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 Sujet du message: Les terres sauvages autour d'Omyre
MessagePosté: Lun 17 Oct 2016 09:33 
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Les terres sauvages autour d'Omyre



Les terres sauvages d'Omyre portent bien leur nom. Etant majoritairement peuplé de petites tribus garzoks et sektegs, le territoire est en effet toujours très peu habité, voire peu exploré. Se déplacer dans ces terres est un danger constant pour tout originaire de la région et est presque suicidaire pour tous les autres qui, en plus de croiser différentes créatures sauvages, peuvent tomber sur un campement de peaux-vertes à peu près n'importe où, en particulier près des différentes frontières où sont situés des avant-postes militaires de l'armée Oaxienne.

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 Sujet du message: Re: Les terres sauvages autour d'Omyre
MessagePosté: Lun 17 Oct 2016 09:39 
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Ca fait des jours que je marche tout droit, comme un con, que je bouffe de l'herbe et des fruits pas mûrs et bois de l'eau directement dans des flaques, et enfin j'aperçois juste ce que je cherchais : un vieux village miteux réaménagé en campement militaire garzok. Un léger spasme au coin de ma lèvre tente de m'arracher un sourire à cette découverte, mais il faut croire que le gamin toujours content d'autrefois est mort pendant ce raid parce qu'il reste pas plus d'une demi-seconde. Ou bien c'est la raison de ma visite qui m'empêche de me réjouir ? Après tout j'ai beau être équipé d'une résolution implacable, m'engager dans l'armée d'Omyre c'est pas non plus le rêve de toute une vie pour moi. Ce doit être fait, ça j'en suis certain, et je trouverai pas le sommeil tant que j'aurai pas tué deux cent soldats kendrans pour chacun des miens. Mais je trouve pas l'événement heureux pour autant.

C'est rempli d'appréhension que je m'approche petit à petit du campement, entendant chaque minute un peu mieux le bordel des soldats qui s'affairent à construire, vraisemblablement, des fortifications de bois autour du poste. On est assez loin de toutes les frontières, mais je suppose que c'est au cas où l'une de ces dernières bougerait un peu trop en leur défaveur. Comme quoi même les bourrins que sont les garzoks peuvent être organisés quand ils sont dirigés par quelqu'un qui a la tête sur les épaules.

Je suis à encore quelques centaines de mètres lorsque la sentinelle, perchée sur une tour de guet à la sortie du village, m'aperçoit. Alors que je continue d'avancer, je la vois qui descend de son perchoir pour s'entretenir avec d'autres garzoks. Ils se tournent vers moi, me fixent, se regardent... Me fixent de nouveau, puis je vois le guetteur s'en aller, pour ne revenir qu'une minute plus tard sur le dos d'un gigantesque loup. Je commence à me demander si c'était une bonne idée de venir ici. Sur son canidé, l'orc arrive en trombe, la hache à la main. Mon cœur s'accélère, des gouttes de sueur coulent le long de mon front. Il est un peu tard pour fuir, je ne pourrai jamais semer un loup, mais quelque chose me dit qu'il ne compte pas juste m'escorter jusqu'au village pour me poser au coin d'une cheminée devant un bol de soupe. Je n'ai plus vraiment l'occasion d'y réfléchir, ceci-dit, car il est là, à quelques mètres de moi. Il tire sur ses rênes, sa monture freine ; je me fige.

« Bla bla bla bla bla ! »

C'est à peu près tout ce que j'entends. D'abord parce que mes oreilles bourdonnent sous le coup de la peur. Ensuite parce que je ne comprends pas un traître mot de ce qu'il me chante.

« Gork unsk kargr al, mehen ! » répète-t-il. Du moins... C'est à peu près ce que j'ai entendu.

Ce n'est pas la première fois que j'entends du garzok, les soldats en poste à mon village parlaient constamment de cette manière. Mais ils ont eu beau camper là-bas presque toute l'année, ils ont jamais vraiment pris la peine de nous donner des cours.

« Je... Je comprends pas le garzok, » articulé-je finalement.

Le colosse descend de sa monture, fait quelque pas dans ma direction, provoquant un recul instinctif de ma part... Et bim ! Une claque dans ma gueule. Je titube sous la douleur. Il a une force prodigieuse, et on dirait qu'il n'a pas forcé. Alors que j'essaie de regagner l'équilibre, les oreilles bourdonnant de nouveau et la vision floue, je sens une main puissante qui m'attrape par l'arrière de la tunique. La seconde d'après, je me sens décoller du sol et j'atterris bien vite sur le dos du loup. Le garzok prend place derrière moi, me maintient plaqué sur la selle d'une seule main, et la seconde d'après nous voilà partis au galop en direction du village. J'ai le sol à quelques centimètres du visage, et il défile à une vitesse vertigineuse, me provoquant des haut-le-cœur. Heureusement, on s'arrête assez vite, et je suis rapidement jeté au sol avec la même facilité que je l'avais quitté quelques secondes plus tôt. Lorsque je regarde autour de moi, je suis observé par une dizaine de paires d'yeux intriguées. Il faut croire qu'ils ont pas l'habitude de voir un humain débouler chez eux seul et sans arme en plein milieu de la journée. Mais quel con je fais. Ils sont en guerre, évidemment qu'ils réagissent ainsi.

De nouveau, une main m'attrape par la tunique et me force à me relever. J'obtempère, et lorsque la même gigantesque paluche me pousse en avant, je marche sans demander mon reste. Espérant, ceci-dit, que l'un d'eux connaisse la langue commune, je tente de m'expliquer.

« Je viens m'engager dans votre armée ! »

Mais les regards se font encore plus suspicieux. Je ré-essaie dans un langage moins châtié.

« Moi, tuer kendrans ! »

Cette fois-ci, j'obtiens des réactions. Pas vraiment celle voulue, par contre.

« Kendrans ? » répètent-ils en me pointant du doigt.
« Non ! Non pas moi, » tenté-je de me justifier.

Mais la main de la sentinelle derrière moi me pousse de nouveau, me signifiant, je suppose, de fermer ma gueule et d'avancer. Quelques mots en garzoks sont échangés alors que l'on se dirige vers une tente plus grande que les autres. Arrivés devant, le guetteur soulève un pan de l'entrée et me pousse à l'intérieur, avant de s'y engouffrer à son tour. Outre une grande couche de foin et de fourrure, j'y découvre une grande table en bois parée de ce qui ressemble grandement à une carte, même si je ne comprends pas trop ce que je regarde ; mais surtout, j'y découvre un monstre de plus de deux mètres à la barbe et à la crinière grisonnante, au visage couturé de cicatrices et au regard féroce. Il est étonnamment blanc pour un orc, mais ses crocs, ses oreilles, son nez et, en fait, toute la morphologie de son visage me confirment son ascendance garzok. A notre entrée, il se tourne vers nous, les yeux menaçants. De nouveau, j'entends quelques phrases de leur langue gutturale sans les comprendre, avant que celui qui semble de manière évidente être le chef ne tourne ses yeux vers moi.

« Qu'est-ce que t'es venu faire ici ? »

Le ton de sa voix me fait sursauter, mais je tente vite de me reprendre. Il est intimidant, j'ai du mal à soutenir son regard. Mais au moins parle-t-il la langue commune, et avec un accent presque impeccable en plus.

« M'engager, monsieur, » fais-je avec tout l'aplomb dont je suis capable. C'est à dire aucun, si bien qu'il fronce les sourcils face à mon charabia.
« Parle plus fort ! »
« M'engager ! » répété-je, cette fois plus fort que je ne l'aurais souhaité.

Il hausse un sourcil, visiblement surpris par la déclaration, avant d'échanger quelques mots en orc avec un sourire. Lui et la sentinelle se marrent à gorge déployée... Ils se paient ma tronche.

« Tu veux t'engager dans l'armée d'Omyre ? » répète-t-il une fois son fou-rire passé. « Regarde toi trouducul, t'as les bras comme des brindilles, et c'est tout juste si tu chies pas dans ton froc juste à me regarder dans les yeux ! »

Mon sang ne fait qu'un tour. Je n'ai jamais été colérique, moins encore téméraire, mais il faut croire que ce sont deux nouveaux traits de caractère pour lesquels je dois remercier Kendra Kâr. Je fais un pas en avant, colle mon regard dans le sien, sourcils froncés, et rétorque :

« Je veux égorger des Kendrans, pisser sur leur cadavre et faire un feu de joie avec leurs os, et c'est ce que je ferai, quoi que vous en dites ! »

Son sourire disparaît, si bien que je me demande si j'ai pas fait une connerie en le provoquant de la sorte. Il fait un pas à son tour et nous nous retrouvons à quelques centimètres l'un de l'autre. Tout mon être, mon corps, mes tripes, me hurlent de reculer, de me barrer d'ici en courant, mais je tiens bon, je résiste, et je garde mes yeux plantés dans les siens. Je suis littéralement terrorisé... Mais pour une raison inconnue, moi qui ai toujours été peureux, moi qui me suis toujours caché dans les jupons de ma mère... Je reste là, fort... Jusqu'à ce qu'un nouveau sourire apparaisse sur le visage de mon interlocuteur. Mais cette fois, il n'est pas moqueur. Mes muscles, ultra tendus pendant ces quelques secondes, se relâchent, les battements de mon cœur ralentissent, mes poings se desserrent.

« L'expérience a prouvé que les humains et les garzoks faisaient rarement bon ménage sur un front, » me fait le chef après quelques secondes.
« Je saurai m'adapter ! » rétorqué-je aussitôt, mais il me calme d'un signe de la main.
« Calme-toi, calme-toi. Tu n'es pas le premier humain à vouloir te farcir du Kendran, et en temps de guerre on peut difficilement tous les renvoyer chez eux. Seulement dans l'armée régulière les humains font rarement long feu, surtout quand ils ne savent pas se faire respecter. Comment tu t'appelles ? »
« Alban... monsieur, » réponds-je, plus calme.
« Ha ! T'as un prénom de tapette, Alban. Mais t'as un regard de combattant. Ce soir tu vas manger ici et on va te filer une couche pour passer la nuit. Et demain, tu iras à l'Ouest. A environ cent kilomètres d'ici, un peu après le fleuve, tu trouveras le campement de Daëlle. Je garantis pas qu'elle te prendra dans sa troupe, en fait c'est peu probable, mais si tu lui dis que c'est Rog'Ka qui t'envoie, au moins elle t'écoutera. Enfin... Y a quand même neuf chances sur dix que tu claques pendant le trajet. »

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 Sujet du message: Re: Les terres sauvages autour d'Omyre
MessagePosté: Lun 17 Oct 2016 09:40 
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Interlude



Ce soir là, Rog'Ka a passé une bonne partie du repas à me parler de Daëlle. Il m'a raconté à quel point elle avait joué sa part dans la déroute des Ynoriens ces trente dernières années, à une époque où le manque d'un chef du côté Omyrien leur valait peignée sur peignée tant leur coordination était mauvaise. Ils passaient plus de temps à se foutre sur la gueule entre eux qu'à réellement poser un problème à Oranan. Je pense que c'est là que je me suis rendu compte que cette foutue guerre aurait pu être évitée si Kendra Kâr, l'Anorfain, Mertar et l'Ynorie s'étaient bougé le cul plus tôt. Je veux dire : aujourd'hui ces connards nous tiennent tête alors que l'Omyrhie est unie et qu'elle a en plus l'aide de Darham et de l'Atha Ust... Alors merde, si ils avaient regardé le problème en face plus tôt, ils auraient pu instaurer, de gré ou de force, une paix durable sur le continent. Une paix qu'Oaxaca elle-même aurait galéré à ébranler.

Enfin bon, toujours est-il que cette Daëlle que je devais rencontrer était un peu une légende sur le continent. Oranan et Kendra Kâr la détestaient, l'Omyrhie lui devait en partie d'être toujours debout, et dès qu'Oaxaca est arrivé elle a fait en sorte de se la mettre dans la poche. Je crois que la Reine Noire a vite compris qu'elle avait besoin de personnes indépendantes pour la soutenir. Parce que bon ses Treize Larbins c'est bien joli, tous les garzoks qui lui baisent les pieds par peur de se faire décimer dans la matinée c'est marrant aussi, mais de temps en temps quelqu'un capable de donner un ordre sans demander l'autorisation ça fait pas trop de mal. Après tout c'est là le plus grand défauts de nos adversaires, et ce serait quand même sacrément ironique que ça devienne le nôtre au vu de nos antécédents : tu retires un général sur la frontière, tout s'écroule. « Ah oui mais qu'est-ce qu'on fait, là ? », « Attends, faut que je demande à l'état major » et vas-y que j'ai les guibolles qui vibrent dès que je dois prendre une décision sans avoir mon supérieur pour me la souffler à l'oreille... Une hiérarchie trop faiblarde ça pousse à une désorganisation catastrophique, comme Omyre en son temps, certes. Mais l'excès inverse dans lequel sont tombés tous les connards du Sud c'est pas beaucoup plus glorieux. Au final une poignée d'hommes sont formés pour diriger, les autres savent pas se torcher le cul s'il y a personne pour leur dire comment faire. Il faut donc savoir doser l'importance de la hiérarchie. Eh bah les personnes comme Daëlle, c'était la réponse d'Oaxaca à ce dosage : elle les savait très compétents, donc elle se contentait de les foutre dans une région, et ils se démerdaient. Complètement absents de la chaîne de commandement, ces généraux mercenaires restaient en contact avec toutes les compagnies officielles du coin, mais c'était à eux de choisir où ils allaient frapper, s'ils allaient aider une troupe en mauvaise posture, ou au contraire profiter de la diversion qu'ils représentaient pour aller cramer cent-trente hectares de vivres. Ca évitait que les généraux d'Oaxaca se servent d'eux pour sauver leurs propres miches, ça leur permettait d'agir sans avoir à attendre de directive ou d'autorisation et ça rendait les espions chargés de surveiller les ordres provenant des états majors complètement inutiles, et rendait leurs actions imprévisibles.

Enfin bon, tout ça je l'ai compris que bien plus tard, ce soir là Rog'Ka s'est contenté de me parler de la donzelle que j'allais rencontrer et de ses multiples exploits. Déjà alors j'avais remarqué qu'il l'estimait beaucoup. Il arrêtait pas d'employer des termes comme « illustre », « légendaire », « de génie », ce qui sonnait particulièrement bizarre de la bouche d'un garzok. Les seuls que j'avais croisé jusque là étaient des espèces de dégénérés qui passaient leur temps à se taper sur la gueule ou à se foutre des litres de liqueur dans la panse. Une bonne partie de ceux que j'ai croisé plus tard aussi, d'ailleurs. Mais bon celui-là, j'ai vite compris que c'était pas la moitié d'un débile. J'avais quand même eu une sacré veine de tomber sur lui ce jour là.

