L'Univers de Yuimen déménage !


Nouvelle adresse : https://univers.yuimen.net/




Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 20 messages ]  Aller à la page 1, 2  Suivante
Auteur Message
 Sujet du message: Les profondeurs
MessagePosté: Mer 6 Mar 2013 20:38 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Site Internet  Profil

Inscription: Lun 20 Oct 2008 21:22
Messages: 22817
Localisation: Chez moi^^
Les profondeurs


Image


Omyre est une ville ancienne. Très ancienne. Au point qu'aujourd'hui, plusieurs vestiges de villes ont tendance à se superposer, de sorte que, par les caves des maisons ou parfois même simplement par des trous s'ouvrant dans les rues, on peut déboucher dans des cavités, voire dans un vaste dédale souterrain. Nul ne sait jusqu'où il s'étend, au minimum sur toute la surface de la ville...

Lieu étrange, sinistre et impossible à cartographier, ce monde souterrain tentaculaire, aux murs oscillants entre le noir morbide et le vert glauque est peuplé de bandits et de contrebandiers. Mais on y trouve aussi des mort-vivants errants et autres monstres créé par les 13. Il est en effet bien connu que ceux-ci ont tendance à jeter leurs créations ratés dans les ombres pour s'en débarrasser. C'est d'ailleurs pour ça que personne ne descend jamais dans les zones les plus profondes.

On raconte qu'il s'y trouverait, dans une immense caverne ténébreuse à peine éclairée par quelques champignons phosphorescent, une colonie de choses qui étaient des elfes bleu ayant survécu à la prise de la ville par Oaxaca il y a 7900 ans de cela. Devenus incapables de supporter la lumière du jour et corrompus par les émanations de la tour noire, ils ne s'aventureraient même pas dans les couches supérieurs des profondeurs. Mais sans doute tout cela n'est-il qu'une légende...

_________________
Pour s'inscrire au jeu: Service des inscriptions

ImageImageImage

Alors il y a une règle que je veux que vous observiez pendant que vous êtes dans ma maison : Ne grandissez pas. Arrêtez, arrêtez dès cet instant. Wendy dans "hook" (petit hommage à Robin Williams)
Pour toute question: Service d'aide
Pour les services d'un GM: Demande de service


Je suis aussi Lothindil, Hailindra, Gwylin, Naya et Syletha


Haut
 

 Sujet du message: Re: Les profondeurs
MessagePosté: Lun 29 Avr 2013 20:39 
Hors ligne
 Profil

Inscription: Dim 28 Avr 2013 12:48
Messages: 633
Localisation: Aliaénon - Andel'Ys
Un avenir hors de la forge

Le dortoir des nouvelles recrues était une large galerie, ou une construction ancienne sur laquelle se sont greffées d’innombrables autres bâtiments, effondrés, rebâtis, encore et encore, par des individus n’ayant qu’une vague idée de la maçonnerie, ignorant tout du fil à plomb et des techniques de crépit. Creusé ou construit, cette distinction n’importait que peu à Therion, il était incapable de reconnaître l’une ou l’autre des actions des autres races de Yuimen, il se fichait que l’on ait excavé ou dressé, ces aménagements ne répondaient pas à ses attentes, il ne s’y sentait pas à l’aise. Mais le dortoir était bien plus grand que la forge : il pouvait se dresser sans craindre de heurter un outil ou une poutre un peu basse, et ne risquait pas de marcher sur des ébauches d’armes et d’armures abandonnées. Au lieu du crépitement du foyer qui jamais ne s’éteignait, il devait supporter les ronflements des autres recrues vautrées sur leurs paillasses, les odeurs nauséabondes de créatures d’autres races, l’atmosphère renfermée que parfois un courant d’air venait troubler, charriant des effluves guère plus agréables d’une autre zone de galeries. Fort heureusement, ils avaient accès à des latrines ; l’endroit en question n’avait plus rien d’engageant après deux jours de traitements par des apprentis soudards ; au moins les excréments des un et des autres ne semaient pas le dortoir, et leur urine ne risquait pas de changer en boue le sol de terre battue.

Les premiers jours ont été consacrés à l’endoctrinement. Pour les instructeurs, aussi stupides soient-ils, faire des bons soldats, c’était les rendre dévoués à la cause. Pas nécessairement en faisant appel à leur fibre morale, à leur loyauté, bien au contraire. Un bon récit de ce que les autres races comptent leur infliger comme traitement, des promesses de pillage, de destruction, de viol, de richesses et de gloire, quelques menaces sur la puissance d’Oaxaca et de ses sbires. La nécessité de se ranger dans le camp des vainqueurs, l’évocation des batailles gagnées, les rapports de force, la puissance numérique, tout cela n’était que des mots aux oreilles de Therion qui se contentait de grogner aux moments qui lui semblaient approprier, de crier en cœur avec ses camarades lorsque cela était attendu de lui, de hocher régulièrement la tête lorsque l’instructeur, pris d’un élan oratoire d’un grand pathétique, élevait la voix. Ses pensées allaient vers les marais, les forêts, les chasses, la vie dans la nature. Combien il aurait préféré se voir défier par dix jeunes mâles fougueux et avides de nouveaux territoires plutôt que d’avoir à endurer ces babillages incessants. Courser un sanglier des marais sans le poids et la démangeaison de ce collier, la menace permanente de ses pointes d’acier acérées, enchantées pour se planter dans son cou au premier signe de révolte.

Puis on les avait fait se muscler, ou du moins on leur avait fait faire des exercices, qui laissaient certains épuisés le soir venu, d’autres se demandaient quand les choses vraiment sérieuses commenceraient. Therion était de ceux là, il y avait aussi deux autres Lykor noirs avec lesquels il échangeait parfois des signes sans pour autant sympathiser, trois Worans tigrés, deux Shaakts, un ou deux Garzoks plus résistants que les autres. Supportaient mieux les marches ceux qui avaient déjà connu autre chose que la cité sombre, arpenté en d’autres temps d’autres terres. Mais beaucoup de désavantages furent compensés lorsque vint la question du maniement des armes.

Cela commença par des bâtons, qu’on leur apprenait à manier comme des piques dans une grande salle sinistre, avec les formations de base qu’il est nécessaire de connaître dans une bataille rangée. Mais comme l’avait précisé le Garzok venu tirer Therion de la forge, il ne s’agissait pas de monter un énième groupe de soldats, mais de former des prédateurs, des guerriers aptes à mener un autre type de guerre. Le bâton passa de pique à javeline.

« Une javeline, c’t’une belle arme de jet ! J’suis certain qu’vous pouvez m’en envoyer une plus loin qu’j’l’aurai jamais fait ! Surtout vous mes petits loups, les gros balèzes ! Mais ça, c’est pas malin ! Parce que vous voyez, z’avez peut-être embroché un putain d’humain ! Deux si vous avez d’la chance ! Et la douzaine d’autres qui vous tombe sur l’dos ? Z’en faites quoi ? Vous leur d’mandez la permission d’aller chercher vot’ foutue javeline ? J’en vois qu’ça fait sourire ! Moi ça m’fait pas sourire ! Lancer sa javeline, c’t’une putain de mauvaise idée ! »

D’un air important, le Garzok continuait ses allées et venues devant le groupe massé en ce qui ressemblait à une tentative lamentable d’alignement en rang. Il ne leur en tenait pas rigueur, la discipline, l’obéissance et la compétence passait depuis longtemps à ses yeux avant l’ordre et autres qualités nécessaires à la parade. D’un geste large de la main il désigna les râteliers à sa droite, où reposaient glaives, boucliers et enfin les javelines, son arme favorite dont il espérait pouvoir faire entrer les rudiments du maniement dans le crâne des recrues qu’on lui avait confié.

« Z’allez essayer d’vous ranger par ordre de taille. J’ai bien fait de dire essayer ! R’garde ton voisin espèce de raclure de chiottes, tu crois qu’il est plus petit qu’toi ? Ôte-toi la merde qu’t’as dans les yeux et bouge toi un peu ! Toi, deux places à gauche ! Toi, r’passe à droite ! Ben z’avez fini par y arriver ! C’était compliqué ? BEN NON ! J’me d’mande comment z’avez été fini vous aut’… Bon, séparez-vous là. Bien. La moitié à MA droite va chercher un bouclier et une javeline moyenne. A MA droite, vot’ gauche les chiards ! C’est pas gagné si z’êtes pas foutus d’obéir à un ordre si simple ! Bien r’prenez l’rang. Les autres, allez m’prendre une grande javeline, et un glaive. »

Therion, comme les plus grands de la future unité, se retrouva donc équipé d’une javeline plus longue que ceux ayant un bouclier, et d’une lame. Il laissait les armes pendre au bout de ses bras, ne sachant pas comment les tenir.

« Les droitiers avec boucliers, la javeline en main droite ! Les gauchers avec boucliers, la javeline en main gauche ! Les droitiers sans boucliers, le glaive en main droite ! Les gauchers sans boucliers, le glaive en main gauche ! Toi, qu’est-c’que tu veux ! Baisse ta putain d’main et répond ! »

« Je ne sais pas si je suis droitier ou gaucher. »

« On dit chef ! quand on me parle ! Oh par les Dieux sombres ! Celle là personne m’l’avait jamais faite ! Tu t’sers de quelle main pour t’nir tes armes ? »

« J’ai jamais tenu d’arme, chef. »

« Et tes outils ? Tu t’sers même pas d’un couteau ? »

« Peu importe la main. »

« Eh ben tu seras gaucher ! Y sont rares les gauchers, quand t’es pas habitué, c’est pas facile un gaucher. Change ta javeline de main maint’nant ! Bien, vous êtes mignons tout plein ! Avec ça j’vais marcher jusqu’à Kendra Kâr dans un mois ! Pour les ramollis du bulbe qu’auraient pas compris, j’en pense pas un mot ! Maint’nant on va passer aux choses sérieuses ! La moitié qu’a pas de bouclier, z’allez affronter ceux qu’en ont ! Eh oui, c’est comme ça ! J’vous r’garde ! Ah… Oui… Une dernière chose… Si l’un d’vous blesse son adversaire, les deux r’cevront l’fouet ! »

Javeline et glaive étaient deux outils nouveaux pour Therion. Au mieux se servait-il d’un couteau pour dépecer sa viande, autrefois une hachette pour tailler des branches et construire sa hutte dans les bois, mais jamais il ne se battait avec une arme. Certains de sa race affectionnaient les godendacs, mais lui avait toujours préféré user des griffes, des crocs et des muscles dont le Père l’avait doté : à ses yeux, seuls les Lykors faibles recourraient au godendac. Il avait vaincu des jeunes ainsi armés sans peine, ils faisaient trop confiance à ce morceau de bois et d’acier, ils ne savaient pas l’utiliser comme des prédateurs. Autant de trophées étaient alignés dans sa hutte, qui maintenant était peut-être occupée par un Lykor assez fort pour défendre le territoire qui avait été le sien avant sa capture.

Le glaive était comme une longue griffe, un prolongement de son bras, il croyait comprendre comment l’utiliser pour arrêter les coups de javeline que lui porte son adversaire, droitier. Mais la javeline ? Elle n’était pas très lourde, mais bien plus longue que la lame, avait un équilibre différent parce que constituée de bois et d’acier. Il aurait aimé prendre le temps de la jauger, la faire bouger, la comprendre, comme il avait étudié ses proies, encore jeune louveteau auprès de sa mère, comme il fallait prendre la mesure de son adversaire dans une lente ronde de feintes et d’intimidation avant un combat pour un territoire.

Son adversaire est un Garzok, solide, large, mais plus petit, en partie dissimulé derrière un bouclier rectangulaire de bois couvert d’une couche d’acier qui doit peser sur son bras autant qu’il le protège des coups de glaive. Sa javeline ne cesse de chercher à atteindre la forme massive du Lykor, qui la repousse du glaive comme on éloigne une mouche. Mais la lame de son adversaire ne peut passer la défense sans laisser une ouverture. Soudainement le Garzok sent un choc qui ébranle son bras gauche et le fait tituber. Depuis le début du combat la javeline de Therion pendait au bout de son bras, inactive jusqu’à ce qu’il fasse effectuer à son bras un mouvement de balancier pour venir heurter violemment la surface d’acier en face de lui.

Les choses commencèrent alors à devenir claires dans l’esprit de Therion. Pour porter le coup de javeline, il avait du bouger, s’appuyer sur son pied droit pour ne pas basculer en avant, et en ramenant l’arme à lui reprendre appui sur son pied gauche pour parer solidement avec son glaive. C’était comme courir après un daim, basculer tout son poids le plus rapidement possible pour le suivre dans ses bonds, ses virages. Ce n’était pas seulement un duel, c’était une danse mortelle comme celle auxquelles il avait été accoutumé auprès de ses pairs. Il ne pouvait pas attaquer avec le glaive et la javeline en même temps, mais il commençait à entrevoir les faiblesses dans la technique qu’employait son adversaire.

Le deuxième coup de javeline sur le bouclier porta avec davantage de force sur le bouclier, au moment où le Garzok allait frapper de la sienne, si bien qu’il pivota légèrement, emporté par son coup et déstabilisé par celui de Therion, qui en profita pour se déplacer en avant et approcher dangereusement son glaive de la gorge découverte. Se rappelant de l’ordre donné par l’instructeur, ne pas blesser, il s’empressa de reculer pour laisser le Garzok se remettre en garde derrière son bouclier. Ce faisant, il remarqua le regard de l’instructeur posé sur lui, un demi sourire au coin des lèvres. Sans s’attarder sur ce signe, dont il ignorait s’il trahissait l’approbation ou la perspective d’un châtiment, il se focalisa à nouveau sur le combat. Son binôme risquait de se montrer plus hargneux, plus déterminé à effacer de son souvenir ce qui aurait été une défaite dans un autre cadre. Quelques centimètres de plus et la pointe du glaive s’enfonçait jusqu’au cou. Certes, Therion avait eu de la chance, mais pas seulement.

Conformément aux prévisions du Lykor, les assauts se firent plus vifs, visiblement destinés à blesser plus qu’à passer la garde, manquait la retenue pour arrêter le fer avant qu’il ne transperce la peau s’il venait à franchir les défenses. Risquer le fouet pour blesser était un choix que certains auraient jugé déraisonnable, d’autant plus que le nombre de coups n’avait pas été mentionné, mais le Garzok se consolait d’avance à l’idée que le Lykor recevrait sa part. Ce dernier n’était pas enclin à tâter du knout qu’affectionnaient particulièrement les instructeurs chargés de faire régner la discipline dans leurs rang : les lames, plombs et autres subtilités métalliques dont il avait vu Galdrünk garnir des lanières de cuir dans sa forge.

