pour Haple et les siens. Et plus un mot prononcé par cette femme creuse qui fut sa mère ne lui parvint à travers le bouleversement émotionnel qu'elle traversait. La compréhension soudaine de son angoisse, de ce tumulte qu'elle avait abrité, contenu et étouffé durant ces dernières décennies, enfin, creva la surface de son stoïcisme elfique comme un volcan en éruption. Et, ceux qui se tenaient à portée allaient se noyer dans les cendres de sa fureur! De quel droit se permettaient-ils d'arbitrer son avenir?! Quelle légitimité avaient-ils pour décider de la donner en offrande à l'autel du Temps?! Toute elfe qu'elle était, l'enfant ne se fondrait pas dans le cycle des générations. Elle vivrait SA vie et pas celle de ceux avant elle, ni celle de ceux qui la suivrait! Sa rage grondait dans ses entrailles, toujours plus forte, à mesure que ses convictions implacables grandissaient. (Qu'elle s'étouffe avec ses principes !) Et, sa mère en réponse à l'évidente révolte de l'enfant lançait dorénavant ses invectives dans une pluie de grêles jusqu'à ce que, soudain, elle en perdit la voie. Elle-même surprise, celle-ci porta une main à sa gorge avec fébrilité. Puis, soudain, ses vêtements rafinés prirent une teinte maronâtre et une couche de fange se forma sur le noble visage de la matriarche comme si le liquide boueux suintait par tous ses pores. Alors ses yeux affolés, d'où perlaient désormais des larmes de boue, se fixèrent sur le regard d'acier de sa plus jeune fille qui la dardait avec une insistance vibrante. Et un éclair de lucidité frappa l'ensemble des protagonistes : la mère, qui recula d'un pas chancelant, sous le coup de l'effroi, aussi bien que les soeurs qui criaient, effarées, "C'est elle, c'est la petite", et les frères qui s'élancèrent d'un même geste porter assistance à leur mère et immobiliser leur benjamine. Mais il était trop tard : le tombeau de terre et de neige de leur père s'ouvrait juste derrière, invitant leur dernier parent. Et, perdant l'équilibre sous le poid de la boue qui entravait ses mouvements, la veuve Mitrium partit rejoindre son mari dans le sommeil éternel, tombant à la renverse dans la fosse, la tête en avant et les mains tendues vers le visage farouche de son enfant. L'instant suivant, sa nuque était courbée d'une manière qui aurait presque pu évoquer une position de tendre repos sur l'épaule givrée du cercueil...si l'angle qu'elle faisait n'était pas aussi contre nature et les traits faciaux de l'accidentée n'étaient figés dans une expression de terreur grotesque.

Plaquée face contre terre, écrasée sous le poids de l'un de ses frères, Haple se noyait dans la neige, et sa fureur avec. Elle avait la froide satisfaction d'être parvenue à ses fins : si elle n'avait pas nécessairement souhaité provoquer la mort, en tuant sa mère elle s'était irrémédiablement déroutée de la voie que la roue du destin avait tracée pour elle en Anorfain. Tirée sans ménagement par les cheveux et remise sur pied, la fillette fit face à son tribunal improvisé avec une sérénité retrouvée. On tenta de lui trouver des excuses. C'était un coup de sang, un accident. Mais à chaque fois, qu'un frère ou une soeur lui tendait la main du pardon, la petite s'en détournait. Il n'y avait pas de retour possible ; elle n'en voulait pas. Choqués par l'absence de remords, effrayés par la révélation d'une magie regardée dans cette famille avec méfiance et peinés par le sevrage volontaire de l'enfant, les jurys nouvellement orphelins votèrent pour le bannissement. Que son sort soit décidé par les Dieux, tranchèrent-ils. N'avaient-ils donc pas compris?! Son sort lui appartenait. Elle s'était rendu maîtresse de son destin en détruisant ses origines et tournant le dos à son avenir. Et, tournant également les talons aux fantômes de son ancienne vie, une ivresse exaltante s'empara de l'enfant elfe. Des sommets à gravir s'élançaient au-dessus de sa tête. Des forêts à franchir s'étendaient devant elle. Et au loin, des villes à parcourir s'offraient à elle, et des mers à traverser et des villes encore. Oui, elle irait au Sud, mais tout d'abord elle explorerait le royaume des Thorkins. Parce que l'envie lui prenait; et non pas parce qu'elle était l'un des rouages du Grand Oeuvre. Du moins le croyait-elle...douce enfant.

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