Azra se réveilla avec le visage douloureux. Il avait l'impression d'avoir traversé un long cauchemar. Il avait soif. Il avait mal. Quelque chose entravait ses poignets.
Il n'eut pas le temps d'analyser plus longtemps la situation, il fut aspergé d'eau.
Il ouvrit difficilement les yeux. Un sentiment d'angoisse le saisit tandis qu'il reconnaissait les chaînes plantés dans une colonne rocheuse par des pitons. Il était enchaîne de la même manière que lorsqu'il avait été capturé par Gorak. Il leva les yeux et sentit son sang se glacer. Oui, le garzok, et d'autres, se trouvait devant lui.
« C'est pas trop tôt, morveux ! Ça fait trop longtemps que je t'attends... J'espère que tu as bien profité de cet eau, c'est la dernière que tu recevras de ta vie ! »Il ricana. Il était entouré par une dizaine de garzoks. Derrière, Azra distingua un imposant homme en armure noire avec un masque semblable à un crâne sinistre. Il se tenait, silencieux, visiblement peu concerné.
Azra remarqua ensuite Magoult dans le groupe :
« Traître... » souffla-t-il.
Le jeune garzok haussa les épaules.
« J'avais aidé le groupe à dérober des armes à la milice. On gagne gros avec ce marché noir ! Je n'ai pas réussi à amener des renforts avant que tu ne tues notre ami... mais maintenant, tu vas payer ! »Il semblait en effet avide de se venger des mauvais traitements que lui avait fait subir le jeune Kendran, mais Gorak le devança en lançant un violent coup de pied au jeune homme pour l'étourdir. Azra serra les dents, sa tête tournait. Il fallait se sortir de là ! Vite ! Mais comment ?
Avant qu'il n'ai le temps de faire quoi que ce soit, Gorak avait arraché les pitons des chaînes de terre pour les enfoncer de sa force peu commune dans les rochers. Voyant pour la première fois ce qui l'entourait, Azra découvrit un paysage étrange : un désert sec au milieu duquel se dressaient de grandes piles de pierres, comme de hautes colonnes qui tentaient de défier le ciel de leurs formes tourmentées.
« Notre chef veut garantir ta mort. »Il fit un signe vers l'homme en armure qui restait derrière, toujours silencieux.
« On raconte qu'il y a longtemps, Valyus et Thimoros ont désertifié cette plaine, et que régulièrement, encore, la foudre frappe les piliers de pierre, tuant tout ceux qui s'y adossent. J'aurais préféré une mort plus lente, mais on n'a pas toujours ce qu'on veut, hein ? »Le groupe derrière lui ricana. Azra s'efforça de présenter un air impassible. Non ! Il ne pouvait pas mourir aussi bêtement... pas après tout ce qu'il avait vécu ! Mais si... il restait un simple mortel. Il se consola en pensant à Chandakar qui serait furieux. Peut-être reprendrait-il des forces assez vite pour pouvoir revenir tourmenter Gorak. Et Azra, lié à lui dans la damnation, aurait peut-être au moins ce maigre réconfort.
Il fut interrompu dans ses réflexions par un violent coup de poing dans le ventre. Bientôt suivit d'un autre, puis d'un autre.
Au bout de ce qui sembla des heures, mais en réalité n'était que quelques secondes, Azra se retrouva à pendre misérablement au bout de ses chaînes. Il se refusa cependant à lâcher une larme de douleur ou de désespoir.
Les autres garzok vinrent un à un, le bourrant de coups. L'arrière du crâne du garçon frappa plusieurs fois le pilier auquel il était attaché et des étoiles dansèrent devant ses yeux.
Lorsque ce fut au tour de Magoult, ce dernier en profita pour se venger et envoyant à son tour un coup de genou d'une violence extrême dans l'entrejambe de sa proie.
Cette fois-ci, Azra laissa échapper un long gémissement pathétique. Il fallait que ça s'arrête. Peut-être que s'il faisait le mort...