D'ailleurs, franchement, entre la survie au raid de Kendra Kâr, la sortie avec tous mes membres du camp garzok et mon arrivée au camp de Daëlle en un seul morceau, je dois avouer que j'avais plutôt le cul bordé de nouilles, à l'époque. Bon, j'aime à penser que par la suite ce sont mes talents multiples qui m'ont maintenu en vie, mais à ce moment là, je l'avoue, c'était purement de la chance. J'aurais bien dit « ou le destin » mais je pense personnellement que Zewen est le genre de connard trop imbu de sa personne pour s'intéresser à des êtres comme nous, alors de là à se faire chier à tisser une toile toute faite pour chacun d'entre nous, j'y crois encore moins. D'autant que je vois pas l'intérêt. Enfin bon en tout cas, toujours est-il que ce bon vieux Rog'Ka m'avait également expliqué plus en détail le chemin à prendre au repas du soir, et m'avait même filé une gourde d'eau et une couverture pour que j'arrive plus vigoureux jusque là-bas. Un vrai samaritain, hein ? Bon j'étais toujours désarmé et de toute façon strictement incapable de me battre, donc il me restait juste une chose à faire : prier tous les connards qui nous servent de dieux pour pas faire de mauvaise rencontre. En pleine terre d'Omyrhie, vous me direz, plus facile à dire qu'à faire. Bah croyez-le, croyez-le pas, j'ai pas croisé un rat entre l'avant-poste garzok et le campement de Daëlle.

Bon, par contre je suis arrivé avec une fringale monstrueuse, une gourde vide, et plus fatigué que je le croyais humainement possible. Si bien que quand j'ai vu le camp, mes jambes m'ont tout simplement lâchées là, comme ça, en plein milieu de la campagne, et je me suis étalé par terre comme la dernière des merdes.

Quand je me suis fait réveiller le soir tombait presque, alors que selon mes estimations j'étais arrivé là à tout juste midi, mais faut dire que les journées commençaient déjà à être courtes. Celle qui m'a réveillé, c'était Bru'Gaf, la shaman orc de la troupe. C'était la première fois que je voyais une garzok femelle, bah je peux vous dire que sur le coup j'avais vite compris pourquoi les mâles étaient si ronchons : franchement devoir se farcir des engins pareil, ça a de quoi rendre colérique. D'autant que j'ai appris plus tard que c'était pas forcément la plus vilaine, et pourtant laissez moi vous dire qu'avec son œil gauche tout blanc, son teint vert tout dégueu et ses traits plus virils que les miens, elle était loin de me faire envie à l'époque. D'autant qu'avec le pagne et la petite veste qu'elle portait comme seuls vêtements, elle montrait une proportion tout à fait dérangeante de peau. Et je veux dire par là qu'affalé par terre comme j'étais quand elle a commencé à me foutre des coups de pied dans les côtes, j'avais une vue imprenable sur une forêt particulièrement broussailleuse. J'étais tellement perturbé que je crois que je l'ai fixée, bouche bée, pendant une bonne dizaine de secondes. Je me souviens encore de son petit sourire en coin quand elle m'a lâché avec son accent à couper au couteau un : « t'en veux un bout ? ». J'étais encore innocent à l'époque, alors je m'étais vite redressé, ou en tout cas aussi vite que je le pouvais avec ce qui me restait de force, tout en baragouinant une série de « non ». Par la suite elle a appris à plus me faire cette vanne quand j'ai bu plus d'une bière, mais ça c'est une autre histoire. On aura largement le temps d'évoquer mes déviances sexuelles plus tard. Donc pour en revenir à ma rencontre avec Bru'Gaf, j'étais encore assez crevé, malgré ces quelques heures de sommeil improvisé, du coup j'étais pas debout depuis quinze secondes quand j'ai commencé à me recasser la gueule. Elle a dû me soulever et me foutre sur son épaule avec une facilité que j'avais trouvé assez déconcertante à l'époque, puis elle m'a conduit au camp comme ça. Et c'est là que j'ai rencontré Daëlle.

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 Sujet du message: Re: Les terres sauvages autour d'Omyre
MessagePosté: Lun 17 Oct 2016 09:41 
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La garzok me trimballe comme un vulgaire sac de légumes à travers le campement. Elle a eu la bonne idée de me foutre la tête vers l'arrière alors j'ai aucune idée de où on va, mais je peux voir des regards scrutateurs nous suivre. Mais moi aussi je dois m'avouer curieux, parce que ses paires d'yeux appartiennent autant à des orcs, qu'à des humains, qu'à ce que je suppose être des shaakts. Je n'ai pas vraiment l'occasion de pousser plus mon inspection cependant, lever la tête dans cette position demande un certain effort, et si je suis dans cette position c'est justement parce que je manque de l'énergie nécessaire pour ce genre de choses. En plus, on tarde pas à sortir du dédale de tentes pour arriver à une zone un peu moins fréquentée, quoiqu'elle semble encore être dans le campement si j'en crois les visions qui s'offrent à mois à ma gauche et à ma droite. Finalement la garzok s'arrête et j'entends le bruit d'une toile de tente qui se soulève. Un pas plus tard, nous voilà dans la pénombre d'un chapiteau uniquement éclairé par quelques torchères. Et la voilà qui me lâche, sans aucune douceur. Je glisse de son épaule avant de m'éclater contre le sol, sur le dos, à l'angle idéal pour avoir pour la seconde fois de la soirée la vue dérangeante de ses parties les plus intimes. Après quelques gémissements je trouve la force de me retourner pour dégager mes yeux de ce spectacle troublant, et mon regard se pose finalement sur le visage d'une femme d'un âge plus que mûr qui me regarde avec un sourcil levé en signe d'interrogation.

« Qu'est-ce que c'est que ça, Bru'Gaf ? » demande-t-elle.
« Je l'ai trouvé inconscient à quelques centaines de mètres du camp, » s'explique la garzok.
« Ca ne me dit pas pourquoi tu me l'as amené jusqu'ici, » insiste la vieille femme.
« Je préfère le laisser t'expliquer la raison de sa présence. »

Je fais un effort pour me redresser, non sans difficulté, jusqu'à me tenir droit face à celle que je suppose être Daëlle. Non, en fait je sais que c'est elle. Ca ne peut être qu'elle. Elle doit avoir la cinquantaine, ce qui concorde avec les histoires de Rog'Ka, et puis... Et puis quel charisme, quelle prestance... Quelle présence. Tout comme Bru'Gaf, elle a perdu son œil gauche, qui est recouvert d'un voile blanc, mais c'est visiblement à la suite d'une blessure pour elle, au vu des deux longues taillades qui lui barrent le visage à cet endroit. Son autre œil, perçant, implacable, est noisette, et j'ai l'impression qu'il sonde jusqu'aux tréfonds de mon âme. Sa crinière, jadis châtain, maintenant parcourue de nombreux cheveux blancs, est nouée à l'arrière en une coiffure à la fois stricte et élégante. Son visage est fermé et arbore de nombreuses rides, mais d'un seul regard on devine la magnifique femme qu'elle était. En fait elle est encore très belle, à sa manière. Et son armure métallique parée de fourrure et d'épaulettes à tête de lionne ne fait qu'accentuer son aura... héroïque. En une seconde je suis subjugué, intimidé, effrayé et conquis.

« Tu comptes me dire pourquoi t'es là un jour ou t'as décidé de me reluquer jusqu'à ce que je te foute mon poing dans la gueule ? » fait-elle après quelques secondes de silence.

Je rougis alors que la garzok derrière moi ricane doucement, mais reprends vite contenance : je ne peux pas passer pour le dernier des abrutis devant elle, elle est ma dernière chance de me rendre utile dans la guerre contre Kendra Kâr. Ma dernière chance de tuer de ces connards par dizaines.

« Je viens pour m'engager, » fais-je en relevant la tête.

Sous les coups de la fatigue et du stress, je sens mes jambes trembler doucement, prête à me lâcher à tout instant.

« T'engager ? » répète-t-elle en levant un sourcil.

J'ai l'impression d'avoir déjà vécu cette scène il y a peu. Sauf qu'au lieu de se payer ma tronche comme Rog'Ka quelques jours plus tôt, elle se contente de me foutre un coup de botte dans le tibia, me faisant lamentablement chuter au sol dans un gémissement de douleur.

« Et qu'est-ce que je ferais d'un bon à rien qui tient pas sur ses jambes et qui a les bras moins épais que le manche de nos épées ? »

Je rassemble mes forces pour tenter de me lever de nouveau pour lui faire face, mais voyant mes efforts elle appuie son pied contre mon épaule et me plaque au sol, tout en croisant les bras avec nonchalance.

« A la limite si tu veux vraiment participer à l'effort de guerre je peux te donner à bouffer aux loups. »

Je tente de déloger mon pied de mon torse mais mes forces sont insuffisantes, et elle finit par mettre son poids sur sa jambe pour me mater par la douleur. Je retiens un grognement mais m'avoue vaincu, laissant mes bras retomber le long de mon corps.

« Allez, je vais te faire une fleur, » continue Daëlle. « Si tu te casses maintenant je te les lâche pas au cul. T'as trente secondes pour te décider, sinon tu m'économises un peu de sanglier pour la soirée. »

A cette déclaration, elle retire sa botte de mon torse, me laissant l'occasion de me relever. Elle doit s'attendre à ce que je parte, hein ? Elle se fourre le doigt dans l’œil : je suis venu ici pour m'engager, je repartirai pas comme ça, j'abandonnerai pas à la première menace, merde ! Derrière moi, je croise brièvement le regard de Bru'Gaf. Elle m'adresse un sourire que j'ai du mal à identifier. On dirait que... Qu'elle attend quelque chose de moi.

« Vingt secondes, » fait Daëlle. « Vu le temps que tu fous pour te lever je commencerais dès maintenant si j'étais toi. »

Suivant son conseil, je roule sur moi-même pour me retrouver à plat ventre et mieux m'aider de mes bras et utilise les dernières miettes de force que j'ai en stock pour me remettre sur mes pieds. Au prix d'un effort surhumain, j'arrive à me replanter face à elle alors qu'elle commence le compte à rebours des cinq dernières secondes. Mais je la coupe en plein milieu.

« Je partirai pas, » soufflé-je, exténué.

Elle lève de nouveau un sourcil, visiblement surprise.

« Je viens de la part de Rog'Ka, » continué-je. « Il m'a dit que vous m'écouteriez. »
« Rog'Ka, hein ? » fait-elle, soudain intéressée. « Tu viens de gagner deux minutes. »

Je retiens un soupir de soulagement et tente de me tenir le plus droit possible.

« Mon village s'est fait massacrer par Kendra Kâr, » commencé-je, mais elle me coupe immédiatement.
« Ouin ouin, ta vie est triste, tu veux te venger, c'est génial mais ça manque cruellement d'originalité et je n'en ai strictement rien à foutre, mon grand. Maintenant si tu veux perdre la minute trente qu'il te reste à me raconter ta vie c'est comme tu veux, mais si j'étais toi je commencerais plutôt à chercher des arguments pour me convaincre que tu me seras d'une quelconque utilité. »

J'entrouvre la bouche, ne sachant trop quoi répondre. Elle veut des arguments ? Mais la vérité c'est que je n'ai pas de force, pas d'endurance et que je n'ai jamais tenu d'arme de ma vie. Je... je n'ai pas d'argument. Je baisse le regard, cherchant quelque chose, mais en vain. Les secondes passent, le temps s'écoule, mais je ne trouve rien. Rien qui pourrait faire de moi une recrue de choix.

« Mais, vous avez toujours besoin de plus de soldats, non ? » demandé-je, désemparé.
« De soldats, oui. Mais t'es pas un soldat toi, t'es un gamin qu'a perdu sa môman. On fait la guerre ici, on fait pas orphelinat. »
« Mais je pourrai apprendre ! »
« Très bien, bah vas apprendre dans ton coin et reviens me voir quand tu sauras tenir une arme par le bon bout, » répond-elle, exaspérée.
« Mais... Mais je peux pas apprendre seul, je suis venu ici pour ça... »
« Pas mon problème. Ici on s'entraîne entre personnes qui savent déjà se battre. Un élève à qui il faut apprendre toutes les bases c'est des heures et des heures de temps perdu qu'on pourrait passer à faire autre chose. Tout ça pour que tu aies neuf chances sur dix de claquer à la première bataille. »

Encore une fois j'ouvre la bouche, mais rien ne sort. Je ne trouve juste rien qui puisse la convaincre, rien qui joue en ma faveur, rien qui pourrait faire de moi un bon soldat.

« Et on en revient au point de départ, » reprend-elle. « Tu as quinze secondes pour te barrer de là avant que je décide de te lâcher les loups au cul. »
« Non ! » réponds-je avec véhémence.
« Pardon ? » fait-elle, les yeux écarquillés.
« J'ai dit non ! Je refuse ! Je suis venu ici pour vaincre Kendra Kâr, je repartirai pas tant qu'elle sera encore debout ! »

Mes yeux sont noirs, ma détermination implacable, mes poings serrés et mes sourcils froncés... Pour autant, même si je tâche de garder une expression résolue sur le visage, je ne peux m'empêcher de me demander si j'ai pas fait une connerie. Daëlle s'approche de moi, l'air sévère, et plante son regard dans le mien. Le même jeu de domination que j'ai eu avec Rog'Ka s'installe, mais celui-ci s'avère bien plus long, et la personne devant moi a beau être une femme d'un certain âge et un peu moins grande que moi, il s'avère également nettement bien plus difficile. Pourtant, après de longues secondes à soutenir son regard, son visage reprend sa composition habituelle et elle s'écarte d'un pas.

« Très bien, si tu crois ta résolution si exceptionnelle que ça... »
« Oui », fais-je avec conviction.
« Eh bien alors testons-la, cette conviction. Bru'Gaf ? »

Derrière moi j'entends la garzok qui s'approche, mais je n'ai pas le temps de lui faire face qu'un coup de pied vient faucher mes jambes, me faisant douloureusement chuter, pour la énième fois aujourd'hui.

« Désolée Gringalet, » fait l'orc avec un haussement d'épaules.

Et, l'instant d'après, la voilà à califourchon sur moi, me distribuant des tartes par dizaines alors que je tente sans le moindre succès de m'en défendre de mes bras. Lorsque je les monte devant mon visage, je sens ses poings s'abattre violemment dans mes côtes. Lorsque je les descends sur mon buste, des phalanges viennent me cueillir aux pommettes et au menton. Je sens petit à petit mon visage se tuméfier et mon ventre se parer de nombreux bleus et griffures. Après ce qui semble des heures de coups, cependant, j'arrive à la repousser, la faisant chuter en arrière. Mais je n'ai pas le temps de me redresser qu'elle est elle-même debout et vient coller son pied nu sur ma tête pour la pousser au sol.

« Tu abandonnes ? » demande Daëlle non loin de là.

Mais je l'ignore, tentant de retirer le pied crasseux de Bru'Gaf de mon visage.

« On dirait que non, » répond à ma place l'orc.
« Effectivement, » renchérit la mercenaire. « Passons à la vitesse supérieure, j'ai pas toute la soirée. »

Je sens le membre de la garzok quitter mon nez, mais le soulagement n'est que de courte durée car bientôt c'est celui de Daëlle qui vient frapper avec violence mes côtes, m'arrachant un cri de douleur. Bientôt, un second coup de botte heurte le même endroit, puis un troisième et un quatrième, jusqu'à ce que je sente, et entende, le craquement d'un os. Ca ne l'arrête pas, car bientôt la coque métallique de sa chausse me frappe le visage, provoquant une douleur encore une atroce alors que je sens un liquide chaud couler le long de mon visage et à l'intérieur de ma bouche.

« Si tu abandonnes maintenant tu as droit à un bol de soupe et une tente pour la nuit avant de repartir demain, » me propose la Général.

L'offre est particulièrement tentante, et un nouveau coup dans les côtes manque presque de me convaincre, mais à la place je crache le sang que j'ai dans la bouche au sol et plante de nouveau mon regard dans le sien.