La défense de Therion prit la forme d’une attaque. Il ne chercha pas à passer outre le bouclier, à porter une botte fatale en combat réel, mais il martelait de sa pique la surface de métal, la bosselant peu à peu tout en épointant légèrement son arme : cette détérioration légère aurait été préjudiciable s’il avait souhaité en faire un autre usage, mais pour faire vibrer le bras de son adversaire à chaque frappe, cela lui convenait parfaitement. A mesure que le temps s’écoulait, il prenait la mesure de son adversaire, et commençait à déceler les signes qui trahissaient une attaque imminente : un mouvement du corps, un rictus, une attitude générale. C’était à ce moment là que le coup le plus puissant devait porter, quand l’équilibre s’assurait pour l’attaque et non plus pour la défense, quand le bras principal n’était plus celui du bouclier mais de la javeline. A ce moment là Therion lançait son bras droit et son prolongement de bois et d’acier sur le cœur du pavois adverse, là où les impacts avaient à mesure dessiné une cible, pour que le Garzok ressente la force brute quand son bras vibrerait et s’engourdirait.

« ASSEZ ! Quand j’dis ASSEZ, j’veux que tout le monde s’ARRÊTE ! Dernier avertissement, après ce sera le fouet ! Bien. On reforme le rang ! Pas d’blessés ? Dommage, j’aurais aimé m’dégourdir l’poignet ! Heureusement qu’y’a d’autres moyens ! On ne ricane pas dans le rang ! Moi j’ai plutôt envie d’chialer ! J’ai vu des trucs qui vous auraient fait vomir tripes et boyaux là où j’me suis battu, comme beaucoup d’gars j’me suis compissé face à une foutue charge d’cavalerie, et j’ai pas honte d’le dire ! Mais j’ai jamais chialé comme un moutard ! Quand j’vous vois, l’envie m’vient ! A la guerre, j’me disais l’gars en face, y vaut pas plus qu’moi, j’peux lui faire sauter la caboche d’un bon coup de lame ! Mais vous ?! Si j’me mets à chialer, c’est bien parc’que j’me dirai qu’j’peux rien vous apprendre ! Toi ! Sors du rang. »

Therion s’avança de deux pas et tourna la tête vers l’instructeur.

« Regarde droit d’vant toi quand j’te cause ! J’me fous d’voir ta sale gueule d’animal ! Est-ce que t’as compris c’que tu f’sais tout à l’heure quand tu frappais l’bouclier en face de toi comme un sourd ? »

« Oui… Chef. »

« Tant mieux. Tu t’en es pas trop mal sorti j’dois avouer. J’te laiss’rai p’têt’ sortir pour faire porteur ou cuisinier dans une troupe, j’me dis qu’tu t’blesserais p’têt pas avec une louche. Bon, les grands gaillards, les gars sans boucliers ! Oui ! Vous ! Bande de grands niais ! Z’allez vous mettre dans c’coin d’la salle où y’a les mannequins, et z’allez écouter c’que le p’tit loup a à vous dire ! Eh ben plus vite que ça ! Et vous, bande de loques ! J’vois qu’certains d’entre vous ont encore un bouclier comme neuf et pas une seule plaie ! Toi tu vas expliquer comment t’as fait pour en arriver là ! Et toi, avec ton bouclier bon à r’prendre ! Tu t’en es pas servi comme un manchot, tu vas aussi expliquer c’que t’as fait ! Et par les Dieux sombres, si vous avez rien appris quand j’passerai dans les rangs, croyez moi qu’j’vais vous donner un avant goût de c’qui s’passe dans le cachots d’la ville ! »

Les Lykors comprirent vite, Therion appuyait de signe le rendu de son expérience. Les autres, des Garzoks et un Shaakt, oublièrent un instant leurs différences et la race de celui qui essayait de leur transmettre ce qu’il avait vécu et peinait à mettre en mots : la volonté de se faire bien voir de l’instructeur et de devenir plus forts, plus dangereux, dominait chez eux l’idée d’une race d’esclave qu’ils se faisaient des Lykors. Après quelques minutes à échanger et regarder faire Therion, ils martelaient tous les boucliers des mannequins de toute la force de leurs bras.

« ASSEZ ! Ca suffit pour aujourd’hui ! Vous m’avez foutu ces armes dans un drôle d’état ! Et croyez moi, y aura pas toujours quelqu’un pour faire l’sale boulot à vot’ place ! Vous allez m’prendre ces armes et aller faire un p’tit tour du côté d’l’intendance ! Là on vous apprendra comment on r’fait une pointe ! Comment on change la feuille d’son bouclier ! Comment on aiguise une lame ! On f’ra d’vous des putains d’guerriers qui savent toujours quoi faire d’leur arme ! Pourquoi vous êtes encore là ? »

Leçon sur le choix et l'entretien des armes

_________________
* * *




La faim chasse le loup du bois...


Dernière édition par Therion le Lun 29 Avr 2013 22:03, édité 1 fois.

Haut
 

 Sujet du message: Re: Les profondeurs
MessagePosté: Lun 29 Avr 2013 22:01 
Hors ligne
 Profil

Inscription: Dim 28 Avr 2013 12:48
Messages: 633
Localisation: Aliaénon - Andel'Ys
Un embryon d'instruction

« Meno me garde ! Mais qu’est-ce qu’y m’ont encore fichu d’ses lances ! Mais qu’est-ce qu’il vous a donné l’autre abruti ? Combien d’fois devrais-je lui dire que les javelines ça se choisit ! Pour ce qu’on veut en faire ! Pour ce qu’on veut en faire ! Pour qui les manie ! Est-ce que moi je me charge d’expliquer comment on se bat à ce crétin ? NON ! Alors qu’il n’aille pas faire n’importe quoi avec les armes et les recrues ! C’est vous sa nouvelle pâte ? L’est pas gâté le pauvre. »

La galerie avait conduit les futurs guerriers d’Omyre vers une source de chaleur dont ils ignoraient tout. Ce n’est qu’en arrivant dans la forge qu’ils prirent conscience de la fournaise brûlant dans nombre de foyers, des cheminées qui faisaient remonter la chaleur et la fumée jusqu’à la surface. Les Garzoks avaient fini par coloniser les galeries supérieures de la ville, ou du moins ce qui avait été des rues, des avenues, des places ou des halles, pour y installer des entrepôts, des dortoirs, des ateliers, loin du chaos de la surface où s’organisait une vie déjà bien plus agitée que sous terre.

Cette forge différait en tous points de celle de Galdrünk, à commencer par le fait qu’elle ne répondait pas aux mêmes commanditaires : n’importe qui pouvait venir voir la Garzok et demander une lame, une pique, une arme qu’elle aurait elle-même travaillé ou rachetée à un soudard de retour de campagne. Dans l’environnement où avaient pénétré les recrues, les ordres venaient de plus haut, et les dimensions n’avaient rien de commun avec le petit atelier : il fallait ici produire de quoi armer les troupes rangées, les clans qui écumaient la région, fondre l’acier pour les armures, battre des plaques pour les boucliers, marteler hache, masses, épées, coutelas de toutes tailles pour répondre aux besoins de l’armée hétéroclite d’Oaxaca.

Un Garzok au poil roussi, à la peau naturellement noire ou couverte de suie et de charbon, nul ne pouvait le dire, bâti comme une montagne mais affichant un nombre respectable d’années, régnait en maître sur ce chaos de métal sous ses différentes formes, de la fusion à la barre, de la barre à l’arme, cet univers où la vie ne pouvait jamais s’éteindre, à l’image des foyer, où jaillissaient sans cesse des jets de vapeur et des gerbes d’étincelles, où se faisaient entendre sifflements, chocs de l’acier contre l’acier, ahanements des artisans. Vêtus de pantalons de cuir pour la plupart, d’un tablier épais du même matériau sous lequel ils restaient torse nu pour résister de leur mieux à la température étouffante, ils faisaient rouler leurs muscles imposant dans à mesure que s’élevaient et retombaient les marteaux, ruisselant d’une sueur qui parfois venait gouter sur le métal encore chaud pour s’évanouir dans un grésillement et une volute. C’étaient là des colosses monstrueux tant les ombres et la lumière rouge jouait sur leurs peaux marqués, grêlée de cicatrice d’escarbilles auxquelles ils ne faisaient plus attention, toute pilosité roussie par la promiscuité avec les foyers.

La force avait la place en ce lieu, assistée de silhouettes plus chétives, d’esclaves et serviteurs desservis par la nature. Des humains enchaînés sous l’œil d’un contremaître faisaient montre d’habileté en assujettissant les uns aux autres des maillons d’acier pour former des cottes, d’autres aux côtés des Sektegs portaient des seaux d’eau, brouettaient du charbon qui tombait depuis la surface par un puis dans un roulement sourd et un nuage de poussière qui montait en tourbillon, soulevé par le choc, transporté par les courants d’air chaud. Dans un coin on polissait des armures avec soin, sans doute étaient-elles destinées à des dignitaires de l’armée noire, assez important pour vouloir faire remarquer leur pouvoir par une meilleure mise martiale que le commun des guerriers. Ailleurs des meules roulaient sous l’action des pédaliers et les rémouleurs aiguisaient les armes, puis d’autres prenaient le relais avec des pierres au grain plus fin pour achever de leur affûter dans un crissement monotone qui paraissait un chuchotis en comparaison de la voix puissante que tous les sons de la forge constituaient par leur accord disharmonieux.

Le forgeron en chef racla sa gorge et cracha une glaire noire comme la suie qu’il respirait sans cesse, et qui donnait à coup sûr depuis des années cette teinte répugnante à ses expectorations. D’une voix lente et usée de trop crier pour se faire entendre par-dessus le vacarme ambiant, il s’adressa plus posément aux membres des différentes races alignés devant lui, si bien que tous durent tendre l’oreille pour percevoir ses paroles.

« Le Vieux a raison de vous faire venir ici. Heureusement que tous sont pas comme lui, autrement je finirais pas d’expliquer des trucs à des bleus. Mais si j’ai bien compris c’qu’ils veulent faire de vous, lui et le Capitaine, vaut mieux que vous sachiez vous débrouiller avec une meule, une pierre, et que vous puissiez prendre la bonne arme pour le bon usage. Bon, suivez-moi. »

Le groupe le suivit en une masse compacte, essayant de se fondre sans heurts dans l’atelier où il circulait toujours des individus chargés ; fort heureusement, devant le maître de la forge se faisait place nette sans qu’il n’ait besoin de cracher une seule réprimande, ni même un avertissement. Ils parvinrent tous à l’un des murs les plus éloignés des foyers où s’alignaient des faisceaux de lances, piques, hallebardes, javelines, où par dizaines se comptaient les brassées de lames de toutes sortes, formes poids, attendant d’être emportées vers divers points de la ville.

« Bon, tout d’abord, une arme ça se choisit pour ce que vous voulez en faire. Le Vieux vous apprend la javeline au corps à corps je crois… Ca a toujours été son arme favorite, et elle l’a toujours bien servie. Mais la moitié des javelines que vous aviez étaient des javelines de lancer. La pointe n’est pas la même. Approchez vous donc ! Vous verrez rien de là ! Bien. Vous voyez la pointe ? Plus épaisse, plus solide, la hampe plus épaisse également, pour supporter les coups sans se briser. Vous pouvez lancer une javeline de corps à corps sans problème, mais gardez la en main. Et pour les gars ne sachant pas faire la différence entre deux pointes, vous voyez ce poinçon ? Tout ce qui sort d’ici est marqué : ça c’est le poinçon qui marque les armes de corps à corps, ça le poinçon pour les armes de lancer. Vu ? Bien. Alors maintenant la taille de la javeline. Toi là, approche. Lui il a une taille standard, il va prendre une javeline standard. Maintenant c’est simple, les plus grands, choisissez une javeline plus grande, les plus petits une plus petite. Servez-vous. Non, toi, prends plutôt celle-là. Toi celle-ci. Tu crois vraiment que tu vas réussir à manier ça toi ? Par l’enfer des fourneaux, l’est pas gâté le Vieux avec vous ! Bien, maintenant passons aux glaives. Il vous en faudra tous de toute façon… »

Après le choix des glaives vint celui des boucliers pour ceux qui avaient été désignés par l’instructeur pour se former à leur maniement. La séance à la forge se conclut par les questions portant sur l’entretien des armes et des pièces d’armure. Pour le maître forgeron et l’instructeur, il paraissait nécessaire que chacun des guerriers en formation sache entretenir tout le matériel qui lui a été confié, même si la sentence du vieux Garzok à chaque fin d’explication tombait comme un couperet : confiez dès que faire se pourra votre matériel à quelqu’un qui ne salopera pas le boulot. La dernière étape dans cette étuve souterraine fut la prise de mesures pour concevoir des cottes de maille à chacun ; cette tâche échût à un esclave humain très sûr dans son geste, probablement formé de longue date à cet exercice, mais qui fut tout de même un peu nerveux lorsqu’il dut s’emparer d’un escabeau pour prendre correctement les mensurations des trois Lykors, son habituel tabouret ne suffisant pas à atteindre leur cou.

Les rudiments du choix et de l’entretien des armes, le groupe nouvellement armé retourna à la salle d’entraînement où l’instructeur attendait. Les armes furent remises au râtelier, remplaçant les anciennes, chacun étant prié de se souvenir d’où se situait les siennes. Pour plus de prudence, Therion marqua du bout d’une griffe le manche de sa javeline d’une tête de loup esquissée en quelques traits, des fois qu’une autre recrue soit assez bête pour essayer d’échanger ses armes avec les siennes lors du prochain entraînement.

Discours sur les origines de la troupe et sa vocation

_________________
* * *




La faim chasse le loup du bois...


Dernière édition par Therion le Lun 29 Avr 2013 23:19, édité 1 fois.