Il n'eut pas besoin, un autre poing l'assomma. Mais pas pour longtemps, il fut réveillé par des gifles qui lui laissèrent la mâchoire endolori. Était-elle déboîtée ? Peut-être. Il s'en fichait.
Finalement, il fut 'sauvé' contre toute attente par l'homme en armure noir qui déclara, d'un air ennuyé :
« Bon, nous n'avons pas que ça à faire.... »Il s'approcha d'Azra, froid comme la mort :
« Tu nous as quand même rapporté gros, mon garçon. Ton bâton se vendra très cher, je pense... Et lorsqu'on reviendra, on pourra aussi récupérer le bracelet. Bon, allons y. »Gorak pesta et sortit son poignard. Lentement, délibérément, il l'appuya sur l'épaule du jeune nécromancien, mordant la chaire.
(Ne cris pas... ne cris pas !)Azra avait les dents serrées, mais s'efforçait de regarder son tortionnaire dans les yeux.
« Personne ne me pose de lapin impunément, pas même ton foutu squelette. Il a hurlé comme un damné quand le maître l'a réduit en cendre ! Tu serviras d'exemple. Personne ne s'oppose à notre... commerce. »Le poignard glissa, déchirant la tunique autant que la chair. Cette fois-ci, retenir un hurlement semblait impossible. Azra le voulait mais... attend qu'avait-il dit ? Il semblait considérer qu'il avait tué Rendrak... mais ce n'était pas possible. Il pensait l'avoir privé de son allié... mais Rendrak avait bien dit que tant qu'Azra serait vivant, rien ne pourrait les séparer.
Gorak n'en avait pas conscience, mais son commentaire fait pour blesser ne faisait que le ridiculiser en dévoilant son ignorance. Azra trouva dans cette réflexion la volonté pour puiser dans ses dernières forces et garder les dents serrées.
Finalement, le garzok retira sa lame, après avoir barré le corps de son ennemi d'une longue estafilade sanglante. Il semblait un peu surpris de sa résistance et, de dépit, lu donna un nouveau coup de poing dans le ventre. Puis, il s'en alla avec tout le groupe.
Les poignet cisaillés par ses fers mais n'ayant plus la force de se soulever, Azra resta un instant à souhaiter la mort. Rapide... pouvant mettre fin à la souffrance...
Mais non, il n'allait pas laisser ces ordures s'en tirer à si bon compte ! Il avait déjà réussi à se tirer de bien des situations... il devait bien y avoir un moyen...
La dernière fois, c'était Rendrak qui avait arraché les chaînes. Il était temps de vérifier sa théorie... mais pas encore. Il était tout simplement trop épuisé pour tenter d'invoquer son compagnon, surtout avec ses pouvoirs qui semblaient mystérieusement diminués.
En attendant, ses pensées tournaient en boucle, décousues. La vengeance y tenait une place importante. Il repensa aussi à Rendrak, tué par le 'maître', probablement l'homme en armure qui ne semblait pas en effet quelqu'un qui perdait son temps à autre chose qu'à tuer ses ennemis. Gorak avait dit que le liykor était réduit en cendre... C'était ce qu'il se passait quand il était désinvoqué. Cela confirma qu'il n'était probablement pas vraiment mort.
Visiblement, c'était la matinée, ce qui signifiait que le soleil n'avait pas encore fini de se lever. Pourtant, la température était déjà accablante. Pas le choix. Il fallait invoquer Rendrak maintenant avant qu'il n'en ai plus la force.
Il se concentra donc. Dans un premier temps, rien ne se passa. Il voulut serrer les dents de rage, mais cela ne fit que réveiller la douleur. Il perdait du sang. Il fallait agir.
Il retenta plusieurs fois, et le mort-vivant fini par apparaître, nuage d'abord hésitant, puis plus consistant et enfin liykor grand et puissant.
« Rendrak... »Aussitôt, il fut sur lui, tirant furieusement sur les chaînes. Les mouvements que ça occasionnait ajoutaient de nouvelles douleurs mais Azra le laissa faire. C'était son seul espoir.