« J'ai dit... » articulé-je, « … que je... partirai pas. »

J'ai du sang qui me coule dans les yeux, des coupures dans les gencives et la langue et une côte fêlée, et elle ne semble pas vouloir s'arrêter pour autant. Mais si j'abandonne maintenant, si je rebrousse chemin... Alors je ne serai jamais capable de faire regretter à ces connards. Je serai jamais capable de tuer le Général responsable pour ce putain d'ordre. Ce putain d'ordre qui a fait tuer toute ma famille, tous mes amis... Tout mon entourage. Alors merde, tant pis, j'en baverai ce soir, j'en baverai sûrement demain, après-demain et tous les jours qui suivront pendant les mois à venir, mais j'abandonnerai pas là. Pas comme ça. Pas après avoir cavalé près de deux cent kilomètres à pied.

« On dirait qu'il supporte bien les chocs, » fait Daëlle en direction de Bru'Gaf. « Reste à voir les coupures. »

Sur ces paroles, je la vois sortir quelque chose de sa ceinture, mais le sang dans mes yeux m'empêchent de bien identifier l'objet. Pas besoin d'être un génie cependant pour deviner, et lorsqu'elle s'accroupit je ne suis pas surpris de sentir une lame se presser contre mon cou.

« C'est deux types de douleur très différents, » explique-t-elle. « Certaines personnes encaissent très bien les chocs mais ne supportent pas les coupures, pour d'autres c'est l'inverse. Tout comme certaines personnes acceptent bien la violence physique mais craque dès qu'on leur fait un peu peur. »

Je sens la dague glisser de mon cou jusqu'à mon buste, et pour une raison qui m'échappe je suis encore plus terrifié que quelques secondes plus tôt, lorsqu'elle me tabassait à coup de botte. Je ne me suis que rarement coupé, et toujours de manière superficielle, aussi j'ignore complètement l'intensité de la douleur qui est sur le point de m'assaillir. La lame passe sous ma chemise, et l'instant d'après je la sens qui découpe ma tunique de haut en bas, laissant mon torse à nu.

« Un peu d'exercice et tu serais à croquer, » fait Bru'Gaf avec son accent guttural.

Etrangement, sa remarque m'attire un léger sourire, mais il est vite coupé par l'arrivée d'une douleur cinglante au-dessus du nombril. Un cri s'échappe de mes lèvres alors qu'un profond sillon est tracé dans ma chair. Elle dessine avec une lenteur sadique une entaille qui remonte le long de mes abdominaux jusqu'à mes pectoraux, me provoquant un hurlement continuel alors que du sang coule d'un flot inquiétant le long de mes côtes.

« Dernière chance pour le bol de soupe, » murmure-t-elle en approchant l'arme, toujours plantée dans ma chair, de mon téton droit.
« Plutôt mourir ! » crié-je dans un rictus de douleur.

Et soudain, elle s'arrête. La douleur est toujours là, mordante, violente, le sang coule toujours, mais l'acier n'est pas dans ma peau. Cependant elle ne semble pas en avoir terminé car un coup de poing vient frapper mon visage. Je crache un nouveau mollard de sang, sonné. Je suis tiraillé de douleurs tout le long de mon corps, mais je rassemble mes forces pour lâcher un ultime affront.

« Je reste ! Je... je re... reste... »

Et un nouveau coup de poing en pleine mâchoire.

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 Sujet du message: Re: Les terres sauvages autour d'Omyre
MessagePosté: Lun 17 Oct 2016 09:42 
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Je sens quelque chose de chaud passer le long de mon torse, remontant le long de la plaie laissée là par Daëlle et provoquant à la fois un sentiment de bien-être et une douleur lancinante. Je pousse un léger gémissement et tente d'ouvrir les yeux pour comprendre où je suis, mais mes paupières semblent coller. Ma bienfaitrice doit s'en rendre compte car j'entends quelques mots en garzok et la seconde d'après un linge humide et chaud nettoie mes yeux, retirant ce qui semble être du sang coagulé de mes cils et me permettant d'observer les alentours. Un regard devant moi m'informe ce que j'avais déjà deviné au son de sa voix : c'est la dénommée Bru'Gaf qui s'occupe de soigner mes plaies. Et on dirait qu'elle a commencé depuis un certain temps déjà car la lacération de mon ventre a déjà commencé à cicatriser, et je suppose que l'onguent à la couleur plus que douteuse qu'elle applique dessus est là pour terminer le travail. Croisant mon regard, l'orc me sourit chaleureusement.

« Déjà réveillé ? Tu es plus costaud que ton corps de fillette ne le laisse penser. »

Je ne réponds pas tout de suite à ce qui semble être un compliment de sa part, et tente tant bien que mal de regarder autour de moi, causant de vives douleurs dans de nombreux muscles. L'environnement est sombre, ne rendant pas la tâche facile, mais les rares torches présentes m'aident à comprendre que je suis allongé dans la couche d'une tente, et qu'il fait probablement nuit dehors. J'aperçois de nombreux objets à l'allure étrange, qui m'évoquent des ingrédients d'alchimie, ainsi disposés. Et finalement, je vois la personne à qui Bru'Gaf a adressé ces quelques mots en garzoks. Il est facile de la louper, dans une telle pénombre, car elle a la peau bien plus sombre que sa comparse, et puis elle est bien moins imposante. Si la première fait la taille d'un homme adulte en grande forme et a la musculature d'un guerrier dans la force de l'âge, celle-ci m'évoque une adolescente, frêle et fragile. Son visage est également bien plus fin et féminin. Presque... attirant, en fait. Mais son teint verdâtre, les deux crocs qui dépassent de sa lèvre inférieure et ses oreilles si typiques me confirment sans mal son ascendance orc. Pour autant, ce qui attire le plus mon attention, c'est ses iris d'un mauve perçant, brillant presque dans la pénombre ambiante. Et, bien sûr, avant tout... les énormes cicatrices qui barrent son visage. Une sur le nez, une autre au menton, une troisième au-dessus du sourcil gauche et enfin, du même côté, une épaisse et profonde commençant au-dessus de la pommette et terminant sous la lèvre. Ce pourrait sembler tout à fait normal de tomber sur des personnes couturées de cicatrices dans un camp militaire, mais elle ne m'a absolument pas l'air d'être une combattante. La première chose à laquelle je pense en voyant ces balafres c'est la torture, mais elle est si jeune... Plus que moi. Alors comment ? Qui ?

« Ne tombe pas amoureux, » me fait Bru'Gaf avec un sourire, m'arrachant un rougissement.

Quelle idée. Elle est mignonne mais c'est une orc. C'est pas vraiment dans mes préférences.

« Elle s'appelle Kal'Gaf, » continue-t-elle. « C'est ma fille. »

Je lance un regard surpris à l'une puis à l'autre, m'attirant un nouveau rictus de la part de la mère.

« C''est la fille d'un humain, » explique-t-elle. « J'ai un faible pour les humains. »

Son sourire se fait plus carnassier, amplifiant encore un peu mon rougissement, mais la fille vient à ma rescousse d'une phrase qui n'a absolument rien de rassurante.

« Laisse-le tranquille maman, il n'est pas encore en état pour ce genre de choses. »

Comment ça pas encore ?

« C'est bien pour ça que je le répare, » rétorque Bru'Gaf sans la moindre gêne.

Haussement d'épaules de la plus jeune, puis la mère recommence à étaler de l'onguent sur mon torse sans faire attention à mon expression outrée. Est-ce qu'elle espère vraiment... que... qu'on... Je ne l'ai même pas encore fait avec une humaine !

« Tu devrais essayer de te rendormir, » me fait Kal'Gaf avec un sourire timide.

Malgré son ascendance humain, son accent est encore plus prononcé que celui de sa mère, ce qui achève de la rendre indésirable à mes yeux. Elle est mignonne, certes, mais... Les canines... la peau... les oreilles... Et puis l'accent, pour terminer... Il n'y a rien à faire, je ne pourrai jamais trouver les orcs attirantes.

« Pourquoi est-ce que vous me soignez ? » demandé-je enfin.
« Parce que tu as réussi le test, » me fait simplement Bru'Gaf. « Tu est des nôtres maintenant. Et quand un des nôtres va mal, on le rafistole. Enfin, les troufions vont généralement se faire soigner par nos guérisseurs, Kal et moi on s'occupe des officiers d'habitude. »

Je mets quelques secondes à assimiler ce qu'elle vient de me dire. J'ai... réussi ? Donc tout ce tabassage et ces coups de couteau n'ont pas servi à rien ? Daëlle veut de moi ? Je souris finalement, sans trop savoir pourquoi. Je viens de m'engager dans une campagne militaire qui me dépasse et qui a toutes les chances de me coûter la vie dans les prochaines semaines, peut-être même les prochains jours, il n'y a pas vraiment de quoi être heureux. Mais... Mais j'ai réussi.

« Tu ne te demandes pas pourquoi c'est nous qui te soignons si on s'occupe que des officiers ? » demande Bru'Gaf.
« Heu... Parce que vous étiez dans les parages ? »


La garzok m'adresse un sourire sournois.

« Voyons on a tous les deux vu le sexe de l'autre, tu peux me dire « tu ». »

Et je me rends compte pour la première fois depuis mon réveil que je suis complètement nu sous le drap qui recouvre la partie basse de mon corps, ce qui attire un nouveau rougissement à mes joues.

« Non, pas parce que j'étais déjà là, » reprend Bru'Gaf, plus sérieusement. « Ecoute gamin, on a des soldats expérimentés qui meurent à chaque bataille, et on en a d'autres qui viennent les remplacer toutes les semaines. Un soldat qui ne sait pas se battre c'est une ration de nourriture qui s'en va tous les jours, un guérisseur de bloqué lorsqu'il se blesse sans pour autant mourir, du temps passé à tenter de le former, et tout ça pour qu'il aille s'écraser contre les lignes ennemies et qu'il meure sans tuer le moindre soldat. Ou pire, que durant une manœuvre un équipier compte sur lui pour assurer ses arrières et meure de son incompétence. Tu comprends pourquoi Daëlle ne voulait pas de toi maintenant ? »
« Heu... Oui. Mais quel est le rapport ? »
« Le rapport c'est que Daëlle n'a aucun intérêt à t'accepter parmi nous pour que tu meures à la prochaine bataille sans avoir fait le moindre dégât dans les lignes adverses. Tu as droit à trois jours de convalescence, après ça elle tentera de faire de toi un officier en un temps record. Donc dors, Alban. Dors tant que tu le peux parce qu'après ça tu deviendras sa chose, et si tu n'es pas à la hauteur tu finiras comme bouclier humain en première ligne. »

Je prends quelques secondes à digérer ces nouvelles informations. Je suis arrivé devant elle comme le dernier des abrutis sans avoir jamais touché d'arme de ma vie, elle a tenté de me dissuader par tous les moyens de m'engager, et d'un seul coup elle veut faire de moi un officier ? Mais... pourquoi ? Je ne sais toujours pas utiliser une épée, je ne suis toujours pas musclé, et en plus maintenant je suis blessé. Alors pourquoi vouloir faire de moi un officier. Et puis, rien à voir mais... Bru'Gaf vient de m'appeler par mon prénom...

« Comment tu sais que je m'appelle Alban ? »

Un sourire carnassier pour réponse. Encore un. Moi qui imaginais que tous les orcs étaient ronchons.

« Et comment est-ce que je t'ai trouvé planqué dans l'herbe, comment est-ce que j'ai su que tu étais venu voir Daëlle... Tu ne te poses la question que maintenant ? »

Elle laisse échapper un rire gras avant de se reconcentrer sur mes plaies. Non mais vraiment, comment ?

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 Sujet du message: Re: Les terres sauvages autour d'Omyre
MessagePosté: Lun 17 Oct 2016 09:42 
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Interlude



Les trois journées suivantes ont été bien plus douces que ce que j'imaginais quand je pensais à mes premiers pas dans une compagnie. Bien sûr, j'étais parfaitement conscient que ce n'était que le calme avant la tempête, et Bru'Gaf prenait soin de me le rappeler constamment. Vous savez, je comprends parfaitement le racisme dans une situation géopolitique comme celle de Nirtim. Non vraiment, habiter au Nord d'Oranan ça doit rendre un peu circonspect à l'égard des garzoks. Quand on est elfe blanc ce doit être difficile d'apprécier les shaakts. Et quand on est n'importe qui d'autre qu'un nain, les thorkins sont particulièrement agaçants. Mais entre Rog'Ka et Bru'Gaf, j'avais vraiment aucune chance de devenir raciste. Alors je vous arrête tout de suite : si je croise un garzok, je vais partir du principe que c'est un débile tout juste bon à soulever une hache et à bouffer ses propres excréments. Mais c'est le simple fruit d'une logique statistique : quand on croise un garzok, il y a neuf chances sur dix pour que ce soit un trouducul. Mais tout le monde a des préjugés sur tout le monde, c'est un simple moyen pour gagner du temps. Vaut mieux réviser son jugement sur une personne sur dix que sur toutes les personnes qu'on rencontre.

Enfin bref, je digresse. Ce que je voulais dire par là, c'est que Bru'Gaf se comportait avec moi comme une mère. Elle a presque littéralement passé l'intégralité de ces trois jours de convalescence à s'occuper de moi avec bienveillance. Bon, elle faisait quelques commentaires qu'une mère ne devrait jamais faire à son fils. Et puis selon elle j'étais pas transportable, donc je dormais directement dans sa couche, et elle avait très rapidement pris l'habitude de me prendre dans ses bras et de coller son corps nu contre le mien, malgré mes nombreuses protestations. Mais bon même si je m'en rendais pas compte à ce moment là, c'est vrai que j'ai toujours eu un certain charme, alors je pouvais difficilement lui en vouloir d'être en chaleur autour de moi. Surtout qu'elle m'avait déjà vu nu, et je peux vous assurer qu'il y a de quoi être impressionné. D'ailleurs moi aussi j'étais impressionné, même si je me l'avouais pas à l'époque. Il faut dire qu'en dehors de ses muscles légèrement trop prononcés pour le goût de la plupart des hommes, elle avait un corps splendide, à commencer par ses énormes... Heu... je digresse encore, je crois.

En dehors des nombreuses grivoiseries de Bru'Gaf, j'ai eu droit à la visite régulière de Daëlle pendant cette convalescence. Elle venait surtout vérifier que je cicatrisais bien et que je serais prêt au terme de ces trois jours de repos. Bon n'importe quel guérisseur lui aurait dit que trois jours c'était bien trop peu, mais je crois qu'elle le savait et qu'elle s'en moquait éperdument. En fait, je suis à peu près certain qu'elle a délibérément choisi une période ridiculement courte. Pour me tester ? Pour m'endurcir ? Un peu des deux ? J'ai jamais vraiment pris la peine de lui demander. Toujours est-il qu'elle s'est montré particulièrement froide durant ces visites, et qu'elle a très rapidement amplifié cette crainte que j'avais d'elle. Bon en même temps je suppose qu'il est logique d'avoir peur de quelqu'un qui vous a rossé comme elle l'a fait avec moi. Quoique Bru'Gaf avait participé, pourtant elle m'a très rapidement mis en confiance...