Haut
 

 Sujet du message: Re: Les profondeurs
MessagePosté: Lun 29 Avr 2013 23:17 
Hors ligne
 Profil

Inscription: Dim 28 Avr 2013 12:48
Messages: 633
Localisation: Aliaénon - Andel'Ys
Leçon sur le choix et l'entretien des armes

Les trois mois d’instructions de Therion lui parurent passer plus rapidement que ceux qu’il avait vécu dans la forge de Galdrünk, à décharger des barres d’acier, transporter eau et charbon, faire le larbin dans cet établissement crasseux. Apprendre à se battre lui paraissait plus en phase avec sa nature profonde. Cependant il ne pouvait se faire à l’idée de tourner en rond dans une salle d’arme, à quelques pas seulement de son adversaire, dans un cercle si étroit qu’il aurait pu se coucher au sol, allonger les bras et ainsi marquer son diamètre. Le combat évoquait chez lui les affrontements pour les territoires de chasse. Mais à quoi bon toujours s’affronter si aucun territoire ne lui revenait à l’issue du duel ? Il ne tuait pas son adversaire, pas plus qu’il ne lui infligeait une blessure dont le souvenir le tiendrait éloigner des terres qu’il arpentait : l’instructeur l’interdisait sous peine de fouet. Et il n’avait pas de terres à parcourir. Pas de gibier à traquer. On lui servait des carcasses de viande plus ou moins fraîche en quantité suffisante, fort heureusement, à lui et aux autres bêtes bipèdes de la troupe, mais cela n’égalait en rien la saveur d’un gibier mis à mort par ses soins à l’issue d’une traque implacable. Il voulait à nouveau courir avec le vent dans le dos, appelant de ses pensées la bonté du Père pour que le gibier soit abondant, pour que la mère rende fertile le ventre des proies qui auraient survécu afin que l’année suivante les hardes soient toujours aussi étoffées. A Omyre il devait se résoudre à faire ses griffes sur des poutres, des étais ; aucune de ces surfaces n’avait le parfum des arbres sur lesquels il lui arrivait d’user ses armes naturelles, les effluves de la sève, de l’écorce vivante, tout particulièrement des résineux lui manquait. Il aurait également aimé trouver un torrent dans lequel laver sa fourrure, s’ébrouer et se sécher au soleil. Mais…

L’instruction avait vite fait de chasser la nostalgie, puisqu’il fallait faire de la quarantaine de recrues des guerriers à part entière, capables de marcher longtemps, de porter leur chargement sans broncher, de se battre seuls ou ensemble comme un seul membre. Quand ce n’était pas l’entraînement, les tâches ne manquaient pas dans la cité sombre, et l’instructeur ne manquait pas de mettre à contribution ses charmants petits bleus, comme il les appelait dans ses élans d’affection. Tours de garde sur les remparts, nettoyage des écuries, de certaines rues, des latrines, sans parler des affectations auprès de troupes déjà formées, plus expérimentées, pour faire office d’adversaire dans des simulations de duels ou de batailles plus conventionnelles. Les Lykors et les Worans étaient le plus souvent désignés pour ces derniers exercices, les premiers plus grands et plus forts que les Garzoks et les Sektegs, les seconds bien plus rapides : il s’agissait de varier les adversaires aux entraînements. Therion au contact de ces guerriers plus expérimentés affina sa technique de maniement du glaive et de la javeline ; si l’inégalité d’expérience jouait en sa défaveur et le contraignait à adopter des attitudes défensives, ou à lancer des attaques sans cesses repoussées, il ne manqua pas d’apprendre certaines choses, et de récolter nombre de plaies et de bleus, les exigences liées aux blessures entre camarades ayant des degrés d’application diverses dans l’armée noire.

Avec les deux autres Lykors il fut également catapulté professeur sur l’initiative de l’instructeur.

« Mon cul articule mieux qu’vous quand je pète, mais pour c’qui est d’causer avec vos dix doigts, vous aut’ les bestiaux z’êtes pas mauvais. Z’allez m’donner des cours, et avec de la bonne volonté ! Croyez-moi bleusailles, un guerrier qui parle quand l’ennemi est proche, c’est un guerrier mort ! Vous s’rez bien content d’pouvoir agiter vos dix saucisses dans un bois plein d’archers, d’elfes avec leur foutues grandes oreilles ! Alors vous allez apprendre ce que ces sacs à puces ont à vous apprendre ! Et j’vais montrer l’exemple ! Ca m’donne tout autant envie d’dégobiller que d’me faire enseigner par ces sacs à puces, mais ils savent et moi pas ! J’apprendrais d’un nain si y pouvait m’dire un truc pour qu’j’m’en sorte sur l’champ d’bataille ! Et si moi j’le fais, croyez moi, c’est qu’vous pouvez vous carrer vot’ fierté d’pucelle là où j’pense et suiv’ le pas ! Et pis même si j’le faisais pas, c’est un putain d’ordre que j’vous donne mes merdeux ! »

Ils n’étaient plus que trente à la fin, trente à passer la chemise de cuir et par-dessus la cotte de maille à leurs mesures, peinte aux armes d’Omyre ; trente à s’aligner ainsi équipés, leur glaive au fourreau, la javeline tenue dans une tentative d’uniformité du rang, le pavois au pied pour ceux qui en étaient dotés. Ils attendirent sans bouger puisqu’ils en avaient reçu l’ordre, et aucun n’aurait fait mine de montrer un signe d’impatience car tous reconnaissaient là une mesure exceptionnelle : l’instructeur n’avait de cesse de cracher son mépris pour les revues. Or, pour les participants à cette mise en scène, cela ressemblait diablement à une revue. Entra alors le Garzok qui avait racheté Therion à Galdrünk. Il se campa devant eux et débuta son discours, de sa diction claire, soignée pour sortir du lot crachant et grognant de ses semblables, associée à une voix forte, une voix de commandement.

« Vous voilà enfin prêts à entendre ce que j’ai à vous dire. Je suis venu tirer chacun d’entre vous de là où il se trouvait. J’ai entendu parler de vous, je vous ai vu, je vous ai jaugé. Je vous ai mis ici, entre de bonnes mains, pour essayer de faire de vous autre chose que de simples soldats. Des guerriers, certes, mais capable de plus que de marcher en rang pour aller se faire charcuter. Vous allez accomplir des missions difficiles, et cela ne m’étonnerait pas que certains d’entre vous meurent dès la première. Que les autres se rassurent, nous formerons ici des recrues pour remplacer ceux qui seront tombés.

Les plans que vos esprits faibles peuvent concevoir m’importent peu, et importent peu à ceux qui conçoivent des plans si vastes que vous ne pouvez même pas l’imaginer. Certains d’entre vous sont malins : tant mieux, ils survivront peut-être. Intelligents ? Je ne sais pas, et je m’en fiche. Vous n’êtes pas là pour penser mais pour vous battre. Je pense, votre officier qui relaiera mes ordres pensera également, sans-doute un peu moins, mais il pensera. Vous, vous obéirez, parce que c’est votre meilleure chance de survivre : je préfère de loin voir se former une troupe de vétérans, croyez moi.

Nous avons récemment subi une défaite au col de Luminion. Oh oui, une défaite, appelons les choses par leur nom. Qu’à cela ne tienne, nous ne sommes pas vaincus pour autant ! Nous avons pour nous la force de la Dame, la force de son armée, et cette force vous avez pu la constater chaque jour en arpentant les rues de cette cité, en montant sur les remparts. Nous pouvons écraser tous nos adversaires. Mais nous ne les écraserons que mieux s’ils croient la victoire incertaine et les dieux de notre côté. Nos espions nous ont rapporté que les chefs qu’ils ont capturés ont été exécutés en place publique dans leurs cités ! Peu importe qu’ils aient été tués au combat, vus des seuls guerriers ! Mais que la populace craintive derrière leurs murs voit nos guerriers se faire exécuter comme de vulgaires criminels, nous ne pouvons le tolérer !

J’ai échafaudé un plan, et sa réussite vous profitera tout autant qu’elle me profitera. Il est des artefacts dont les ménestrels et les histoires font grand cas, des armes de légende dont tous ont entendu le nom dans les contes et autres inventions destinées à nous distraire. Mais dans tout cela il y a un fond de vérité. De tels objets investis d’un grand pouvoir existent, on m’en a assuré. Certains ont été perdus il y a des siècles de cela. L’heure est venue de les mettre au jour à nouveau, et que la rumeur de leur retour courre sur ces terres. De terribles artefacts doivent revenir dans le giron de notre maîtresse, dans les mains de la grande armée ! Et des guerriers les brandiront sur les champs de bataille à l’avenir ! Vous en ferez peut-être partie, si vous prouvez votre valeur ! Nous bâtirons de nouvelles légendes ! Les nouvelles histoires se répandront par delà les collines, les forêts, les montagnes, et nos ennemis trembleront de peur en les entendant ! Êtes-vous prêt à vous faire les artisans de leur défaite ? »


Le hurlement que trente gorges poussèrent se répercuta contre la voûte de la salle d’arme, et dut être entendu dans de nombreuses galeries proches. La troupe entière se souda dans cette manifestation d’adhésion au plan de son nouveau maitre.

« Je vous offre chacun un médaillon à mes armes. Chacun saura que vous êtes mes guerriers, que vous suivez mes ordres. Je serai pour vous le Capitaine ! Vos exploits augmenteront ma renommée, et toute ma gloire rejaillira sur vous ! Peignez cet emblème avec le sang de vos ennemis sur les murs des villages que vous brûlerez ! Sur les cadavres qui se seront amoncelés devant vous ! Que tous vous craignent désormais ! »

Therion contempla le médaillon distribué par l’instructeur dont il avait passé la chaîne autour de son cou, sous le collier d’acier et ses pointes. Il s’agissait d’une représentation d’une tête de serpent en acier, les yeux et la langue grossièrement peints en rouge. Le même symbole ornait l’armure du capitaine, gravé dans l’acier et plus finement rehaussé de couleurs, au niveau du cœur.

(L’heure de la chasse est enfin venue…)

Vrugor, chef de la compagnie Serpent

_________________
* * *




La faim chasse le loup du bois...


Dernière édition par Therion le Ven 10 Mai 2013 02:44, édité 1 fois.

Haut
 

 Sujet du message: Re: Les profondeurs
MessagePosté: Ven 10 Mai 2013 02:43 
Hors ligne
 Profil

Inscription: Dim 28 Avr 2013 12:48
Messages: 633
Localisation: Aliaénon - Andel'Ys
Discours sur les origines de la troupe et sa vocation

« Debout les larves ! Debout les feignasses ! Z’avez fini d’pioncer ! J’veux un truc qui r’semble à un rang dans la minute, où j’vais vous faire tâter du fouet ! »

Les mois d’entrainement avaient fini par façonner les esprits de la troupe, du moins sommairement. Tous les soldats de la compagnie Serpent savaient qu’ils devaient se lever d’un bond, sans se soucier de leur tenue, et s’aligner du mieux qu’ils le pouvaient ; Therion ne faisait pas exception, il réagissait même un tantinet plus vite que certains Garzoks, mais s’en fichait comme de sa première tique : il n’avait pas l’esprit de compétition, pas au sens où les instructeurs auraient aimé le voir se développer. Encore dans les brumes du sommeil, les gestes mécaniques, il prit place aux côtés des deux Liykors, adoptant la formation qui était celle du groupe depuis sa formation : du plus grand au plus petit ; l’une des extrémités de la ligne lui revenait donc.

« Vous m’connaissez pas, mais z’allez apprendre à m’connaître. Ch’ui Vrugor, vot’ chef. Pas d’grade dans mon unité, z’êtes pas assez nombreux, z’êtes pas assez futés pour qu’y’en ait un pour diriger l’autre. Z’êtes tous pareil ! Et moi ch’ui vot’ chef ! Alors quand vous m’causez, vous m’app’lez chef ! Quand j’donne un ordre, z’obéissez ! Comme ça, on aura tout pour s’comprendre. »

Le chef passa devant le rang, exprimant sa désapprobation à coup de raclements de gorge, crachats, soupirs appuyés et reniflements méprisants. A ceux qui ne se tenaient pas droit, il distribua des coups de poing de sa main gantelée d’acier. De bonne stature, large d’épaule, taillé pour la guerre, Vrugor ne faisait pas le poids face aux trois Liykors, et les plus grands des Garzoks auraient pu lui mettre une correction sans peine s’il n’avait pas eu de son côté l’expérience, la rouerie, la hargne. Méchant mais pas stupide, il s’abstint de brutaliser les éléments dont il aurait eu de la peine à faire façon. Raide dans son armure de plaque sombre, bosselée et éraflée par les combats, le casque coincé sous le bras gauche, il faisait les cents pas devant ses troupes tout en reprenant son discours.

« Le Capitaine m’a mis au courant d’not’ mission. J’ai pas les détails, mais on va s’trainer un putain d’mage, ou un truc comme ça, un humain qui sait lire et qu’a à voir avec les Dieux sombres. Va nous guider, s’charger d’tout l’côté in-té-lec-tuel… Y s’ra la tête, vous s’rez les bras ! Et moi j’s’rai c’qu’y entre ! Quoi qu’y dise, z’obéissez qu’à moi ! Si y vous m’nace, vous bougez pas, pa’c’que si vous en r’venez d’ses m’naces, c’est moi qui vais vous faire passer l’goût d’la vie ! Vous r’muez pas un orteil sur ses ordres, mais quand j’vous cause, z’avez intérêt à obéir fissa ! C’est bien clair ! »

« C’EST TRES CLAIR CHEF ! »

Les trente beuglèrent d’une voix : quoi qu’ils pensent de leur chef, de l’affaire, ils donnèrent la réponse qu’on attendait d’eux.

(Comme une chasse… Comme les réunions de la lune pleine… Mais ce n’est pas ainsi que le Père veut que les prédateurs chassent… Ce n’est pas ainsi… S’il faut un chef, le plus fort prend la tête de la meute, et peut le défier qui veut… Mais on ne défie pas les chefs ici… On ne les défie pas… On obéit parce qu’on a dit que c’était le chef… Ce n’est pas grave… Nous allons quitter cette ville puante… Bientôt je chasserai des proies, je sentirai leur vie s’en aller sous mes crocs, je goûterai à leur sang et à leur chair encore tiède… Bientôt…)

« Z’allez préparer vot’ paqu’tage, z’allez prendre vos armes, vos armures, vos sacs et vous rendre à la porte ! J’vous attendrai là avec c’qui faudra pour l’voyage. J’vous donne jusqu’à la sonnerie d’la r’lève d’la garde ! Le fouet pour les trainards ! Ben qu’est-c’que z’attendez ?! BOUGEZ-VOUS L’FION ! »

Pas mécontent de sortir enfin de ces souterrains où la compagnie est cantonnée, Therion fourre dans la besace de cuir qu’on lui a fourni ses deux couvertures, un quartier de viande séchée, son couteau à dépecer, un pantalon et une chemise de cuir de rechange : ses seuls effets, fournis par l’intendance de l’armée d’Omyre, hormis le couteau qu’il avait gardé de son séjour à la forge. Comme esclave, il ne reçoit pas de solde, contrairement aux autres, et ne peut donc rien s’acheter, ce qui ne lui manque pas : à quoi bon posséder des babioles, des colifichets ? Dans les marais, il n’avait rien de tout ça, et aucun des enfants du Père n’en a jamais eu besoin.

Les Garzoks échangèrent sur la mission, se perdirent en conjectures tandis qu’ils se préparaient, échangèrent plaisanteries, moqueries et partirent dans des rires gras à plusieurs occasions. Les deux Shaakts ne se mélangeaient pas aux autres, les Worans restaient ensembles, et les Liykors continuaient à adopter leur mode de vie solitaire qui ne les poussait pas à se réunir, même pour faire nombre face aux autres races. Par habitude, pour ne pas prendre le risque de se voir sanctionner, tous s’attendaient, et ce furent les trente qui se mirent en route pour les portes d’Omyre, à travers le réseau de galeries tout d’abord, puis dans les ruelles crasseuses. Un petit froid hivernal faisait frissonner les plus sensibles, mais Therion le trouvait revigorant, protégé qu’il était par sa fourrure : la majorité des membres de la troupe avaient dépensé une partie de leur solde pour se procurer des vêtements adaptés aux rigueurs de la saison, lorsqu’ils n’avaient pas conservé ceux de l’année précédente. Pas les Liykors.

