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 Sujet du message: Le Moulin du vieux Molo
MessagePosté: Lun 27 Oct 2008 09:59 
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Le Moulin du vieux Molo


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dessin fait par Lothindil


Le moulin du vieux Molo se dresse sur la colline où il a été construit depuis près de deux-cents ans. Fait de bois de noisetier et de chêne, il a une apparence bancale malgré sa solidité qui n'est plus à prouver. Il a failli être détruit par une effroyable tempête qui l'a entouré l'année passée. Résistant aux éléments, il reste toujours là, tel une statue bénie des dieux.

Il appartient aux Molos, vieille famille de hobbits qui l'a construit. Ils se le donnent de père en fils. Malheureusement, le vieux Molo, dernier de la famille, est sur le point de mourir. Il n'a aucun héritier. Il reviendra certainement aux Otokos ou aux Nagos qui se le disputent.

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 Sujet du message: Re: Le Moulin du vieux Molo
MessagePosté: Mar 12 Nov 2013 19:17 
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Lentement j’ai repris le rythme de marche au travois. Les bretelles de cuir rembourrées de laine ont trouvé leur place dans les creux de mon manteau et des muscles de mes épaules ; mon pas s’est allongé, adapté à la traction que je dois imposer au sommaire traineau de bois derrière moi. Les chemins conviennent très bien aux grossiers arrondis que j’ai taillés au bout des branches de support qui raclent contre le sol. Malgré la fraîcheur de l’après-midi d’automne je sens déjà la chaleur de l’effort envahir mes muscles et une fine pellicule de sueur se former entre ma peau et ma chemise de lin. Et ce n’est que le début.

La campagne aux alentours de Shory a pris des teintes chaudes, les premières gelées ont épargné les vignes, quelques grappes attendent encore les vendanges tardives, voire les vendanges de glace, tardives sur ces coteaux ensoleillés, protégés par la côte proche et les vents plus cléments de l’océan qui combattent les vagues de froid dévalant du Nord. Nul doute que leurs vins, liqueurs et alcools blancs sont réputés sur tout le continent et probablement au-delà : l’eau de vie de mûre sauvage que m’a servi le vieux Viki est à elle seule un véritable trésor, une ode au parfum et à l’ivresse, une boisson à vous réchauffer le cœur et le corps, tout en vous déliant la langue. Voilà pourquoi je me suis contenté d’un verre guère plus volumineux que mon pouce, un seul. J’ai remercié le vieux Sinari pour son hospitalité puis je suis parti : parfois, il vaut mieux que le cœur reste aussi froid que le corps, et la langue nouée derrière la barrière des dents. Il y a des années j’ai été honnête avec lui, je lui ai tout raconté. Tout. Loin de me rejeter, il m’a accordé sa confiance et a poussé ses voisins à ne pas me craindre, me fuir, mais au contraire à se montrer amical. Il ne fait aucun doute à mes yeux que mes bonnes relations avec les Sinaris de Shory sont en bonne partie dues à sa verve et à sa capacité de persuasion. Je le soupçonne d’être un personnage plus profond et sage qu’il ne le laisse penser derrière son rôle de vieillard un peu égrillard, malicieux et légèrement sénile.

Le moulin du vieux Molo se découpe devant moi, aussi piteux en apparence que la première fois que je me suis aventuré sur les Sinaris, mais encore debout contrairement à toutes mes prévisions quant à son avenir. Dix ans qu’il tient debout… Plus je le vois, plus je me dis qu’il me survivra peut-être. Son actuel propriétaire est assis sur un banc au soleil, dos au un mur, emmitouflé dans une peau de mouton, tirant de longues bouffées sur sa pipe de bruyère – son seul vice à ma connaissance.

« Jager ! C’est vous ! »

« Oui maître meunier. C’est moi. »

« Je me disais bien… le travois, de loin… mais ma vue baisse, alors je demande toujours. Ah ! Jager ! Combien de temps cela fait ? »

« Deux ans je crois. Je ne me suis pas arrêté la dernière fois, il commençait déjà à neiger quand je suis descendu… »

« Ah oui, c’est vrai. Alors pourquoi êtes-vous venu voir un vieux Sinari comme moi aujourd’hui ? Quand même pas pour entendre mes vieilles histoires ? A moins que… J’espère que vous ne vous êtes pas laissé prendre la tête par ces buses de Nagos ou d’Otokos ? »

« Non, non, rassurez-vous, je me tiens loin de leurs querelles. C’est précisément pour vos histoires que je suis venu vous trouver. Pour une en particulier pour être tout à fait honnête… »

« Mes histoires ? Vous m’intriguez Jager… »