Enfin bon, ces quelques jours de convalescence ont été l'occasion pour moi d'en apprendre un peu plus sur la troupe. Après tout j'en faisais parti, donc il était nécessaire que je sache où j'avais mis les pieds. Avant ça j'ignorais jusqu'au nom de la compagnie, pour vous dire le degré d'ignorance dans lequel j'étais plongé. J'ai donc appris que j'étais maintenant membre de la « Légion d'Olath », puis j'ai appris que l'Olath était un métal particulièrement sombre, et qu'il tirait son nom du shaakt « Olath » qui signifiait « sombre ». Ils font toujours preuve d'une imagination débordante, ces shaakts... Bref, la Légion d'Olath était donc une armée mercenaire de plus de deux-mille-cinq-cent soldats qui avait su briller par son efficacité tactique plus que par son nombre. En fait, le nombre réduit était plutôt voulu, et c'est pour ça que Daëlle ne s'encombrait pas de nazes. Elle prenait que des guerriers confirmés, du genre qui faisaient tomber trois ennemis avant de mourir eux-même, et ça lui permettait de passer la frontière pour effectuer des attaques surprises meurtrières sans être repérée avant qu'il ne soit trop tard. C'est également là que j'ai appris trois choses capitales. Premièrement, Daëlle était un génie militaire reconnue par les plus grands Généraux de l'Empire Oaxien. Deuxièmement, j'étais particulièrement bien tombé. Troisièmement, si elle voulait faire de moi un officier dans une armée d'élite en un temps record... c'est que j'étais quand même pas mal dans la merde.

En dehors des informations sur l'armée en elle-même, j'en ai aussi appris plus sur Bru'Gaf. Déjà, elle m'a dit qu'elle avait reçu une formation de shaman, des genres de chefs spirituels chez les orcs, et qu'elle inculquait les mêmes compétences à sa fille. En plus de ça, elles ont toutes les deux des fluides de lumière. Sur le coup j'ai rien bité, évidemment, il a fallu qu'elle m'explique ce que c'était cette saloperie. Vous savez pour les paysans, la magie c'est un truc de sorcière avec des grimoires et des gros chaudrons, rien à voir avec des machins qui te coulent ou non dans le corps. Ensuite, elle m'a parlé de sa jeunesse. Quand elle est devenu adulte, vers seize ans pour la société garzok, elle est partie de chez elle. Officiellement elle allait en pèlerinage, mais en vérité elle en avait ras le cul des siens, elle comprenait pas pourquoi ils pouvaient pas s'entendre avec les humains, alors elle s'est cassé pour essayer de nous comprendre mieux. Ca s'est plutôt mal passé, étant donné qu'au Sud on exécutait – et exécute toujours, d'ailleurs – les orcs à vu, mais elle a fait quelques rencontres intéressantes. C'est là qu'elle a gagné son goût prononcé pour les humains d'ailleurs. Et qu'elle a accouché de Kal'Gaf. C'est la fille d'un marin Tulorain avec qui elle a passé quelques semaines. Elle l'a plus revu quand il s'est rendu compte qu'elle était en cloque. Enfin bref, elle a élevé sa fille un peu sur les routes, mais quand elle a eu huit ans elles se sont faites agresser par des soldats de Luminion, près de la frontière Omyrienne. C'est de là que la petite tenait ses blessures. Ils se sont dit que c'était plus marrant de torturer la gosse devant sa mère plutôt que de la tabasser elle directement. Enfin, plus marrant mais aussi plus sûr, parce que Bru'Gaf était déjà sacrément dangereuse à elle toute seule, et les quelques hommes qui sont rentrés dans sa cellule pour tenter quoique ce soit sont vite repartis la queue entre les jambes. Et c'est là qu'elle a fait la rencontre de Daëlle, qui a attaqué l'avant-poste dans lequel elles étaient enfermées deux jours après leur arrivée. La petite comme la mère devaient être exécutées le lendemain, alors évidemment Bru'Gaf s'est sentie endettée. Mais c'était pas la principale raison de sa présence ici, non. Contrairement à la plupart des soldats de l'Empire, qu'ils soient mercenaires ou sous les ordres direct de l'armée officielle, c'était pas pour le pognon, pour la simple envie de guerroyer ou par vengeance, qu'elle prenait part à la guerre. C'était plus le fait de la réalisation que les opprimés n'auraient jamais leur place dans le monde sous la domination Kendrane. Kendra Kâr était un royaume d'humains blancs, créé par des humains blancs pour des humains blancs. Et Cuilnen et Oranan exerçaient la même domination de leur côté. Les privilégiés seraient toujours les mêmes et ceux nés du mauvais côté de la frontière, ou ceux nés de la mauvaise couleur, avec des défenses dans la gueule ou des oreilles de la mauvaise taille, seraient à jamais interdits de bonheur. Interdit de richesse.

Mais bon je vais un peu vite en besogne, j'ai pas compris tout ça en une journée. C'est des mois de cohabitation avec cette malade de la bite qui m'en ont tant appris sur elle. Parce que la Salope Noire m'en soit témoin, elle est bien plus complexe que ce qu'on pourrait croire au premier abord.

Mais bon maintenant qu'on a évoqué ces trois journées de convalescence, je pense qu'il est temps, malheureusement pour moi, de parler de ma première fois avec une arme dans les mains. J'adorerais dire que j'étais l'un de ces génies qu'on voit que dans les livres avec des héros en armure brillante, du genre qui ont su se défendre avec une épée après deux heures d'entraînement, mais dans la vraie vie réelle ça se passe jamais comme ça. Nan dans la vraie vie réelle on a aucune idée de ce qu'on fout la première fois qu'on tient une lame.

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 Sujet du message: Re: Les terres sauvages autour d'Omyre
MessagePosté: Lun 17 Oct 2016 09:43 
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J'ai à peine le temps de faire un pas dehors qu'on me jette un objet à la gueule. Je le rattrape de justesse, mais pas par le bon bout malheureusement. C'est la lame d'une épée courte que je viens d'attraper, et si elle n'est pas très affûtée je la lâche quand même immédiatement, une coupure dans la main.

« Il va falloir améliorer tes réflexes, » me fait une voix suave.

Je lève les yeux pour voir une femme à la peau gris-noir, presque aussi sombre que la nuit. Elle a les cheveux blancs, de longues oreilles pointues et une tenue plus que provocante. Ce serait ça une elfe noire ? Mais elle est... presque nue !

« Tu aimes ce que tu vois, mon mignon ? » continue-t-elle avec un clin d'œil. « Si tu as le temps de mater tu as le temps de combattre. »

Et à une vitesse vertigineuse elle vient jusqu'à moi et me fourre un coup de talon dans le tibia, me faisant mettre genou à terre dans un grognement de douleur. Je n'ai pas le temps de comprendre ce qui se passe que son pied remonte pour heurter ma mâchoire, me faisant tomber en arrière dans un second gémissement. Je n'ai pas fait trois pas que je sens déjà mes douleurs revenir. Immédiatement après, je vois le visage de Daëlle se pencher sur le mien, la mine sévère.

« Première leçon : toujours te tenir prêt à combattre. Maintenant debout. »

Obéissant, je rassemble mes forces pour me relever et attrape l'épée courte que j'ai laissé tomber en passant. Face à moi, la shaakt manipule une épée plus large que la mienne avec une aisance déconcertante, la faisant tournoyer d'une seule main en prenant soin de m'adresser quelques rictus et clins d'œil entre chaque pirouette. Nous sommes juste devant la tente de commandement, celle de Daëlle, aussi la voie est-elle libre pour se battre sans devoir éviter des obstacles tous les deux mètres. Par contre, c'est loin d'être discret, et si je me refuse à lâcher du regard l'elfe noire, je peux quand même apercevoir du coin des yeux de nombreux regards curieux nous observer.

« Je te présente Alyra Loon Lessima, » me fait la Générale. « En l'absence de ma seconde, c'est ce que j'ai de meilleur en maniement d'épée. »
« Appelle-moi Mademoiselle Lessima, » ajoute la shaakt avec un énième clin d'œil provocateur.
« Tu as intérêt à te montrer digne d'être son élève. Je n'ai pas pour habitude de déranger mes Colonels pour rien. »

Je hoche la tête, quelque peu intimidé. Il était déjà clair que j'avais en face de moi une bretteuse de talent, la mention de son grade n'arrange pas ma nervosité. Mais quand même, entre Bru'Gaf, Daëlle, Lessima et celle qu'elle a appelé sa seconde, elle n'a que des femmes dans son armée ou quoi ?

« Tu es droitier ? » me demande la shaakt en s'approchant de moi. Hochement de tête. « Bien, pour l'instant on va apprendre sans bouclier, parce que ça manque de style déjà, et parce que tu vas déjà avoir fort à faire avec ton bras droit pour pas te surcharger du gauche tout de suite. »

J'acquiesce de nouveau alors qu'elle se place derrière moi pour régler la position de mes jambes et de mes bras.

« Toujours sur tes appuis, » me glisse-t-elle à l'oreille, me provoquant un rougissement.

Il est déjà assez troublant de l'avoir face à soi, qu'elle soit maintenant toute proche de moi à bouger délicatement mon poignet pour régler mes moindres mouvements n'arrange pas les choses. On pourrait penser que de ne plus avoir son corps presque entièrement dénudé face à moi aiderait, pourtant. La démonstration terminé, elle revient se placer devant moi, à portée d'épée. On vante souvent la beauté des elfes dans les récits, mais je n'avais jamais vu de femme si sublime, sa simple vue me fait rougir et me ferait bafouiller si je n'avais pas judicieusement choisi d'éviter de prononcer le moindre mot. Les traits de son visage frôlent la perfection et sont surmontés par deux yeux rubis et un constant demi-sourire mutin. Malgré la teinte étrange de sa peau, il est difficile de ne pas la trouver magnifique. Sans parler de son corps largement découvert. Son haut ne couvre qu'une partie de ses seins plus que généreux et quelques côtes, ce qui laisse voir toutes ses courbes, alors qu'en guise de bas elle porte un pantalon très moulant qui laisse apprécier le galbe de ses cuisses. Ses bottes, ses brassières comme ses épaulettes, couleur sombre aux motifs dorés, semblent étonnamment guerriers, alors qu'ils ne protègent pourtant presque rien étant donné que le but premier de la tenue semble être de montrer à tous à quel point elle est irrésistible.

« Maintenant essaie de me porter un coup, » me fait-elle, me coupant dans mes pensées et ma contemplation inconsciente de son corps.

J'hésite un instant avant de m'exécuter, avançant d'un pas rapide comme elle vient de me le montrer pour viser son épaule d'un coup de taille. Elle ne bouge même pas ses jambes pour m'éviter, décalant juste son bras d'un geste nonchalant pour me donner une claque de l'autre. Mais l'attaque, en plus d'être humiliante, est donnée avec une force insoupçonnée, et alors que mon épée s'abat dans le vide je tente de retrouver l'équilibre, chancelant, la joue brûlante.

« C'est mou, » soupire Mademoiselle Lessima. « Et j'ai compris ton intention avant même que tu décides de viser mon épaule. Il ne faut pas que tu fixes ce que tu veux toucher. Tu regardes ton adversaire dans les yeux et tu te sers de ta vision périphérique pour déceler ses points faibles. »

Je hoche la tête de me replace face à elle, en position de combat.

« Ta main est trop basse, ce n'est pas ce que je t'ai montré. »

Je baisse les yeux pour observer la position de mon bras mais la seconde d'après je vois un éclair traverser mon champ de vision et une nouvelle claque retentissante vient cueillir ma joue gauche, si puissante que je chute sur le côté dans un nouveau gémissement de douleur.

« Tu dois prendre des repères par rapport à la position de ton corps, tu ne peux pas lâcher ton adversaire du regard dès que tu dois de replacer. »

Malgré la violence de la punition, son ton est indulgent, presque apaisant, et elle m'aide immédiatement à me redresser avec douceur.

« Maintenant remets-toi en place et essaie de mémoriser les positions de tous tes membres selon les sensations de ton corps. Où est ton coude par rapport à tes côtes ? A quelle distance sont tes pieds l'un de l'autre ? Quel est l'angle de ton visage par rapport à ton buste ? »

Sous ses manipulations je retrouve la posture qu'elle m'avait montré un peu plus tôt et tente immédiatement de me repérer selon ses conseils. Elle me laisse faire quelques secondes avant de bousculer mon épaule d'un coup de la paume, me forçant à reculer de quelques pas et ainsi perdre ma position.

« C'est pas le tout d'être sur ses appuis, si tu n'es pas préparé à être attaqué tu ne sauras jamais subir ou éviter une attaque sans devoir te replacer derrière. Allez, cette fois repositionne toi tout seul. »

Elle s'écarte de quelques pas et je m'exécute, perdant peu à peu ma nervosité initiale. Ce n'est pas si mal que ça. Elle est patiente et pédagogue, et je ne suis pas aussi violenté que ce que j'avais imaginé.

« C'est pas mal, » fait-elle avec un sourire. « Ton épaule un peu plus en retrait ; ton bras moins tendu ; le poignet plus souple. Et sans regarder. »

Encore une fois j'obéis docilement, tâchant d'avoir la position la plus proche de ce qu'elle m'a montré sans retirer mon regard de ses yeux rubis. Un nouveau sourire sur son visage me confirme que j'ai bon et je retiens un soupir, heureux de ne pas recevoir une nouvelle claque. On dit les shaakts cruels et sadiques, mais elle n'a pas l'air si mauvaise que ça.

« Bien, on peut recommencer. Tu m'attaques, mais sans lâcher mon regard. Et plus vite cette fois. »

Je hoche la tête en signe d'assentiment et prend quelques secondes pour me concentrer. Sur mes appuis, les yeux rivés dans les siens, le bras souple. Et j'attaque. Un pas en avant et je vise son bras dominant, le gauche, mais elle relève son épée en un éclair et me désarme sans la moindre difficulté avant de prendre mon visage de sa main gauche et de le jeter vers le sol, me faisant tomber à la renverse. Le choc dans mon dos me fait perdre mon souffle quelques secondes et je tourne immédiatement sur moi-même, toussant à plein poumon dans l'herbe humidifiée par la rosée matinale.

« Pourquoi as-tu visé cet endroit ? » me demande-t-elle d'un ton neutre.

Je prends quelques secondes pour retrouver ma respiration et me redresse avec difficulté. Le choc a ravivé les souvenirs du « test» de Daëlle. Un regard sur la droite me confirme d'ailleurs qu'elle est toujours là, m'observant avec calme, les bras croisés contre son plastron.

« Je... Je sais pas, » réponds-je finalement à Mademoiselle Lessima, la voix enrouée. « Il fallait bien que je vise un endroit. »
« Tiens donc, tu parles ! » me fait-elle, taquine. « Mais pour dire une connerie, malheureusement. On ne frappe jamais au hasard, c'est uniquement bon pour les débiles avec des énormes haches qui finissent par décapiter trois personnes sans le faire exprès, mais qui loupent leur cible initiale. Tu as visé mon bras dominant, ça aurait pu être une bonne idée dans d'autres circonstances mais là tu as juste rendu ma contre-attaque plus facile. Idéalement, vu que j'étais de face et le bras baissé, on pourrait penser que tu devrais viser mon bras droit, du coup. Ca ne représente pas beaucoup plus d'effort pour toi mais ça m'oblige à faire un plus grand mouvement pour parer ton coup, ce qui représente un avantage pour toi. Seulement en combat tu ne rencontreras jamais quelqu'un sans garde. »

Elle s'interrompt quelques secondes pour m'observer des pieds à la tête d'un air mécontent.