En route vers ailleurs...

_________________
* * *




La faim chasse le loup du bois...


Haut
 

 Sujet du message: Re: Les profondeurs
MessagePosté: Sam 2 Nov 2013 17:18 
Hors ligne
 Profil

Inscription: Dim 28 Avr 2013 12:48
Messages: 633
Localisation: Aliaénon - Andel'Ys
Un passage chez Galdrünk (suite)

La routine de la vie de caserne reprenait ses droits dans les souterrains sombres et humides d’Omyre. Deux jours séparaient Therion de son retour à la cité, et à chaque lever il ne pouvait s’empêcher de penser à la caverne dans la crique, aux murs suintants, au vent qui sifflait dans les conduits les plus étroits, à mesure que se rapprochait l’heure du coucher croissait son désir de repartir en mission, pour passer ses nuits au grand air, même si celui-ci s’avérait glacial compte tenu de l’hiver approchant. Pas moyen d’obtenir une nuit de garde sur les remparts : ni Vrugor ni le Capitaine ne s’étaient adressés directement aux soldats de la Compagnie du Serpent Noir, mais leur ordres étaient quand même parvenus à leur subordonnés, et l’un d’eux concernait spécifiquement le Liykor, et lui imposait de rester dans ses quartiers tant qu’il était en possession de la Lame Sombre. Avec ce confinement allait toute une farandole de tâches ingrates, de récurer les sols à changer les paillasses, sans parler le nettoyage des lieux d’aisance - des trous creusés dans la pierre menant à des tunnels abandonnés que traversaient de mince cours d’eau grossis les jours de fortes précipitations, des locaux puant la merdre et l’urine qui agressaient l’odorat développé de Therion. Tout cela pour tenir en sécurité un artefact dont il ignorait la valeur exact aux yeux de ses maîtres, mais dont il sentait d’heures en heures que la propriété lui revenait légitimement : voilà à quoi l’enfermement le conduisant, à penser. Penser trop et ruminer sa rage. Il devait sortir, courir, délasser ses muscles, leur faire sentir l’effort, éprouver la tension dans une tâche physique harassante. Ne serait-ce qu’une simple course à travers les rues, pour sentir un air qui n’ait pas traversé des dizaines de salles et de boyaux, qui n’ait pas été respiré par d’autres, souillés par tout ce qu’il caressait ; du haut des tours, Therion pouvait, malgré les remugles de la cité sombre, percevoir l’odeur salée et âcre des marais, mais pourtant tellement plus familière que les émanations de toutes les déjections que pouvaient produire des races qui se pensaient supérieures aux enfants du Père et de la Mère.

Le Liykor, toute fierté ravalée mais bouillante dans ses tripes, au troisième jour était chargé de graisser tout un lot de cottes de mailles toutes droit sorties des forges de la cité, non pas de ces quelques échoppes qui à la manière de celles de Galdrünk fournissaient du matériel contre monnaies, mais les vastes salles, presque des manufactures, qui fournissaient un matériel standard pour soutenir l’effort de guerre d’Oaxaca. Occupé à cette tâche qui le répugnait d’autant plus qu’il ne s’agissait pas d’une bonne graisse animale fraiche à se lécher les pattes une fois l’ouvrage fini, Therion accueillit avec un grognement hargneux le Sekteg qui déboula en courant dans la pièce commune dévolue aux Serpents Noirs.

Bien plus petit qu’un Garzok, un moucheron aux yeux du Liykor, il portait un uniforme constitué d’une chemise de laine grossière qui avait dû être d’une couleur déterminée par le passé, d’une armure de cuir bouilli clouté, marquée d’un emblème inconnu à l’humanoïde lupin, d’un pantalon de même facture que la chemise, et d’une paire de bottes ferrées qui avaient connu des jours meilleurs. Seul élément un tant soit peu menaçant du personnage, un cimeterre denté se balançait à sa ceinture.

« T’es Therion ? »

« Qu’est-ce que tu veux ? »

« Faut venir vite ! Les Serpents Noirs ! Y sont coincés dans une bagarre, avec d’aut’ gars ! Vrugor y dit qu’y faut v’nir en renfort ! Tout d’suite ! Avec l’épée ! »

« Où ça ? »

« Au Rat Putride ! Suis-moi ! »

Le temps de passer sa propre cotte de maille, encore marquée du sceau sanglant de la tête de mort, de sangler correctement le fourreau de la Lame Sombre autour de sa taille et de vérifier que l’arme glissait sans heurt dans la gaine, il était sur les talons du Sekteg qui trépignait d’impatience. Therion lui trouvait une attitude bizarre, qu’il mettait sur le compte de la crainte. Après tout n’était-il pas un des êtres les plus impressionnants que ce nabot avait pu rencontrer dans la cité ?

Traquenard

_________________
* * *




La faim chasse le loup du bois...


Haut
 

 Sujet du message: Re: Les profondeurs
MessagePosté: Sam 23 Nov 2013 02:20 
Hors ligne
 Profil

Inscription: Dim 28 Avr 2013 12:48
Messages: 633
Localisation: Aliaénon - Andel'Ys
Récupérer ses biens

Le retour aux quartiers de la compagnie du Serpent Noir s’était déroulé sans encombre. Cependant Therion avait remarqué que trois Sektegs se relayaient pour les pister dans les rues puis dans les tunnels, malgré la tentative pour les semer en passant par des voies de traverse. Un instant Vrugor crut apercevoir un emblème semblable à celui de la compagnie belliqueuse de la taverne mais, l’obscurité favorisant le pisteur, il ne pouvait être sûr, aussi se contenta-t-il d’ordonner à ses subordonnés de serrer un peu plus les rangs.

« J’vais avertir le Capitaine, y’a que’qu’chose d’pas net là d’sous… Qu’tout l’monde reste sur ses gardes, on pionce pas, on s’laisse pas aller, j’sais pas s’y seraient assez cons pour v’nir nous chercher ici mais… Mais on sait jamais… Deux gardes à chaque entrée, z’ouvrez pas les portes. Le premier qui voit que’qu’chose, y gueule ! »

Dans la grotte la plus large et la plus haute qui faisait office de salle d’entraînement la tension était à son comble : les Garzoks commençaient à comprendre qu’on ne s’en était pas pris à Therion, et par là même à toute la Compagnie du Serpent Noir, sans raison ; les Shaakts restaient eux aussi sur leurs gardes, trop conscients qu’ils ne suscitaient guère l’approbation parmi la race majoritaire dans la ville, et qu’en cas d’affrontement ils feraient des cibles de choix ; les deux Liykors jugèrent plus prudent de se ranger du côté de Therion puisque celui-ci avait démontré sa force et par là même son droit à diriger la meute : droit qu’ils auraient pu lui contester à condition de le défier, chose impensable tant qu’il demeurait auréolé du prestige de sa victoire. Et les deux armes avec lesquelles il effectuait les mouvements d’échauffement faisaient forte impression sur ses congénères : la hache et l’épée, également noire et également redoutables, fendaient l’air avec des sifflements menaçants, d’autant plus mortels que le sang du Liykor noir charriait dans les bras qui les maniaient toute la puissance développée dans le précédent combat : la bête s’était éveillée dans l’être pensant et rugissait son envie de chasser et chasser encore.

(Je dois rester calme et concentré… La chasse pour la chasse n’amène rien de bon, voilà une chose que tout Enfant du Père et de la Mère sait… L’heure de la chasse est l’heure de la faim, pas l’heure de la mort… J’ai tué… J’ai encore faim… Et le Garzok n’est pas la viande que je préfère… L’humain est de loin meilleur…)

Lorsque Vrugor revint à sa compagnie, Therion dévorait sa ration de viande, accompagnée d’un petit supplément, rapport aux quelques yus glissés dans la poche du tablier de l’intendant. De la Compagnie.

« Therion. L’Capitaine veut t’voir… »

Le Liykor noir leva le museau de son repas pour fixer son supérieur, légèrement surpris. S’il y avait bien une chose qu’il avait apprise lors de son séjour dans la cité noire, c’était que les plus hauts gradés de l’armée d’Oaxaca n’avaient que faire de la piétaille. La deuxième chose plus importante était que l’obéissance rapide à un ordre pouvait être une bonne alternative à une punition, châtiment corporel ou corvée. Aussi se dirigea-t-il promptement vers la petite grotte qui servait de mess des officiers, non sans avoir englouti avant de se lever deux grosses bouchées du cuissot de cerf légèrement faisandé qu’il avait entamé.

« Ah… Alors c’est toi, le fameux Liykor. »

« … »

« Tu parles notre langue. »

« Oui… Capitaine… »

« C’est donc toi qui a récupéré la Lame, n’est-ce pas. »

« Oui… Capitaine… »

« Bien. J’ai entendu dire qu’on ne pouvait la toucher sans être… blessé. Magiquement. Malheureusement ni Dreanar ni les mages plus versés dans les arts obscurs n’ont pu arrêter une solution. Certaines théories affirment que te tuer conduirait à faire disparaître cette arme mythique. Ce qui me pose un léger problème. Il se trouve que je suis en concurrence avec un de mes pairs sur bien des points. Ca pourrait ne pas être gênant s’il ne s’agissait que d’or, d’esclaves, d’armes et de femmes… Mais lorsque cela concerne mes missions et ma Compagnie… Ce sont ses soldats qui ont essayé de te tuer avec… eh bien, heureusement pour nous, peu de succès ! Mais tu ne seras pas en sécurité à Omyre, et la Lame Sombre non plus, tant que je n’aurai pas organisé une riposte adaptée et consolidé mes positions… En attendant, hors de question que la Compagnie du Serpent noir soit inutile : vous allez vous rendre dans les terres au Nord d’Oranan, puis descendre vers le Sud et rappeler aux humains qu’ils doivent craindre d’autant plus nos forces que l’hiver approche et que les nuits se font plus longues et plus sombres… »

Le salut est dans la fuite en avant

_________________
* * *




La faim chasse le loup du bois...


Haut
 

 Sujet du message: Re: Les profondeurs
MessagePosté: Sam 1 Aoû 2015 21:13 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Mar 20 Avr 2010 21:13
Messages: 12983
Localisation: Derrière Cromax
[:attention:] Gore [:attention:]


Les profondeurs. Hrist avait été plongée à la suite d'un effondrement dans les profondeurs de la terre, les entrailles d'Omyre à la fois anciennes et spectrales. Inconsciente, son corps gisait dans les décombres, couverte de la poussière que sa chute avait soulevé. Il n'y avait pas d'issue, la chute des gravas avait provoqué un autre éboulement plus profond qui avait bloqué la sortie et quand bien même, celle-ci était si haute et lointaine qu'il lui aurait été impossible d'en distinguer la lumière du ciel.

Non loin d'elle, un gobelin mal en point et un assassin Shaakt dont les jambes étaient coincées sous des poutrelles. Ses deux agresseurs emportés dans la chute étaient eux aussi plongés dans un évanouissement total.

Hrist ouvrit un oeil. La poussière faisait pleurer ses yeux et elle essaya de soulever son corps avant de ressentir une douleur cinglante traverser son bras. Un de ses doigt avait une drôle de forme, l'index de la main gauche partait vers l'arrière, le type de blessure que l'on pouvait facilement se faire en cas de chute. Elle s'adossa à un tas de décombres et en prenant une grande respiration, glissa son doigt blessé dans la main droite et tira un coup sec pour le remettre en place.

Elle gémit de douleur et resta pétrifiée sur place, à observer les lieux alentours autant que possible, la noirceur était si profonde que même ses yeux ne parvenaient pas à en déceler tous les détails.

Malgré cet handicap, ses oreilles fonctionnaient encore, un bruit se fit entendre, ou plutôt un raclement et il ne ressemblait en rien à une chute de pierre ou un autre éboulement, non il s'agissait là plutôt d'un frottement métallique sur le sol de pierre. Un ombre pâle et maladroite approchait du Shaakt juste en face d'elle. Le gobelin choisit ce moment pour se relever et poussa un râle profond et rauque. Hrist lui agrippa l'épaule alors qu'il n'était pas encore sur ses jambes et le colla contre elle, la main contre la bouche. Il tenta de se débattre un court instant mais lorsqu'il vit ce que la femme gardait à l'oeil, il se pétrifia à son tour.

L'ombre blanche était à portée de vue, elle se distinguait nettement du reste. Il s'agissait là d'une créature bipède si maigre qu'on pu distinguer l'intégralité de son ossature. Le corps était couvert de cicatrices et la tueuse vit avec horreur que ses extrémités qui semblaient jusque là être proches des humains sur l'aspect anatomique étaient en réalité dotés d'ongles si longs et épais qu'ils évoquaient des serres. La chose pencha sa tête sur le corps du Shaakt qui venait de reprendre connaissance. La bête n'avait pas d'yeux visibles mais de longues oreilles qui devaient combler ce handicap, les orbites s'étaient rebouchées à la suite d'une longue série de générations dans les ténèbres.

Le Shaakt essaya de relever la tête mais entendant qu'il bougea, la bête poussa un cri strident et, attrapant la première pierre à portée de main, lui écrasa le crâne. La créature continuait de taper le corps déjà inerte à grand renfort de roc jusqu'à ce que la pierre ne rencontrait plus qu'une purée informe où se mêlaient os et sang.

La chose mangeait. Elle écrasa les membres et récupérait la chair en bouillie pour la porter à sa bouche avant de l'avaler en long lambeaux et de déglutir avec des bruits qui répugneraient un cannibale.

Hrist serra davantage sa main sur la bouche du gobelin et se mordit la lèvre pour éviter de faire du bruit. Elle tremblait. Impossible de retrouver son arme et le gobelin ne ferait peut-être pas le poids contre la chose, de plus, s'ils venaient à faire du bruit ça en attirerait peut-être d'autres. Elle ne pouvait se permettre un tel risque. Il fallait attendre que la créature finisse son repas et ne quitte les lieux. Le Shaakt ne bougeait plus depuis un bon moment et la bête mangeait directement la bouche sur le cadavre, usant de ses griffes pour soulever le cuir de l'armure ou déplacer un os fracassé.

Hrist craint de déglutir et que la chose ne l'entendre, le gobelin quant à lui venait de s'évanouir aussi, il ne risquait plus de faire de bruit. La femme maintenant tout de même la pression pour éviter que celui-ci n'émette le moindre son en se laissant tomber inerte.

Lorsque la créature de l'ombre eut terminé son festin, elle quitta les lieux par un trou dans le mur, dévoilant ses talents d'acrobates car si son petit corps maigrelet s'avérait peu élégant à la marche debout, il l'était bien plus quand il s'agissait d'escalader une paroi lisse à l'aide de tous ses membres.

Elle lâcha le gobelin et après avoir attendu quelques minutes qui furent aussi longues que des heures, elle vomit tout ce qu'elle avait dans le ventre.