Hélas...
« Impossible ! C'est trop enfoncé, cette fois-ci. Ces fers sont fermés par des clés et sans elles, nous n'y arriverons pas... »Le nécromancien se laissa retomber. Alors tout était fichu.
« Je suis désolé, j'aurais dû être plus vigilant. Au marché, ils m'ont attaqués par surprise... »« Laisse tomber... On s'est fait avoir tous les deux. »Le jeune homme leva les yeux. L'horizon était barré au loin par une grande masse de nuages. Sans doute un orage, si la légende de Gorak était vrai. Il était loin cependant, alors qu'à cet instant, Azra aurait bien aimé être foudroyé sur le champs.
« Que faire ? Il n'y a aucun espoir... »« Cela ne me ressemble pas de dire ça, mais je pense que si. J'ai peut-être encore un jour ou deux à vivre. Il peut s'en passer des choses... Retourne à Omyre... Va chercher... quelqu'un. N'importe qui. Quelqu'un qui puisse briser ces fers. »
« C'est de l'acier trempé... et de toute façon, je crains qu'être loin de toi ne m'affaiblisse rapidement. »« C'est possible... mais c'est notre seule chance. »Le liykor hocha du crâne et ses yeux semblèrent briller plus fort.
« Je ferais mon possible. »« Dépêche toi, je ne survivrais sans doute pas à l'orage qui approche... »Rendrak se précipita aussitôt, ses longues jambes le propulsant plus vite que jamais.
De son côté, Azra ferma les yeux et tenta de se reposer et d'économiser ses forces.
Combien de temps resta-t-il ainsi ? Impossible à dire. Quand il revint à lui, la chaleur atteignait son paroxysme et le soleil était très haut dans le ciel. Le nécromancien maudit l'astre de Gaïa, mais il vit aussi que la chaleur étouffante avait une autre source. Les nuages se rapprochaient. L'orage ne venait pas droit sur lui, mais il finirait probablement pas arrivé, lentement, mais sûrement. L'ombre tomberait alors, et Azra ne serait protégé des flèches de Gaïa que pour tomber sous la fureur de Valyus.
À choisir, il préférait Valyus. Au moins, ce serait rapide.
La vie était décidément une sacré chienne. Azra se demanda si, en ce moment, il n'y avait pas quelque part un nécromancien qui aurait une tâche plus banal et plus calme que de risquer sa vie en continue. Essayer de calmer un chat par exemple.
Pour ça, il pourrait compter sur Rendrak, lui...
(Arek ?)Il ne s'attendait pas à une réponse, aussi, fut-il surpris.
(Je suis désolé, Azra.)(Qu'as-tu fait ? Tu m'as manipulé comme ce shaakt d'autrefois ? Ce n'est pas grave. Ça aura été un plaisir de rencontrer quelqu'un qui pense que je suis bon à quelque chose.)(Je ne sais même pas pourquoi je fais ça. Phaïtos n'a jamais été célèbre pour sa reconnaissance. Mais je veux essayer de remonter dans son estime. Les autres faera ne m'aiment pas. Je suis toujours à la limite de nos lois. J'agis pour le bien de mes maîtres, je t'assure !)(Je te crois.)
(Tu peux encore survivre. Il va maintenant falloir que tu partes en quête de la faux du souffle glaciale, qui a appartenu à mon ancien maître...)(Qu'est-ce que...)(Il est capitale que tu la récupères. Il faut aussi que tu apprennes le véritable pouvoir des nécromanciens. Tal'Raban est loin, mais quand il reviendra, tu auras besoin de toutes les armes possibles pour survivre. Fait moi, confiance. Tu peux gagner...)Sa voix s'estompa, mais il était impossible de dire si c'était qu'elle avait cessé de parlé ou ci c'était parce qu'il perdait connaissance. L'épuisement l'emportait enfin dans un monde plus calme.
Des alliés inattendus