« Ta garde, » me fait-elle finalement.
« Oh, heu, » bafouillé-je, tâchant de me remettre en position. « Désolé. »
« C'est mieux. Mais ce doit être un automatisme. Bon on a vu comment attaquer, c'est déjà pas mal, mais c'est un peu trop tôt pour t'apprendre où, comment et quand frapper selon la posture de l'autre. Et encore plus prématuré pour voir comment discerner les trous dans les gardes. »
« Vous voulez dire qu'on a fini ? » demandé-je, ce qui provoque un petit ricanement chez mon entraîneuse.
« Oh non, au contraire. J'ose espérer que tu vas fabriquer un peu de muscles, mais quoiqu'il en soit tu ne seras jamais un colosse. Et c'est un point que nous avons en commun. C'est pour ça qu'il nous faudra toujours privilégier l'agilité à la force brute. Et c'est pour ça que nous allons maintenant voir la vraie base des combattants de notre gabarit : l'esquive. »

Sur ces paroles, elle se met en garde à son tour et me fait signe de l'attaquer de nouveau. Je m'exécute sans trop réfléchir, conscient qu'elle veut juste me montrer ses propres mouvements, et vise de nouveau son épaule. Je la vois alors se contorsionner avec aisance pour éviter mon attaque, mais je n'ai pas le temps de modifier la trajectoire de mon épée qu'elle relève son bras dominant pour poser la pointe de sa propre lame sur ma gorge, bloquant mon bras de sa main libre. Elle abaisse vite son arme et me lâche, me faisant signe de me remettre en position.

« Je suis allée doucement pour que tu puisses voir mes mouvements, » explique-t-elle. « Mais tu ne dois pas retenir cette passe en particulier. Il y a beaucoup de théorie dans l'escrime, mais au final c'est l'instinct et l'expérience qui doivent motiver ton geste. Cependant, en attendant que tu aies cette expérience et cette acuité nécessaire à l'esquive de précision comme je viens de te montrer, cette esquive qui te permettra de renverser la situation en un mouvement, je vais t'apprendre à bouger tes jambes de manière à éviter de manière plus sûre les attaques de tes ennemis. Ca ne te permettra pas d'effectuer des contre-attaques imparables de ce genre, mais ça t'évitera de mourir au premier duel. »

Les quelques minutes qui suivent, Lessima me montre comment me déplacer sur mes appuis pour pouvoir éviter une attaque d'un seul mouvement. C'est en fait plus ou moins le même principe que le pas en avant, sauf que je dois là changer ma garde à chaque fois pour m'adapter à ma nouvelle posture. L'avantage, selon elle, c'est que c'est difficile à louper, et que bien dosé ça doit me permettre d'effectuer quelques petites ripostes qui peuvent changer le cours d'un duel. L'inconvénient, c'est que ça ne changera le cours d'un duel que si je suis plus rapide que mon adversaire, et apparemment ma vitesse laisse à désirer. D'autant que mes réflexes sont à revoir, et je ne compense pas par la force. Ca ne devrait pas m'étonner ceci-dit, mon père m'a toujours dit que j'étais faiblard. Mais c'était avant tout parce que j'étais feignant et toujours fourré dans les jupes de ma mère. Après quelques minutes d'entraînement à l'esquive, la shaakt me fait signe de m'arrêter et se tourne vers Daëlle.

« On va prendre une pause pour manger, je le testerai cet après-midi. Une première impression ? »
« On dirait qu'il mourra pas à sa première bataille, » répond l'intéressée après un haussement d'épaules. « A condition qu'il gagne des muscles. »

Je laisse échapper un soupir de soulagement au verdict de la Général, alors que Lessima lui offre un demi-sourire.

« Je vais lui préparer un petit programme de remise en forme, ne t'inquiète pas. »

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 Sujet du message: Re: Les terres sauvages autour d'Omyre
MessagePosté: Lun 17 Oct 2016 09:43 
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Le repas est quelque peu intimidant. Premièrement parce que je suis seul à seul avec Mademoiselle Lessima... et deuxièmement parce que je suis seul à seul avec Mademoiselle Lessima. Il faut dire que l'idée même de partager un déjeuner avec une shaakt, créatures à la réputation si sinistre, est effrayante en soi. Mais la seconde raison pour laquelle je suis si gêné n'a rien à voir avec la peur. C'est que l'adrénaline de l'entraînement étant retombée, j'ai de nouveau du mal à ne pas remarquer le manque flagrant de vêtement sur sa peau noire.

« Il va falloir grandement améliorer ta forme physique, » me fait-elle après quelques longues minutes de silence. « Normalement ça vient petit à petit lorsque l'on commence son apprentissage à l'escrime, et il n'y a besoin que de quelques petits exercices pour combler quelques lacunes. Mais avec toi ça ne sera pas possible. »

Je jette un coup d'œil à mes bras avec déception. J'avais plus ou moins espéré que les muscles viendraient naturellement.

« Je suis si gringalet que ça ? » demandé-je.

Elle fait la moue.

« Tu es assez grand pour un humain. Mais tu n'as pas de muscle, non. Rien de catastrophique pour un débutant, l'entraînement durant généralement quelques années, le corps suit petit à petit normalement. Mais ici on attend de toi que tu deviennes aguerri en quelques mois. Ce qui veut dire qu'en dehors de nos entraînements tu vas devoir suivre une routine pour développer ta puissance et ta vitesse. »

Je hoche la tête machinalement avant de porter un peu de potage à mes lèvres. Devenir aguerri en quelques mois... Encore cette histoire. Enfin je suis l'élève d'une Colonelle et j'ai été soigné par la guérisseuse des officiers, je sais pas trop pourquoi je m'attendais à ce qu'on me dise soudainement que c'était une blague.

« Autre chose, » continue Lessima entre deux bouchées. « Tu vas apprendre l'escrime avec moi pour l'instant, mais un bon combattant doit savoir utiliser plusieurs armes de plusieurs manières différentes. Ce qui veut dire que tu auras plusieurs professeur. A commencer par la Vice-Général. C'est la personne la plus talentueuse que j'ai pu rencontrer, alors tâche de t'en montrer digne et de ne pas me faire honte. Enfin tu as quelques semaines avant qu'elle ne rentre, on va essayer de te rendre acceptable d'ici là. »

Je déglutis péniblement. Pour que cette Vice-Général impressionne même Mademoiselle Lessima, je me demande à quel point elle peut être dangereuse. Le silence tombe à nouveau sur la table alors que nous finissons tous les deux nos bols de soupe, puis je prends mon courage à deux mains pour poser la question que j'ai en tête depuis un certain temps déjà.

« Heu... Je n'ai pas encore vu d'homme officier, » fais-je avec prudence.

La shaakt pousse un petit soufflement amusé.

« Il y en a, ne t'en fais pas. La Légion d'Olath est composée de quatre Colonels dont deux femmes. Et la plupart des officiers sont des hommes également. Mais s'il y a un nombre important de femmes, c'est parce que Daëlle en est une elle-même. »
« Vous voulez dire qu'elle préfère être entourée de femmes ? »
« Non, elle s'en moque elle. Elle veut de l'efficacité, le sexe importe peu. Mais la société Omyrienne, si on peu appeler ça une société, a beau être moins sexiste que la société Kendrane, elle reste basée sur des principes de force qui avantagent grandement les hommes. C'est pour ça que les femmes ont toujours eu une certaine tendance à venir sous les ordres de Daëlle, parce qu'elles sentaient qu'elles avaient plus de chances d'être reconnues à leur juste valeur. Et puis quand Oaxaca est revenue au pouvoir, beaucoup de soldats et d'officiers sont partis pour rejoindre l'armée officielle. Ne sont restés que les plus fidèles et les femmes, qui pensaient pour la plupart qu'il serait plus difficile de faire valoir leur talent sous les ordres des nombreux généraux mâles de l'armée officielle que sous ceux d'une femme qui se moquait du sexe de ses subalternes. »

Je vois. Il est vrai que dans les contes populaires on entend plus souvent parler des exploits d'un héros solitaire que de ceux d'une héroïne. Et les soldats que j'ai vu en garnison dans mon village, qu'ils soient garzoks ou humains, étaient presque exclusivement des hommes. Pour autant, j'avais jamais réellement réfléchi à pourquoi, et j'avais jamais vraiment imaginé qu'il était plus difficile pour une femme d'atteindre des grades de prestige.

« Et vous, vous êtes restée par fidélité ou parce que vous pensiez qu'il serait plus difficile d'être considérée dans l'armée officielle ? » demandé-je.

Je peine à croire qu'une telle femme pourrait avoir du mal à faire sa place où que ce soit.

« J'aimerais dire par fidélité, mais en vérité je suis là parce que je suis recherchée par les matriarches de Caix Imoros pour avoir décapité l'une d'elles. »

Je déglutis.

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 Sujet du message: Re: Les terres sauvages autour d'Omyre
MessagePosté: Lun 17 Oct 2016 09:44 
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« Voyons voir combien de temps tu survivrais, » me fait Lessima avec un grand sourire.

J'ai la gorge sèche, les mains tremblotantes et je dois me concentrer de toutes mes forces pour ne pas être pris de tournis. Plus j'y pense, plus ça me semble être une mauvaise idée, mais mon entraîneuse m'a bien fait comprendre que je n'avais absolument plus aucun libre arbitre à compter d'aujourd'hui. Quand je m'entraîne je lui appartiens, quand je ne m'entraîne plus j'appartiens à Daëlle. C'est la règle à suivre si je veux rester dans cette compagnie.

« Vois le bon côté des choses, » continue-t-elle, « tu as une épée de première qualité, et lui un jouet en bois. »

Certes, mais « lui » c'est un homme d'âge mûr à la musculature saillante et aux multiples cicatrices sur le visage et les parties visibles de son corps.

« Je devrais pas porter une armure ? » me hasardé-je.
« T'as pas la force pour te déplacer en plates et j'ai rien à ta taille en cuir. Arrête de geindre et mets-toi en position. »

Je hoche la tête péniblement et m'exécute, avançant un pied comme elle me l'a montré le matin même et redressant mon épée pour tâcher d'opposer une garde convenable.

« Bien, le combat s'arrête quand tu n'es plus capable de combattre. »

Je déglutis douloureusement. Donc il n'y a pas le moindre doute, je vais me faire rosser. Pas d'espoir d'être épargné si jamais je me débrouille suffisamment, pas de décompte à la fin duquel ma sentence serait levée, rien. Le combat s'arrêtera quand j'aurai assez mangé.

« Prêts ? C'est parti. »

Immédiatement après son signal, le colosse devant moi fait un bond à une vitesse inattendue et je dois reculer ma jambe précipitamment pour ne pas prendre son glaive de bois en plein dans la gueule. J'aimerais riposter comme elle me l'a appris mais mon pied est parti trop loin et le temps que je me replace il envoie de nouveau son arme dans ma direction, m'obligeant à reculer de nouveau, mais plus proprement cette fois. C'est l'occasion rêvée pour une contre-attaque. J'abats mon épée en direction de ses côtes, mais il a le temps de relever la sienne à temps pour parer le coup. La lame de bois vient percuter celle de bois, dont un éclat me vole à la figure, me faisant cligner de l'œil par réflexe et la seconde d'après son coude dévie pour heurter mon arcade sourcilière avec violence. Je recule de quelques pas dans un grognement de douleur, mais heureusement il ne me suit pas. Je suppose qu'elle lui a demandé d'y aller doucement.

« Vise pour tuer, idiot ! » me reproche Lessima. « Tu as frappé en direction de son plastron alors que son visage était plus exposé et plus loin de son arme, c'est ce qui lui a permis de renverser la situation. »

Viser pour tuer ? Elle est marrante elle, c'est un entraînement, c'est pas un vrai combat.

« Allez, reprenez ! »

Il ne faut pas beaucoup plus longtemps à mon adversaire pour se remettre en position et repartir à l'assaut. Je recule de nouveau d'un pas mais une seconde trop tôt, ce qui lui laisse le temps de réajuster son attaque et de me toucher de plein fouet dans le ventre. Je perds aussitôt ma garde et chancelle sous l'impact, le souffle coupé, mais le soldat ne me laisse pas une seconde de répit et vient me faire tomber d'une balayette. Mon dos se fracasse contre le sol, réveillant un peu plus encore les douleurs de ma côte abîmée et n'arrangeant en rien mes propres de respiration, et la seconde d'après je sens une épée de bois effleurer ma gorge.

« Tu es mort trois fois en moins d'une minute, je crois que c'est un nouveau record, » me fait Lessima, exaspérée.

Mon adversaire recule de quelques pas, me laissant le champ libre pour me relever, et je profite de ce répit pour récupérer mon souffle. Je sens la douleur de mes muscles et de mes os se réveiller à chaque mouvement, c'est assez désagréable.

« Tu baisses trop ta garde et tu brasses de l'air au moment d'attaquer, » continue la shaakt. « Et ne le lâche pas des yeux, tu trahis toujours tes mouvements avec ton regard. »

Je hoche la tête avec difficulté en me servant de mon épée pour me redresser et me remet en position de combat, conscient que c'est loin d'être terminé.

« On recommence. »

Encore une fois c'est mon opposant qui fait le premier pas, mais cette fois je suis trop occupé à rester concentrer sur chacun des points évoqués par Lessima pour voir le coup arriver, et il ne faut pas plus de trois secondes pour que le combat s'achève de nouveau, alors que je tombe suite à un coup d'épée en plein visage.

« Debout, » ordonne mon entraîneuse d'un ton impérieux. « Je n'accepterai pas qu'un de mes élèves meure dès sa première bataille, alors applique-toi c'est compris ? »

J'esquisse un nouveau hochement de tête alors qu'un filet de sang coule dans ma bouche entrouverte avant de me redresser péniblement et de me mettre une énième fois en position de combat.

« Le bras plus souple, les yeux plantés dans les siens. »

Je m'exécute docilement.

« Tes pieds sont trop écartés. »

Je réajuste la position de mes jambes.

« C'est reparti. »

Encore une fois mon adversaire est sur moi en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Mais cette fois j'arrive à esquiver son attaque en reculant mon pas en avant et en changeant la position de ma garde. Nouvelle attaque, nouveau recul de ma part, et son épée se retrouve encore une fois à battre le vent. Il vise ma jambe et cette fois je tente un pas sur le côté, avec succès. Ma tête commence à tourner à force de prendre des coups et à bouger dans tous les sens comme ça. Je suis pas habitué à faire tant d'exercice dans la même journée, et quelques autres échanges de ce genre et je tomberai sans même qu'il n'ait à me toucher. Mais pour l'instant je tiens bon et je recule une troisième fois alors que son arme manque de peu mon visage. Il s'attend à ce que je contre-attaque à chaque fois, prenant la peine de remonter sa garde entre chaque assaut, mais je vois qu'il se précipite de plus en plus, peu à peu convaincu que je ne compte pas attaquer. Après un nouveau coup raté de sa part, cependant, je riposte, visant son genou. Surpris, il baisse son arme trop tard, et ne fait que dévier la lame de mon épée qui vient heurter l'interstice de sa jambière sans pour autant la perforer. Le choc le fait néanmoins perdre pied, mais il a le réflexe de tomber sur moi, épaule la première, me faisant tomber avec lui. Je lâche mon épée pour me rattraper mais la seconde d'après il se sert de ses bras pour se retrouver sur moi et me colle une mandale en plein nez, me sonnant sans peine.