_________________
La petite ombre de la Mort à Elysian.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
Au milieu des cercueils,
Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


Némésis d'Heartless


Haut
 

 Sujet du message: Re: Les profondeurs
MessagePosté: Lun 3 Aoû 2015 04:35 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Mar 20 Avr 2010 21:13
Messages: 12983
Localisation: Derrière Cromax
Aucun bruit. C'est ce que la femme attendait depuis maintenant trop longtemps. L'odeur de sa propre bile déversée à ses pieds lui montait au nez, elle se redressa aussi doucement et silencieusement que possible, toute meurtrie et engourdie qu'elle était de cette violente chute. Sa main la faisait encore souffrir mais c'était un fardeau bien plus supportable que ce que le destin avait réservé au Shaakt. La bête avait dévoré ses épaules et une partie de ce qui se trouvait dans son crâne. A en juger par les traces de sang partout et les lambeaux qu'on retrouvait dispersés derrière un sillage pourpre, la bête avait également emporté un morceau.

Hrist se pencha sur la dépouille, de toutes façons, il n'aurait pas pu aller bien loin, ses jambes avaient été piégées sous un débris et s'étaient très probablement brisées. Hrist inspecta sa tenue, elle avait toujours ses gants, la robe des Sylphes avait parfaitement résisté à la chute mis à part de la poussière incrustée partout, elle s'en sortait drôlement bien. Lui manquait juste son arme mais elle compensa cette perte en récupérant la dague de l'assassin Shaakt qu'elle dissimula dans sa botte.

Le gobelin était toujours évanoui. Cette petite nature était vraiment celle qui effrayait Fiori ? C'était surprenant. Toutefois, cette mission confiée par le passeur visant à tuer le gobelin allait attendre. Hrist était prête à lui offrir un sursis mais ne croyait pas entièrement en la raison et délicatement, dénoua la ceinture du gobelin et confisqua ses armes avant de s'occuper un peu de son entourage.

Les murs étaient trop géométriques pour être naturels. Cette chambre de pierre avait été taillée par une main, elfique, humaine ou autre, c'était une certitude. La pièce était carrée, éboulée en deux coins, là où la créature était apparue et avait disparu et l'éboulement par lequel les trois malheureux avaient chût.

On pouvait y distinguer des gravures ornementales dans plusieurs coins que le temps n'avait pas entièrement ravagé. Restait même un semblant de mobilier antique contenant quelques ouvrages dont la grosse couverture de cuir avait craquelé et verdit. Ses yeux s'accoutumaient doucement aux ténèbres. Elle récupéra un vieil ouvrage qui semblait avoir été épargné par l'humidité et les âges. De nombreuses pages glissèrent hors du cuir de la reliure pour s'échouer à terre ou tombaient même en confettis, rongés par des parasites. Seul un passage resta entre les doigts de la femme :

Hurle à travers toute la ville, à travers maints hurlements,
Hurle mort, ils sont tous morts!

Elle excerce son reigne sur une cité d'esclaves,
Car l'homme est l'animal le plus terrible.
Les guerres nous ensauvagent et -
Je le sais - en cédant au coeur noir de la nuit,
Nous abandonnons la loi commune.

Ta vie sous la lance et l'âme sur l'épée ;
Les traits de la fortune sont cruels.

Filaments de nuit éternelle
Dérobés à la ligne du temps,
Les vents brûlent les corps,
Effaçant toute trace,
Tout symbole et
Toute alliance.

Mais le froid n'éteindra pas les bûchers.


La femme posa le livre à ses pieds et, silencieuse comme une ombre, essaya de glisser un regard par là où la bête venait de s'échapper mais elle était trop petite pour y distinguer quoique ce soit. Il lui restait pour tout échappatoire une fente donnant vers une autre chambre circulaire. Elle ne comprit pas tout de suite l'ampleur de ce qui se dressait devant ses yeux. Elle resta bouche bée et observa attentivement les gravures, les formes et les reliefs.

Rien de commun. Tout était de la main des vivants à même la roche brute comme si des nains avaient creusé eux même les tréfonds d'Omyre. La chambre circulaire donnait sur un escalier en colimaçon qui longeait ses murs, allant en haut ou en bas.

Hrist hésita un instant mais préféra effectivement s'accompagner du gobelin, estimant qu'elle aurait plus de chance de s'en tirer avec un garde du corps, d'autant plus que ses talents de tueuse lui seraient parfaitement inutiles à cause de cette satanée malédiction.

" Bon... Encore une aventure qui promet d'être joviale."

_________________
La petite ombre de la Mort à Elysian.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
Au milieu des cercueils,
Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


Némésis d'Heartless


Haut
 

 Sujet du message: Re: Les profondeurs
MessagePosté: Mar 4 Aoû 2015 04:21 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Mar 20 Avr 2010 21:13
Messages: 12983
Localisation: Derrière Cromax
Lorsque Rastaganarak se réveilla enfin, Hrist et lui entrèrent en conflit immédiat pour que la femme lui rende ses armes. Obstinée, la tueuse refusa tout en bloc, elle était prête à mettre sa sécurité en jeu pour éviter de se prendre un coup de lame dans le dos, du moins, c'est ce qu'elle voulait faire croire au gobelin.

La tueuse avait assez d'expérience pour sentir quand une situation tournait mal. Celle-ci sentait plutôt mauvais, elle devait s'assurer d'avoir le soutien du gobelin. Aussi piètre combattant qu'il pouvait être, la femme avait besoin d'une aide. A son tour, le gobelin refusa et nia tout en bloc, lorsque les voix s'échauffèrent un peu trop, Hrist n'eut qu'à prétendre avoir entendu un bruit suspect, affirmant que son ouïe était bien supérieure à celle des Sektegs. Tremblant et suant, la petite créature verdâtre se pétrifiait à chacune des mises en garde de la tueuse où tous deux, restèrent silencieux. Bien sûr, il n'y avait plus de nouvelle de la bête des profondeurs depuis qu'elle s'était échappée par la cavité.

" Alors... J'accepte de te céder une arme à condition seulement d'entendre cette chose approcher de trop près. Il nous faut remonter à la surface au plus vite et le plus silencieusement possible. Retire toutes ces saloperies qui pendent à ton cou et à ta ceintures. "

Le gobelin se renfrogna et exprima son désaccord :
" Et si elle s'fait saigner ?? J'vais m'débrouiller comment ? C'vrai qu'elle ferait un bon gigot, de la bonne viande tendre pour l'hiver ! "

La femme eut une sensation de malaise. De toutes les morts qu'elle avait vu de près, celle de finir dévorée dans les profondeurs d'Omyre par une créature albinos, aveugle et probablement très ancienne n'était pas celle qui avait le plus de charme. La façon dont le gobelin la regardait non plus. Elle comprit doucement que le gobelin avait plus de points communs avec la bête des profondeurs qu'il n'en avait avec elle. Aussi, son allié n'était pas fiable et elle espérait ne pas avoir à choisir dans un moment critique si elle devait continuer à lui accorder une confiance aussi précaire. Elle s'en mordait la lèvre. Pour lui, elle n'était pas un soutien mais un repas.

" Sinon, je peux aussi jeter tes armes du haut de cet escalier et te laisser tenter ta chance en bas. En attendant, j'aurai le temps de tenter la mienne par en haut et peut-être de m'en tirer avant toi. "

Elle renifla doucement et s'approcha du gobelin à pas feutré, penchant doucement son visage presque contre le sien jusqu'à sentir son souffle chaud sur son visage.
" Peut-être que ces cavernes renferment bien pire, libre à toi de les découvrir seul. Moi en tout cas, j'avance par en haut. "

La tueuse recula et s'engagea dans les escaliers glissants aux marches irrégulières et arrondies par les années. Le mur sur lequel elle essayait de prendre appui comme pour se prémunir d'une chute mortelle ne lui fut d'aucune utilité, poreux et couvert de mousse glissante et gorgée d'humidité, elle fit alors l'ascension dans une lenteur chirurgicale, inspectant soigneusement chacune des marches sur lesquelles elle déposait la botte avant de quitter la précédente. Le prochain palier n'était qu'un tas de décombres dont la seule issue prenait la forme d'un immense vase de fontaine aux reflets de bronze qui avait été emporté dans un éboulement. Ainsi couché, il formait sous les gravats un tunnel de fortune nécessaire puisque la montée s'arrêtait là. Hrist vit une lumière hypnotique derrière le gros vase. Doucement, elle s'y agenouilla et se mit à y ramper, couvrant au passage ses cheveux de toile d'araignée chargée de poussière. Derrière elle, un bruit, tournant la tête dans la promiscuité de son tunnel, elle attendit en retenant son souffle jusqu'à voir l'infâme figure du gobelin se distinguer du reste.

Rassurée, elle soupira avant de jeter froidement :
" Comme quoi... "

En sortant du vase de pierre et de bronze antique, la femme se redressa silencieusement et épousseta ses cheveux et le bout de son nez. Lorsqu'elle prit enfin conscience de ce qui l'entourait, elle resta silencieuse et admirative. La lueur verdâtre était issue de champignons phosphorescents incrustés partout, sur le sol, les murs et le plafond. Il y en avait même sur les sculptures d'anciens personnages donnant à leurs visages un aspect pieu de fantomatique. Leurs yeux de pierre fixés dans le néant, ils témoignaient de la splendeur d'un passé radieux.

_________________
La petite ombre de la Mort à Elysian.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
Au milieu des cercueils,
Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


Némésis d'Heartless


Haut
 

 Sujet du message: Re: Les profondeurs
MessagePosté: Mer 5 Aoû 2015 01:06 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Mar 20 Avr 2010 21:13
Messages: 12983
Localisation: Derrière Cromax
Hrist contemplait l'immensité des lieux tandis que le gobelin visiblement immunisé contre l'émerveillement fouinait dans des vestiges de meubles et d'amphores scellées pour essayer d'y dénicher un trésor.

La femme en oublia presque le danger latent que renfermait ces grottes et les créatures odieuses et infernales qui gisaient dans la noirceur insondable des lieux. Ce qui était le plus fascinant, elle le vit en s'approchant davantage des sculptures et réalisa qu'il s'agissait là d'un temple antique. Les figures et les ornements, bien que primitifs et trop complexes à déchiffrer pour elle, semblaient avoir une dimension sacrée. Les immenses statues au visage pieu et fier au centre d'un cercle taillé à même le sol aujourd'hui couvert de mousse et de parasites.

Hrist arracha dans un craquement sinistre un peu des champignons luisants qui avaient poussés sur le visage blême d'une femme de pierre qui, les yeux clos et un sourire au bord des lèvres, avait bercé un enfant de marbre pendant des lustres.
" Tu ne trouves pas ça étonnant ? Qu'aujourd'hui je retire de la mousse et de la saleté sur ces statues autrefois vénérées ? "

Rastaganarak avait littéralement glissé dans une amphore massive, seule dépassait sa paire de jambe qui s'agitait en l'air tandis que le reste de son corps était plongé à ramasser on ne savait quoi. Il répondit par un écho étonné.

" Non mais regarde tout ça... Un temple antique. Sous Omyre. Probablement érigé par les Elfes à la gloire d'anciens Dieux. Je me demande s'ils représentent encore quelque chose aujourd'hui. "

Le gobelin s'extirpa de son butin avec des pièces d'or couvertes de mousse et de crasse. Trop occupé à inspecter son trésor, le gobelin se fichait éperdument des anciens Dieux.
Hrist poussa un soupire las. Elle aurait préféré découvrir ce lieu en d'autre termes et avec une toute autre compagnie. Sa soif de connaissances ne serait jamais satisfaite avec si piètre compagnon d'infortune, elle se tourna alors vers Cèles sa Faera.

( Un temple si grand... )
( La Grandeur n'est pas à l'abri de l'oubli. Regarde un peu tous ces anciens dessins. Surtout celui-ci, avec ses sabots et des cornes et sa virilité d'âne. Jamais entendu causer de lui.)
( Peut-être sous forme maléfique, mais en tout cas, je n'ai jamais lu ou vu quoique ce soit de semblable. )
( C'est le jeu des âges. Et des Religions. Les anciens Dieux cèdent la place aux nouveaux, et ceux dont la nouvelle Religion n'arrive pas à se débarrasser, elle en fait des monstres)
( Tu crois que c'est ce qui nous attends ? Devenir des monstres ? )

Mais Cèles ne répondit pas. Plus haut, un glissement de pierre se fit entendre et probablement attirée par le bruit qu'avaient fait les deux survivants, une créature des profondeurs tomba aux pieds de la statue que Hrist observait. Le gobelin, n'écoutant que son courage s'enfuit dans la première amphore. Mais pour Hrist, elle s'immobilisa jusqu'à devenir elle même une statue. Retenant son souffle même si son corps palpitait de plus en plus vite. Cette créature était différente, elle n'avait pas les membres ensanglantés comme lors de la première fois, c'en était une autre et elle semblait plus massive. Ses os roulaient sous une peau fine et chacun de ses muscles ondulait lorsqu'elle exerça un semblant de marche, tantôt bipède tantôt animal, la chose approcha de Hrist, humant l'air et tournant sa tête dans tous les sens comme pour percevoir l'essence même de ce qui lui parvenait aux narines.

( C'était... humain. Ou Elfique... Elle m'approche et mon arme est dans ma botte... )
( Ne bouge pas. Si tu te baisses, elle risque de l'entendre et de te transformer en confiotte comme l'assassin.)

Sa respiration lui brûlait la poitrine, son coeur battait si fort qu'elle avait l'impression d'être au milieu d'un concert de tambours. Un immense frisson traversa son dos lorsque du bout de ce qui fut autrefois son nez, la bête venait de lui frôler la main. La créature sentait ses doigts en poussant un reniflement de plus en plus hardi jusqu'à même sautiller sur place. Comme l'autre, elle était dotée de serres noircies et épaisses qu'elle utilisait pour gratter la chair et s'accrocher aux parois de la grotte.

( Je crois qu'elle renifle ta main à cause des champignons que tu viens d'arracher... Essaie de les lui donner ? )

Hrist avait en effet gardé une tête de champignon luisant pour les confier à Katalina à son retour afin qu'elle puisse déterminer s'il serait utile à l'une de ses préparations. Comme quoi, elle avait été positive quant à ses chances de survie sans trop s'en rendre compte, elle qui avait glissé ça sous sa cape plus par réflexes que par réel désir de le garder.

De la sueur perlait le long de sa nuque et sur son front. Sans faire de bruit ni de mouvement brusque qui pourrait faire perdre le calme animal de cette chose qui reniflait devant elle, Hrist tira le champignon qui brusquement glissa de sa main moite et tomba à terre dans un bruit mat.

La bête hurla et se rua sur Hrist, grimpant sur elle avec une agilité inouïe, taillant une entaille le long de son avant bras gauche avant de la renverser. La chose hurla un cri strident qui lui fit tourner la tête, ses tympans en devinrent douloureux et sa capacité auditive à l'oreille droite semblait affaiblie.