« Plus tôt dans la journée j’ai été invité à déjeuner par maître Viki… »

« Ah ! Vous êtes bien sobre pour un gaillard qui a déjeuné avec ce trompe la mort de Grutgont ! »

« J’ai été assez ferme dans mes refus… Enfin il m’a parlé d’une histoire que vous pourriez me raconter. Celle d’Aaron le Martyr. »

« Aaron le Martyr… Oui, je la connais comme tous les gens de mon âge qui ont assisté à toutes les fêtes du bourg, et entendu de nombreuses fois les conteurs de passage faire le récit de la défense héroïque du village face aux Garzoks. Ca plait à la moitié des enfants, ça donne des cauchemars à l’autre moitié, et ça fait boire les miliciens comme des puits sans fond ! Trois chopines plus loin, tous les gars en âge de tenir une épée et qu’en ont une au dessus de leur cheminée vous expliquent qu’y z’auraient aimé y être pour montrer comment y z’auraient défendu le visage ! Ah ! Tu parles ! Le premier Garzok qui pointe son nez et ils iront tous se terrer dans leur trou, et empiler tout l’mobilier devant les portes et les fenêtres, laissant leurs gosses, leur femme et leur mère dehors ! Pouah ! Moi j’les vois, l’hiver, les Sektegs qui viennent rôder le soir dans la plaine ! Moi j’ai pas peur et… »

« Je suis bien d’accord avec vous. Je connais l’histoire, on me l’a raconté quand j’étais tout gamin. Mon père était bûcheron, et je l’ai été quelques années durant… Maître Viki ne parle pas sans réfléchir, je crois qu’il m’aurait envoyé voir le barde s’il avait voulu que j’entende l’histoire telle qu’on la raconte aux veillées. »

« Qu’est-ce qu’il vous a dit d’autre, le Vieux ? »

« Je… Je n’ai pas bien compris. On parlait… Aaaah, ma mémoire m’abandonne déjà… On parlait de rentrer chez moi, un jour, en Ynorie, et puis il m’a parlé d’Aaron le Martyr. Je crois que c’est ça… »

« Ah… Vous êtes Ynorien ? »

« A demi seulement… »

« Voilà un truc qu’il ne m’a jamais dit… Enfin, je suppose qu’il devait avoir ses raisons. Mais maintenant que vous me dites ça, j’crois que je sais où il voulait en venir. Comment on vous racontait l’histoire quand vous étiez môme ? »

« J’ai entendu un barde une fois, chanter une vraie chanson, en vers. Une longue chanson, le chant d’un combat. »

« L’avancée des Garzoks dans la plaine. Le discours d’Aaron. L’organisation de la défense. La hache d’Aaron. Le bouclier d’Aaron. Le casque d’Aaron. Et puis un jour, une nuit, neuf fois, et enfin le dernier jour et le dernier combat. Le dernier cri d’Aaron, et sa promesse de revenir se venger, et de rebâtir. C’était bien les différents chants qu’a entonné le conteur ? »

« Oui… C’est bien possible… Ca doit être ça… Tout ça est si loin… »

« Imaginez donc pour moi ! Vous savez, si Grutgont vous a conseillé de venir me voir, c’est que lui et moi on partage… Comment dire ça ? Un secret de famille ? Non, c’est un peu pompeux. Oh, une vieille histoire, ça c’est certain. »

En prenant la route du moulin, j’espérais trouver des réponses, mais la conversation avec le meunier me plonge dans une perplexité plus profonde encore. Ses derniers mots me laissent à penser que je m’approche peut-être de la révélation, si véritable révélation il y a ! Pour l’instant, je peux légitimement douter, et m’imaginer que les années ont chamboulé l’esprit et la mémoire des deux vieux Sinaris, et qu’ils m’entraînent dans l’errance de leur folie douce. Les mains ridées de Molo serrent un peu plus les pans de la peau de mouton sur ses épaules, le veines bleues roulent sous la peau tendue alors que l’accès à ce corps frêle est interdit au vent d’ouest. Soudain je me demande si un jour, comme lui, je pourrai m’asseoir contre un lieu où je serai chez moi jusqu’à ma mort, si j’aurai seulement la possibilité de vieillir ? Dans le monde où je vis les vieux membres d’un groupe sont les premiers à être abandonnés aux prédateurs, et le prédateur qui ne peut plus chasser ne peut attendre guère plus de considération… Un faux pas, une erreur et je peux me retrouver blessé dans les montagnes, pris sous un glissement de terrain, coincé au fond d’un crevasse les deux jambes brisées… Alors j’agoniserai lentement, j’attendrai la mort car personne ne se mettra à ma recherche.