Il lui faut peu de temps pour se lever, pas le moins du monde handicapé par mon attaque, tandis que je mets moi près d'une minute pour me retrouver sur mes deux jambes. Et je n'y reste pas très longtemps car je reçois bien vite une nouvelle claque, juste derrière la tête, me faisant tomber à genoux sous l'impact.

« Ca c'est parce que tu as lâché ton arme, » me réprimande Lessima. « Si tu n'avais pas eu peur de tomber tu n'aurais eu qu'à changer ta prise sur le manche et plier ton coude pour lui planter l'épée dans la gorge. »

Je réprimande une grimace de douleur et tente de me relever, mais une autre gifle vient me percuter l'arrière du crâne, me faisant cette fois m'étaler au sol, le nez dans la terre.

« Et ça c'est parce que tu as visé son genou ! Si tu avais visé la gorge le combat était fini, espèce d'idiot ! »

Je me dresse tant bien que mal sur mes bras et me retourne immédiatement pour faire face à Lessima, craignant un nouveau châtiment corporel, mais je la trouve les mains sur les hanches, me fixant d'un air sévère.

« Mais j'allais pas le tuer, » me défends-je.
« Oh mais voyons, bien sûr que non tu n'allais pas le tuer ! Tu en es parfaitement incapable, c'est bien pour ça que tu as une épée en acier et lui en bois. Mais théoriquement un coup à la gorge à ce moment là aurait pu mettre fin au combat. Bon, lève toi on continue. »

Je grimace, peiné par la nouvelle. J'avais plus ou moins espéré que l'on s'arrêterait là, mais il faut croire qu'elle a décidé de me tuer à la tâche dès le premier jour d'entraînement. Mais bon je n'ai pas le choix, alors j'obéis et rassemble mes dernières forces pour me remettre sur mes pieds. Mon entraîneuse m'envoie mon épée en pleine figure d'un coup de pied expert, et je manque de l'attraper par la lame pour la seconde fois de la journée. Le manche en main, je refais face au soldat devant moi, me remettant en garde.

« Combattez, » ordonne Lessima.

Et, une nouvelle fois, je n'ai pas le temps de réagir que les muscles de mon adversaire se raidissent, le propulsant dans ma direction la lame en avant. Encore une fois je tente une esquive, mais mes muscles sont trop faibles et trop lent, et il ne faut pas plus d'une seconde à mon opposant pour me toucher à l'épaule. Si le coup est très douloureux, il n'est pas incapacitant pour autant, et je recule une nouvelle fois pour éviter un nouvel assaut, qui lui m'aurait envoyer paître au sol sans aucune difficulté. Une troisième attaque est lancée en direction de mes jambes, mais cette fois c'est d'un bond en arrière que je l'évite. La réception est bien mauvaise cependant, et je perds l'équilibre juste assez longtemps pour que son morceau de bois ne trouve le chemin jusqu'à mes côtes. Par chance il loupe celle déjà abîmée, mais ça n'empêche pas la douleur d'être atroce et une énième fois je chute au sol, le souffle coupé.

« Bon, ça suffit pour aujourd'hui, » fait la shaakt.

Et je sens sa main m'attraper l'avant-bras et me soulever sans difficulté, m'aidant à me remettre sur pieds. Mais à peine suis-je debout que je manque de tomber de nouveau, vidé de la moindre once d'énergie.

« Il faut définitivement améliorer cette forme physique, » évalue-t-elle, les lèvres pincées. « Bon, va t'allonger, tu vas avoir besoin de force ce soir. »

Je fronce les sourcils, ne comprenant pas l'allusion, mais je ne reçois comme réponse qu'un sourire carnassier et un clin d'œil. La seconde d'après, je suis poussé dans la tente de Bru'Gaf et je vois l'elfe noire s'éloigner en sifflotant, visiblement amusée par quelque chose.

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 Sujet du message: Re: Les terres sauvages autour d'Omyre
MessagePosté: Jeu 20 Oct 2016 11:15 
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Ils étaient à moins de cinq cents mètres de la crypte. A cet emplacement, ils ne risquaient pas de croiser qui que ce soit, mais ils avaient tout de même choisi de se cacher dans un bosquet non loin de là. Pour autant, quelque chose chiffonnait Anastasie : il n'y avait pas la moindre goule à l'horizon. Elle était venue accompagnée de tant de personnes à cause de ces infâmes créatures, mais pas une seule ne se trouvait près de l'entrée. Elles avaient pourtant été placées là dans le seul but de garder l'entrée, si l'on en croyait les informations d'Adam.

La jeune femme grimaça avant de se tourner vers le campement, tout juste monté, dans lequel ses camarades semblaient se morfondre. Après les événements de l'après-midi, aucun ne se montrait très loquace, ne prenant la parole qu'en cas d'extrême nécessite. Mais Anastasie n'était pas une exception à cette morosité ambiante. La plus touchée, cependant, était Camille, dont la peine et l’apitoiement étaient palpables tant ses expressions torturées étaient visibles sur son visage. Elle était en partie responsable de la mort de dix de ses compagnons, après tout. Mais la théurgiste ne s'en sentait pas moins coupable : c'était sous son commandement que la dissidence avait eue lieu. Peu importe qu'elle soit directement responsable ou non, c'était bien ses décisions qui avaient provoqué cette perte de respect chez une partie de ses hommes, et cette perte de respect qui avait provoqué cette insubordination. En tant que chef de l'expédition, elle était au moins à moitié coupable. Ne serait-ce que parce qu'elle ne l'avait pas vu venir. Et qu'elle n'avait donc rien fait pour la prévenir.

Chassant ses pensées noires, Anastasie organisa les tours de garde, après quoi elle partit se coucher sans plus de procès. Elle pensait que le sommeil serait dur à trouver, mais, presque tristement, il l'emporta au pays des rêves immédiatement. Au pays des rêves noirs et dégoulinants de sang et de larmes.

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 Sujet du message: Re: Les terres sauvages autour d'Omyre
MessagePosté: Jeu 20 Oct 2016 12:18 
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La première chose que remarqua Anastasie fut l'odeur. L'odeur de mort, de putréfaction ; l'odeur pestilentielle, qui assaillait ses narines alors qu'elle n'avait pas fait deux pas à l'intérieur de la crypte. La seconde fut la sensation sous ses pieds. Chaque marche semblait enduite d'une épaisse couche d'une substance visqueuse et collante, retenant momentanément leurs chausses chaque fois qu'ils avançaient. La troisième fut la froideur ambiante. Elle s'insinuait sous leurs vêtements à chaque courant d'air, leur causant des frissons réguliers. Ce qu'elle ne remarqua pas, cependant, c'était l'environnement qui s'offrait à elle. Les lieux étaient complètement plongés dans le noir, et même le sort de lumière qu'elle avait lancé pour les éclairer ne leur permettait de voir qu'à quelques centimètres devant eux, comme si la luminosité était absorbée par les lieux.

La descente dura plus d'une minute, et à chaque nouveau pas l'odeur s'intensifiait alors que la lumière magique s'estompait ; lorsqu'ils arrivèrent finalement dans le hall de la crypte, les dernières bribes de luminosité se volatilisèrent.

« Attendez, je vais en relancer un, » murmura Anastasie.

Elle se concentra sur ses fluides pour faire apparaître une nouvelle boule, mais celle-ci disparut aussitôt hors de son corps.

« On dirait qu'il y a un sortilège, » conclut Albert, l'un des derniers mages du groupe.
« Essaie de voir si tu peux le dissiper, » ordonna la Comtesse. « En attendant on se disperse pour fouiller la pièce. »

Chacun acquiesça oralement puis avança doucement, à tâtons, à la recherche du moindre indice. Dans le noir le plus total et dans le silence pesant de la crypte, à peine interrompu par quelques mots murmurés et des bruits de pas, l'ambiance était lugubre, voire carrément sinistre. Le soleil devait être en train de se lever actuellement, à l'extérieur, et pourtant aucun rayon de lumière ne semblait vouloir pénétrer les lieux, prouvant une fois de plus le caractère magique de l'obscurité dans laquelle ils étaient plongés. En soi, le noir ne pouvait être dangereux à lui tout seul, mais ce qui inquiétait Anastasie était la perspective de rencontrer les goules avant d'avoir pu s'en débarrasser. Créatures nocturnes, les nécrophages sauraient sans aucun doute se débrouiller bien mieux qu'eux-mêmes sur un tel terrain, et leur propre magie serait complètement inefficace, puisqu'elle représenterait le risque de toucher des alliés autant que des ennemis. Pour autant il semblait peu probable que ce soit là le plan initial de Tal'Raban. Selon Adam, les goules s'étaient toujours postées au dehors de la crypte, en tant que première protection de la relique.

« Chef, » l'interpella la voix de Johan. « J'ai longé le mur jusqu'à faire tout le tour, il n'y a pas de sortie. »

Anastasie grimaça.

« Albert ? » appela-t-elle.
« Heu... Je... Je crois que c'est une illusion, » conclut le mage. « Nos yeux pensent qu'il fait noir, mais en vérité il y a de la lumière. Je sens encore vos sorts d'éclairage. »
« Et ? Tu peux la lever ? »
« Seul non, aucune chance. C'est puissant. Mais à trois on devrait y arriver. »
« Allez-y alors. J'ai des potions de magie si ça vous affaiblit trop. »

Prise d'un mauvais pressentiment, la jeune femme dégaina sa propre lame, prête à faire face à un piège qui aurait été posé là pour les surprendre. Mais, alors que la lumière revenait, quelques secondes plus tard, elle fut forcée de reconnaître qu'il n'y avait pas le moindre danger. Et elle ne comprenait pas pourquoi. L'endroit était censé renfermer un artefact que Tal'Raban lui-même craignait, une relique qu'il voulait voir enfouie à jamais. Et pourtant il suffisait de trois détenteurs de magie pour venir à bout de son premier test. D'ailleurs les goules en elles-mêmes n'étaient pas un danger insurmontable ; certes les garzoks évitaient l'endroit, mais c'était parce qu'ils n'avaient rien à y faire, et la domination d'Oaxaca dans les environs rendait effectivement la visite des lieux compliquée pour toute équipée en provenance de Kendra Kâr, mais c'était là un coup de chance et non une épreuve calculée par le Nécromancien. Dans les faits, il n'y avait pas grand chose qui empêchait un groupe de plusieurs paladins expérimentés de se rendre dans les lieux pour récupérer la relique. Et c'est pourquoi Anastasie ne pouvait se retirer de la tête que la crypte cachait quelque chose d'autre, un élément capable d'arrêter la progression même d'un groupe de personnes.

Se promettant de rester prudente, la jeune femme rangea le problème dans un coin de sa tête et observa les alentours, maintenant visibles grâce à l'aide des trois mages. C'était une pièce relativement grande, mais complètement vide; les murs, comme le plafond et le sol, étaient de pierres plutôt sombre que même son sort d'éclairage peinait à illuminer, mais en dehors de ça il n'y avait pas grand chose à décrire. Si ce n'était le renfoncement paré d'une plaque face à l'entrée.

« Le sang d'une vierge ouvrira le chemin, » lut Albert, qui s'était rapproché des lieux.
« C'est écrit en commun ? » s'étonna Anastasie.
« Mais pourquoi donner des indices, en commun ou dans n'importe quelle autre langue ? » demanda Johan.

La jeune femme se mordilla l'intérieur de la joue, pensive.

« Les indications, ça peut être logique. Tal'Raban doit pouvoir faire rapatrier les reliques rapidement, au cas où. Mais il n'y a aucune raison pour que les indices soient si... disponibles, et en commun en plus. Surtout maintenant qu'il a les Vaahs'Umbra à sa disposition. »
« Les quoi ? » intervint Camille, se faisant entendre pour la première fois de la journée.
« Des créatures qu'il a créé après son retour des enfers. Comme lui, ils parlent couramment l'ancien shaakt, une langue censée être maintenant inconnue même des matriarches de Caix Imoros. Si quelqu'un devait venir chercher le bouclier, ce serait l'un d'eux. Il n'y a aucune raison pour rendre ce texte si clair. »
« Un piège, alors ? » demanda Albert.
« Oui, évidemment. Mais je pense que l'inscription est un véritable indice. Et on a pas vraiment le choix de toute façon. »
« Heu, on va sacrifier une vierge ? » demanda Johan, perplexe.

La jeune femme secoua la tête en signe de dénégation.

« Non, ça dit le sang d'une vierge. Les sacrifices ne servent qu'à sceller un rituel, cette porte est bien incapable de dire si on a tué une vierge ou si on lui a juste entaillé la main. »
« Et où est-ce qu'on va trouver une vierge ? » demanda Camille, les sourcils levés.

Anastasie afficha une mine confuse.

« Oh, heu, vierge, ce doit être une expression pour « jeune femme », un mur n'est pas capable de déceler ce genre de choses, regardez. »

Et sans laisser à qui que ce soit le temps de réagir, elle s'entailla la paume de la main à l'aide de Perçombre et appliqua sa plaie sur le mur. Immédiatement après, le renfoncement s'estompa jusqu'à disparaître complètement, leur laissant le champ libre.

« Vous voyez ? » conclut-elle en se tournant vers l'équipée.

Mais certains regards étaient suspicieux, notamment celui de la seconde jeune femme du groupe, qui s'abstint cependant de tout commentaire. Anastasie réprima un froncement de sourcils. Après tout elle n'avait pas à avoir honte, et puis ce n'était pas comme si elle n'avait jamais eu d'occasion.

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 Sujet du message: Re: Les terres sauvages autour d'Omyre
MessagePosté: Jeu 20 Oct 2016 12:19 
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Il y avait un couloir derrière le renfoncement. Il était aussi sombre que la pièce dans laquelle ils se trouvaient, si bien que même la boule lumineuse d'Anastasie ne permettait d'en voir le bout. Première de la file, la Comtesse s'avança en tête, Perçombre toujours en main, suivie de Johan et Camille, puis des mages. Les deux autres épéistes, Edric et Franklin, fermaient la marche, au cas où ils seraient attaqués par derrière.

« Il serait peut-être judicieux que Camille et moi ouvrions la marche, » proposa son second, mais la jeune femme balaya la suggestion d'un signe de main.
« C'est moi qui ait la lumière, de toute façon. »
« Alors laisse moi être de front avec toi, » insista Johan.

Anastasie roula des yeux dans un soupir, mais accepta finalement, plus pour qu'il la laisse tranquille que parce qu'elle trouvait l'idée bonne. Il y avait assez de place pour progresser deux par deux dans le corridor, mais en tant que chef de l'équipée elle aurait préféré être la seule à courir le risque d'ouvrir la marche. Mais elle devait admettre que, leur nombre étant paire, il était plus logique de laisser son lieutenant marcher de front avec elle.

Ils avancèrent, prudemment et lentement, sur plusieurs mètres sans le moindre changement, jusqu'à ce qu'enfin la lumière magique ne découvre une ouverture similaire à celle qu'ils avaient traversé pour pénétrer dans le corridor. Derrière, on pouvait voir une salle très ressemblante à celle du hall, mais légèrement plus petite, si bien qu'elle fut totalement éclairée avant même qu'ils ne pénètrent dedans.