La chose lâcha prise et recula brusquement avant que la tueuse ne puisse faire quoique ce soit, elle souleva un nuage de poussière en cherchant à tâtons le champignon perdu et disparu avec le butin par là où elle était tombée.

Hrist n'avait pas encore compris ce qui venait de lui arriver qu'elle se dirigeait déjà vers l'amphore du gobelin avec la ferme intention de le dérouiller. Chose qu'elle fit lorsque celui-ci passa innocemment la tête hors du récipient avec une mine surprise. Elle lui envoya une claque du revers de la main si forte qu'elle lui aurait dévissé la tête. Le geste valu une nouvelle décharge à la femme qu'elle dissimula pour le mieux, accrochant la gorge du Sekteg apeuré.

" La prochaine fois que tu fuis... "

_________________
La petite ombre de la Mort à Elysian.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
Au milieu des cercueils,
Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


Némésis d'Heartless


Haut
 

 Sujet du message: Re: Les profondeurs
MessagePosté: Sam 22 Aoû 2015 03:02 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Mar 20 Avr 2010 21:13
Messages: 12983
Localisation: Derrière Cromax
Suite à sa dérouillée par la tueuse, Rastaganarak vexé s'était hissé hors de son récipient et dans sa maladresse, l'avait renversé à terre. En se brisant, il fit résonner dans toute la cavité un écho de fracas qui ne manquerait pas d'attirer d'autres créatures et lui valu dans le même mouvement un regard très mauvais de la part de la femme.

Tous deux restèrent immobiles et silencieux à guetter le moindre bruit, le moindre son qui pourrait les avertir de l'arrivée d'une de ces créatures de l'ombre. Les instants passés se firent dans un silence de mort. Rien, pas même le souffle d'un courant d'air au travers d'une des nombreuses cavités qui grêlaient la roche de ce temple ancien.

Hrist repéra une sortie qui semblait adéquate car à l'opposée de la fente où la chose avait jaillit de nul part.

(" Il va m'attirer des trombes de soucis. Je devrais l'assommer et le laisser sur place. ")
(" Tu risques gros à traverser ces tunnels sans personne. De plus, en cas de problème, il pourra peut-être se montrer... Mouais. Enfin, non. Sauf si la sortie se trouve dans le cul d'une amphore, il est à chier. Tu es bel et bien dans la merde. Noire. Jusqu'au cou. Alors évite de boire la tasse. ")

Se mordant les lèvres et rongeant chaque bout de peau sur le bout de ses doigts, elle traversa accompagné du Gobelin boudeur les tunnels dont le plafond était parfois si bas qu'ils n'eurent d'autre choix que de se baisser et de continuer l'avancée à genoux. Plus ils avançaient, plus ils s'éloignaient des vestiges d'autrefois. Il n'y avait plus d'idole, il n'y avait plus de sculptures ni même de fresques vertigineuses taillées de long de colonnes de pierre qui se perdaient dans un ciel noir et insondable.

" Quand on s'en sort, j't'découpe en morceau.. "
" On est tombés très bas. Je n'en reviens pas. "
" C'est ça... Tu vas pas en rev'nir. " Grommela le gobelin dans sa barbe alors qu'il s'extirpait d'une fissure pour déboucher cette fois dans une débauche de tunnels qui s'éparpillaient dans tous les sens.

" ... Génial. J'en compte une douzaine, et encore, parce que je ne compte pas vite. Une idée, la vermine ? "

Il ne répondit rien, Rastaganarak s'accroupit face aux nombreux tunnels qui se pouvaient être des accès vers la liberté, un cul de sac, un nid de ces créatures ou encore pire.

" Faut écouter et sentir... " Dit-il en reniflant l'air, les yeux plissés dans le noir, la mine grave et concentrée. Il avait l'air encore plus détestable et sans cette malédiction, Hrist n'aurait jamais pu résister à l'envie de lui enfoncer tout ce qu'elle avait de pointu dans la gorge.

" J'sais qu'des contrebandiers vivent au niveau des égouts. Y' larguent parfois des objets sous terre, ça arrive p'têtre par là. Mais c'te construction derrière, jamais entendu causer. "
" Et pourtant... Il n'y avait plus rien à voler là bas. Tu dois être vraiment triste de ne pas pouvoir remplir tes poches, non ? "

Il cracha en sa direction et lui adressa un regard noir. La tueuse approcha de lui jusqu'à ce qu'ils furent tous deux face à face. Elle lui dit :
'' A défaut de pouvoir me tuer maintenant, il va falloir avaler cette trêve. Reposons-nous un bref instant. Juste histoire de retrouver nos esprits et de mieux réfléchir à comment sortir de là. ''

S'en suit alors une entente fragile qui commença par colmater la petite brèche d'où ils venaient de sortir par des gravas trouvés ça et là. Rastaganarak restait agité un long moment. Hrist malgré la trêve imposée par ses propres soins, ne manquait pas de lui lancer quelques mauvaises remarques.

" Tu es trop nerveux pour un chef de clan. Quand on endosse ce rôle il faut garder la tête froide. "
(" J'rêve éveillée. La tête froide toi ? T'as pas fait brûler une auberge ? Deux fois de suite en plus pour trouver ce gobelin ? ")
'' C'est vrai, tu pourrais instaurer quelque chose de nouveau dans ton clan. Un esprit plus apaisé, moins féroce. On pourrait appeler ça le... Rastaganarak ! Non. "

Hrist cessa, il ne répondit pas. Elle oubliait parfois que ces créatures étaient plus proches de la bête sauvage et de l'animal que de l'être humain. Moins sophistiqué, plus bestial. Un esprit novateur instaurant la douceur serait considéré comme faible à Omyre comme dans toute caste Gobeline.

(" Le Rastaganarak... Qu'est ce que c'est moche. Appelons plutôt ça le Rasta. Court et facile à retenir ! Le Rasta serait pionnier dans la quiétude de l'esprit et l'indifférence abrutie dans cette ville de truands et de fêlés. ")

Lorsqu'il cessa de bouger et que des ronflements se firent entendre, Hrist s'allongea et anima alors sa magie noire pour envoyer son ombre sonder l'impénétrable.

_________________
La petite ombre de la Mort à Elysian.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
Au milieu des cercueils,
Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


Némésis d'Heartless


Haut
 

 Sujet du message: Re: Les profondeurs
MessagePosté: Sam 22 Aoû 2015 17:43 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Mar 20 Avr 2010 21:13
Messages: 12983
Localisation: Derrière Cromax
Lorsque la magie opéra, l'univers semblait être encore plus sombre et chaotique. A ses oreilles virent le chant de mille courants d'air qui s'engouffraient dans les tunnels perdus parmi lesquels la tueuse envoya son ombre chercher une issue.

La vitesse incroyable à laquelle son spectre éthéré avançait dans le néant lui fit presque tourner la tête mais à sa grande déception, elle ne trouva rien de bien pertinent dans les premiers. De sa recherche ne résultait qu'une collection de galeries sinistres et sombres. Ce n'est que dans les autres tunnels qu'elle vit d'autres salles souterraines, plus exotique que celles rencontrées jusqu'à présent. Elle avaient l'aspect de pierre ponce, de vastes alcôves où la pierre était lardée de centaines de cavités, allant de la taille d'un poing à celle d'un chariot.

Par les plus grosses cavités, il était possible de s'extirper en direction de tunnels grimpants vers la surface. De là, on y trouvait de nombreux détritus, particulièrement des tonneaux écrasés sur la roche, des toiles et des décombres divers parfois fouillés par des vermines courageuses comme des gobelins avides de trésors.

Rastaganarak avait raison, trouver les vestiges de campement revenait à trouver les contrebandiers qui se cachaient sous terre et donc, trouver un accès à la surface.

Satisfaite, Hrist ramena son ombre mais en approchant de son propre, elle vit le Gobelin approcher d'elle.

Ses yeux s'ouvrirent et le Sekteg fondit sur elle, essayant d'entourer son cou de ses doigts calleux et crochus. De justesse, Hrist envoya son genoux dans l'estomac de son assaillant qui roula en boule sur le côté.
De rage, Hrist se leva et lui administra un coup de botte en pleine mâchoire, lui arrachant un râle de détresse et de souffrance.

" De toute la vermine que j'ai pu rencontrer, tu es de loin la pire ! La plus stupide et imbécile ! Comment tu pourrais t'en tirer sans moi ? Je sais où on peut aller, si tu m'avais tué tu aurais trouvé ? Hein ? Lève toi ! "

Hrist passa derrière lui tandis que maladroitement, il se redressait et lui saisit le poignet droit autour duquel elle enroula la corde raide qu'elle dissimulait sous ses vêtements.
" Puisqu'on ne peut pas te faire confiance... L'autre poignet, vite. Et estime toi heureux, j'utilise cette corde pour étrangler pas pour attacher les chiens en laisse. "


La femme tira un coup sec sur la corde pour qu'en se nouant, elle déchire un peu la peau épaisse du gobelin, lui meurtrissant les poignets afin qu'il n'essaie pas de défaire ses liens sans souffrir davantage. Hrist lui maintenant la nuque le fit avancer encore chancelant de sa seconde dérouillée et tous deux s'engagèrent dans les tunnels étroits.

La marche fut plus longue et silencieuse que celle réalisée par le fantôme noir plus tôt. Aucun courant d'air ne soufflait et la pénombre était si manifeste à certains endroits où les champignons luisants ne poussaient pas qu'ils durent tous deux marcher à petits pas et tâtons.
" J'croyais qu'les z'reilles pointues pouvaient voir dans l'noir ? "
" Semblait bien. La pénombre est trop intense parfois. Et les sales gueules de ton genre ? "

Il ne répondit pas, pour tout retour, l'écho de sa propre voix qui résonnait, fantomatique et lointaine sur la pierre morte. Ce qui gênait Hrist, c'était qu'elle espérait entendre des bruits, des cris ou des chansons, mais rien. Les décombres que son spectre avait pu voir plus loin semblaient si proches mais elle ne trouvait aucun réconfort dans ce silence.

Après avoir traversé les entrailles de roche, ils arrivèrent enfin face à la grande salle de pierre grise qui formait une gigantesque chambre dont les parois de pierres étaient creusées de centaines de petits orifices. La grotte dans laquelle ils se trouvaient débouchait à quelques mètres du sol, chose qu'elle avait mal interprété en voyageant sous forme d'ombre. Se mordant une lèvre, elle se demandait comme elle pourrait bien descendre sans risquer de se rompre le cou.

En jetant un oeil en contrebas, elle pu distinguer quelque chose qu'elle n'avait pas vu plus tôt. La présence de petits fossiles secs éparpillés partout dans la chambre, l'un d'eux était collé à la paroi et en tendant la main, Hrist pu y avoir accès. Elle tira dessus et pu remonter quelque chose qui lui glaça littéralement le sang.

La chose au bout de ses doigts avait un aspect de vieux parchemin, c'était sec, grisâtre et bien qu'elle semblait ancienne, cette chose, ce fossile avait gardé une certaine souplesse comme un cuir malgré que sa surface ne se craquèle à chacune des pressions qu'elle exerçait dessus. A force de manipuler sa trouvaille, elle craqua quelque chose qui glissa hors de celle-ci et tomba à terre sous la forme d'un petit tas de poussière. Son inspection s'avérait juste, il s'agissait d'un membre humanoïde arraché. Les doigts étaient collés les uns aux autres par une substance inconnue et de nombreuses lésions marquait la carcasse durcie, cela dit, malgré ça, il était impossible de déterminer à quelle race appartenait ce membre ni depuis combien de temps il gisait ici, encore moins ce qui l'avait maintenu à la roche tout ce temps.

Mais tandis qu'elle prêtait davantage son attention au cadavre qu'à Rastaganarak, celui-ci trouva assez de courage pour envoyer un solide coup d'épaule à Hrist qui déséquilibrée glissa et manqua de tomber comme une pierre, retenant sa chute du bout des doigts accrochés à la bordure lisse et instable. Animé par cette réussite soudaine, le Gobelin parvint à se détacher et s'approcha de Hrist.

Elle battait des jambes pour essayer de remonter mais la pierre ponce était trop friable et se désagrégeait sous ses bottes. Du bout de ses doigts, elle sentait que son poids bien que faible faisait s'affaisser dangereusement la roche.

" Elle m'fouillera mieux la prochaine fois la gueuse ! Une p'tite lame cachée derrière la ceinture ! Y'avait pas pensé hein ! Ta cordelette, c'était trop naïf ! " Dit-il en agitant une petite lame noire sans garde au dessus de sa tête. Fier de son exploit, il approchait avec la ferme intention d'écraser les doigts de la femme de ses bottes. Celle-ci analysa bien vite la situation, si elle devait choisir entre sa dextérité et une éventuelle blessure en chutant, elle préférait pouvoir continuer à se défendre même si elle devait rentrer aux thermes en boitant.

Elle lâcha et se plongea dans le vide pour rebondir sur la paroi et terminer sa chute désorientée quelques mètres plus bas, sonnées et couverte de poussière sous les rires du gobelin qui la surplombait.

_________________
La petite ombre de la Mort à Elysian.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
Au milieu des cercueils,
Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


Némésis d'Heartless


Haut
 

 Sujet du message: Re: Les profondeurs
MessagePosté: Lun 24 Aoû 2015 04:56 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Mar 20 Avr 2010 21:13
Messages: 12983
Localisation: Derrière Cromax
Hrist se releva, peu de temps avait passé depuis sa chute mais il était impossible de trouver le Gobelin. Avait-il pu s'éclipser en escaladant la paroi ou avait-il fait demi-tour dans le tunnel pour tenter sa chance ailleurs ? A l'heure qu'il était, Hrist s'en moquait, elle avait toutes les clefs en main pour regagner la surface avec ou sans le gobelin. Sa cuisse et sa cheville étaient douloureuses mais elle pouvait encore avancer sans trop boiter. Elle traina un peu la patte, avançant totalement à découvert dans la plaine de pierre souterraine.

La sensation était amusante, la pierre ponce s'écrasait sous ses botte et lui donnait l'impression d'avancer sur de la neige, plongeant ainsi la femme dans quelques heureux souvenirs où elle parcourait le monde de jour comme de nuit. Dans sa distraction, elle s'enfonça un peu plus la jambe et tomba en avant. Le bruit résonna dans toute la caverne et à cet écho, alors qu'elle se relevait, répondit un bruit inconnu.

Hrist se stoppa net. A quelques mètres en face d'elle, du plus gros orifice de la caverne, elle eut l'étrange impression de voir quelque chose bouger. Retenant son souffle et déglutissant douloureusement, elle resta à quatre pattes, le regard rivé vers la fissure pendant de longues minutes.

Un crissement se fit entendre non loin d'elle, cette fois-ci, la menace venait de la droite. Sur le côté, la tueuse vit un petit être furtif, maigre mais tout en muscles, blanc comme un cadavre et à peine bipède, longer la rive grisâtre de la chambre souterraine. Sa façon de se déplacer, vive et oblique évoquait celle d'une proie traquée depuis longtemps. Son corps nu portait de nombreuses cicatrices. La créature s'arrêta aussi en entendant que le bruit continuait. La bête ressemblait aux créatures albinos qui hantaient les souterrains, quoique celle-ci semblait plus ancienne encore.