« … ce que disait mon père, mais il se faisait vraiment vieux ! »

« Je vous demande de bien vouloir m’excuser… J’étais… ailleurs. »

« Vous n’irez pas dire que je radote ! Je disais que ce que je voudrais vous raconter je ne l’ai appris que tard, par mon père qui a contribué à bâtir ce moulin avec son propre père, mon grand-père en somme. Sur la fin, il nous a raconté l’histoire d’un bûcheron, Ynorien justement. Un gars de passage, célibataire, qui voulait se constituer un petit magot histoire d’épouser un joli brin de femme. Alors il allait de village en village pour proposer ses services, il faisait un chantier et repartait une fois les sous en poche. Shory… Shory c’est un peu le bout du monde pour nous, et sûrement pareil pour un Ynorien. Il est reparti au nord, et nous a dit qu’il reviendrait probablement voir la construction et manger un peu du pain fait avec la farine du moulin, quand il entamerait le chemin du retour. On ne l’a jamais revu. Après ça veut rien dire, il a pu prendre un autre chemin. »

« Il est Ynorien, d’accord, mais quel rapport avec Aaron ? »

« J’y viens, j’y viens. Ce bûcheron, il a abattu les chênes qui ont servi à bâtir ce moulin. Un bon vivant qu’y disait mon père. Un soir, il paraît qu’ils ont profité un peu plus que de coutume d’un petit vin d’chez nous. Enfin de fil en aiguille, mon grand-père a voulu soulever la hache pour fendre un tabouret je crois – eh oui, un tabouret… un joyeux buveur le grand-père ! – et le plus étonnant, c’est qu’il a réussi ! Un truc s’est emparé de lui quand il a saisi la hache… Il a pas pu l’expliquer. Et quand il a demandé au bûcheron, il lui a dit que la hache se transmettait dans sa famille de père en fils, tous bûcherons : la hache d’Aaron. »

« Incroyable. Et vous pensez que c’est vrai ? »

« Mon père, mon grand-père et ce bûcheron étaient ronds comme des barriques ! Vous avez oublié ce moment là de l’histoire ? Le vin a dû donner un peu de feu au corps de mon grand-père, et puis l’Ynorien a sans doute voulu impressionner deux Sinaris bien crédules ! »

« Alors pourquoi maître Viki m’a envoyé auprès de vous pour que vous me racontiez ça ? »

« Ben Grutgont… Il sait des choses que je sais pas, c’est vrai. Il croit que les légendes c’est plus que des légendes, et que les artefacts dont parlent les chansons, les épées légendaires, les arcs magiques, les armures, les bottes, et tout, ça existe. Moi je sais pas. Il a lu des bouquins que j’ai pas lus, quand il était jeune, il a voyagé. Moi j’ai jamais quitté mon moulin, et ici il y a pas plus d’objet magique que de diamant au cul d’une poule. Et de toute façon, ce gars a disparu il y a quoi… Deux cents ans ? Mort de faim, de maladie, dans un fossé, dans la forêt des elfes, dans les montagnes ? Courir après un type dans le vaste monde c’est déjà pas à la portée de n’importe qui, mais un mort se cache encore mieux qu’un vivant, surtout quand ceux qu’ont pu le voir passer son mort. Un mort ça bouge pas, même avec des fourmis dans la culotte. Croyez moi Jager, oubliez cette histoire, c’est peut-être encore une des idées de Grutgont – pédagogie qu’il appelle ça ! – et quand vous reviendrez d’avoir couru et ratissé les royaumes pendant une décennie, et que vous irez le voir pour lui dire que vous avez rien trouvé, il va vous sourire avec son air d’en savoir long, et vous répondra que vous avez trouvé quelque chose sur vous-même. Ah, il est pas net le bonhomme sur ces choses là ! Non mon gars, vous devriez plutôt rentrer chez vous, ou plutôt vous installer par ici. Ca vous tenterait pas de reprendre le moulin ? C’est pas un boulot à plein temps, vous auriez encore le loisir de chasser, et tout. La vie est plus douce ici que sur les montagnes. Non ? »

« C’est vrai. Je réfléchirai à votre proposition, maître meunier. Merci beaucoup d’avoir accepté de me raconter l’histoire de votre grand-père. Je prendrai en compte vos remarques concernant la… pédagogie de Maître Viki. La route est encore longue jusqu’aux montagnes. J’aimerais bien avancer et trouver un abri avant que la nuit tombe. »

« Sage décision. Eh bien bon voyage Jager ! Revenez nous vite et en bonne santé. Et passez la prochaine fois, j’ignore si j’ai encore assez d’années devant moi pour vous saluer ainsi tous les deux ou trois ans ! »




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