« Deux sorties, » remarqua Johan lorsqu'ils furent au centre de la pièce. « Doit-on dessiner une carte ? »
« Non, » rétorqua la Comtesse. « Si ça devient labyrinthique, mais tant que c'est pas absolument nécessaire je préfère éviter d'avoir l'un de nous indisponible. »
« Mais quelle sortie prend-on ? » demanda Edric. « Je suppose que vous ne voulez pas qu'on se sépare. »
« Certainement pas. »

Sur ces mots, elle leur fit signe de ne pas bouger et s'approcha de la sortie à leur droite. Mais même en allant jusqu'au pas de l'entrée, tout ce qu'elle pouvait voir était un corridor similaire à celui qu'ils venaient de quitter, et ce jusqu'à perte de vue. Avec une grimace, elle traversa la salle pour s'approcher de la seconde sortie, juste en face de la première. Mais, comme elle s'y était attendue, la même vision s'offrait à elle de ce côté ci.

« Cette crypte n'a pas été construite spécialement pour garder le bouclier, » déclara-t-elle à mi-voix. « Il y a des chances pour que les deux couloirs se rejoignent dans un prochain atrium. »

Et, sans palabrer plus longtemps, elle s'engagea dans le couloir, forçant ses compagnons à la rattraper en vitesse. Ils retrouvèrent leur formation précédente et avancèrent ainsi sur quelques mètres avant de devoir tourner à droite à un angle.

« Vous voyez ? » fit-elle, triomphante. « L'autre va probablement dans la même direction. »
« Mais quel est l'intérêt d'avoir deux couloirs séparés ? » demanda Albert, dubitatif.
« Selon Adam, cette crypte était certainement une nécropole il y a de cela plusieurs millénaires. Je suppose qu'il y avait des cadavres entreposés ici, » fit-elle en désignant les longues et profondes interstices dans les murs. « Ils ont séparé les deux couloirs pour gagner de l'espace, tout simplement. »

L'avancée dans le corridor dura encore près d'une minute avant qu'ils n'arrivent finalement devant une porte. C'était un battant en bois rongé par les termites au travers duquel on pouvait apercevoir la salle qu'il gardait. Et ses habitants. Car derrière se trouvait un nombre important de squelettes, inanimés mais debout, arme à la main. Approchant son œil de l'un des trous, Anastasie en compta près de trente. Trente morts-vivants entassés dans une pièce tout juste bonne à accueillir une vingtaine de personnes, et encore.

« Préparez un sort de zone, » intima-t-elle aux mages de l'équipée à voix extrêmement basse.

Puis, quand ceux-ci lui firent signe que c'était bon, elle engagea le combat d'un violent coup de talon dans la porte, qui vola sans le moindre problème sur l'un des squelettes dont les os s'éparpillèrent à travers la salle sous l'impact. Puis, s'écartant du passage, elle cria un « Maintenant ! » aux magiciens. Et la seconde d'après, une pluie de feu et de foudre s'abattait dans la salle, réduisant en cendres une bonne partie de ses résidents avant qu'ils n'aient le temps de réagir. Seule une poignée tenait encore debout quand le chaos cessa et il ne fallut que quelques secondes à Camille, Johan et Anastasie pour en venir à bout, n'essuyant pas la moindre blessure au passage. Le ménage terminé, le second se tourna vers sa supérieure, quelque peu troublé.

« Ils étaient... nuls, » fit-il, sans comprendre.
« Oui, c'est normal, » répondit-elle. « Si les nécromanciens arrivent à ressusciter les cadavres à volonté, c'est quelque chose de très limité dans le temps. Maintenir tant de morts-vivants indéfiniment est quelque chose de bien plus compliqué et les squelettes ne sont pas la spécialité de Tal'Raban. »
« D'accord mais... Même seul, avec un terrain si peu propice au combat en surnombre, ils ne représenteraient qu'une faible menace. »

La Comtesse hocha doucement la tête.

« Oui, tu as raison. Cette crypte est définitivement bien trop peu dangereuse pour y cacher une relique d'Isaac. »
« Peut-être qu'il nous sous-estime, » hasarda Albert. « Vous avez bien réussi à récupérer Perçombre à deux. Au final, on est juste plus nombreux, c'est ça qui rend la tâche si facile. »

Mais la jeune femme secoua la tête en signe de dénégation. Elle n'y croyait pas. Ca ne collait pas.

« C'était différent pour Perçombre, » expliqua-t-elle. « Il avait scellé l'un de ses lieutenants dans la montagne. C'était une cachette... géniale, tout simplement. Au premier sens du terme : c'était une idée de génie. Au final on a retrouvé sa trace uniquement par chance. Rien à voir avec le bouclier, le Temple de Kendra Kâr connaît son emplacement depuis plusieurs siècles déjà, tant elle est facile à deviner. »
« Mais alors pourquoi est-ce si simple ? » demanda Edric.

Anastasie se mordilla l'intérieur de la joue, les yeux sur ses bottes ; elle était pensive. Après quelques secondes elle releva finalement les yeux vers ses hommes.

« Je pense que c'est une façade, » conclut-elle. « Il veut que ça ait l'air un peu compliqué, mais pas trop. En mettant des épreuves relativement simples, il s'assure que n'importe quel groupe un minimum préparé aille jusqu'au cœur de la crypte sans trouver ça suspicieux. »
« Mais pourquoi ? » fit Franklin.
« Par sadisme, » rétorqua Albert.

Mais la jeune femme secoua de nouveau la tête.

« Mettre la vraie difficulté à l'entrée c'est prendre le risque que quelqu'un s'échappe et puisse revenir avec la préparation nécessaire. Je pense que l'intérêt c'est que nous y restions tous un peu plus loin. Pas de témoin, personne pour prévenir ce qui les attend dans la crypte. Personne pour réussir la fois d'après. »

Un silence de mort s'abattit sur l'assemblée. Tous la fixaient d'un regard lugubre, sans que personne n'ose poser la question. Pour autant, Anastasie savait ce qui leur trottait dans la tête ; la théorie de la jeune femme les effrayait, et il y avait de quoi, et la plupart espéraient qu'elle annulerait la mission pour revenir une fois prochaine, mieux préparés. Mais ce n'était pas dans ses intentions.

« Vous savez que vous pouvez tous partir, » déclara-t-elle, épargnant la peine à l'un d'eux de se ridiculiser en étant celui qui formulerait leur demande. « Je ne vous en tiendrai pas rigueur, je vous le promets. »
« Mais vous vous continuerez même si nous partons tous, » fit Albert.

Ce n'était pas une question, juste une constatation. Elle prit néanmoins la peine de hocher la tête pour confirmer ses dires, ce qui amena chacun à s'observer tour à tour. Encore une fois elle comprenait ce qui se passait dans leur tête, et encore une fois elle fut celle qui prit les devants.

« On a préparé une mission pour dix-neuf, nous ne sommes plus que huit. Rien ne vous oblige à la continuer à ce stade. Car sachez qu'il y a de bonnes chances pour que nous mourrions tous au détour du prochain couloir, ou du suivant, ou de celui d'après. »

Mais elle connaissait déjà leur réponse. Ils avaient tous juré de donner leur vie pour la cause du Temple de Gaïa, après tout.

« Je te suivrai jusqu'au bout, » déclara Johan.
« On était au courant qu'on pouvait mourir quand on a signé, » renchérit Albert.
« Et je n'ai pas le droit d'abandonner après que tant soient morts pour cette relique, » fit Camille.

Un à un, ils prirent tous la parole et, bientôt, tous avaient renouvelés leur vœu. Anastasie leur adressa un signe de tête solennel avant de se tourner en direction de la sortie. C'était une porte en tout point semblable à celle qu'elle venait de détruire et elle pouvait voir que derrière se tenait un couloir identique à celui qu'ils avaient quitté quelques secondes plus tôt. Tout ce qu'elle espérait, maintenant, c'était qu'elle se trompait.

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Après cela, ils rejoignirent rapidement l'atrium qui réunissaient les passages de droite et de gauche de la salle aux deux sorties. C'était une pièce un peu plus grande mais surtout plus haute que celles qu'ils avaient déjà traversées, munie d'une lourde porte en pierre ainsi que, sur la gauche, d'un escalier menant à un balcon qui semblait continuer jusque dans la salle suivante. Un levier, sur le mur face à eux, était relié à l'immense fermeture par un système de poulies. Il faudrait sans doute un homme d'une certaine force pour l'activer, mais le mécanisme semblait être pensé pour maintenir la porte levée tant que personne ne réactivait pas l'interrupteur. Etonnamment, l'endroit était bien plus lumineux que ce qu'ils avaient vu jusque là. La lumière du sort d'Anastasie semblait se refléter sur toutes les parois, faites de pierres blanches, leur permettant d'observer l'intégralité de la pièce sans difficulté.

« C'est là que les choses sérieuses commencent, » prévint la jeune femme.

Tous la regardèrent sans comprendre, la forçant à s'expliquer.

« La porte n'est pas de la même pierre que tout le reste, et tout ça semble... entretenu. Le mécanisme semble fonctionnel et il y a des traces de frottements sur le levier. »
« Et alors ? » demanda Albert.
« Et alors pourquoi rajouter une porte si ce n'est pour empêcher quelque chose de sortir ? »

Tous déglutirent bruyamment et un silence pesant prit place dans le groupe.

« Si vous êtes prêts, j'aurais besoin d'un homme assez fort pour tirer le levier. »

Des regards s'échangèrent pendant quelques secondes avant que Johan ne s'approche de la porte et n'attrape l'interrupteur à deux mains. Il sembla forcer un petit moment sans succès, mais lorsque la fermeture se souleva finalement elle n'opposa plus beaucoup de résistance jusqu'à atteindre son point culminant, laissant largement la place aux plus grands d'entre eux de passer. Lorsqu'il lâcha enfin le levier, les freins firent leur travail et la porte resta suspendue à quelques mètres du sol, retenue par quelques poulies fermement fixées.

Derrière se tenait une pièce proche de celle dans laquelle ils se trouvaient actuellement. En traversant, ils purent se rendre compte que le balcon sur leur gauche continuait bien tout le long de la pièce, et semblait même continuer dans la suivante. La salle était un peu plus longue que la précédente, mais toute aussi haute et large. Il n'y avait aucun escalier dans celle-ci, mais elle était néanmoins bien plus remplie ; sur leur droite, en effet, se trouvaient une dizaine de sarcophages de pierre vides, exposés au pied d'une grande statue de ce qui ressemblait à une représentation de Phaïtos.

« On a passé les pauvres, je suppose qu'on arrive chez les riches, » murmura Anastasie.

Face à eux, une porte en bois bien plus entretenue que les précédentes et de taille plus raisonnable que la stèle qu'ils venaient de dépasser les empêchait de voir plus loin, mais toujours pas de trace de danger particulier.

« C'est bien trop calme, » déclara Albert, formulant à voix haute le sentiment général.

Et pour cause, ils n'avaient pas vu de danger particulier depuis les squelettes sans force de l'aile gauche. Quelque chose leur disait que ça n'allait pas durer ; c'était cliché, mais un vieux proverbe marin disait que c'était toujours le soudain calme qui annonçait une tempête imminente. Alors, certaine que la dite tempête arrivait, Anastasie sortit ses fioles de fluide de lumière et en ouvrit trois, dont elle ingéra le contenu l'une après l'autre. Encore une fois, une sensation étrange traversa son corps alors qu'il assimilait cette nouvelle source d'énergie, mais il en était plus qu'habitué maintenant, et l'impression disparut rapidement.

« Eh bien, » fit Anastasie. « Jetons nous donc dans la gueule du loup. »

Et sans plus attendre, le reste du groupe sur les talons, elle s'approcha de la porte en bois, raffermit sa prise sur sa rapière et actionna la poignée. Cependant, lorsqu'elle ouvrit brusquement le battant, révélant une pièce moins large mais surtout moins haute que la précédente, et à la pierre brunâtre beaucoup plus sombre, seul le calme l'accueillit. Il n'y avait rien derrière. Rien d'autres que quelques statues de taille humaine et un autel. Et, au fond, une unique sortie, plongée dans la pénombre malgré la boule lumineuse qui tentait vainement d'en percer les secrets. Prudemment, Johan et Anastasie entrèrent dans la salle, arme toujours en main, et bientôt tout le groupe fut à l'intérieur. Mais lorsqu'Edric, fermant la marche, eut franchi le seuil, la porte se referma seule, poussée par quelque mécanisme. Et lorsque Johan, trop occupé à regarder face à lui pour faire attention où il mettait les pieds, marcha sur une plaque de pression au sol, une barre de métal vint verrouiller leur unique retraite. Et c'est à ce moment là que la porte face à eux, cachée dans l'ombre, s'ouvrit, déclenchant le chaos.

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MessagePosté: Jeu 20 Oct 2016 12:21 
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((( [:attention:] Un peu glauque, assez sanglant [:attention:] )))



Sortie des ombres, une créature immonde fonça droit sur Anastasie, qui ne dut sa survie qu'à l'intervention de Johan qui s'interposa au dernier moment, prenant un magistral coup de main dans le plastron. Doté d'une puissance prodigieuse, le monstre enfonça violemment la protection de métal dans l'abdomen du lieutenant, le propulsant par la même en arrière, droit sur la Comtesse qui prit le corps de son second de plein fouet et tomba sous le choc, une masse inerte de cent kilogrammes sur elle. Prise de vertiges, le souffle coupé, elle dut rassembler ses forces pour faire basculer Johan sur le côté et ainsi se libérer, mais sa tête tournait encore dangereusement et de violentes nausées commençaient à se faire ressentir, sans parler des contusions que son armure de cuir n'avaient fait qu'amoindrir après une tel impact. Lorsqu'elle fut de nouveau sur ses pieds, une vision d'horreur l'accueillit. La créature, un humanoïde grisâtre de plus de deux mètres pourvu de quatre bras, de deux têtes et d'une longue queue, était accompagnée de toute une horde d'autres monstres, des bestioles de taille humaine à la gueule pendante et aux griffes acérées. C'était la meute de goules, menée par une goule à deux têtes, l'une des créations les plus répugnantes mais aussi les plus dangereuses de Herle Krishok. Et elles faisaient un carnage parmi les siens. Car les mages, trop occupés à se débarrasser des plus petits qui les attaquaient sans relâche, laissaient les trois autres guerriers encore debout se défendre vainement contre le plus gros.

Une goule, voyant qu'Anastasie était de nouveau debout, s'approcha d'elle, l'empêchant d'intervenir pour réorganiser ses hommes. Elle était encore sonnée et elle dut s'y reprendre à plusieurs fois pour venir à bout de son adversaire, pourtant relativement faible pour son niveau. Et lorsqu'elle trancha la tête de la créature pour relever les yeux sur la scène qui s'offrait à elle, il était déjà trop tard. Immensément plus fort que ses adversaires, le mort-vivant bicéphale avait envoyé paître Camille d'un simple coup de patte, avant d'arracher la gorge d'Edric d'un autre membre et d'exploser le crâne de Franklin sur l'une des statues d'un troisième bras. En une poignée de secondes. De leur côté, les mages peinaient à se défendre contre le nombre croissant d'opposants, et lorsque la goule à deux têtes se joignit à eux, ils furent décimés avant même qu'Anastasie n'ait le temps de se remettre de ses émotions. Une seconde elle s'élançait pour venir à leur secours, la seconde elle se baissait pour éviter la tête d'Albert, séparée du reste de son corps d'un simple revers de main. La scène était d'une horreur épouvantable. Ils n'avaient pas pénétré la pièce depuis une minute que tous étaient morts ou inconscients autour d'elle. Et bientôt, les visages de toutes les créatures se tournèrent vers elle. Anastasie, que la vision avait lessivée, reprit ses esprits lorsque la goule à deux têtes bondit sur elle, et se concentra pour faire appel à son dernier atout. Alors que le meneur des nécrophages allait lui tomber dessus, une onde lumineuse vint balayer tous les mort-vivants, qui reculèrent à travers la pièce et se cachèrent où elles purent, terrorisées par la soudaine aura. Elle avait donné toute la puissance dont elle était capable dans cette technique, et même le plus puissant de ses ennemis était effrayé.