Un frisson traversa sa colonne, sa vue se troubla temporairement et son sang ne fit qu'un tour, glaçant ses tempes et faisant suer sa peau. Sans s'en rendre compte, elle avait enfoncé ses doigts dans le sol par crainte et mordu ses lèvres.
De la fissure, s'extirpa huit immondes pattes velues qui s'articulaient autour d'un corps épais et large comme un char à bœuf.

(" Ahahahaha... C'est la merde.")
(" Dis moi... Non. Je peux pas manquer de chance à ce point. ")

La créature bipède poussa un cri strident qui résonna dans toute la caverne et meurtri de nouveau les oreilles de Hrist. La bête paniquée agitait une arme de fortune devant l'araignée mais celle-ci fondit sur la créature des profondeurs avec une vitesse époustouflante. Perdue entre les huit pattes et écrasé sous les mandibules qui éparpillaient ses membres, le cri strident cessa.

(" Large comme elle est, tu pourrais peut-être trouver un abri dans un de ces trous là bas. J'espère que tu as de bonnes jambes... ")

Profitant que le monstre arachnéen ne dévore la diva stridente, Hrist se leva et prit ses jambes à son cou, enfonçant ses bottes dans la pierre ponce qui craquait et faisait résonner toute la grotte, attirant l'attention de l'immondice à huit pattes qui terminait à peine son repas.

In-extremis, Hrist s'enfonça dans un trou si petit qu'elle eut du mal à se retourner dedans. Elle pataugeait dans des restes d'ossement, des épaisseurs visqueuses de toile d'araignée regorgeant de cocons mortuaires, au sein desquels pourrissaient des cadavres de rats, d'oiseaux ou de gobelins.

" On dirait une brioche aux raisins, comme celles qu'on trouve à Kendra Kâr. En plus dégueulasse. " Commenta la femme qui avait passé trop de temps sans manger.
L'air chargé de gaz de putréfaction était presque irrespirable, Hrist s'approcha doucement de la sortie de sa petite grotte mais la bête lança son corps contre la roche, faisant tout trembler et essaya de faire passer ses pattes à l'intérieur. Hrist recula à toute vitesse, presque acculée. Le monstre grattait, emportant avec lui de la toile et des cadavres parcheminés et secs. Ses pattes agiles étaient contre toute attente lardées d'épines noires et sur chacune des articulations avait poussé un oeil. Celui en face d'elle l'observait droit dans les yeux lui renvoyant un profond malaise.

La tueuse se pencha et vomit tout ce qu'elle avait dans l'estomac. Sa flaque nauséabonde coula entre ses doigts et reprenant ses esprits, elle se redressa tant que possible, mettant ses genoux sous son menton et observait la patte qui grattait devant elle. L'oeil globuleux la fixait toujours, sachant pertinemment que sa proie était coincée et qu'elle n'irait pas plus loin. Comme si ce scénario cauchemardesque ne suffisait pas, de nombreuses petites araignées noires s'échappaient des cocons de toile remués par l'heureuse maman. Les petites avançaient dans toutes les directions, névrosées et débiles, elles s'enfuyaient ou grimpaient le long des parois, des cocons, des pattes de sa mère ou des bottes de Hrist avec une maladresse égale. Hrist complètement ahurie tira sa lame argentée et entama le lent massacre de ces insectes. Elle n'y mettait même pas de conviction, coupant les pattes ces petites saloperies sans même esquisser un semblant de sourire.

" Ca sent vraiment pas bon, dans tous les sens du terme. Tu as vu cet oeil ? Me met presque mal à l'aise, crève le pour voir ! "
" Oublie. Tu as vu la taille des épines. Pfeuh. "

Hrist enfonça la pointe de la lame dans un bébé araignée qui gesticulait dans tous les sens. Une décharge, plus faible que les précédentes vint quand même chatouiller son bras.
" Si seulement je pouvais faire une gigantesque boule de feu... "
" Si seulement en plus de ça, tu avais la présence d'esprit de ne pas le faire dans une grotte surchargée de gaz de putréfaction... "

Hrist retira de derrière elle un caillou qui lui meurtrissait le bassin. Elle regardait son reflet dans la lame apparat couverte de sang d'araignée, une patte encore accrochée au fil du rasoir.
" Non mais vraiment. Ça me prendrait quoi ? Deux secondes ? Un claquement de doigt ? Deux boules de feu bien placées ? Un immense pic de pierre qui lui tomberait dessus ? Un blizzard de stalactites ?"
" Certes, mais là, à défaut de claquer des doigts, tu devrais vite trouver une solution pour éviter que Dame Tarentula ne fasse de toi un chouette coussin de soie. Tu as vu à quelle vitesse elle a dévoré l'autre gueux des cavernes ?"
" Oui... Deux secondes. Un claquement de doigt. De plus, avec cette malédiction... "

Le monstre continuait de gratter opiniâtrement devant les bottes de Hrist, espérant pouvoir mettre la proie à portée des deux pinces que le monstre agitait au bout de sa guibolle lardée de dards poilus dont le regard rendait sa victime mal à l'aise.

Le regard de Hrist se perdit alors jusqu'à ce qu'elle ne comprenne. La petite araignée qu'elle venait de blesser en lui coupant deux pattes gisait toujours devant elle, incapable d'avancer correctement, elle restait en place ou essayait de clopiner très maladroitement jusqu'à un abri.

Hrist eut alors un éclair de génie.

Elle essuya la lame sur le pan de sa robe raide de crasse et posa les genoux au sol, accroupie et mal à l'aise, elle avait toutefois cette détermination nouvelle à se sortir de cette situation chaotique. L'oeil s'agitait, observant tantôt sa lame brillante, tantôt ses yeux, eux aussi brillants d'une lueur animale, fauve et cruelle.

" Petite petite petite petite... "

D'un coup d'un seul, elle frappa la patte crochue et fit tomber à terre quelques épines velues, un peu de chitine avait cassé et rebondi contre la paroi de la petite grotte. L'oeil convulsé gesticula dans tous les sens et la patte gratta de plus belle, agitant ses deux crochets dans un cliquetis désagréable et de mauvaise augure. Hrist frappa de nouveau, manquant de peu à chaque fois la patte agile qui bougeait dans tous les sens. Trois échecs plus tard, Hrist parvint enfin à frapper un des crochets et l'arracher à la patte. Un cri s'entendit plus loin, la chose avait senti quelque chose, de la douleur.

N'aimant pas cette réaction, Tarentulla retira sa patte de l'abri et ne fit plus un bruit. Enfin seule, Hrist pu avancer un peu à quatre pattes jusqu'à ramasser le crochet perdu. Le portant à ses narines, elle constata qu'il ne dégageait aucune odeur particulière et examina davantage.
" Il est noir, poli et brillant... Derrière on voit qu'il est articulé, ça j'avais remarqué mais on dirait une grosse pince de crabe. "
" Tu arrives vraiment à songer à ton estomac dans un moment pareil ? "
" Elle est solide, cette griffe, mais elle n'est pas creuse, il n'y a pas de poisons. C'est pas une mandibule au bout d'une patte, c'est déjà ça. Elle doit s'en servir pour griffer ou accrocher."
" Griffe ou crochet, elle en a sept autres... "

L'affreuse créature s'étant retirée, Hrist avança jusqu'à l'embouchure de son abri et écouta attentivement le bruit mat et gras que faisait Tartentula non loin d'elle. La tueuse savait que la bête jouissait d'un instinct de chasseur hors pair et d'une patience incroyable. Son estomac aurait tôt fait de l'achever avant que la bête ne se lasse et ne déguerpisse.

D'après le bruit qu'elle faisait et le silence soudain, Hrist comprit que la bête attendait patiemment au dessus de l'entrée de son tunnel, prête à lui tomber sur le râble lorsqu'elle pointerait le bout de son nez.

La femme essaya de se redresser et se cogna la tête contre le plafond de pierre anguleux. Elle essaya de s'installer en tailleur dans la mesure du possible, la promiscuité lui malmenait les lombaires, les épaules et la nuque. Dans l'ordre.

« Bon... Fichue. » Sentenca Hrist. « Cette saloperie peut bien attendre des jours sans crever de faim. Moi j'ai déjà de l'acide dans l'estomac faute de n'avoir rien avalé. »

Cèles apparut sur ses genoux sous la forme d'une petite femme brune à la peau claire et aux yeux de violette, un peu comme sa maîtresse à la différence qu'elle suintait l'éther et la magie. Elle posa une demi-fesse sur le genou de la femme et imita le visage boudeur de la tueuse.
« 'Franchement... Tout ça pour faire la peau d'un gobelin. Pourquoi on lui court après, déjà ? »

« Lui arracher les yeux ? »
« Ah, oui. Pour gagner notre passage à Kendra Kâr. Tu es sûre que c'est une bonne idée, Kendra Kâr ? »
« C'est une mission intéressante et qui pourrait me faire gagner un peu de prestige. »
« Surtout très dangereuse, le prestige n'est utile que pour les vivants. »

Hrist regarda autour d'elle. Il faisait moite et froid au fond de ces cavernes. Au loin, quelques ombres de ces créatures bipèdes approchaient à la vitesse de la peur, prestes et silencieux. Ils arrivèrent assez vite pour remorqueur leur camarade tombé sous les mandibules de Tarentula qui finalement, trouvant ce festin plus facile et abordable, se laissa glisser le long de la paroi dans un froissement de pierre et de poussière pour aller attraper le premier venu.

« Elle sort d'où, cette saloperie ? Et eux ? »
« Tarentula c'est une créature d'Aerq. Eux, ce sont d'anciens gobelins ou des elfes qui vivaient sous terre. Appelons les Croques. »
« Les créatures d'Aerq s'attaquent aux gobel.. Croques ? »
« Oui ma vieille, les gobelins et orques sont certes la main d'oeuvre des Treize mais ce n'est pas pour autant qu'ils leur porte beaucoup d'affection.
« ... » Hrist s'approcha de l'embouchure et jeta un œil rapide. La Tarentule déchiquetait joyeusement un Croque sous des hurlements stridents.

« Pour tout le monde sur cette terre, les gobelins, les orques et les monstres sont au service du mal. Des serviteurs zélés, sanguinaires, tortionnaires et affamé, ayant le goût des os broyés et des giclées de cervelles. Quelques uns ont pu survivre à l'extérieur dans des clans indépendants, d'autres au service des Kendrans mais presqu'aussi esclaves qu'ici. »

« Je ne suis pas tout à fait d'accord, un gobelin adulte a bien été un gobelin marmot, avec des berceuses gobelin marmot des biberons gobelin marmot et des mamans gobelins en cloque. Certes, je ne raffole pas des chiards mais une espèce ne peut pas s'en sortir grâce à sa seule bestialité. Il y a toujours des zones démilitarisés, des cultes, des soins et des éducations. Regarde, ce gobelin dans les rues qui vent des poupées pour enfants ? »

« Le sorcier qui vend des poupées ensorcelées pour maudire à distance une victime ? »
« ... »
« Ici et depuis quelques millénaires que je vis » Lança Cèles avec un rien d'exaspération dans la voix. « Il n'y a pas de mélanges. Le grand vaut mieux que le petit. L'homme que la femme. Le blond que le brun. Le riche que le pauvre. Le bien né que l'enfant trouvé. Le beau que le laid et les gobelins et orques, eux, ne valent rien. Voilà. Quand on a des bonnes qualités, on vit entre soi et quand à l'inverse on ne les a pas, on vit encore plus entre soi. Et si, par miracle un grand et beau mâle blanc reconnaît un certain charme à une vilaine petite au teint trop foncé, on trouve alors un côté philosophique comme quoi, même la plus insignifiante petite merde peut avoir une utilité à un moment donné. Avec un peu de chance, la populace s'esbaudit, on fait une fête, on égorge un cochon et après l'avoir bouffé, on retourne à ses serviettes. Sauf les gobelins et les orques qui eux, sont des torchons. »

Lorsque le premier croque eut terminé de crier, Tarentula s'attaqua au second qui beugla davantage. Le cri strident résonna dans toute la caverne et dissuada sans doute les autres Croques dissimulés dans l'ombre de venir chercher les blessés.

Hrist s'extirpa de son trou et commença maladroitement à courir vers ce qui semblait être l'ouverture menant à la sortie, celle la même que son ombre empruntait plus tôt. La pierre ponce vitrifiée, brisées et dentelée lui écorchait les genoux et coupait les doigts et les avants bras lorsqu'elle s'essayait à l'escalader.
Derrière elle, les cris cessèrent de nouveau et le bruit mat approcha.

La bête d'Aerq avait terminé de déchiqueter le Croque et maintenant avançait à toute vitesse sur Hrist qui n'eut d'autre choix que de sauter à pieds joints dans une autre galerie creusée dans la roche et chuta lourdement à terre. Son abri avait plus l'aspect d'une crevasse qui donnait sur une poche souterraine bien plus large que la précédente, elle pouvait s'y tenir debout et s'étalait sur quelques mètres. Le sol comme précédemment était recouvert de cadavres pris dans la soie et couverts de poussières et de petites araignées mortes, si sèches qu'elles craquaient et se réduisaient en poussière lorsque la femme marchait dessus.

Au dessus, Tarentula vexée de voir son repas s'échapper, labourait la surface et faisait entre deux longues pattes qui raclaient la roche, envoyant voler dans tous les sens poussière et boulette de roche vitrifiée. Hrist évita les spasmes énervés des longues pattes en reculant de quelques pas. Encore cette fois, une pair d'yeux lovés dans la chitine de la bête observait la femme.

« Je déteste ça... » Fit doucement la tueuse. Les yeux la mettait mal à l'aise, elle avait l'impression d'y voir quelque chose d'humain. Quelque chose qui n'avait rien à voir avec la bête contre laquelle elle se battait. Hrist se pencha et ramassa une grosse pierre et la jeta de toutes ses forces contre une des pattes qui évita sans mal le projectile. Furieuse de cette résistance, Tarentula tendit davantage la patte, mettant son précieux œil à portée de la tueuse qui d'un coup d'un seul, envoya une estafilade traverser l'iris noir et globuleux.

La patte rebroussa chemin mais aucun cri cette fois-ci. Tarentula immobilisa ses deux horribles pattes et Hrist vit contre toute attente une paupière épaisse se refermer sur l'oeil crevé, versant maintes larmes épaisses et ensanglantées. Lorsque la paupière s'ouvrit de nouveau, l'oeil était parfaitement intact, comme s'il n'avait jamais été blessé.