Utilisant le temps ainsi gagné pour sauver les dernières personnes encore vivantes, elle s'attaqua immédiatement à la porte de bois qui barrait leur retraite. Nul doute que l'autre côté était un traquenard, peut-être même une pièce sans issue, étant donné que toutes les créatures étaient amassées juste derrière. Mais elle avait beau assaillir de coups de talon la porte, elle ne faisait qu'éclater de petits morceaux de bois et était bien loin d'arriver à un trou suffisamment grand pour faire passer un corps humain au travers. Derrière elle, un bruit de métal attira son attention, et elle se tourna pour apercevoir Camille qui attrapait la claymore de Johan et s'approchait de la goule à deux têtes.

« Non ! » ordonna-t-elle. « Elle est trop résistante pour ça, il faut fuir ! »

La jeune femme sembla hésiter quelques fractions de seconde, mais acquiesça finalement et s'approcha de sa supérieure. Celle-ci s'écarta pour laisser la brune défoncer la porte à grands coups de sa lourde épée et entreprit de l'aider avec sa magie. Concentrant toute sa puissance dans sa paume, elle visa la partie la plus craquelée du bois, qui explosa littéralement sous l'impact du trait de lumière. Ayant ainsi creusé un trou suffisamment gros, Anastasie bondit au côté de Johan, qu'elle espérait être encore en vie et entreprit, avec l'aide de Camille, de le soulever. Tous les autres étaient tout à fait visiblement morts, décapités, démembrés ou les tripes pendouillant à l'extérieur de leur corps, mais elle voulait sauver ceux qui avaient encore une chance. Avec difficulté, même à deux, elles soulevèrent donc le corps inerte du grand blond pour le passer à travers la porte. Mais derrière, Anastasie entendait déjà la goule à deux têtes, moins farouche que ses compères, qui retrouvait son aplomb. Lorsque Johan fut passé de l'autre côté, elle poussa la seconde survivante à travers l'ouverture pour lui signifier de passer avant elle et fit face à la créature qui semblait de moins en moins effrayée par son aura lumineuse. Relevant de nouveau sa main, paume dressée, elle concentra encore une fois toute sa puissance magique et tira en plein dans l'un des deux visages du nécrophage, qui reçut le sort de plein fouet. La Lumière, son point faible, brûla une partie de sa peau, lui arrachant un hurlement ignoble, mais l'attaque ne fit gagner qu'une poignée de secondes à la théurgiste, tant le monstre bicéphale était résistant. Elle ne dut son salut qu'à la main de Camille, qui l'agrippa par derrière pour la tirer à travers le trou. Les jambes de la jeune femme s'accrochèrent aux morceaux de bois détruits qui formaient la partie basse de l'ouverture, mais son pantalon se déchira une seconde avant que la créature ne lui arrive dessus, la libérant et la faisant tomber de l'autre côté de la porte alors que la main de la goule à deux têtes passait à quelques centimètres de son pied.

Une fois hors de sa portée, Anastasie et Camille, sur laquelle elle était tombée, se relevèrent et entreprirent de soulever de nouveau le corps inerte de Johan.

« Il faut arriver de l'autre côté de la porte en pierre, » fit la Comtesse entre ses dents, en rassemblant toutes ses forces pour porter le grand blond.

Derrière elles, la goule à deux têtes tentait de traverser par le même trou qu'elles avaient utilisé, mais ses bras inférieurs rendaient son corps trop large, ce qui leur laissa assez de temps pour lever Johan et passer ses bras sur une épaule chacune. Le tenant ainsi par la taille, elles se dirigèrent le plus vite possible vers la salle précédente, où elle pourrait se mettre à l'abri si elles réussissaient à abaisser l'immense stèle. Mais elles pouvaient entendre le nécrophage défoncer la porte à grands coups de pattes derrière elle, et ainsi affublées d'une charge de près d'une centaine de kilogrammes, leur vitesse était grandement réduite. Elles parvinrent néanmoins de l'autre côté avant qu'il ne finisse de complètement détruire la porte et, lâchant le corps du second, elles sautèrent toutes deux sur le levier pour tenter de le relever et ainsi se couper de toutes les infâmes créatures qui s'engouffraient maintenant à l'intérieur de la pièce qu'elles venaient de quitter. Mais la barre était bloquée, sans doute intentionnellement, et elle avaient beau pousser de toutes leurs forces à deux, il n'y avait rien à faire. Agile et vif, la goule à deux têtes s'approchait du groupe de rescapés à une vitesse prodigieuse et serait sur elles en quelques secondes. Alors, s'écartant du levier, Anastasie releva son bras et visa l'un des freins qui permettaient à la stèle de rester suspendue. Un éclair de lumière jaillit de sa paume et vint détruire sa cible, ce qui entraîna la chute de l'immense porte de pierre, qui écrasa un bras du monstre bicéphale qui tentait de traverser au même moment. Un nouveau hurlement atroce se fit entendre de l'autre côté, alors que le bras, séparé du reste du corps, gigotait lugubrement au sol. La Comtesse planta Perçombre dans celle-ci, la stoppant définitivement, puis, dans un long soupir, se laissa glisser à terre.

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MessagePosté: Jeu 20 Oct 2016 12:21 
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Anastasie était épuisée, autant physiquement qu'émotionnellement. Elle venait de perdre cinq personnes en l'espace de quelques secondes et avait des difficultés à l'admettre. Comment pouvaient-ils tous mourir aussi... facilement ? Elle avait juste eu le temps de tuer une goule, de lui donner quelques coups d'épées, et deux personnes étaient mortes. La seconde d'après elle fonçait sur leur adversaire, mais il était déjà trop tard. Puis elle avait juste eu le temps d'esquiver un crâne humain, celui de l'un de ses hommes, celui d'une personne qu'elle avait côtoyée pendant plus d'une semaine, avec qui elle avait discuté et échangé des repas, et c'en était fini de tous les autres. Elle avait du mal à réaliser. Son corps, pour autant, semblait se rendre compte de la violence que représentait une telle perte, un tel échec, car de puissants sanglots montèrent dans sa gorge. Ils n'étaient que trois survivants. Mais, étaient-ils bien trois ?

« Chef, il ne respire plus ! » l'interpella Camille.

Aussitôt Anastasie se redressa, oubliant ses larmes. Elle n'avait effectivement pas encore vérifié si Johan avait survécu.

« Retourne-le ! » ordonna-t-elle.

Le tournant sur le ventre, elles entreprirent immédiatement de délacer son plastron avant de le retirer. Puis, le remettant sur le dos, la jeune femme appliqua son oreille sur le torse du grand blond, cherchant en vain un signe de vie. Mais il n'y avait rien à faire, son cœur s'était arrêté.

« Non ! » s'énerva-t-elle, posant ses deux mains sur le buste de son second.

Elle n'avait plus beaucoup de réserves de magie, mais elle devait essayer. Mais... Ses sorts de soin fonctionneraient-ils ? Ils étaient efficaces pour aider à ressouder des os, pour refermer des plaies et apaiser des contusions, mais pourraient-ils relancer un cœur à l'arrêt. Réunissant ses fluides dans ses paumes, la jeune femme envoya toute la puissance magique dont elle était encore capable dans son sort régénérateur le plus efficace, droit sur son organe vital... Sans effet.

« Ecartez-vous ! » fit Camille avant d'enfoncer ses poings le plus fort possible sur la poitrine de Johan.

Mais elle avait beau frapper et frapper, le cœur ne semblait pas vouloir reprendre son rôle.

« Mais faites quelque chose ! » s'énerva-t-elle auprès d'Anastasie.
« Mais quoi ?! Quoi ?! » répondit l'intéressée, au bord des larmes. « Je ne suis pas Gaïa, je ne redonne pas vie aux gens ! »

Pour autant, elle refusait d'abandonner. Elle ne savait que faire, elle ne savait comment le sauver mais... elle refusait de simplement accepter sa mort. Après toutes ses pertes, après ce qu'elles avaient enduré pour le mettre à l'abri, elle ne pouvait tout simplement pas le laisser mourir comme ça. Et puis, au cours de ce voyage, il était presque devenu un ami pour elle. Fidèle et attentionné. Elle refusait de simplement le laisser partir.

« Ecarte-toi ! » fit-elle finalement, une nouvelle idée en tête.

Puis elle attrapa la gourde qu'elle portait à la ceinture et la porta à ses lèvres, absorbant une potion de magie qu'elle avait préalablement versée dans le récipient magique. Elle sentit ses fluides se régénérer à une vitesse impressionnante, redonnant de l'énergie à cette source magique cachée quelque part en elle.

Elle commençait à connaître le procédé à force de l'expérimenter. Posant ses deux mains sur le torse de Johan, au niveau du cœur, elle ferma les yeux et se concentra, rentrant dans cet état de semi-transe qui commençait à devenir si facile à atteindre pour elle à force d'expériences. Cet état second dans lequel le temps n'avait plus de prise, dans lequel elle pouvait manipuler à sa guise sa magie et la façonner pour lui donner la forme qu'elle voulait. Et en ce jour, penchée au-dessus de son lieutenant, de son ami, elle savait quelle forme donner à ses fluides. La forme d'une onde magique surpuissante, qui se répandrait dans l'intégralité du corps de Johan. Qui redonnerait de la vigueur, de la vie, à chacun de ses muscles, chacun de ses nerfs. Mais, avant tout, qui redonnerait la force de battre à son cœur. Et c'est là qu'elle concentrerait la majeure partie de sa puissance. Alors, visualisant une grosse boule lumineuse comme sa source de magie, comme la provenance de ses fluides, elle extirpa une partie de la puissance présente et lui donna la forme voulue. Le sort partirait de ses paumes et se répandrait doucement mais puissamment dans le buste du grand blond. Puis elle passa à la seconde étape, le dessein. La magie devrait rétablir le fonctionnement de tous les muscles de Johan, les remettre tous en activité, à commencer par le cœur et tous les organes les plus importants. Elle les visualisa reprendre leur mouvement après que l'énergie ait pénétré le corps de son ami. Puis, tous les éléments en sa possession, elle rouvrit les yeux et mit ses fluides en action. Cela ne faisait pas plus d'une seconde qu'elle les avait fermé, mais elle avait le sentiment que ça faisait une éternité. Elle relâcha sa magie, qui se forma exactement comme elle l'avait décidé, qui exécuta exactement les mouvements qu'elle avait décidé, qui accomplit exactement les desseins qu'elle avait décidé. Et la seconde d'après, posant son oreille sur le buste de Johan, elle sentit son cœur repartir, provoquant un large sourire sur son visage auparavant défait. Mais le rictus de joie ne dura pas plus longtemps que cela, car aussitôt le cœur redémarra-t-il qu'il s'éteignit de nouveau, laissant un sentiment d'injustice à Anastasie. Pourquoi ?! Elle avait tout fait comme il faut, elle avait relancé son cœur, pourquoi ne revivait-il pas ?! Elle tenait ses pouvoirs de Gaïa elle-même après tout, elle en avait le sentiment le plus profond, alors pourquoi ne pouvait-elle pas combattre la mort ? C'était injuste !

« J'ai tout fait comme il faut ! » s'énerva-t-elle, frappant le corps inanimé de son second, des larmes coulant le long de son visage déformé par la rage et la tristesse.

De son côté, Camille l'observait d'un air défait ; elle avait déjà abandonné. Mais pas Anastasie. Elle avait relancé son cœur, il n'y avait aucune raison pour qu'elle ne puisse pas le sauver ! Elle ne savait pas ce qui manquait, mais elle savait qu'il manquait quelque chose, quelque chose qui achèverait la résurrection, quelque chose qui l'obligerait à reprendre vie même si son corps avait déjà abandonné ! Et c'est à cette pensée qu'elle réalisa. Elle avait tenté de redonner vie à son corps, mais son âme aussi était partie. C'était son âme qui avait besoin d'être soignée, tout autant que ses organes.

Prise d'une nouvelle inspiration, elle posa ses mains sur le buste de Johan et retourna dans sa transe magique. Puis elle fit tout comme précédemment. Elle imagina la forme de son sort, qui se répandrait tout le long du corps de son second. Elle imagina le dessein, qui redonnerait de la force à ses organes. Mais en plus de cela, elle se concentra pour donner une nouvelle portée à sa magie. En plus de se répandre dans le corps de son patient, ses fluides parcourraient la salle à la recherche de son âme. En plus de redonner de la puissance à ses organes, ses fluides lui redonneraient la volonté de vivre. Ils lui donneraient la volonté de combattre l'appel de Phaïtos et de rentrer dans son enveloppe charnelle, de reprendre possession de sa carapace terrestre. De gré ou de force, elle rappellerait cette âme dans son corps et lui redonnerait toute l'énergie nécessaire à sa survie. Puis, rouvrant les yeux encore une fois, elle laissa échapper son sort. Et, comme elle l'avait visualisé, comme elle l'avait imaginé, ses fluides se répandirent non seulement dans le corps de Johan mais également dans toute la pièce, les enveloppant dans une douce atmosphère. Et, comme elle l'avait visualisé, comme elle l'avait imaginé, ses fluides redonnèrent non seulement de la puissance à ses organes mais également à son âme, redonnant à l'entièreté de son être l'envie de combattre, l'envie de vivre. Et la seconde d'après, Johan se redressa vivement en inspirant avec force, à la recherche d'air, faisant sursauter aussi bien Camille qu'Anastasie.

Laissant couler des larmes non plus de rage et de peine mais de joie, Anastasie se jeta au cou de son second, qui semblait aussi désorienté que faiblard. Il peinait à retrouver son souffle, mais il était clair que sa vie n'était plus du tout en danger. De son côté, la jeune brune ne se départait pas de son masque d'incrédulité, les yeux écarquillés et la bouche entrouverte.

« Je... J'étais mort, » réalisa enfin Johan, aussi surpris qu'elle. « Je me sentais partir pour les enfers... J'étais vraiment mort ! »

Il regardait Anastasie dans les yeux, comme craignant qu'elle ne le croit pas. Mais celle-ci secoua la tête, ne cachant plus ses pleurs.

« Maintenant tu vis, c'est tout ce qui compte, » murmura-t-elle.

Elle était toujours triste que tous leurs autres compagnons soient morts, évidemment, mais sa résurrection était une grande victoire pour elle. Premièrement parce que chaque vie sauvée, après un tel drame, se devait d'être source de réjouissance ; deuxièmement parce que de tous ses compagnons, il était de loin celui avec lequel elle avait le plus eut le temps de sympathiser. Une vague de culpabilité l'assaillit à cette pensée : comment pouvait-elle ainsi hiérarchiser l'importance de leur vie à chacun ? Mais elle ne pouvait vraiment le contrôler ; elle l'appréciait beaucoup et était heureuse qu'il soit encore là.

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