« V'la autre chose. »


Hrist se mordit la lèvre de frustration et s'approcha d'un pas. Les deux yeux observaient chacun des mouvements de la femme, rivés sur les pattes immobiles.
(« Si j'avance, elles vont me tomber dessus, m'accrocher ou m'empaler sur leurs épines... Cette salope joue une vrai guerre des nerfs »)

Hrist approcha avec une tactique en tête. Elle écarta les bras pour paraître plus grande et transpirait à grande eau. Nerveuse, elle mesurait chacun de ses pas et lorsqu'une des pattes se décida à attaquer, elle se laissa tomber en arrière et dans sa chute, frappa un coup sec sur la patte, l'entaillant profondément sans pour autant la trancher.

Tarentula retira sa patte blessée et passa dans la fissure des deux mandibules luisants. Hrist provocatrice leva un doigt en direction du monstre, monstre qui lui cracha un jet de salive gluante en pleine face, l'envoyant à terre.

Suffocante, Hrist se débattait pour arracher de son visage l'épaisse mélasse qui l'empêchait de respirer. Tombée à terre, elle avait soulevé un nuage de poussière qui était venu se fixer sur son masque gras et épais. Aveuglée, elle taillait à l'aveugle de sa main valide dans l'épaisse toile et entendit Tarentula qui redoublait d'effort pour envoyer ses pattes l'accrocher et la traîner hors de son abri.

La tueuse parvint finalement à déboucher ses voies respiratoires et ses yeux. Ses cheveux et le reste de sa bouche, encore collants, elle verrait plus tard. Ivre de rage et profondément vexée de cette attaque, Hrist envoya une pierre directement dans les mandibules de la bête qui recula brièvement avant de défoncer sauvagement la paroi qui l'empêchait jusqu'à présent de passer. Des débris et des gravas éclatèrent dans tous les sens et Hrist, profitant de voix une patte pendre dans le vite, frappa de toutes ses forces, deux fois sur le bas d'une patte, là où la chtine semblait plus fragile et à sa grande stupéfaction, elle coupa net la patte. Cette fois, Tarentula lança un cri suraiguë qui fit reculer Hrist, la forçant à se protéger les oreilles.

Fourbe qu'elle était, Tarentula cracha de nouveau sa salive chaude et épaisse qui entoura les bottes de Hrist ainsi que le bas de sa tenue. Cette fois-ci, la soie avait été tendue entre elle et l'araignée monstrueuse. Tarentula accrocha le fil de bave avec ses pattes et arracha Hrist à son abri, l'envoyant tomber plus bas, le long de la paroi, toujours prise dans la toile et sonnée de sa chute.

Les jambes dans la soie grasse et la tête dans le coton, Hrist remarqua qu'elle voyait rouge. Littéralement. En la faisant passer comme une lettre dans une boîte par la crevasse, Tarentula avait frappé le corps fragile de la femme contre la roche et par conséquent, éclaté une arcade. Le sang coulait déjà abondamment et aveuglait son œil gauche mais derrière ce rideau rougeâtre, Hrist distinguait parfaitement la forme animale qui avançait droit sur elle. Hrist avait toujours en main son arme et commençait déjà à découper la toile tandis que l'adrénaline lui martelait le cœur. La gigantesque araignée boitait suite à la perte d'une patte. Ne restait plus à Hrist de tailler une seconde patte assez profondément pour qu'elle ploie sous le poids de la bête et que le monstre soit ensuite assez handicapé pour ne plus pouvoir attaquer.

Hrist donna l'ultime coup de lame dans son entrave et pu se libérer de ce piège mortel au même moment où Tarentula lui tombait dessus. La gigantesque araignée était rapide et précise. Elle tenta de tuer Hrist en l'empalant sur ses mandibules et ne récoltant que de la pierre et de la poussière, comprit que sa proie était sous son abdomen.

Alimentée par une peur panique et par le dépit, Hrist enfonça sa lame entre les deux membres de l'araignée géante, précisément dans le pli cartilagineux qui maintenait le corps et l'arrière train. La bête se retourna brusquement, arrachant à Hrist son arme toujours fichée dans la carapace de Tarentula. Coincée sous une pluie de pattes agitées et lardées d'épines, Hrist roula non sans mal jusqu'à éviter les crochets et les mandibules de son fléau à sept pattes et demi.

A côté d'elle gisait un Croque et un autre encore à quelques mètres. Tout tartiné qu'il était sur la pierre ponce, les membres éparpillés et les loques de cuir dispersées. Dans ce capharnaüm d'os, de dents et sur la sanie vitrifiée, Hrist vit un espoir nouveau. La lance du Croque, un bout de métal rouillé n'ayant jamais été affûté que sur des cailloux mais le métal brillait à la lueur du néant. Hrist à quatre pattes rampait pour s'emparer du précieux instrument de mort mais au moment où ses doigts glissèrent le long du manche de l'arme, Tarentula s'envoya un coup de patte dans le flanc de la tueuse, lardant sa peau de ses épines dont l'une d'elle resta fichée sous ses côtes. Pliée de douleur, Hrist se remit du choc de la chute et de la chitine enfoncée dans sa chair. Le souffle coupé, elle luttait contre les frelons blancs de l'évanouissement jusqu'à ce que Tarentula ne s'approche de nouveau. Hrist frappa une fois dans le vide, la seconde, elle pu frapper la patte qu'elle avait déjà fragilisé au début.

Furieuse, Tarentula recula, recroquevillant ses pattes sur elle même et cracha un autre mollard de toile, épais et collant qui recouvrit totalement la femme. Hrist coincée sous ce masque étouffant gesticulait la tête et essayait de déchirer la toile en frottant son visage par terre contre la roche dentelée.

Tarentula prenait son temps, elle n'attaquait pas tout de suite mais traina plutôt son butin jusqu'à une galerie plus large et entreposa Hrist dans son cocon de toile. La prisonnière avait pu, non sans mal, user assez la toile au niveau du visage pour y laisser passer un maigre filet d'air. L'adrénaline retombant, la tueuse réalisa à quel point son corps la faisait souffrir. L'épine enfoncée dans sa chair lui faisait un mal de chien. Elle avait une crampe à la cuisse, une douleur cinglante au poignet qui laissait entendre qu'elle venait de se le tordre sans parler des nombreuses coupures superficielles qui avait taillé sa peau des mains, jambes, bras et usé sa tenue. Sous son sein, sa main armée arrivait à peine à bouger, Tarentula l'avait collée sur place. Ce n'est qu'au bout de longues minutes de patience et de travail minutieux que Hrist parvint enfin à bouger un peu le bout de ses doigts mais sans résultat.

Elle resta un moment immobile et faute d'une meilleure idée, commença à croquer la toile qui la retenait prisonnière avant de la mâcher pour en faire une boule. Le goût inconnu, âcre et gras aux vapeurs qui évoquaient celles d'un alcool artisanal lui donna instantanément envie de vomir. Ce qu'elle fit dans son cocon. La bile chaude et malodorante avait été stockée dans le col de toile, coulant le long de son menton et de sa gorge.

Les odeurs âcres des gaz de putréfaction et l'odeur de sa propre bile n'aidant pas, elle essayait de contracter son corps, écarquillant les yeux rouges et larmoyants, vomissant toute la bile que contenait son estomac. Le front perlé de sueur, Hrist continua moins vite à mordre dans la toile. Petite bouchée par petite bouchée, elle crachait des boulettes blanchâtres légèrement rougies par le sang qu'elle avalait sans s'en rendre compte. Sa lèvre inférieure avait crevé et un mince filet de sang barrait son visage en compagnie de l'arcane qui venait à peine de coaguler.

Au bout de quelques minutes, Hrist pu se libérer une main, les doigts entrepêtrés dans la soie collante, elle eut besoin d'encore quelques ultimes minutes pour arracher son autre main à l'entrave. Une fois libre, elle pu découper avec plus de mal le cocon déjà durci qui lui liait les jambes.

« J'vais lui... La... Salope. »
« Souviens toi. Maudite, impossible de tuer. »
« Salope quand même. » Lâcha la femme rouge de colère et sale de sang.

Tarentula n'était pas dans la galerie, elle festoyait en dévorant les cadavres flaques des Croques qui gisaient là où elle les avait laissés.
Soulevant une lourde pierre au dessus de la bête, Hrist n'écoutait plus que sa hargne.

Mais les nombreux yeux de Tarentula étaient comme autant d'espions et la créature recula maladroitement, laissant la pierre s'éclater au sol dans un bruit de gravas.
Le monstre d'Aerq était blessé, elle couinait et ne tenait déjà presque plus debout. C'était le moment fatidique. Hrist avait parfaitement identifié la stratégie, il fallait entailler une dernière patte, le faire assez fort pour qu'elle ne puisse plus tenir debout et qu'elle soit forcée de reculer.

La tueuse serrait son arme si fort que ses articulations viraient au blanc. Tarentula grimpa avec l'aisance d'un gros cloporte la paroi de pierre et présenta son immense corps à l'entrée de la galerie. Elle tenait appui avec les six pattes qui lui restait et agitait ses mandibules avec un air menaçant. Envoyant une patte frapper sa proie, elle manqua de peu la tueuse qui glissa sous les dards et les yeux agités pour s'approcher encore du monstre. Hrist frappa un coup sec dans une patte qui prenait appui dans le renfoncement de pierre ponce. Assez fort pour casser la chitine et l'empêcher de prendre appui. Tarentula poussa de nouveau son cri suraiguë et avant de ne chuter et de s'écraser en bas de la caverne, Hrist glissa ses doigts autour de l'arme argentée toujours fichée dans son cartilage. Le poids du monstre tombant en arrière faisant le travail pour elle, Hrist récupéra son arme couverte de sang flasque et collant.

En bas, Tarentula gesticulait dans tous les sens, crachant de la toile de manière saccadée et poussant des hurlements à faire trembler la pierre.
Hrist toisait son adversaire des hauteurs des galeries et tremblait comme une feuille. Blessée de toute part, elle avait enfin pu franchir le dernier obstacle qui la séparait de la sortie.

Restait qu'une chose à faire. Songea la femme en se mordant la lèvre déjà ouverte et ensanglantée.
« Rastaganarak... »

_________________
La petite ombre de la Mort à Elysian.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
Au milieu des cercueils,
Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


Némésis d'Heartless


Dernière édition par Silmeria le Mer 30 Sep 2015 03:45, édité 1 fois.

Haut
 

 Sujet du message: Re: Les profondeurs
MessagePosté: Jeu 24 Sep 2015 08:53 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Sam 9 Mai 2015 03:06
Messages: 1129
Conditions du marché

Le noiraud conduit Beorth dans une troisième pièce, plus petite. La maçonnerie est sensiblement différente, les pierres moins bien taillées, de la récupération assemblée à grands renforts de mortier : c’est une annexe accolée à la boutique, sans doute pour abriter des regards et des éléments l’entrée du tunnel taillée dans le sol. La lourde grille de métal est bien scellée dans le roc dispose de deux gros verrous, tournés vers l’extérieur, impossible de remonter d’en bas à moins d’être bien équipé pour venir à bout de tout ça. Pour l’heure, elle est ouverte, et une lampe à huile fixée au plafond révèle l’échelle qui s’enfonce dans les ténèbres, où le second shaakt attend, vêtu de noir et solidement armé de deux lames sur ses flancs et d’une série de couteaux passés à une ceinture en bandoulière. Pour l’humain, se glisser dans la galerie est plus malaisé, il s’y reprend à deux fois pour trouver les barreaux, qu’il juge trop minces pour supporter son poids, mais tiennent finalement bon. Une fois en bas, c’est guère mieux. Ceux qui ont excavé ce passage n’y sont pas vraiment allés dans les formes. Le sol est irrégulier, le plafond tout autant, et les murs ne font pas meilleure figure, mais c’est moins important. Chaque paroi est couverte d’une humidité ancienne et douteuse et une vague odeur de moisi renfermé sature l’air. Pour en rajouter à l’inconfort, la grande taille de Beorth l’oblige à marcher courbé, sans lui donner l’opportunité de vraiment voir où il va : il doit se contenter de fixer les talons de son guide, seul doté d’une lanterne sourde, presque aussi grand mais plus fin et plus souple, plus habitué probablement à cheminer par cette voie.

(Me v’là dans les boyaux de la cité… L’extérieur c’est sûrement qu’un vaste trou du cul bordé de merde, ça grouille de vers, et le dedans ça doit pas être mieux.)

En matière de grouillant, il y a de quoi faire, le tunnel abrite sa faune particulière d’insectes et de rongeurs, à peine dérangés par le passage des bipèdes, qui se terrent dans les replis et les trous. Et encore, se dit le mercenaire, la pente n’est pas forte, ils ne vont pas trop profond ; plus en dessous, c’est peut-être pire, dans des recoins pas utilisés.

Vient un embranchement, puis un deuxième, de quoi confirmer l’idée que revenir en arrière sans un type qui a connaissance de la fourmilière serait un sacré merdier, surtout les choses tournent mal et qu’on a sur les talons une bande d’excités sanguinaires.

(J’espère qu’il vaut le prix qu’on m’a demandé, ce branquignol. Pis que ses surins c’est pas pour ma poire. Ce serait bien le genre de ces dégénérés de shaakts. L’a pas intérêt à me la faire à l’envers, je vais pas me laisser faire. Si ils ont pas mieux que moi à pigeonner, je les plains. Y’a de toute façon plus de chance qu’il cherche à m’entuber aux retours, quand on aura les fouilles pleines, et que j’aurai pris un peu de valeur. Qu’il essaie donc ce corniaud, qu’il essaie donc…)

La hache ne pourra pas être utilisée à son plein potentiel dans un environnement aussi étroit, sinon pour pilonner le malheureux en face, ce qui pourrait s’avérer suffisant. Batailler dans un tel tunnel relèverait de la boucherie.

Pas le temps de réfléchir plus, il faut déjà s’arrêter. L’elfe noir désigne une faille qui donne sur un autre passage, grossièrement élargie à coup de pioche mais restant un vrai piège à bedonnant. Beorth pousse un grognement de mécontentement, puis s’efforce de suivre son compagnon, de profil, rentrant les épaules, le sac dans une main, la hache dans l’autre. Malgré tous ses efforts pour rentrer le ventre, il sent le raclement de la roche sur son gras abdominal et contre ses épaules et esquinte un peu le tissu de sa tenue.

« Faut faire silence. On va arriver. »

Ménage

_________________
***


La plupart des hommes aimaient mieux être appelés habiles en étant des canailles qu'être appelés des sots en étant honnêtes : de ceci, ils rougissent, de l'autre ils s'enorgueillissent.

Thucydide, Guerre du Péloponnèse III, 82


Beorth - Humain - Guerrier


Dernière édition par Beorth le Jeu 29 Oct 2015 11:36, édité 2 fois.

Haut
 

Afficher les messages postés depuis:  Trier par  
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 20 messages ]  Aller à la page 1, 2  Suivante


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 0 invités


Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages

Aller à:  
Powered by phpBB © 2000, 2002, 2005, 2007 phpBB Group  

Traduction par: phpBB-fr.com
phpBB SEO

L'Univers de Yuimen © 2004 - 2016